INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport pour avis porte sur trois des quatre programmes que compte la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2019 : les programmes 152 « Gendarmerie nationale », 176 « Police nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ». Le programme 161 « Sécurité civile », également rattaché à la mission, fait quant à lui l'objet d'un avis distinct présenté par notre collègue Catherine Troendlé.

L'examen des crédits alloués à ces trois programmes par le projet de loi de finances pour 2019 intervient dans un contexte marqué par deux faits majeurs :

- d'une part, la persistance d'un climat sécuritaire dégradé, eu égard à la prégnance de la menace terroriste, à la pression migratoire ainsi qu'au maintien d'un niveau élevé de délinquance ;

- d'autre part, l'engagement, sur le quinquennat, d'importantes réformes pour les forces de sécurité intérieure, avec l'annonce d'un plan de création de 10 000 emplois supplémentaires pour la police et la gendarmerie ainsi que le déploiement de la police de sécurité du quotidien, au profit d'une proximité renouvelée avec la population et d'une lutte plus efficace contre la délinquance du quotidien.

En 2019, le budget de la mission « Sécurités » poursuit la hausse engagée au cours des exercices précédents. Les crédits alloués aux trois programmes par le projet de loi de finances pour 2019 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale s'élèveront à 20,48 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 19,57 milliards d'euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 3,63 % et de 1,84 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement du Gouvernement réduisant de 1,89 million d'euros le programme « Police nationale » et de 8,59 millions d'euros le programme « Gendarmerie nationale » et augmentant le programme « Sécurité et éducation routières » de 319 016 euros. Les développements qui suivent sont réalisés à partir du projet de loi de finances pour 2019 tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

L'effort budgétaire conduit en 2019, aussi conséquent soit-il, n'apporte toutefois aucune réponse satisfaisante aux difficultés rencontrées par les forces de sécurité intérieure. Absorbé par la hausse de la masse salariale, il ne profite pas en effet aux crédits de fonctionnement et d'investissement, dont la part dans le budget global des forces de sécurité intérieure ne cesse de diminuer.

Les conditions de travail particulièrement dégradées des policiers et gendarmes, dont a récemment témoigné le rapport de notre collègue François Grosdidier fait au nom de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure, après six mois de travaux, appellent pourtant à une revalorisation conséquente des moyens alloués à leur équipement et à leur fonctionnement, au risque de dégrader leur capacité opérationnelle et leur efficacité.

Par-delà l'analyse budgétaire, votre rapporteur a souhaité consacrer un développement à la police technique et scientifique (PTS) qui, depuis deux ans, a engagé une réforme profonde de son organisation.

I. UNE PROGRESSION CONTENUE ET INÉGALE DES CRÉDITS ALLOUÉS À LA SÉCURITÉ POUR 2019

En dépit d'un contexte budgétaire contraint, les crédits alloués aux forces de sécurité intérieure devraient poursuivre, au cours de l'exercice 2019, la hausse engagée depuis 2010. Nécessaire au vu du contexte sécuritaire tendu et de la mobilisation importante des forces de sécurité intérieure, cet effort budgétaire se révèle toutefois déséquilibré, privilégiant un investissement fort en matière de recrutements, au détriment des crédits de fonctionnement et d'investissement.

Dans la droite ligne des engagements récents du Gouvernement pour réduire la mortalité routière, le budget affecté à la sécurité et à l'éducation routières est également en hausse, après des années de forte baisse.

A. LES PROGRAMMES 176 ET 152 : UNE CONSOLIDATION ENGAGÉE, MAIS DÉSÉQUILIBRÉE, DU BUDGET DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

1. Un redressement du budget des forces de sécurité intérieure qui se confirme en 2019

Le budget des forces de sécurité intérieure connait, depuis plusieurs années, une augmentation continue de ses crédits .

Entre 2010 et 2018, les crédits des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » ont ainsi augmenté de 18,6 % en autorisations d'engagement et de 17,1 % en crédits de paiement .

Évolution des crédits de paiement des programmes 176 et 152 (en euros)

Source : commission des lois du Sénat sur la base des réponses aux questionnaires budgétaires

Le rythme de progression du budget des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » s'est accéléré à compter de 2016, notamment sous l'effet des différents plans de lutte contre le terrorisme, d'une part, et du plan de lutte contre l'immigration clandestine, d'autre part.

Ces plans ont en effet nécessité de doter les forces de sécurité intérieure de moyens supplémentaires afin de financer les créations d'emplois annoncées ainsi que l'attribution de nouveaux équipements et matériels à l'usage des forces de sécurité intérieure. Entre 2015 et 2018, les crédits de la mission ont ainsi progressé de 11 % en autorisations d'engagement et 8 % en crédits de paiement.

Les différents plans de lutte contre le terrorisme et contre l'immigration clandestine

Depuis 2015, trois plans sectoriels ont été adoptés par le ministère de l'intérieur et font l'objet d'un effort budgétaire non négligeable :

- le plan de lutte anti-terroriste (PLAT) , annoncé en janvier 2015 et d'un montant total de 340 millions d'euros, prévoyait la création de 1 400 emplois supplémentaires et une augmentation des crédits d'investissement et de fonctionnement, notamment afin de renouveler les équipements des forces de l'ordre ;

- le plan de lutte contre l'immigration clandestine (PLIC) , annoncé par le Premier ministre le 16 septembre 2015, prévoyait la création de 900 emplois supplémentaires en 2016 ;

- le pacte de sécurité (2016-2017) , annoncé après les attentats du 13 novembre 2015, prévoyait la création de 8 500 emplois supplémentaires et un renforcement significatif des moyens de la sécurité et de la justice.

Poursuivant ce mouvement, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une nouvelle augmentation des crédits alloués aux forces de sécurité intérieure.

Les deux programmes voient ainsi leurs crédits augmenter, en 2019, de 3,63 % en autorisations d'engagement et de 1,84 % en crédits de paiement par rapport aux crédits accordés en loi de finances initiale pour 2018.

Par rapport à l'exercice 2017, l'augmentation des crédits de ces deux programmes s'élève à 5,86 % en autorisations d'engagement et à 2,98 % en crédits de paiement.

Les crédits des programmes 176 et 152 (en euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en
LFI 2018

Demandées pour 2019

Évolution 2018-2019

Ouvertes en LFI 2018

Demandées pour 2019

Évolution 2018-2019

Prog. 176 -
Police nationale

10 841 918 995

10 942 447 156

0,93 %

10 555 796 903

10 727 502 570

1,63 %

Prog. 152 - Gendarmerie nationale

8 880 662 597

9 495 663 887

6,93 %

8 625 005 333

8 805 445 449

2,09 %

Total

19 722 581 592

20 438 111 043

3,63 %

19 180 802 236

19 532 948 019

1,84 %

Source : commission des lois du Sénat sur la base des documents budgétaires

En 2019, les crédits du programme 176 « Police nationale » s'élèveront ainsi à 10,94 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 10,72 milliards d'euros en crédits de paiement , soit des augmentations respectives de 0,93 % en autorisations d'engagement et de 1,63 % en crédits de paiement par rapport à l'exercice en cours. Il peut être noté que cette hausse est inférieure à celle intervenue au cours de l'exercice 2018 (+ 3,4 % en autorisations d'engagement et + 2 % en crédits de paiement).

L'évolution du programme 152 « Gendarmerie nationale » est plus significative : son budget s'élève à 9,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 8,8 milliards d'euros en crédits de paiement , soit des augmentations respectives de 6,93 % en autorisations d'engagement et de 2,09 % en crédits de paiement par rapport aux crédits accordés en loi de finances initiale pour 2018.

Au-delà d'être fortement attendu, cet effort particulier sur la gendarmerie nationale était, de l'avis de votre rapporteur, indispensable . En dépit de l'élargissement conséquent de ses missions au cours des dernières années, notamment en raison du rôle accru qui lui a été confié en matière de lutte contre le terrorisme et contre l'immigration irrégulière, son budget avait certes augmenté, mais beaucoup plus lentement que celui de la police nationale (+ 1,12 % en autorisations d'engagement et + 0,57 % en crédits de paiement en 2018).

Évolution des crédits d'engagement des programmes 176 et 152 (en euros)

Source : commission des lois du Sénat sur la base des documents budgétaires

2. Une augmentation des crédits absorbée par la forte progression de la masse salariale

L'évolution des budgets alloués aux forces de sécurité intérieure en 2019 s'explique exclusivement par une hausse significative de la masse salariale .

Ainsi, les crédits du titre 2, alloués aux dépenses de personnel, des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » augmentent de 416,7 millions d'euros en crédits de paiement par rapport aux crédits alloués dans la loi de finances initiale pour 2018, soit une progression supérieure à celle de l'ensemble des crédits des deux programmes, qui s'élève, en 2019, à 352,1 millions d'euros.

Évolution des crédits de paiement des programmes 176 et 152

Source : commission des lois du Sénat sur la base des documents budgétaires

a) La poursuite du renforcement des effectifs des forces de sécurité intérieure

Après des années de fortes baisses, les effectifs des forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie confondues, connaissent une augmentation importante depuis 2012.

Selon un rapport récent de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration relatif à l'évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales 3 ( * ) , 8 837 équivalents temps plein (ETP) ont été créés entre 2014 et 2017, dont 5 649 dans la police et 3 188 dans la gendarmerie .

À ce chiffre s'ajoutent les créations d'emplois programmées par la loi de finances initiale pour 2018, qui s'élevaient à 1 375 pour la police et à 459 pour la gendarmerie, portant le total des créations d'emplois, en ETP, pour les deux forces, à 10 671 sur les cinq derniers exercices.

Conformément au plan présidentiel de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sur le quinquennat, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit la création de 2 378 nouveaux postes (en ETP) au sein des forces de sécurité intérieure.

Le plan prévisionnel de recrutement
au sein des forces de sécurité intérieure sur le quinquennat 2017-2022

LFI
2018

PLF
2019

2020
(prévisionnel)

2021
(prévisionnel)

2022
(prévisionnel)

Total

PN

1 375

1 735

1 781

1 032

1 031

6 954

GN

459

643

619

369

369

2 459

Total

1 834

2 378

2 400

1 401

1 400

9 413 4 ( * )

Source : commission des lois du Sénat sur la base des réponses aux questionnaires budgétaires

Le plafond d'emplois du programme 176 « Police nationale » est fixé à 151 532 postes équivalents temps plein travaillés (ETPT) , soit une hausse de 823 ETPT nette par rapport à l'année 2018, tous les départs à la retraite étant par ailleurs remplacés.

Cette augmentation du plafond d'emplois se traduira par la création de 1 735 emplois supplémentaires à périmètre constant.

Malgré une réduction de son plafond d'emplois de 8 ETPT, liée à l'effet frictionnel du décalage dans le temps des nouvelles recrues sorties d'école, la gendarmerie nationale sera dotée de 643 emplois supplémentaires au cours de l'exercice 2019.

Explication de l'écart entre les effectifs et le plafond d'emplois

L'écart observé entre les effectifs créés et l'évolution du plafond d'emploi est frictionnel. Il résulte principalement des modalités de mise en oeuvre des plans de recrutement au cours de l'année et de la réalisation des prévisions d'entrées et de sorties.

Ainsi, un effectif recruté au mois de juillet sera répertorié comme un emploi créé, mais ne sera comptabilisé dans le plafond d'emplois à hauteur de 0,5 ETPT.

Cet écart conjoncturel se résorbe d'une année sur l'autre, lorsque les emplois créés sont étendus en années pleines.

b) Une hausse significative des mesures catégorielles

Outre l'impact des recrutements, l'augmentation de la masse salariale s'explique par le poids des mesures de revalorisations générales et catégorielles .

Le coût des mesures catégorielles actées dans le cadre des protocoles pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers, signés pour la police nationale et la gendarmerie nationale en avril 2016, s'élève, pour l'exercice 2019, à 64 millions d'euros pour la police nationale et à 50 millions d'euros pour la gendarmerie nationale.

Le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences
et des rémunérations (PPCR)

Deux protocoles pour la valorisation des carrières, des compétences et des rémunérations, l'un pour la police nationale, l'autre pour la gendarmerie nationale, ont été signés le 11 avril 2016 par le ministre de l'intérieur et les organisations représentatives des personnels (organisations syndicales pour la police nationale et conseil de la fonction militaire pour la gendarmerie).

Comportant plusieurs mesures d'ordre statutaire et indemnitaire, destinées à offrir aux personnels de meilleures perspectives de carrière et à revaloriser leurs rémunérations, le protocole représente un effort budgétaire de 269,5 millions d'euros pour la police nationale et de 220 millions d'euros pour la gendarmerie nationale , réparti sur sept exercices budgétaires (2016 à 2022).

Pour des raisons de contraintes budgétaires, certaines mesures du PPCR ont été gelées en 2018 et reportées sur les exercices suivants, d'où une augmentation conséquente des crédits budgétés dans le projet de loi de finances pour 2019 par rapport au précédent exercice.

Les crédits du titre 2 du programme 176 « Police nationale » augmentent par ailleurs :

- de 22,2 millions d'euros à raison du glissement vieillesse-technicité 5 ( * ) (GVT) ;

- de 43,9 millions d'euros pour financer l'indemnisation des jours du compte épargne temps ;

- de 17 millions d'euros en raison de la fin du dispositif des adjoints de sécurité employés via un contrat d'accompagnement dans l'emploi (ADS-CAE).

Hors mesures catégorielles, l'augmentation des crédits du titre 2 du programme 152 « Gendarmerie nationale » est liée à deux mesures principales :

- le passage au système d'information « Agorah solde » pour les rémunérations des réservistes, entraînant une accélération de paiement d'un mois et demi (+ 17 millions d'euros) ;

- le paiement des vacations de la réserve opérationnelle effectuées sur la fin de l'année 2018 (+ 19 millions d'euros) 6 ( * ) .

S'il se félicite qu'une réflexion ait été engagée par le ministère de l'intérieur afin de contenir l'augmentation exponentielle des heures supplémentaires au sein de la police nationale, grâce à l'instauration de pratiques d'autorégulation au sein des services, votre rapporteur regrette que, comme dans les budgets précédents, le projet de loi de finances pour 2019 ne contienne aucune mesure budgétaire pour contenir l'évolution du stock d'heures supplémentaires non récupérées et non rémunérées 7 ( * ) , qui dépasserait aujourd'hui, selon les syndicats entendus, les 22 millions 8 ( * ) .

Conscient qu'un rachat complet des heures accumulées n'est à ce jour pas envisageable au regard de l'effort financier que cela impliquerait, évalué à près de 280 millions d'euros, il observe que le remboursement des flux annuels d'heures supplémentaires chaque année permettrait, à tout le moins, de limiter l'évolution du stock.

3. Une évolution contrastée des crédits de fonctionnement et d'investissement
a) Une nouvelle baisse de la part des dépenses de fonctionnement et d'investissement dans le budget des forces de sécurité intérieure

Bien qu'évoluant de manière contrastée, les crédits de fonctionnement et d'investissement pâtissent, en 2019, de la forte augmentation de la masse salariale.

En 2019, les crédits hors titre 2 des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » augmentent, police et gendarmerie confondues, de 9,71 % en autorisations d'engagement et baissent de 2,55 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2018.

Hors mesures de périmètre, ils baissent de 3,62 % en autorisations d'engagement et augmentent légèrement de 0,92 % en crédits de paiement.

Évolution de périmètres sur les programmes 176 et 152

L'évolution de la politique immobilière de l'État impacte les deux programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale ». La suppression des loyers budgétaires, c'est-à-dire des loyers versés par les administrations occupant des biens immeubles appartenant à l'État, se traduit, sur le plan budgétaire, par une baisse des crédits équivalant au montant de ces loyers (62 millions d'euros pour le programme 176 et 26 millions d'euros pour le programme 152) 9 ( * ) .

Par ailleurs, le programme 152 est impacté par l'intégration des crédits alloués au financement des baux renouvelés dans la gestion pluriannuelle des autorisations d'engagement, à hauteur de 498,4 millions d'euros en autorisations d'engagement.

En 2019, la part des crédits allouée au fonctionnement et à l'investissement, pour les deux forces, continue de diminuer, au bénéfice des dépenses de personnel. Elle s'élève ainsi à 10,6 % pour la police nationale et à 15,1 % pour la gendarmerie nationale, contre 11,2 % et 15,6 % en 2018.

Surtout, une étude à plus long terme de l'évolution budgétaire des programmes 176 et 152 révèle que la part des crédits hors titre 2 dans le budget de la police et de la gendarmerie n'a cessé de diminuer au cours de la dernière décennie , sous l'effet combiné des créations de postes et de l'augmentation conséquente des mesures indemnitaires et catégorielles. Elle s'élevait ainsi, en 2007, à 14 % pour la police nationale et à 19,3 % pour la gendarmerie nationale.

Au demeurant, alors que les dépenses de personnels ont augmenté, depuis 2007, de 37,2 % pour la police nationale et de 23,4 % pour la gendarmerie nationale, les dépenses de fonctionnement et d'investissement en 2019 sont identiques à celles de 2007 dans la police et ont été réduites de 8,27 % pour la gendarmerie.

Votre rapporteur juge cette évolution inquiétante . La capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure repose en effet non seulement sur le nombre de personnels actifs, mais également sur l'aptitude de l'État à équiper et entretenir ses forces. L'augmentation continue de la masse salariale ne saurait dès lors se faire sans un redressement conséquent des crédits de fonctionnement et d'investissement , au risque d'affaiblir la capacité d'intervention des policiers et gendarmes.

Au vu de ce constat, votre rapporteur déplore fortement que, en première lecture à l'occasion de la seconde délibération, l'Assemblée nationale ait adopté, un amendement du Gouvernement réduisant de 1,89 million d'euros les crédits du programme « Police nationale » et de 8,59 millions d'euros le programme « Gendarmerie nationale » . Cette réduction des crédits s'appliquera en effet sur les crédits hors titre 2 et ne fera que grever des dotations de fonctionnement et d'investissement déjà insuffisantes.

b) Des crédits de fonctionnement en hausse

Les crédits de fonctionnement des programmes 176 et 152 sont destinés au financement de l'ensemble des dépenses de fonctionnement courant, d'entretien et d'équipement des forces de sécurité intérieure. Ils comprennent également les crédits alloués à la formation, initiale et continue, des forces, ainsi que les subventions versées à plusieurs opérateurs : l'École nationale supérieure de la police nationale (ENSP) et l'Institut national de police scientifique (INPS).

Les crédits de fonctionnement du programme 176 « Police nationale » s'élèvent, en 2019, à 1,03 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 824,18 millions d'euros en crédits de paiement , contre 1,11 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 810,73 millions d'euros en crédits de paiement en 2018.

Hors mesures de périmètre, ces crédits diminuent de 1,81 % en autorisations d'engagement et augmentent de 9,3 % en crédits de paiement .

La baisse constatée des autorisations d'engagement doit être relativisée : elle résulte principalement de la passation, en 2018, de marchés pluriannuels, notamment pour l'habillement des forces de sécurité intérieure, ayant nécessité un engagement de crédits importants.

La hausse des crédits de paiement s'explique notamment par le coût de « sac à dos », c'est-à-dire le coût d'équipement lié aux créations de nouveaux emplois au sein de la police, ainsi que par l'augmentation des frais de déplacement, des dépenses de carburant ainsi que des dépenses d'entretien des véhicules du fait du vieillissement du parc automobile.

Évolution des dépenses de fonctionnement
du programme 176 « Police nationale », en crédits de paiement (en euros)

Source : commission des lois du Sénat sur la base des documents budgétaires

Le montant des crédits de fonctionnement alloués à la gendarmerie nationale atteint, en 2019, 1,85 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,15 milliard d'euros en crédits de paiement , contre 1,42 milliard en autorisations d'engagement et 1,14 milliard en crédits de paiement en 2018.

À périmètre constant, les crédits de fonctionnement diminuent donc de 3,3 % en autorisations d'engagement et augmentent de 3,15 % en crédits de paiement .

Comme pour le programme 176, les règles de budgétisation des autorisations d'engagement liées à la passation de marchés pluriannuels introduisent un biais, ce qui rend préférable une comparaison des dotations dans le temps en crédits de paiement.

Évolution des dépenses de fonctionnement
du programme 152 « Gendarmerie nationale »,
en crédits de paiement (en euros)

Source : commission des lois du Sénat sur la base des documents budgétaires

L'augmentation des crédits de fonctionnement recouvre notamment la prise en compte du coût de « sac à dos » des nouveaux effectifs recrutés, de la hausse du prix du carburant , un effort supplémentaire sur les crédits de fonctionnement de la réserve opérationnelle ainsi que l'augmentation de la dotation de fonctionnement de la gendarmerie mobile, en raison d'un niveau d'engagement des escadrons particulièrement soutenu.

c) Des dépenses d'investissement en nette baisse pour les deux forces et grevées par les mesures de régulation budgétaire

En 2019, les crédits alloués à l'investissement sont en nette baisse par rapport à l'exercice 2018 .

Ils s'élèvent, pour le programme 176 « Police nationale », à 285,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 273,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit des réductions respectives de 11,74 % et de 18,56 % par rapport aux crédits adoptés en loi de finances initiale pour 2018.

Les crédits d'investissement du programme 152 « Gendarmerie nationale » atteignent, en 2019, 170 millions d'euros en autorisations d'engagement et 174 millions d'euros en crédits de paiement. Ils diminuent de 3,95 % en autorisations d'engagement et de 13,37 % en crédits de paiement par rapport aux crédits adoptés en loi de finances initiale pour 2018.

Évolution des crédits d'investissement (titre 5)
des programmes 176 et 152 (en euros)

Source : commission des lois du Sénat sur la base des documents budgétaires

Outre le fait qu'elle pénalise directement la capacité de la police et de la gendarmerie à entretenir le potentiel de leurs forces, cette évolution à la baisse des crédits d'investissement est d'autant plus regrettable que ceux-ci constituent très fréquemment une variable d'ajustement en cours d'exécution budgétaire . Bien que le taux de mise en réserve budgétaire ait été réduit de 8 à 3 %, les mesures de régulation budgétaire, appliquées sur un budget composé à 85 % de crédits de masse salariale, pèsent en effet fortement sur les crédits hors titre 2, en particulier sur les dépenses d'investissement, moins rigides que les dépenses de fonctionnement.

Même lorsqu'il n'est pas procédé à une annulation de crédits, leur dégel tardif dans l'année rend en outre généralement compliqué leur emploi conformément à leur destination d'origine . Ainsi, à ce jour, 1 000 véhicules, sur les 3 000 budgétés par la gendarmerie nationale en 2018, n'ont pas pu être acquis en raison de crédits encore gelés et dont il n'est pas certain, même en cas de dégel, qu'ils pourront être engagés avant la fin de l'exercice budgétaire.

Enfin, votre rapporteur observe qu'outre les mesures de régulation budgétaire, l'application d'économies non documentées sur les programmes 176 et 152, c'est-à-dire d'économies demandées par la direction du budget mais dont l'imputation n'a pas été identifiée au moment de la programmation budgétaire, contraint généralement les services à grever leurs capacités d'investissement.


* 3 Rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration, « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », n° 2016-M-111 et n° 16123-R, février 2017.

* 4 Le nombre de créations d'emplois programmées est inférieur aux 10 000 annoncés, en raison de l'application de mesures de transferts d'effectifs vers d'autres programmes ainsi que de l'application de mesures de réductions d'emploi dans le cadre de l'optimisation des fonctions d'administration centrale. Il s'agit de créations nettes d'emploi.

* 5 Le glissement vieillesse-technicité mesure l'évolution des dépenses de personnel liées aux variations de la masse salariale et à l'évolution de sa composition.

* 6 En raison d'une sous-dotation budgétaire du titre 2 dans la loi de finances initiale pour 2018, les vacations des membres de la réserve opérationnelle réalisées sur le dernier trimestre 2018 n'ont pu être rémunérées.

* 7 Selon le cadre réglementaire prévu par le décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale et par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale du 18 octobre 2002, les heures supplémentaires effectuées par les agents actifs de la police nationale doivent être récupérées ou peuvent, à défaut, donner lieu à une indemnisation lorsque l'application d'un repos compensateur se révèle impossible. En raison de l'augmentation importante de l'activité opérationnelle des services, la police nationale a accumulé un stock important d'heures supplémentaires, qui n'ont pu être ni être récupérées, eu égard à l'activité particulièrement intense des services, ni rémunérées, faute de moyens suffisants.

* 8 Les derniers chiffres officiels du ministère de l'intérieur relevaient, au 31 décembre 2017, 21,8 millions d'heures supplémentaires.

* 9 Jusqu'à présent en effet, les administrations recevaient de l'État une dotation budgétaire pour s'acquitter des loyers auprès de la direction de l'immobilier. Cette opération « à circuit fermé » était toutefois difficile d'application pour les administrations concernées et critiquée, depuis plusieurs années, par la Cour des comptes, qui lui reprochait de confondre les recettes et les dépenses correspondant à ces loyers avec les recettes et les dépenses réelles.

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