III. LA PROTECTION DES DROITS ET LIBERTÉS, UN OBJECTIF QUI NE PEUT ETRE ATTEINT QUE PAR L'ACTION D'AUTORITÉS RÉELLEMENT INDÉPENDANTES

A. UNE PRIORITÉ QUI JUSTIFIE DES EFFORTS BUDGÉTAIRES

La loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes en a fixé la liste limitative, permettant ainsi au législateur de réaffirmer son rôle dans la création et le contrôle de ces autorités.

Ces autorités administratives indépendantes ne se substituent pas au législateur mais encadrent l'action du Gouvernement avec pour seul objectif la protection des droits de l'homme et des libertés publiques et individuelles.

• Le Défenseur des droits , autorité de rang constitutionnel, réunit les compétences du Médiateur de la République, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie et de sécurité. Il est, depuis la loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016, chargé d'orienter et de protéger les lanceurs d'alerte.

La loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle, désigne cette autorité en qualité d'organisme compétent dans le cadre du recours à la médiation préalable obligatoire, avant saisine du juge administratif pour le traitement des litiges relatifs au revenu de solidarité active (RSA), à l'aide exceptionnelle de fin d'année et à l'aide personnalisée au logement (APL). Cette nouvelle expérimentation est mise en place depuis avril 2018 dans 6 départements.

L'autorité bénéficie pour 2020 de 7 ETPT supplémentaires ; cela ne correspond cependant pas à 7 créations de postes. Pour 3 ETPT, c'est la conséquence d'une correction technique consistant à prendre en charge sous plafond des postes antérieurement mis à disposition avec remboursement par l'institution. Pour 3 autres ETPT, il s'agit de l'impact du schéma d'emploi 2020 sur 2020, et pour 1 ETPT de l'extension en année pleine sur 2020 du schéma d'emplois de 2019.

Ces postes supplémentaires sont nécessaires à l'institution dont l'activité croît d'année en année (+ 30 % de réclamations en 5 ans). En 2019, le Défenseur des droits devrait dépasser la barre des 100 000 réclamations traitées, dont 25 000 par le siège, les 75 000 autres par les délégués territoriaux. Cette tendance est la conséquence de la défaillance des autres institutions, cette autorité étant le dernier recours de nombreux citoyens, et ce alors même que l'institution estime que le niveau de non recours aux droits reste préoccupant dans notre pays.

Le Défenseur des droits va mettre à profit les 3 postes qui lui sont alloués pour se réorganiser, et créer une meilleure synergie entre le siège et les délégués territoriaux. Des cadres internes seront nommés chef(fe)s de pôle régional, avec pour mission d'apporter appui, assistance technique et formation aux délégués territoriaux. L'augmentation des crédits de fonctionnement permettra de recruter 20 délégués supplémentaires, pour un coût de 100 000 € (indemnité de 400 € par mois et remboursement de frais).

Le Défenseur des droits estime que 20 autres délégués territoriaux seront nécessaires, l'activité ne faiblissant pas. Elle pourrait au contraire augmenter davantage si l'expérimentation de la médiation préalable obligatoire était étendue à toute la France. Cette généralisation serait certainement une bonne chose dans la mesure où elle permet de diminuer de 30 % le contentieux concerné devant les tribunaux administratifs et ainsi de dégager du temps pour que les magistrats traitent d'autres contentieux. Elle pourrait se traduire, selon les estimations du Défenseur des droits, par 100 000 demandes nouvelles.

Votre rapporteur souhaite que des moyens complémentaires soient accordés au Défenseur des droits en loi de finances pour 2020 afin de l'accompagner dans ses missions.

• La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) , régulateur de la protection des données personnelles, voit son budget pour 2020 progresser de 8,80 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement.

Le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018, octroie à la CNIL de nouveaux outils de régulation que sont les référentiels, la certification, le règlement type ou les analyses d'impact obligatoires.

L'année 2019 a été consacrée par l'autorité à l'amplification des actions d'accompagnement des professionnels ainsi qu'à des actions de pédagogie à l'égard des plus petits organismes ou des moins sensibilisés au RGPD. C'est ainsi que la CNIL a publié en septembre 2019 un guide de sensibilisation des collectivités territoriales au RGPD.

Trois axes de travail ont été dégagés par la CNIL pour 2019 : pédagogie et création de contenus ; incitation des organisations professionnelles des secteurs public et privé à se structurer en têtes de réseaux qui sont autant de relais auxquels l'autorité apporte son appui ; déploiement d'outils pratiques tels les MOOC (formations en ligne ouvertes à tous).

Le « changement d'échelle » engendré par la mise en oeuvre du RGPD se constate à tous niveaux. Le nombre d'interlocuteurs est passé de 18 000 organismes dotés d'un correspondant informatique et liberté, à 39 500 organismes ayant désigné un délégué à la protection des données fin 2018, et à 50 000 moins d'un an plus tard. Le site internet de la CNIL a reçu 8 millions de visites en 2018. Les plaintes ont augmenté de 32 % la même année et la CNIL a reçu, du 25 mai au 31 décembre 2018, 1 170 notifications de violations de données faisant suite le plus souvent à des atteintes à la confidentialité des données.

Le pouvoir de contrôle de la CNIL prend lui aussi une autre dimension avec la possibilité pour l'autorité de prononcer des sanctions, dont des sanctions pécuniaires d'un montant maximal de 20 M€ ou 4 % du chiffre d'affaires mondial. Eu égard aux enjeux financiers en cause, l'autorité doit sécuriser les procédures engagées qui ne manqueront pas de déboucher sur des contentieux.

Enfin, la coopération européenne dans les dossiers transfrontaliers (soit 20 % des dossiers), pour lesquels la CNIL sera chef de file ou autorité concernée, engendre pour celle-ci une charge importante, avec un travail supplémentaire en anglais.

Les moyens supplémentaires alloués à la CNIL pour 2020 sont les bienvenus mais seraient, selon cette autorité, insuffisants pour lui permettre d'assurer pleinement ses fonctions de contrôle et de sanction. C'est un point sur lequel votre rapporteur sera particulièrement vigilant.

• La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) , dont la mission première est de recevoir et contrôler les déclarations de situation patrimoniale et d'intérêts d'environ 15 800 responsables publics, se félicite d'un taux de conformité de 99,82 % avec 30 dossiers transmis en 2018 à l'autorité judiciaire.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a confié à la HATVP la mission de contrôler l'inscription des représentants d'intérêts sur un registre ainsi que le respect de leurs obligations déclaratives et déontologiques. À cette fin, la Haute Autorité dispose d'un pouvoir de vérification sur pièces et sur place. Les premiers contrôles sur pièces ont eu lieu fin 2018.

Tout représentant d'intérêts est tenu de communiquer à la HATVP un certain nombre d'informations dont, notamment, son identité, le champ de ses activités, les actions menées auprès des membres du Gouvernement, des parlementaires et autres personnes listées par la loi. Le fait, pour un représentant d'intérêts, de ne pas communiquer ces informations est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Cette activité liée au registre est en pleine expansion avec, fin décembre 2018, 1 734 inscrits et environ 2 000 à la mi-octobre 2019. Sur cette même période, les actions de lobbying déclarées sont passées de 6 362 à plus de 14 000, preuve que s'opère une réelle appropriation de ce registre.

La HATVP déplore néanmoins que la définition des actions à déclarer soit difficile à appréhender par les acteurs, impliquant de sa part un important travail d'accompagnement. Les 6 emplois supplémentaires alloués à la Haute Autorité pour 2020 contribueront à accomplir cette mission.

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique confie, à compter du 1 er février 2020, le contrôle des allers-retours des agents publics entre le secteur public et le secteur privé. Ce contrôle sera obligatoire pour certains emplois ou fonctions dont la liste reste à déterminer par décret ; la Haute autorité pourra être saisie pour avis pour les autres emplois.

La commission de déontologie de la fonction publique, qui exerçait en partie les missions nouvellement confiées à la HATVP, disposait de 6 ETPT et d'un budget de 450 000 €. Or les arbitrages budgétaires ayant eu lieu avant l'adoption de la loi de transformation de la fonction publique, la HATVP n'a pas obtenu les moyens financiers de la commission.

Votre rapporteur souhaite vivement que la HATVP soit dotée en PLF pour 2020, et non pas par simple régulation budgétaire, de moyens financiers et humains supplémentaires afin d'assumer ces nouvelles compétences.

• Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) va connaître plusieurs changements dans les mois à venir. Outre ses missions de régulateur des services de radio, télévision et services de médias audiovisuels à la demande, le CSA s'est vu attribuer, par la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information, une nouvelle compétence dans un domaine qui n'était jusqu'alors pas le sien. Il sera en effet chargé de contrôler le respect, par certains opérateurs de plateformes en ligne, de leur obligation de coopération en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations. Ces nouveaux interlocuteurs dans le champ de la régulation conduisent le CSA à renouveler ses méthodes de travail.

Deux autres textes pourraient élargir encore ce rôle de régulateur au champ très vaste des plateformes, réseaux sociaux et sites de partages de vidéos.

La proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet adoptée par l'Assemblée nationale le 9 juillet 2019 confierait au CSA un pouvoir de sanction administrative à l'encontre des plateformes ayant manqué à leur obligation de mettre en oeuvre les moyens proportionnés nécessaires à un traitement dans les meilleurs délais des signalements de contenus haineux.

La directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive « Services de médias audiovisuels », qui sera transposée par la future loi audiovisuelle, devrait en outre élargir le champ d'action du CSA aux plateformes de partage vidéos sur internet.

Dans le PLF pour 2020, 6 emplois supplémentaires sont alloués au CSA dont le plafond atteindra 290 ETPT. Toutefois, aucun moyen financier supplémentaire n'accompagne ces emplois, notamment de spécialistes de l'algorithme, compétences recherchées et coûteuses.

La fusion envisagée entre le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), qui devrait être effective en 2021, doit se préparer dès 2020, ce qui entraînera dès l'an prochain des dépenses ponctuelles de réaménagement des locaux du CSA, de dépôt de noms de domaine, de création d'une nouvelle identité visuelle, de création d'un site internet unique.

Avec une dotation stable depuis 2010, le CSA risque de devoir faire appel à la solidarité au sein du programme, alors qu'il eut été plus cohérent de lui accorder les moyens de faire face à ces nouvelles dépenses à venir.

Enfin, votre rapporteur souhaite émettre deux observations. La première concerne le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Ses rapports gagneraient certainement en efficacité s'ils étaient publiés plus rapidement, et non plus d'un an après la visite. Bien qu'en diminution ces dernières années, ce délai est dû notamment au non-respect par les ministères des deux mois qui leur sont accordés pour apporter leurs observations. Peut-être le Contrôleur général des lieux de privation de liberté devrait-il revoir à la baisse son nombre de visites annuelles actuellement fixé à 150. En effet, ce délai de publication nuit à l'impact de ces rapports qui sont attendus par les professionnels et le grand public, en ce qu'ils dénoncent des situations problématiques ou, au contraire, soulignent de bonnes pratiques. C'est particulièrement le cas en matière d'enfermement psychiatrique, où les rapports du CGLPL sont attendus par les professionnels afin d'améliorer leurs pratiques.

La seconde observation porte sur la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) qui est très sollicitée, notamment pour des demandes qui ne sont pas liées à des documents administratifs. En effet, votre rapporteur s'étonne qu'elle fasse droit à des demandes, tels des échanges de courriels, créant ainsi de la donnée administrative, sous prétexte de questions légitimes. Peut-être la commission des lois devrait-elle se saisir du périmètre d'intervention de la CADA afin que l'autorité recentre son activité sur la communication de documents administratifs.

Page mise à jour le

Partager cette page