I. V. LA TERRITORIALISATION ANNONCÉE DU PLAN DE RELANCE EST BALBUTIANTE ET D'AMPLEUR LIMITÉE

A. UNE « TERRITORIALISATION » DU PLAN DE RELANCE PRÉCISÉE PAR CIRCULAIRE

Le 21 octobre 2020, les ministres de l'économie, des finances et de la relance, et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ont annoncé la territorialisation du plan de relance , notant que « l'action des échelons régionaux et départementaux sera déterminante pour assurer l'information, la mise en oeuvre, le rendu compte des moyens employés à la relance dans les territoires » .

Source : Commission des affaires économiques, d'après la circulaire du 23 octobre 2020 et le PLF 2021

Les modalités en ont été précisées par une circulaire du 23 octobre 2020 :

• elle instaure une architecture spécifique de dialogue entre l'État et les acteurs locaux , par le biais de deux « comités de pilotage et de suivi » aux niveaux régional et départemental . Ils associeront entre autres, en région, les préfets de région et de département, les partenaires sociaux, les départements et les opérateurs de l'État ; dans les départements, les présidents d'ECPI les réseaux consulaires, et des « parlementaires invités ». Enfin, des « sous-préfets à la relance » seront nommés dans chaque territoire ;

• les modalités de la territorialisation devront être définies dans deux types de contrats : un « accord régional de relance », signé entre l'État et la Région en parallèle au CPER 2021-2027, et éventuellement un « contrat de relance et de transition écologique » signé entre l'État et les départements, les EPCI et les communes sur des projets particuliers et cofinancés par ces collectivités ;

• elle distingue trois types d'enveloppes de crédits d'« actions territorialisées » , qui représentent, ensemble, environ 16 milliards d'euros selon les chiffres du Gouvernement. Certaines seront gérées de manière déconcentrée par les opérateurs régionaux, d'autres enveloppes spécifiques seront directement placées sous l'autorité du préfet, d'autres crédits enfin pourront être déconcentrés « au fur et à mesure ».

B. LES COLLECTIVITÉS ET LES ACTEURS LOCAUX ATTENDENT UNE MEILLEURE COORDINATION DES EFFORTS ET LA RECONNAISSANCE DE LEUR RÔLE INCONTOURNABLE DANS LA RELANCE

Plusieurs mois après le lancement des premières actions de relance, et à quelques semaines du déblocage de 36,4 milliards d'euros supplémentaires portés par la mission « Plan de relance », la rapporteure constate que les collectivités territoriales et les acteurs locaux appellent unanimement à une meilleure coordination des efforts de relance.

D'abord, les Régions - et certains départements - ont indiqué que certaines des actions prévues par le plan « France Relance » recoupent en partie des programmes de soutien ou d'aides mis en oeuvre par les collectivités dès le début de l'année 2020. À la mi-octobre, près de 56 % des territoires avaient déjà adopté ou étaient sur le point d'adopter un plan de relance local. Ils regrettent le peu de dialogue qui a précédé le lancement des actions portées par l'État (selon une enquête menée par l'AdCF). L'une des Régions auditionnées par la rapporteure a, par exemple, souligné que chaque modification des conditions d'octroi des aides du fonds de solidarité des entreprises a nécessité un énorme travail d'articulation et d'adaptation de la part des services et des dispositifs régionaux, à défaut d'une meilleure anticipation.

D'ailleurs, il apparaît que l'État s'est énormément reposé sur la capacité de détection, d'instruction, d'accompagnement et de suivi des collectivités territoriales et des réseaux consulaires durant la crise. Il n'en ira autrement pour la mise en oeuvre de la relance. Pour autant, ils ne sauraient être réduits au seul rôle d'opérateurs de l'État, mais attendent au contraire une meilleure reconnaissance de leur rôle central dans la vie économique des territoires.

En dépit des annonces de territorialisation, la très grande majorité des financements resteront in fine octroyés sur décision des préfets, c'est-à-dire dans une vision déconcentrée et non décentralisée. Les collectivités sont bien sûr largement appelées à cofinancer ces actions, sans néanmoins de pouvoir de codécision sur leurs orientations.

D'autres acteurs locaux ont insisté sur la sensation générale de « flou artistique » qui règne dans les territoires quant au calendrier de déploiement des actions, mais aussi sur le rôle respectif qui sera celui de chaque échelon. Plusieurs collectivités ont indiqué n'avoir reçu aucune présentation précise de la part des services de l'État sur les actions précises de « France Relance » qui nécessiteront appui ou intervention des Régions et départements. Selon une enquête menée par l'AdCF auprès des intercommunalités adhérentes, près de 74 % des répondants indiquent n'avoir pas eu de contact avec les services et opérateurs d'État, ou un contact insuffisamment précis pour les éclairer sur les projets.

Certains préfets auraient indiqué attendre des consignes plus précises avant de lancer toute action de relance, tandis que d'autres ont travaillé en grande proximité avec les collectivités afin de les déployer le plus rapidement possible. Dans certains territoires, les préfets auraient indiqué aux départements que l'enceinte la plus appropriée pour coordonner les actions de relance serait le CODEFI - le Comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises. Cela ne manque pas d'étonner, ce comité étant chargé spécifiquement du cas des entreprises en difficulté et n'ayant aucune vocation ni compétence pour traiter des sujets de transition écologique ou d'emploi par exemple.

Source : Enquête flash menée par l'AdCF auprès des DGS des intercommunalités françaises, 16 octobre 2020

Si le Gouvernement présente les nouveaux « sous-préfets à la relance » comme la clef de voûte du dispositif de relance territorialisée , il semble que leur déploiement prenne du retard et que leur rôle n'ait pas été clairement défini . Une série de sous-préfets a été nommée le 15 novembre dernier, mais leur positionnement n'a pas été tranché. La Direction générale du trésor a par exemple indiqué que ceux-ci seraient placés au niveau régional ou au niveau départemental, selon les cas de figure : on voit mal comment un poste au niveau régional offrirait le maillage fin nécessaire à un accompagnement territorialisé de qualité. De surcroît, comme évoqué plus haut, il n'est pas précisé si ces nouveaux sous-préfets disposent d'équipes et de moyens dédiés.

Sans doute la mise en place progressive de l'architecture prévue par la circulaire du 23 octobre 2020 pourra-t-elle, dans certains cas, résoudre une partie des problèmes. La rapporteure salue particulièrement les dispositions de la circulaire prévoyant une remontée d'information mensuelle de la part des comités régionaux de pilotage et de suivi et leur confiant la tâche de « signaler les difficultés opérationnelles dans la mise en oeuvre du plan de relance » .

Cependant, il est aussi à craindre que la superposition de niveaux de décisions supplémentaires, de diverses couches contractuelles, de différents types d'enveloppe ne soient source de confusion et de retards. La « double contractualisation » avec les collectivités prendra nécessairement du temps, d'autant que d'autres échéances sont aussi fixées dans les prochains mois (CPER, Contrats de transition écologique...). La circulaire n'offre pas non plus de détail sur la nature des actions qui appartiendront aux trois catégories, évoquant la transmission prochaine de « lignes directrices » par les ministères.

Le Gouvernement doit oeuvrer rapidement à offrir les clarifications et simplifications nécessaires, sous peine que territorialisation de la relance ne soit pas effective avant plusieurs mois et repousse encore un stimulus économique déjà étalé dans le temps.

Page mise à jour le

Partager cette page