B. DES SERVICES DE SOUTIEN CONFRONTÉS À LA RESPONSABILISATION DES COMMANDEMENTS

Les services de soutien, éternels sacrifiés du ministère ayant subi de plein fouet la révision générale des politiques publiques, les efforts de déflations prévues par la précédente LPM puis la remontée en puissance de la FOT qui les a mis sous tension, doivent faire l'objet d'une attention particulière dans la mise en oeuvre de la prochaine LPM .

1. La lente remontée des effectifs d'un Service de santé des armées (SSA) sursollicité

Durant la précédente LPM, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs . La remontée de la FOT et le niveau élevé de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs, supérieur aux objectifs de construction de la LPM et du modèle SSA 2020, ont mécaniquement induit un besoin supplémentaire de soutien par le SSA.

La LPM 2019-2025 s'est concrétisée par l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2019 et prévoit leur stabilisation jusqu'en 2023, puis leur remontée modérée au-delà . Cette nouvelle trajectoire positive se traduira par :

- la mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire (présenté dans l'encadré suivant),

- la poursuite de la remontée en puissance de la médecine des forces. Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque une centaine, ce qui conduit à concentrer sur les mêmes personnels la charge de projection du service. Le taux de projection des équipes médicales était de 106 %, malgré l'apport des réservistes, et de 200 % pour les équipes chirurgicales . En 2020 seront déployées de nouvelles antennes de réanimation, de chirurgie et de sauvetage, indispensables à la capacité à entrer en premier sur les nouveaux théâtres d'opération,

- et l'accentuation de la préparation de l'avenir (15 postes d'élèves médecins et 10 postes d'élèves infirmiers supplémentaires ouverts chaque année à compter de 2019 au titre de la formation ab initio ).

SSA 2020

La sujétion opérationnelle accrue, un système national de santé en pleine mutation, et un contexte budgétaire de plus en plus contraint, ont conduit le SSA à élaborer, dès 2013, une nouvelle vision stratégique : le projet de Service « SSA 2020 », qui repose sur trois principes :

- la concentration : recentrage sur la mission opérationnelle, densification des équipes et des structures,

- l'ouverture au service public de santé, à l'interministériel, à la société civile et à l'international, pour en devenir un acteur à part entière et bénéficier de leur soutien,

- et enfin, la simplification, basée sur la délégation et la transversalité.

La médecine des forces doit devenir le centre de gravité du SSA. Dans le cadre de la mise en oeuvre du Modèle SSA 2020, le SSA a entrepris une réorganisation profonde de la médecine des forces. Son organisation est simplifiée et différenciée garantissant aux forces armées proximité, disponibilité et compétences spécifiques, en opérations comme sur le territoire national. De nouvelles activités de soins répondant aux besoins de la population militaire soutenue sont créées.

Ceci se traduira par la création de centres médicaux des armées de nouvelle génération (CMA NG), en nombre réduit par rapport aux structures actuelles (19 en 2018 contre 54 en 2014).

Les hôpitaux militaires sont la composante du service de santé dont la réorganisation prévue par le projet SSA 2020 est la plus profonde et la plus complexe. L'objectif est de recentrer cette composante autour des besoins de soutien opérationnel des forces armées, sur les théâtres d'opérations extérieures comme sur le territoire national.

Le format retenu est de huit établissements. Les quatre hôpitaux d'instruction des armées (HIA) composant les groupes hospitaliers militaires nord (HIA Percy et Bégin) et sud (HIA Sainte-Anne et Laveran) sont clairement identifiés comme des outils de défense détenus en propre par le ministère de la défense. Ces hôpitaux sont densifiés et recentrés sur les spécialités concourant à la réponse immédiate au contrat opérationnel et à la prise en charge des blessés et de leurs séquelles.

Leur format permet d'assurer une contribution forte aux besoins du contrat opérationnel et la prise en charge initiale des blessés de guerre. Les quatre établissements en partenariat civil/militaire** ont vocation à s'intégrer pleinement dans leurs territoires de santé dans le cadre de partenariats avancés et pérennes. Leur format sera réduit afin de dégager les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en oeuvre du modèle SSA 2020.

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* Le SSA n'a plus aujourd'hui à prendre en charge, de la même façon que lors de sa création, la communauté de la défense située en métropole, qui trouve désormais dans le secteur public hospitalier une offre de soins satisfaisante. De la même façon, la disparition des appelés du contingent et la réorganisation des bases de défense ont réduit le besoin d'implantation nationale du SSA.

**HIA Robert Picqué (Bordeaux) en partenariat avec la Maison de santé protestante Bagatelle, HIA Desgenettes (Lyon) en partenariat avec les Hospices civils de Lyon, HIA Legouest (Metz) en partenariat avec le Centre hospitalier régionale de Metz - Thionville et HIA Clermont-Tonnerre (Brest) en partenariat avec le Centre hospitalier régional universitaire de Brest.

Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes, les dentistes, les infirmiers en soins spécialisés de bloc opératoire diplômés d'État et les masseurs kinésithérapeutes, la surprojection des mêmes personnels finit par les pousser à quitter le service. Leur fidélisation est un défi difficile à relever dans de telles conditions, et alors que la concurrence de la fonction publique hospitalière sur certaines spécialités est réelle .

À ceci s'ajoute la longueur des formations pour nombre des métiers de la santé, générant des effets retardés sur les viviers. Ces facteurs incitent à la civilianisation progressive des postes sans contrainte opérationnelle directe et au recours croissant aux praticiens contractuels. Alors que ces officiers contractuels représentaient 7 % des effectifs des praticiens en 2016, leur recrutement va s'intensifier lors des prochaines années, avec une cible établie à 16 % d'ici 2021.

Pour faire face aux besoins de projection, 10 à 20 % du contrat opérationnel du SSA en OPEX est assuré par des réservistes. À ce jour 2 900 réservistes participent aux missions du SSA, 50 % d'entre eux sont appelés à partir à la retraite à court terme. La directrice du SSA travaille activement à l'augmentation de leur nombre pour atteindre l'objectif de 3 500 réservistes .

Les relations entre le SSA et les réservistes sont fructueuses : elles permettent de pourvoir le service en tant que de besoin en attendant que les médecins et infirmiers supplémentaires soient formés (les besoins sont réels chez les chirurgiens orthopédistes ou les dentistes) et elles garantissent l'irrigation des savoir-faire du SSA au sein de notre société lorsque les réservistes retournent à leur pratique.

La situation du SSA reste fragile :

- la féminisation du corps médical pose certains défis,

- le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est également marqué par un ac croissement des besoins en expertise médicale d'aptitude et une intensification des activités de soutien des activités à risque , du fait de l'augmentation de la force opérationnelle terrestre et du plan Réserve 2019,

- enfin, l'attractivité du secteur civil , particulièrement forte pour certaines spécialités hospitalières (radiologie, anesthésie-réanimation et chirurgie), favorise de nombreux départs de l'institution. La stabilisation du SSA reste donc à surveiller .

Dans cette perspective, la modification des décrets permettant la prise en compte de la spécificité des missions du SSA doit être soutenue :

- notamment l'abaissement de l'ancienneté requise des infirmiers menant les entretiens préparant les dons du sang de deux ans à un an ,

- et l'aménagement des conditions de dépôt d'urgence de plasma lyophilisé universel . Domaine dans lequel le SSA excelle, produisant ce plasma pour d'autres pays, notamment les États-Unis (sur fourniture de leur propre plasma et contre paiement).

2. Le nouveau défi des services de soutiens : la responsabilisation des commandements

La responsabilisation des commandements a été annoncée par la ministre en 2018 selon la règle « un chef, une mission, des moyens ». Dès 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait déploré le fait que la nouvelle organisation des bases de défense compliquait inutilement le quotidien des « soutenus » : par exemple, il fallait obtenir pas moins de 7 signatures pour organiser un simple exercice de tir et prévenir les services concernés...

Lors de d'une audition par le Parlement en juillet 2018, le général François Lecointre, le chef d'état-major des armées, avait critiqué les réformes menées dans le domaine du soutien, notamment celles relatives à la Révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2008 : « Les principes qui ont présidé à la réorganisation du ministère dans une période de forte déflation restent en vigueur, même après l'inversion de tendance. L'approche fonctionnelle, qui a supplanté l'approche organique de manière trop systématique, sans égard suffisant pour la singularité du fonctionnement des armées, nous a affaiblis. Nous devons veiller à remédier aux affaiblissements les plus criants », a ainsi expliqué le CEMA. Le CEMA, lors de son audition devant la CAEDFA en octobre 2018, avait présenté les grandes lignes de la réforme visant la responsabilisation des commandements, ou pour le dire de façon plus concrète la réforme des soutenants au service des soutenus . Encore en cours de définition cette réforme participe du plan gouvernemental Action publique 2022.

En 2020, cette réforme trouvera ses premières applications concrètes . La responsabilisation des commandements, ou pour le dire de façon plus concrète la réforme des soutenants au service des soutenus est donc en marche, marquée par deux constats :

- les armées sont confrontées à des générations plus exigeantes envers l'institution et plus mobiles dans leur vie professionnelle. Le défi que représente la fidélisation est bien connu, or si les soldats quittent les rangs, qui seront les prochains lieutenants ? Dans ce contexte, les tracasseries administratives, les lourdeurs de mise en oeuvre des services de soutien sont plus sensibles que jamais,

- pour préserver les armées en temps de restriction budgétaire, les services de soutien ont été l'objet de grands sacrifices . Ils ont été organisés selon une logique de « bout en bout » pour favoriser leur efficacité-métier ce qui a en fait mis à mal la cohérence organique des armées . Réaffirmer la « militarité » des soutiens , qui doivent être au service de la cohérence organique des armées bien avant d'avoir les meilleurs ratios de performance dans leurs métier, est indispensable au bon fonctionnement de nos armées qui doivent pouvoir ainsi accomplir leur contrat opérationnel , en temps de paix, de crise ou de guerre.

C'est bien ce que propose la réforme en oeuvre qui redonne des leviers au commandement opérationnel et aux armées sans pour autant remettre en question les structures organisationnelles qui prévalent actuellement dans les soutiens.

L'instruction ministérielle sur les commandants de base de Défense (COMBdD) leur redonne des leviers budgétaires et le pouvoir de décider localement des priorités d'aménagement par exemple. Tel est l'objet du transfert des crédits d'infrastructure du programme 212. Des dérogations aux modalités d'achats publics des armées visent également à redonner de la souplesse dans la gestion des bases de défense .

Dans le même temps, le Commissariat central met en place des guichets uniques - nouvelle génération des services de soutien.

L'enjeu consiste à réformer pour redonner des leviers d'action aux bases de défense, sans soumettre de nouveau à leur autorité hiérarchique les entités locales des services et directions de soutien interarmées qui réaffirment leur militarité. L'exécution de cette réforme sera suivie avec attention, car son objectif est double : améliorer le quotidien des soutenus, sans fragiliser les services de soutiens très fragilisés par les décisions de réductions d'effectifs et de réorganisation décidés lors des précédentes LPM.

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À l'issue de sa réunion du mercredi 20 novembre 2019, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense », le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ayant voté contre.

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