EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport pour avis lors de sa réunion du mercredi 28 novembre, sous la présidence de M. Christian Cambon, président.

M. Christian Cambon , président . - Je cède maintenant la parole, pour la présentation des crédits de l'audiovisuel extérieur, à nos collègues Joëlle Garriaud-Maylam et Raymond Vall respectivement sur les programmes 844 - France Medias Monde - et 847 - TV5 Monde - de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rapporteure des crédits du programme 844 France Medias Monde.- En 2019, les dotations allouées aux entreprises de l'audiovisuel public, à hauteur de 3,78 milliards d'euros, diminueront de 1% par rapport à 2018. Cette baisse est la conséquence des décisions du Gouvernement : d'une part, la fin de l'affectation à France Télévisions d'une part du produit la taxe sur les opérateurs de communications électroniques entraînant une perte de recettes de 85,5 millions d'euros, et, d'autre part, la dérogation à l'augmentation mécanique du taux de la contribution à l'audiovisuel public au rythme de l'inflation, de l'ordre de 1%, soit un manque à gagner estimé pour un euro par foyer assujetti, à un montant total de 27,9 millions d'euros et, enfin, le fait de sursoir à toute décision concernant la réforme de l'assiette de cette contribution.

Dans notre avis sur les crédits de l'audiovisuel extérieur dans le PLF 2018, nous avions déploré la progression limitée des crédits de France Médias Monde, inférieurs de 2 millions d'euros à la prévision attendue figurant dans son contrat d'objectifs et de moyens et la diminution de la contribution française à TV5 Monde, de l'ordre d'un million d'euros, très en-deçà des besoins exprimés par son plan stratégique.

Cette situation inquiétante s'assombrit dans le PLF 2019 : France Médias Monde voit ses crédits diminuer de 1,2% pour atteindre 256,2 millions d'euros, soit une baisse de 1,6 million d'euros, et les crédits de TV5 Monde enregistrent une baisse de 1,6%, pour atteindre 76,2 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 million d'euros. Force est donc de constater le décalage croissant entre les recettes affectées et les prévisions du contrat d'objectifs et de moyens et du plan stratégique, qui s'élève jusqu'à sept millions d'euros pour France Médias Monde, signé ou approuvé en 2017 et devant courir jusqu'en 2020.

Si l'on peut comprendre le souhait d'une réduction de l'empreinte du secteur public et la recherche d'économies dans la perspective d'une réforme de l'audiovisuel public, cette situation est d'autant plus étrange que ces entreprises ne semblaient guère jusqu'à présent, impactées par la réforme du secteur audiovisuel en préparation si l'on en croît les documents de réflexion publié mis à notre disposition.

A contrario - je tiens à votre disposition la réponse du ministre au questionnaire budgétaire-, leur contribution à l'influence de la France et de la langue française dans le monde semblait reconnue et leur développement attendu au plus haut niveau de l'État, au moment où s'engage dans le monde, sur les ondes et dans l'espace numérique, une lutte d'influence très active en mesure de conduire à des actions de désinformation et de déstabilisation.

Les États puissances réalisent un effort considérable de développement de leurs médias afin de renforcer leur influence. Nombre d'États à tendance autoritaire contrôlent ou limitent la liberté d'information sur leur territoire. Les groupes terroristes eux-mêmes développent une propagande efficace sur l'internet et les réseaux sociaux.

Il est essentiel que la France puisse être présente avec des médias porteurs de ses valeurs démocratiques et d'une éthique de l'information honnête, respectueuse de la vérité des faits et de la liberté d'expression des opinions et qu'elle consacre des moyens importants à la politique audiovisuelle extérieure. La France ne doit pas laisser pas en jachère des territoires où elle s'engage par ailleurs, parfois même au prix de la vie de ses soldats. Or, paradoxalement, les moyens de la politique audiovisuelle extérieure diminuent.

Nous allons maintenant vous donner quelques éléments d'informations sur les deux opérateurs FMM et TV5 Monde étant entendu que désormais dépourvus des ressources attendues, et obligés de réduire leurs ambitions, ils sont actuellement dans une situation de réflexion sur la manière de réaliser des économies en altérant le moins possible le contenu de leurs programmes et leurs capacités de diffusion.

La couverture de France Médias Monde atteint 356 millions de foyers. L'audience de ces différents médias - France 24, RFI et MCD - atteint 107,7 millions de personnes par semaine, pour plus de la moitié en Afrique francophone et pour un peu plus du quart en Afrique du Nord-Moyen-Orient. S'agissant des environnements numériques, ils enregistrent 42,7 millions de visites mensuelles.

France Médias Monde a conclu avec l'État un contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 dont les principaux axes sont l'enrichissement des grilles de programme avec l'ouverture d'un service en espagnol en septembre 2017 qui connaît un vif succès et représente un coût en année pleine de 7,3 millions d'euros, l'adaptation aux évolutions des modes de diffusion, comme la TNT en Afrique, HD et numérique. Pour financer ces priorités dans un cadre financier durablement équilibré, la société devait bénéficier d'une augmentation de sa dotation publique de 3,3 millions d'euros en 2019 et elle s'est engagée à maîtriser l'évolution de ses charges. En 2017, l'État a tenu ses engagements et FMM a pu consolider son offre éditoriale et lancer France 24 en espagnol.

En revanche, en 2018, l'allocation d'une dotation de 2 millions d'euros inférieure au montant prévu, a obligé l'entreprise à opérer des licenciements dès la fin de 2017, au prix d'un déficit de 1,5 million d'euros et à réaliser de nouvelles économies en gestion, y compris en allégeant ses programmes et en renonçant à certaines diffusions notamment aux États-Unis, à New York et à Los Angeles.

L'exercice 2019 est, dès lors, une équation insolvable. L'impasse budgétaire est de 4,9 millions d'euros. Avec des possibilités d'économies de gestion épuisées et des ressources propres faibles et peu élastiques, c'est bien le coeur de métier, les programmes et la diffusion, qui seront mis à contribution avec des conséquences importantes pour l'emploi - 70% des coûts de la grille sont des coûts de personnel -, pour l'audience et la notoriété. Rendons hommage au travail de ces personnels qui ne comptent pas leurs heures et assument leurs missions avec un zèle extraordinaire. La société évalue actuellement les différentes hypothèses de repli thématiques et géographiques, attendant des orientations des ministères concernés qui ont engagés une concertation, après avoir décidé la diminution des moyens.

La logique comptable est devenue l'axe principal de la stratégie audiovisuelle extérieure de la France et nous le déplorons.

M. Raymond Vall , rapporteur des crédits du programme 847 - TV5 Monde - de la mission « avances à l'audiovisuel public ».- TV5 Monde est confrontée à la même réalité avec 1,2 million d'euros de moins qu'en 2018, année qui avait déjà connu une diminution d'un million d'euros. À travers ses neuf déclinaisons généralistes régionalisées, sous titrées dans quatorze langues, et deux programmes thématiques, TV5 Monde est le principal outil télévisuel de rayonnement de la France et de la francophonie. Les programmes sont disponibles dans 370 millions de foyers, soit une progression de 4%, avec une audience de 41,9 millions de personnes chaque semaine et 45,6 millions de visites mensuelles pour ses activités numériques.

Son plan stratégique pour 2017-2020 est ambitieux. Il prévoit la transformation numérique de l'entreprise. Cette mutation doit par ailleurs soutenir ses priorités géostratégiques en première ligne desquelles se trouve l'Afrique, premier territoire de développement de la francophonie, où la concurrence se renforce chaque jour davantage. Pour ce faire, TV5 Monde doit obtenir d'être largement diffusée en TNT, et pour cela jouer son rôle de chaîne panafricaine, par des investissements accrus en programmes, en marketing, et potentiellement en sous-titrage dans les langues locales.

TV5 Monde doit aussi respecter ses missions de distribution la plus large possible y compris en HD. Afin d'accroître son accessibilité en dehors des seuls publics francophones, le renforcement de sa politique de sous-titrage est également un impératif. Le besoin de financement sur quatre ans était évalué à quarante millions d'euros mais les États membres - France, Canada, Belgique et Suisse - ont adopté une position ambiguë d'approbation du plan, sans s'engager sur son financement.

La position française de réduction de sa participation financière pour la deuxième année consécutive oblige la société tout en maintenant les priorités affichées et en s'efforçant d'absorber les glissements inéluctables par des économies sur le fonctionnement courant, à réduire les charges de programmes et de diffusion. La prévision de budget intègre, outre une diminution des coûts techniques dans le numérique, une baisse de 0,8 millions d'euros de la contribution de TV5 Monde au Centre international des radio-télévision d'expression francophone (CIRTEF), qui soutient la production de programmes en Afrique, et le retrait de sa diffusion traditionnelle câble et satellite au Royaume-Uni - 13 millions de foyers - et en Irlande - 800.000 foyers - avec le lancement d'une expérimentation de distribution exclusive en télévision connectée (OTT).

Compte tenu de l'absence de marges de manoeuvre suffisantes sur le fonctionnement courant des entreprises, trois démarches sont possibles : soit la navigation à vue en coupant dans l'éditorial et la diffusion en fonction des échéances des contrats et en attendant des jours meilleurs ; situation inextricable à laquelle sont contraints les dirigeants des opérateurs auxquels on demande de réaliser des objectifs dont on connaît les coûts financiers d'un côté, en les privant des ressources nécessaires de l'autre. C'est l'échouage garanti.

Soit la révision de la stratégie définie en 2017, qui représente le choix amorcé mais non encore pleinement assumé. Ainsi, une réflexion associant les ministères concernés afin d'identifier ses enjeux et priorités stratégiques est engagée. « Au regard des objectifs de la politique d'influence française et du contexte d'effort de consolidation budgétaire, l'activité des opérateurs de l'audiovisuel extérieur doit ainsi faire l'objet d'une réflexion quant à ses priorités géographiques et thématiques » . Cette démarche est effectivement nécessaire, mais nous estimons que la réflexion menée il y a deux ans lors de la négociation des documents stratégiques conserve toute sa pertinence. Si le contexte international a évolué, cela devrait mettre en relief l'exacerbation de la concurrence d'autres puissances et le besoin d'un renforcement de notre présence. Il ne s'agit pas d'une question de stratégie mais de volonté politique et de priorité qui engage l'intérêt national et notre politique étrangère. Au moment où la France fixe dans la LPM 2019-2025 comme priorité la prévention des conflits et où elle s'apprête à faire un effort considérable en matière d'aide publique au développement, l'action audiovisuelle extérieure reste plus qu'un utile complément, un outil au service de ces politiques qu'il conviendrait, à l'instar des Britanniques et d'autres États, de reconnaître et de conforter. Nous craignons que la révision stratégique ne soit que l'utile paravent d'un repli selon la seule logique budgétaire.

Troisième démarche, raisonnable, enfin : maintenir les engagements de l'État. Pour ce faire, deux voies sont envisageables : une première solution consisterait - à l'instar de ce que nous avions proposé en 2017, avec le rapporteur de la Commission des finances - à modifier la répartition des dotations entre les différents affectataires du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public », afin d'affirmer la priorité qu'attache votre Commission à l'action audiovisuelle extérieure. Le montant des transferts entre programmes serait limité au rétablissement des crédits nécessaires de FMM. La diminution des crédits pour la ou les sociétés nationales de programmes serait ainsi modeste par rapport au montant de leurs dotations dans un contexte de réforme de l'audiovisuel public et de paysage audiovisuel domestique déjà bien pourvu. Nous vous proposerons un amendement en ce sens qui reprend pour partie de l'amendement proposé par la commission des finances concernant FMM. Le rapporteur de la commission de la culture a déposé un amendement dans le même sens.

Une seconde solution serait, comme le font les Britanniques et d'autres États - nous le faisions par le passé - d'affecter des ressources budgétaires aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure considérant qu'ils assurent une mission de service public sur la prévention des conflits, l'influence et l'aide au développement susceptible de les rendre éligibles à des crédits relevant du ministère des affaires étrangères. Une voie adjacente et indirecte consisterait à rendre éligible FMM aux crédits affectés aux dons projets distribués par l'Agence française de développement. Cela suppose toutefois la mise en place d'un protocole particulier et sans doute des modalités spécifiques d'examens. Si le directeur général de l'AFD, lors de son audition devant votre Commission, ne s'est pas montré fermé à cette perspective, cela supposera nécessairement un arbitrage politique et des délais de mise en oeuvre qui risquent d'être longs et de ne pas répondre au besoin urgent de financement de FMM en 2019. Dès lors, à titre personnel, puisque nous avons déjà examiné en commission les crédits de la mission « Aide publique au développement », nous proposons un amendement créant une ligne spécifique permettant d'aider France Médias Monde à financer des programmes qui portent sur des domaines prioritaires définis par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et qu'ils diffusent ou distribuent  dans les pays éligibles.

Dès lors, et à titre personnel, sous réserve de l'adoption de ces amendements nous vous proposerions de donner un avis favorable à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public », à défaut et donc dans l'état actuel, nous proposons un avis défavorable.

M. Ladislas Poniatowski . - Je partage tout à fait le point de vue des rapporteurs. France Médias Monde et de TV5 participent à la présence de la France dans le monde, au-delà de la francophonie et sur l'ensemble des continents. France Télévisions et l'Agence Française de Développement pourraient en effet abonder, à hauteur de quelques millions d'euros, le budget de ces opérateurs internationaux.

M. Jean-Marc Todeschini . - Cet amendement n'est pas le seul en ce sens ! Prenons toutefois garde à ne pas dépouiller France Télévisions dont les dotations ont déjà subi des érosions répétées ! Encore faudrait-il que les rapporteurs de la commission de la culture en soient également informés ! Pour cette raison, le groupe socialiste s'abstiendra, tout en partageant ce qui a été dit sur l'importance de France Médias monde pour le rayonnement de la France.

M. Pierre Laurent . - Réaliser notre ambition pour l'audiovisuel extérieur dans le contexte de la révolution numérique implique le déploiement de nouveaux moyens. Il faut aller au-delà des belles déclarations et de l'affichage politique ! Ces baisses nous renvoient à un débat plus global sur les modalités de notre influence, qui ne saurait uniquement reposer sur notre présence militaire. Nous ne sommes pas au rendez-vous ! Toutefois, ce n'est pas en dépouillant France Télévisions et en ignorant la réalité du paysage audiovisuel international que nous y parviendrons ! Notre groupe s'abstiendra sur l'amendement mais considère que le budget proposé n'est pas suffisant.

M. Jean-Pierre Vial . - Je m'inscris totalement dans les propos de notre collègue Ladislas Poniatowski. 2019 sera marqué par notre examen approfondi de l'aide au développement. Sans doute, un travail collégial avec les commissions des finances et de la culture sur le lien entre notre présence audiovisuelle extérieure et le développement permettrait d'avancer sur cette question.

M. Robert del Picchia . - Je voterai cet amendement. Je me demande cependant si les médias extérieurs constituent réellement un « outil de prévention des conflits » comme l'objet de l'amendement le mentionne !

M. Olivier Cadic . - Le groupe Union centriste votera cet amendement. L'action extérieure de l'État implique également l'influence médiatique à laquelle contribue France Medias Monde.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Les commissions des finances et de la culture présentent, pour la première fois, des amendements similaires. C'est un combat de longue haleine : les années précédentes j'avais, en vain, proposé un amendement prévoyant le transfert d'un million d'euros du budget de France Télévisions vers France Médias Monde. Ce nouvel amendement représente un signal fort, même si les montants demandés sont moindre que ceux proposés par la commission des finances. Il faut être cohérent ! On ne peut exiger à chaque fois le renforcement de l'image de la France et rogner le budget de l'audiovisuel extérieur qui contribue, me semble-t-il, à désamorcer les conflits. Les jeunes dans les zones en crise sont très influencés par ce qu'ils voient et entendent et nombre de chaînes étrangères qui ne partagent pas nos valeurs sont présentes notamment en Afrique. L'audiovisuel permet également de réduire le ressentiment vis-à-vis de notre pays et de refonder l'avenir après les conflits en diffusant nos valeurs !

M. Raymond Vall . - La progression du budget de l'Aide publique au développement laisse de côté un éventuel soutien à l'audiovisuel extérieur qui participe également à l'information de l'ensemble de nos compatriotes expatriés. La situation de TV5 est particulièrement fragile et les sacrifices qui sont actuellement les siens ne sont pas tenables dans la durée. Nous devons obtenir de l'AFD une écoute à notre demande cohérente.

M. Christian Cambon , président. - Dans le cadre de l'examen du futur contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, nous pourrons faire valoir notre proposition. L'aide française au développement, qui bénéficie d'un montant total de neuf milliards d'euros, est supervisée par un haut-fonctionnaire. Il faut à présent utiliser à bon escient l'argent qui lui a été confié ! Je souhaite qu'au titre des moyens audiovisuels, vous puissiez participer à ce débat. Pour revenir sur les propos de notre collègue Robert del Picchia, il est vrai que le contenu de certaines émissions diffusées à l'international, comme celles de RFI, a pu parfois susciter de vives oppositions par le passé.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Nous présenterons également à titre personnel en séance un second amendement sur l'aide publique au développement.

M. Christian Cambon , président. - Nous examinons à présent l'amendement présenté par les deux rapporteurs. Cet amendement consiste à prélever trois millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement sur le budget de France-Télévisions afin d'abonder celui de France Médias Monde. Je mets aux voix cet amendement.

La commission donne un avis favorable à l'adoption de l'amendement présenté, les sénateurs des groupes socialiste, CRCE et LaRem s'abstenant.

La commission donne ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 844 et 847 de la mission « Avances à l'audiovisuel public », les sénateurs des groupes socialiste et CRCE s'abstenant.

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