EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 27 JUIN 2018

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M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Devant la persistance d'une crise du logement - malgré les nombreux textes votés au cours des dix dernières années - le Gouvernement a déposé un projet de loi destiné à adapter le logement aux besoins actuels et à libérer les contraintes pesant sur le secteur de la construction. Composé initialement de 66 articles, avant que l'Assemblée nationale n'en ajoute près de 120, il est organisé en quatre titres, ayant respectivement pour objet de construire plus, mieux et moins cher selon une logique de « choc d'offre » - on peut bien sûr s'interroger sur la compatibilité entre ces trois objectifs ; d'accompagner les évolutions du secteur du logement social ; de répondre aux besoins de chacun et de favoriser la mixité sociale ; et d'améliorer le cadre de vie.

Un certain nombre des dispositions sont susceptibles d'avoir un impact sur la qualité architecturale, l'exercice de la profession d'architecte et la préservation du patrimoine. C'est pourquoi notre commission s'est saisie pour avis de onze articles ou parties d'articles (car certains sont très longs) : l'article 1 er bis , le V de l'article 3, l'article 3 bis , le III de l'article 5, l'article 5 septies , l'article 15, l'article 18 A, l'article 20, les V et VI de l'article 28, l'article 34 et l'article 54 bis A.

La simplification des normes occupe une place importante dans la stratégie proposée par le Gouvernement pour créer un choc d'offre. Les deux premiers titres du projet de loi comportent ainsi plusieurs dispositions qui visent à simplifier les normes et les procédures d'urbanisme pour donner aux entreprises et aux acteurs la capacité d'inventer des solutions nouvelles, de réduire les délais de production de logements et de construire et rénover davantage et d'accélérer les délais.

Le projet de loi modifie ou assouplit plusieurs dispositions destinées à favoriser la création architecturale et la protection du patrimoine, y compris certaines sur lesquelles le Parlement s'est prononcé il y a moins de deux ans, dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), sur la base d'un accord en commission mixte paritaire et après deux lectures dans chaque assemblée.

Certaines de ces modifications ne posent pas vraiment problème, car elles s'inscrivent plutôt dans la continuité de la LCAP : je songe au « permis d'innover » à l'article 3 bis . D'autres, en revanche, entrent davantage en contradiction avec notre récent vote : changements apportés aux règles d'élaboration du projet architectural, paysager en environnemental (PAPE) d'un lotissement par l'article 1 er bis ; inversion de la valeur à accorder au silence du préfet dans le cadre d'un recours contre de l'avis de l'Architecte des bâtiments de France (ABF), dérogations à l'obligation de recourir à un architecte pour un projet architectural soumis à permis de construire, dispense de concours d'architecture pour les bailleurs sociaux.

Plus grave encore, le texte instaure de multiples dérogations à des principes fondamentaux de notre législation en matière d'architecture et de patrimoine. La loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique (MOP) fixe depuis 1985 les principales règles de droit de la construction publique. Des exceptions et dérogations sont ici prévues : dans le périmètre des opérations d'intérêt national (OIN) et des grandes opérations d'urbanisme (GOU) ; en faveur des concessionnaires d'une opération d'aménagement ; au bénéfice des bailleurs sociaux ; ou encore pour faciliter le recours aux marchés de conception-réalisation. Lorsque l'autorisation reste circonscrite à la construction des ouvrages pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), elle est plus acceptable, mais je regrette qu'elle soit présentée moins de six mois après le projet de loi sur les JOP !

En ce qui concerne le patrimoine, la principale difficulté réside dans les dérogations à l'avis conforme de l'ABF, sur les demandes d'autorisations d'urbanisme dans les espaces protégés au titre du code du patrimoine. L'article 15 autorise le passage à l'avis simple s'agissant de l'implantation d'antennes de téléphonie mobile et de la lutte contre l'habitat indigne, insalubre et en péril. Les personnes entendues craignent des conséquences graves sur la qualité de l'habitat et sur le patrimoine.

Car la législation existante avait été élaborée pour mettre un terme aux errements de l'après-guerre. La loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et la loi MOP de 1985 ont rompu avec la logique de reconstruction dans l'urgence (nous payons encore le prix de la piètre qualité des constructions). La loi Malraux de 1962 a mis en place des mécanismes pour protéger les centres anciens dégradés que les aménageurs, pressés par l'urgence, avaient systématiquement tendance à raser. Ces législations ont joué, depuis leur entrée en vigueur, un rôle remarquable dans la protection et la qualité du cadre de vie dans notre pays. La résurrection du Marais, la mise en valeur de Sarlat ou la restauration du vieux Lyon n'auraient pas été possibles sans la loi Malraux ; la qualité de nos constructions actuelles tient beaucoup à la garantie de qualité architecturale offerte par la loi de 1977 sur l'architecture et aux procédures de la loi MOP applicables aux maîtres d'ouvrage publics et aux prestataires privés. Abandonner ces principes serait une régression considérable, surtout si se mettent à proliférer des bâtiments au rabais, standardisés. Souvenons-nous des craintes exprimées autour de la « France moche » lorsque nous examinions la loi LCAP.

Le projet de loi fait primer l'objectif de construction de logement sur toute autre considération d'intérêt général afin de libérer les acteurs de la construction et du logement du carcan des normes. La lecture de l'étude d'impact ne laisse aucun doute à cet égard !

La préservation du patrimoine est une action qui s'inscrit dans la durée et qui s'accommode mal d'un cadre juridique mouvant. Quant à la remise en cause des règles de la loi MOP, elle pourrait affecter les collectivités territoriales et susciter leur frilosité pour la mise en oeuvre de projets d'urbanisme, face à l'irruption d'un cadre moins rassurant.

Les arbitrages opérés par le projet de loi au détriment de l'architecture et du patrimoine paraissent d'autant plus surprenants que, dans le même temps, la qualité urbaine et l'urgence de la rénovation urbaine sont des enjeux identifiés comme prioritaires, face à la nette dégradation des constructions réalisées dans l'après-guerre. C'est l'un des thèmes du rapport remis récemment par Jean-Louis Borloo au ministre chargé de la cohésion des territoires.

Sans doute le manque de concertation sur ce texte, en dépit de l'organisation de la conférence de consensus demandé par notre assemblée, est-il à l'origine de positions aussi tranchées. L'ordre des architectes s'est étonné de ne pas avoir été véritablement consulté, en dépit de modifications notables apportées tant à la loi de 1977 qu'à celle de 1985.

Je me suis fixé plusieurs lignes directrices pour améliorer le texte. S'agissant de l'architecture, j'ai essayé de m'inscrire dans le cadre tracé par la loi LCAP et de limiter les dérogations à la législation actuelle au strict nécessaire pour tenir compte de l'évolution des besoins du secteur depuis trente ans.

Sur le patrimoine, j'ai poursuivi le travail que nous avions amorcé il y a quelques semaines en examinant la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Je suis donc allé dans le sens d'un renforcement du dialogue entre l'ABF et les élus locaux et d'une amélioration des possibilités de recours, tout en supprimant des dérogations à l'avis conforme de l'ABF qui menacent la protection de notre patrimoine, et qui ont des conséquences irréversibles.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je vous proposerai de donner un avis favorable à l'adoption des dispositions de ce projet de loi qui intéressent notre commission.

M. Pierre Ouzoulias . - Merci au rapporteur pour la qualité de son rapport : je n'ai rien à y ajouter, je suis en phase avec ce qui a été dit. Plus largement, cette manière de légiférer en négligeant l'apport des corps intermédiaires, comme l'ordre des architectes, et en se passant du Parlement m'inquiète. Comment se limiter à une relation directe entre l'État et les constructeurs ? Cela n'a rien de démocratique et relève plus de décrets-lois que du travail législatif. On est renvoyé à une autre culture, à un régime tout césariste. La stratégie que propose le rapporteur a déjà très bien fonctionné concernant la rénovation des centres-bourgs, au prix peut-être d'une formulation complexe, mais complète. Je la soutiens !

Mme Dominique Vérien . - Nous suivrons le rapporteur. Il a remis l'église au centre du village, a écarté du texte les dispositions relatives aux bâtiments agricoles, qui n'ont rien à y faire, et restauré le rôle de l'architecte dans les grosses opérations d'aménagement. Appliquer les principes de la loi MOP est indispensable. Notre rapporteur a aussi refusé de généraliser les opérations de conception-réalisation, qui remettent en cause le principe de la séparation entre le maître d'oeuvre et l'entreprise. Certaines sont vertueuses, mais pas toutes ! La qualité des bâtiments pourrait en souffrir, or un immeuble de logement social est respecté s'il est beau, on le sait. L'assouplissement de la loi MOP que nous propose M. Leleux pour les bailleurs sociaux me convient : l'architecte est indispensable, mais tous ne sont pas performants dans le suivi de l'exécution. Les bailleurs pourront s'exonérer de la mission complète inscrite dans la loi MOP. Enfin, restaurer l'avis conforme de l'ABF me semble nécessaire.

Mme Sylvie Robert . - Je partage les propos du rapporteur sur l'architecture et le patrimoine. Construire plus, moins cher, plus vite, soit : mais il importe aussi de construire mieux et la loi de 1977 apportait toutes les garanties pour cela. Nous nous étonnons de trouver dans le texte une dérogation aussi profonde à la loi MOP, avec la suppression, pour les logements sociaux, du concours d'architecture, qui a pourtant une dimension à la fois symbolique (et propice à l'innovation) et politique. L'absence de concertation avec les professionnels nous dérange également. La dérogation aux lois Malraux, MOP et à la loi de 1977 aurait des conséquences désastreuses, dans la durée, pour la qualité de l'environnement et de l'architecture. La conception-réalisation telle qu'elle est dessinée dans le projet de loi serait néfaste également pour l'activité des TPE et PME. Sur ces sujets, nous refuserons les dispositions inscrites dans le projet de loi, et serons fidèles à notre histoire, aux principes que nous avons toujours défendus.

Mme Marie-Pierre Monier . - Merci à M. Leleux, notamment pour son analyse de l'article 15 dont la rédaction remet en cause les ABF et leur mission, qui est de veiller à la qualité de l'habitat aux abords des monuments historiques. Les exceptions introduites dans le texte pourraient être étendues, voire aboutir à la suppression pure et simple des avis conformes. Le silence du préfet vaudrait désormais acceptation du recours contre un avis de l'ABF, et non plus refus : c'est un grave recul. Je rappelle du reste que sur 400 000 dossiers d'autorisation de travaux instruits chaque année, 200 000 seulement sont soumis aux ABF ; environ 6,6 % font l'objet d'un avis défavorable, pourcentage qui tombe à 0,1 % après discussion entre les services de l'État et les élus. Il n'y a pas de conflit permanent avec des ABF qui seraient fermés à tout !

Je regrette la démarche quantitative, et non qualitative, qui prévaut dans le projet de loi. Dans les sites protégés, l'article 24 limite drastiquement la possibilité, pour les associations de préservation du patrimoine, de contester les procédures d'urbanisme. Quel recul ! Nous suivrons le rapporteur, comme nous l'avons fait s'agissant des centres-bourgs. Et nous présenterons des amendements allant dans le même sens que les siens, en séance.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Les clivages ici ne sont pas politiques mais culturels... Nous aurons du mal à nous faire entendre, mais nous y parviendrons si nous sommes mobilisés : l'enjeu est de taille, car les effets de certaines dispositions se manifesteront sur au moins vingt ans.

Je maintiens l'avis conforme des ABF. Nous avions réussi à inscrire dans la proposition de loi sur la revitalisation des centres-bourgs une rédaction qui faisait consensus entre nous. Il sera plus difficile cette fois de faire prévaloir notre conviction, mais il faut tout tenter car le débat agite le monde de la construction, du patrimoine, les élus, la société entière, et il serait étrange de ne pas le prendre en considération au Parlement. Nous voulons contribuer à l'amélioration de la co-construction de l'avis de l'ABF. Quelques amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale, nous ajoutons des éléments qui les prolongent. Nous supprimons la transformation de l'avis conforme de l'ABF en avis simple. Mais nous soutenons la proposition des députés de permettre aux maires de proposer à l'ABF un tracé pour le périmètre intelligent, des abords de monuments historiques. Nous souscrivons également à celle qui permet au maire, lorsque l'ABF doit donner un avis, desoumettre à celui-ci un projet d'avis conforme qu'il aura rédigé, pour ouvrir un dialogue. Enfin, nous souhaitons que figure dans l'avis de l'ABF une mention informant de la faculté de recours des autorités compétentes, car les maires des petites communes ne savent pas toujours qu'ils ont cette possibilité d'action. En outre, il faut cesser de modifier continuellement le sens du silence du préfet, car cela induit une confusion regrettable. Nous proposons plutôt que l'avis du préfet soit formel. Je ne suis pas un ayatollah de la défense des ABF. Mais les expériences parfois déplorables que nous avons connues les uns et les autres ne doivent pas conduire à supprimer totalement leur intervention !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Les élus sont parfois bien contents de compter sur l'aide des ABF dans certains projets de rénovation urbaine, face aux pressions de la population ou de certains lobbies... Les exemples positifs sont plus nombreux que les exemples négatifs.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'avis conforme de l'ABF existe dans deux cas seulement : en site patrimonial remarquable, soumis à un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP) ; et aux abords des monuments historiques. Dans les deux cas, le maire, le président de l'EPCI, le conseil municipal ou communautaire, interviennent. Ils connaissent donc en amont les périmètres concernés par l'avis conforme. S'ils veulent des assouplissements, c'est au moment de l'élaboration de ces documents qu'ils doivent engager une discussion avec l'ABF. Il faut arriver à travailler plus en amont.

L'intention sous-jacente, ne nous y trompons pas, est de supprimer la profession d'ABF : c'est pourquoi je veux rester ferme sur le maintien de l'avis conforme.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Sylvie Robert . - Nous approuvons le rapport pour avis mais nous ne prendrons pas part aux votes ce matin, puisque nous n'avons pas eu connaissance des amendements avant cette réunion.

M. Bruno Retailleau . - À titre personnel, j'incline vers la position du rapporteur. Le patrimoine appartient à la communauté nationale. Mais je ne veux pas engager l'ensemble de mon groupe, car nous avons encore quelques points à discuter entre nous. Beaucoup d'élus sont excédés par des expériences passées avec les ABF et ils voient la suppression de l'avis conforme comme une nouvelle liberté, un amoindrissement de la pression des normes. Il est certain que le dialogue doit s'instaurer beaucoup plus tôt. Il est certain également qu'un recours existe, mais bien peu de maires le savent dans les petites communes.

M. Didier Guillaume . - Le travail de notre rapporteur est excellent mais je ne partage pas du tout sa position sur les ABF : je voterai contre ses amendements à l'article 15. Car je représente les élus de mon département et ils sont très critiques à l'égard de ceux qu'ils considèrent comme des empêcheurs de tourner en rond. Les maires, les conseils municipaux ne songent pas à dénaturer les sites remarquables ! Je suis favorable à un avis simple. J'ajoute qu'un élu a plus de légitimité qu'un fonctionnaire pour décider ce qui doit être fait ou non.

M. Pierre Ouzoulias . - Je ne peux laisser dire cela, car je suis sénateur aujourd'hui, mais fus longtemps fonctionnaire ; et j'ai pendant trente ans défendu le patrimoine. Il y eut des scandales retentissants dans les années cinquante et soixante. Une partie du port de Marseille datant de 600 avant Jésus-Christ a été détruite par un maire « éclairé »... Sans législation sur le patrimoine, sur l'archéologie, nous n'aurions plus rien aujourd'hui de ce qui fait l'attrait touristique de la France.

On a construit hors de toutes normes dans les années soixante-dix : quel patrimoine en reste-t-il ? Des HLM érigées à toute vitesse... Avec une telle loi, jamais nous ne constituerons un patrimoine du XXI e siècle.

M. Max Brisson . - Je vais essayer de rester calme et modéré. Je suivrai le rapporteur, dans le même esprit que M. Retailleau. Mais comment peut-on réclamer plus de liberté et la refuser quand on nous l'offre ? La décentralisation, la confiance dans les élus, c'est aussi ne plus s'abriter derrière des fonctionnaires d'État, d'autant que la fonction publique territoriale est tout aussi digne ! Du reste, les scandales dont vous avez parlé datent d'avant le transfert de compétence aux collectivités. C'est sous l'égide de l'État que les plus grandes destructions de patrimoine se sont produites. Certains maires ont commis des erreurs, oui, mais les préfets plus encore. Si l'on avait imposé à Paris une vision figée du patrimoine, sans pouvoir rien détruire, on n'y aurait rien construit depuis le Moyen-Âge. Je fais confiance aux élus, ils ne commettent plus aujourd'hui les erreurs des années soixante.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cette préoccupation a été traduite dans la LCAP, lorsque nous avons décidé de confier désormais la présidence de la Commission nationale de l'architecture et du patrimoine à un élu - comme dans les commissions régionales.

Mme Annick Billon . - Je soutiens le rapporteur, il faut construire plus mais surtout, mieux. L'aménagement crée le comportement. Les élus sont capables de décider, oui, mais ils passent, et le patrimoine reste.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Le débat est passionné, je le perçois aux décibels... C'est que tout maire a forcément croisé le fer avec un ABF. Si je me rallie à la démarche du rapporteur, c'est qu'elle est intelligente, conciliante. Il me semble important surtout qu'une même doctrine s'applique sur tout le territoire. Que les avis diffèrent d'un département à l'autre selon la personnalité de l'ABF, cela hérisse à bon droit les élus !

Mme Samia Ghali . - Je partage l'avis de M. Guillaume sur les ABF. Il y a du reste une hypocrisie de la part de l'État, qui charge ses agents d'empêcher les destructions, mais refuse de classer des bâtiments comme monuments historiques pour ne pas avoir à financer leur entretien. Ce serait pourtant la meilleure protection !

À ce jour, seule l'Italie a ratifié la convention de Faro, qui consacre le patrimoine culturel d'hier et d'aujourd'hui, usines et rues comprises. La France devrait suivre cet exemple.

M. David Assouline . - Je ne comprends pas pourquoi ce débat, qui vise à trouver le bon équilibre entre respect de la liberté des élus et permanence des règles, suscite une telle passion. L'impératif de préservation s'inscrit dans la durée, quelle que soit la légitimité des élus du moment, qui changent : heureusement qu'il existe des règles s'imposant à tous ! Les dérégulations aujourd'hui sont initiées par des rapports de force où dominent les intérêts marchands. Sans un corpus de règles, et sans les fonctionnaires qui les font respecter, les ravages se manifesteraient à très court terme. Évitons la démagogie, nous savons bien que les règles protègent les élus contre des volontés pas toujours avouables, des pressions de l'entourage. Il est précieux de pouvoir s'appuyer sur un socle de règles...

Mme Laure Darcos . - Nous nous sommes émus que le présent projet facilite le construire plus mais non le construire mieux. Les architectes, les ABF, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement sont utiles. Bien sûr, certains ABF ne sortaient jamais de leur bureau : ils ont senti le vent du boulet lors de la discussion de la proposition de loi Pointereau, ils se sont rendus compte de certains abus, aussi. Quoi qu'il en soit je partage l'avis du rapporteur : tous les élus ne sont pas historiens de l'art, et il ne faut pas passer d'un extrême à l'autre.

Article 1 er bis

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-1 prévoit l'obligation du recours au paysagiste-concepteur, si le projet le justifie, mais en association avec l'architecte et non à sa place, car un paysagiste ne peut mener un projet architectural.

Mme Dominique Vérien . - Je vote contre cet amendement.

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 5

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-2 supprime la dérogation à la loi MOP prévue au profit des concessionnaires d'une opération d'aménagement. Cette nouvelle exclusion paraît en effet excessive : un aménageur public intervenant dans un contrat de concession ne serait plus soumis aux règles de la maîtrise d'ouvrage publique, quelles que soient la zone et les circonstances. Les garanties de qualité, sur des bâtiments tels que des crèches, des écoles, des gymnases ou des logements seraient amoindries.

L'amendement COM-2 est adopté.

Article 15

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-3 infléchit la disposition introduite à l'Assemblée nationale pour faciliter le dialogue et la concertation entre les élus et les ABF. J'ai voulu lever une ambiguïté sur le projet d'avis rédigé par le maire pour délimiter les abords d'un monument historique. Ce projet de délimitation doit être soumis à l'ABF non pour avis mais pour accord.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-4 est fondamental, il supprime les dérogations inscrites à l'article 15 au principe d'avis conforme de l'ABF. Le passage à l'avis simple pourrait se révéler très dangereux pour la préservation du patrimoine. Certes, il faut assurer la couverture du territoire par la téléphonie mobile, mais cela ne justifie pas d'installer des relais n'importe où ! Les contentieux avec l'ABF, sur ces cas, sont extrêmement rares !

Mme Françoise Laborde . - Nous nous abstiendrons, faute pour notre groupe d'avoir pu se prononcer globalement.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Le maire, dans la rédaction des députés, peut rédiger un projet d'avis. L'ABF peut demander des modifications. Mais que se passe-t-il ensuite ? L'amendement COM-5 précise que l'ABF peut apporter lui-même des corrections. Il ne faudrait pas, en effet, jouer la montre pour atteindre le délai de deux mois...

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-6 vise à mieux faire connaître les possibilités de recours à l'encontre des avis des ABF.

Mme Marie-Pierre Monier . - C'est utile, tous les maires ne les connaissent pas.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - C'est une question de transparence. Les avis conformes y contribuent, ils créent une jurisprudence, au contraire des avis simples.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Un avis formel et public du préfet, dans le cadre des recours contre l'avis de l'ABF, va également dans le sens d'une doctrine unifiée sur l'ensemble du territoire. Tel est l'objet de l'amendement COM-7.

L'amendement COM-7 est adopté.

Article 18 A

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Je vous propose, avec l'amendement COM-8, de supprimer l'article 18 A. Il dispense les coopératives de matériel agricole (CUMA), qui n'ont pas une mission directement agricole, du recours à un architecte pour leurs constructions inférieures à 800 mètres carrés. Cette dérogation pourrait induire d'importantes atteintes au paysage. Un décret du 28 décembre 2015 a autorisé les CUMA à construire dans les zones agricoles ou naturelles et forestières des bâtiments nécessaires à l'exploitation agricole. Leur insertion harmonieuse dans l'environnement est une des missions des architectes.

M. Bruno Retailleau . - Je ne comprends pas...

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Le recours à un architecte souffre aujourd'hui des dérogations : pour les particuliers, notamment, en-deçà de 150 mètres carrés. Les CUMA demandent une dérogation elles aussi, mais elles n'ont pas de vocation agricole directe.

M. Bruno Retailleau . - Elles ont bien une mission en rapport avec l'exploitation agricole : je m'abstiendrai.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Avec une telle dérogation, les hangars pourraient défigurer le paysage. Nous n'interdisons pas ces constructions, mais nous maintenons l'intervention d'un architecte.

Mme Dominique Vérien . - Le projet de loi traite du logement, pas de l'agriculture, et cet article n'a pas sa place ici.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 20

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-9 rétablit la prolongation de la dérogation autorisant les bailleurs sociaux à recourir à la conception-réalisation jusqu'au 31 décembre 2021, disposition qui figurait dans le projet de loi initial. Il ajoute une évaluation, quantitative et qualitative, par un organisme indépendant avant le terme de la dérogation, de manière à éclairer le législateur.

Les députés souhaitent une pérennisation de la procédure de conception-réalisation pour les bailleurs sociaux. Mais aucune évaluation de cette dérogation n'a plus été réalisée depuis le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable de mars 2013. Et aucune condition à son emploi n'a été fixée. Mieux vaut prolonger la dérogation jusqu'en 2021, et l'analyser alors.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-10 supprime un paragraphe ajouté par les députés qui a pour effet d'étendre à la construction neuve la conception-réalisation, par dérogation aux règles de la loi MOP.

Offrir la possibilité aux maîtres d'ouvrage soumis à la loi MOP de recourir aux marchés de conception-réalisation (au motif de respecter la réglementation thermique en vigueur) reviendrait à généraliser cette procédure, pourtant en contradiction avec le principe de libre accès à la commande publique et la règle de l'allotissement. Les jeunes architectes, mais aussi le tissu économique local - artisans, TPE et PME - en souffriraient. Seules les entreprises du bâtiment dotées d'une grande surface financière pourraient y accéder.

L'amendement COM-10 est adopté.

Article 28

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-11 revient sur la sortie des bailleurs sociaux du titre II de la loi MOP, tout en prévoyant un décret en Conseil d'État pour fixer le contenu d'une « mission adaptée de l'architecte », car les bailleurs sociaux ne sont pas des maîtres d'ouvrage comme les autres. Cette mission sera moins contraignante que la mission complète, mais les architectes continueront à s'assurer de la qualité des bâtiments.

L'amendement COM-11 est adopté.

Article 54 bis A

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-12 supprime l'article. Notre commission a été à l'origine de la dernière réforme de législation applicable aux pré-enseignes, qui par leur prolifération anarchique le long des routes causent de fortes nuisances, et qui, par leur positionnement, échappent au contrôle des maires. Nous avions alors décidé d'en restreindre le champ.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cette disposition a été subrepticement introduite à l'Assemblée nationale, qui va à l'encontre des dispositions votées par le Sénat dans la foulée du rapport d'Ambroise Dupont.

Mme Dominique Vérien . - Si l'article refait son apparition, c'est que le mieux est l'ennemi du bien, et que la suppression de toute pré-signalisation à l'entrée des villages s'est révélée préjudiciable à l'activité économique : il n'est plus possible d'informer les touristes qu'un restaurant est ouvert ! Je voterai contre l'amendement, il faut assouplir la règle.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Au risque de voir refleurir les publicités pour des chaînes de hamburgers ?

Mme Dominique Vérien . - Il aurait fallu distinguer selon la taille des villes.

M. Jean-Claude Carle . - Dans les petites communes, cette réglementation, appliquée très strictement par l'administration, est très pénalisante. Je voterai moi aussi contre l'amendement.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Il n'y a pas d'interdiction. Un arrêté de 2008 a ménagé des possibilités pour guider les usagers de la route par le biais des signalisations d'information locale.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous propose comme c'est l'usage d'autoriser notre rapporteur à apporter d'éventuels ajustements lors de la réunion des affaires économiques la semaine prochaine ; et à redéposer si nécessaire en séance les amendements que nous venons d'adopter.

Il en est ainsi décidé.

Mme Sylvie Robert . - Pourquoi notre rapporteur ne nous a-t-il pas présenté d'amendements pour revenir aux dispositions que nous avions votées il y a deux ans dans la LCAP relativement au concours d'architecte ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Je déplore dans mon rapport ce signal négatif consistant à revenir sur une obligation votée il n'y a pas deux ans. Le concours n'est pas une dépense considérable : 2 % du prix total. Il rallonge certes les délais mais c'est un vecteur d'innovation et de création, et j'y suis favorable.

Cependant le fonctionnement actuel du concours n'est pas pleinement satisfaisant : les modalités doivent être revues pour éviter la sur-représentation des grands cabinets. Les bailleurs sociaux, je le précise, conservent la possibilité d'organiser un concours. Le Gouvernement avait clairement annoncé lors de la discussion de la LCAP qu'il reviendrait sur l'obligation dans le décret d'application. Plus largement, sur ce texte, le débat est légitime, entre des positions motivées toutes deux par l'intérêt public... Il ne s'achèvera pas en 2018.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La défense du patrimoine n'empêche pas de répondre aux besoins de logements : les deux motifs d'intérêt public ne sont pas forcément opposés.

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