B. UN SOUTIEN INÉDIT ET INDISPENSABLE AU SECTEUR, MAIS PERFECTIBLE

1. Une hausse considérable de l'enveloppe consacrée au transport ferroviaire sous l'effet du plan de relance

Dans ce contexte, les crédits relatifs au transport ferroviaire du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, majoritairement répartis entre le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » et le programme « Écologie » de la mission « Plan de relance » 8 ( * ) , sont ventilés de la manière suivante :

Le programme 203 prévoit notamment :

• une contribution de l'État à SNCF Réseau à hauteur de 2,47 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et en autorisations d'engagement (AE) - contre 2,39 milliards d'euros en 2020 - au titre de l'amélioration et du développement du réseau ferré national ;

• un fonds de concours de l'Afitf de 257 millions d'euros en CP, qui retrace notamment la part État des contrats de plan État-régions (contre 244 millions d'euros en 2020) ;

• un fonds de concours estimé à 192 millions d'euros en CP et en AE consistant en un reversement des dividendes du groupe SNCF - que l'État renonce à percevoir - au bénéfice de SNCF Réseau, qui concourt au financement de la régénération du réseau. Cette estimation connaît une importante diminution par rapport à celle de 2020 (662 millions d'euros), en raison des chocs traversés par le groupe ;

• 314,6 millions d'euros en CP et 514,6 millions d'euros en AE au titre des « transports collectifs » (contre 22 millions d'euros en 2020), qui correspondent principalement à la budgétisation du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs », que l'article 28 du projet de loi de finances prévoit de supprimer. Ce montant retrace les dépenses relatives au financement du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire ;

• 202 millions d'euros en CP au titre des transports combinés (contre 32 millions d'euros en 2020), dont 27 millions d'euros d'aides à l'exploitation de services de transport combiné, 5 millions d'aide au service transitoire d'autoroute ferroviaire alpine et 170 millions supplémentaires de soutien au fret ferroviaire. D'après la DGITM, une partie de cette enveloppe (63 millions d'euros) est affectée à la prise en charge par l'État de la moitié de la redevance de circulation due par les entreprises de fret ferroviaire à SNCF Réseau et le reliquat permettra une hausse de l'aide à l'exploitation des services de transports - de l'ordre de 20 millions d'euros, pour atteindre 47 millions d'euros - ainsi que la mise en place d'une aide à l'exploitation des services de wagons isolés et le financement d'aides au démarrage de services d'autoroutes ferroviaires ;

• un fonds de concours de 45 millions d'euros en AE et en CP pour la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels (contre 40 millions d'euros en 2020).

La mission Plan de relance évoque un soutien au secteur ferroviaire de l'ordre de 4,75 milliards d'euros.

D'abord, 4,05 milliards d'euros de recapitalisation de la SNCF sont prévus. D'après la DGITM, la SNCF les allouera ensuite à SNCF Réseau et ces montants seront complétés par 600 millions d'euros financés par le groupe SNCF (produits de cessions). Ces montants permettront de financer :

• le maintien de l'effort de SNCF Réseau en matière de régénération du réseau ferré national (2,3 milliards d'euros) ;

• les surcoûts pour SNCF Réseau liés à des évolutions réglementaires (traitement de la végétation sans glyphosate, loi Didier sur les ouvrages de rétablissement...) pour 1,5 milliard d'euros ;

• la contribution de SNCF Réseau à la remise en état des petites lignes ferroviaires (320 millions d'euros) ;

• les surcoûts pour SNCF Réseau liés à une meilleure prise en compte des besoins du fret ferroviaire dans la programmation des plages travaux (210 millions d'euros) ;

• des investissements visant à accélérer la sécurisation des passages à niveau (80 millions d'euros), la résorption des points noirs bruits (120 millions d'euros), ou encore la mise en accessibilité PMR des gares (120 millions d'euros) ;

Ensuite, la mission Plan de relance prévoit 650 millions d'euros de crédits État relatifs au réseau ferroviaire, qui abonderont les budgets 2021 et 2022 de l'Afitf, aux fins suivantes :

• 100 millions d'euros en faveur des trains de nuit ;

• 300 millions d'euros en faveur de l'accélération des CPER ferroviaires, sur le volet « petites lignes » ;

• 250 millions d'euros en faveur du fret ferroviaire.

En outre, 200 millions d'euros sont prévus au titre de la réalisation de la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin dans le cadre de la mission Plan de relance.

Enfin, 692 millions d'euros (en AE et en CP) sont prévus au titre de la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État dans le programme 355 du même nom.

2. Un plan de soutien indispensable à intensifier et à pérenniser
a) Un soutien particulièrement bienvenu à destination du gestionnaire d'infrastructure

Au terme de la quinzaine d'heures d'auditions conduites par le rapporteur , les montants ainsi prévus par le projet de loi de finances pour 2021 au titre du transport ferroviaire appellent des remarques en demi-teinte .

Sur la forme , l'éclatement des crédits consacrés au transport ferroviaire entre plusieurs missions, programmes et ministères, nuit à la lisibilité du budget . De surcroît, de nombreux acteurs entendus ont indiqué ne pas avoir connaissance ni de la ventilation ni des modalités précises de chacun de ces engagements .

Sur le fond , le rapporteur salue les efforts consentis en faveur du gestionnaire d'infrastructure . Il était en effet impératif de soutenir SNCF Réseau dans ses missions de régénération et de développement du réseau , d'autant plus dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs. Comme l'a souligné la SNCF à l'occasion de son audition, l'objectif est de stabiliser les efforts de régénération de SNCF Réseau à hauteur de 2,9 milliards d'euros .

Le rapporteur se félicite également des crédits de soutien au fret ferroviaire qui, comme l'a précisé l'Afra, « répondent dans les grandes lignes à la première étape du plan présenté par 4F 9 ( * ) [l'Alliance Fret Ferroviaire français du futur] ». Le rapporteur sera particulièrement vigilant à la poursuite de ces premiers efforts dans le cadre de la stratégie pour le développement du fret ferroviaire qui doit être présentée par le Gouvernement d'ici la fin de l'année 10 ( * ) .

Néanmoins, le rapporteur considère que les investissements sur le réseau et en faveur du fret ferroviaire doivent impérativement être amplifiés par une amélioration de la productivité et de la qualité de service fournie par le gestionnaire d'infrastructure .

b) Un effort à sécuriser dans le temps et à renforcer pour atteindre nos objectifs en matière de report modal

Pour autant, et comme l'ont souligné un grand nombre d'acteurs auditionnés, une proportion considérable des montants inscrits au titre de la mission « Plan de relance » correspondent soit à des compensations des pertes ou des retards liés à la crise sanitaire et au confinement , soit à des dépenses déjà prévues - comme la fin du glyphosate ou les investissements liés à la loi Didier 11 ( * ) - mais non budgétées .

Cette remarque n'enlève rien au caractère indispensable des investissements prévus par le projet de loi de finances pour 2021 . Pour autant, il y a un glissement sémantique à nommer « Plan de relance » un projet qui s'apparente davantage - par certains de ses volets - à un « plan de soutien ».

D'une part, si cet effort est bienvenu, il mériterait toutefois de s'inscrire dans une vision de plus long terme, allant au-delà de 2022 . Il est en effet essentiel de donner aux différents acteurs davantage de visibilité sur cinq ou dix ans . Ainsi, l'Afra se réjouit du soutien apporté au gestionnaire d'infrastructure, « pivot du système ferroviaire et qui doit avoir les moyens d'assurer ses missions ». Cet engagement devra néanmoins être conforté dans la durée . L'Allemagne a, par exemple, fait le choix de la durée en annonçant, en janvier dernier, un plan de modernisation de 86 milliards d'euros sur dix ans - dont 62 milliards d'euros de fonds publics et 24 milliards d'euros de la Deutsche Bahn.

D'autre part, certains acteurs auditionnés considèrent que le « Plan de relance » prévu par le projet de loi de finances pour 2021 n'est pas suffisant pour tenir les engagements de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre . Ainsi, d'après le rapport réalisé conjointement par le Réseau action climat, la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme et France nature environnement « Transport ferroviaire : sommes-nous sur les rails ? », un investissement supplémentaire de 3 milliards d'euros par an serait nécessaire jusqu'en 2030 pour atteindre les objectifs de report modal fixés par la Stratégie nationale bas carbone. En outre, le plan de relance est jugé insuffisant en matière de transports ferroviaires d'environ 1 milliard d'euros par an par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) 12 ( * ) . La FIF regrette quant à elle l'absence de volet relatif à la modernisation du matériel roulant.

Enfin, compte tenu de l'importance des sommes en jeu, la commission considère indispensable un suivi de la bonne utilisation de ces fonds, notamment en ce qui concerne les fonds affectés à SNCF Réseau .

c) La mise en oeuvre du PLF pour 2021 : des points de vigilance à prendre en compte

• Veiller à la bonne articulation entre trains de nuit et circulations fret

La décision du Gouvernement de développer les trains de nuit
- après la décision, sous le précédent Gouvernement, de fermer plusieurs lignes - répond à une demande du public , comme le montre une enquête de la FNAUT de juillet dernier 13 ( * ) . Néanmoins, au-delà de l'effet d'annonce, le rapporteur s'inquiète de la cohabitation de cette activité avec le fret , qui rencontre déjà d'importantes difficultés opérationnelles dans le montage de ses plans de transports, en raison notamment, d'après l'Afra, « de la mauvaise qualité du réseau et des sillons ».

En outre, les modalités de ce développement doivent être précisées, concernant notamment le matériel affecté à ces circulations. La question se pose également de savoir si ces lignes feront l'objet d'une mise en concurrence.

• Engager une réflexion sur les conséquences de la fermeture du Compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs »

L'article 28 du PLF pour 2021 prévoit la suppression du compte d'affectation spéciale qui retraçait le financement de la compensation relative au déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET) et des contributions versées aux régions au titre des lignes TET qu'elles ont reprises . D'après l'exposé des motifs, cette budgétisation s'explique notamment par l'ouverture à la concurrence qui rend le recours à un compte d'affectation spéciale inadapté.

Jusqu'à présent, le CAS était abondé par trois recettes : une fraction de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) payée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, la contribution de solidarité territoriale (CST) due par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs et la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) acquittée par les entreprises de service de transport ferroviaire de voyageurs dont le chiffre d'affaires soumis à la CST est supérieur à 300 millions d'euros. De fait, ces deux dernières étaient exclusivement versées par la SNCF, dans une logique de péréquation entre les activités plus rentables (TGV) et celles déficitaires.

La SNCF et plusieurs syndicats ferroviaires, entendus par le rapporteur, se sont inquiétés du devenir de ces taxes dans le contexte de l'ouverture à la concurrence . Le rapporteur considère qu'une réflexion doit être engagée sur ce sujet et conduire soit à une refonte de cette fiscalité, soit à sa suppression. Interrogée, la DGITM a indiqué travailler à des propositions sur le sujet qui pourront être présentées d'ici le prochain PLF.

• Renforcer le soutien prévu aux lignes de desserte fine du territoire et sécuriser les éventuels transferts réalisés sur la base du volontariat

Les crédits du plan de relance et de la recapitalisation de la SNCF consacrés aux lignes de desserte fine du territoire s'élèveraient à 620 millions d'euros (dont 320 millions au titre de SNCF Réseau et 300 millions de crédits État). Les 300 millions d'euros de crédits État ont vocation à abonder le budget de l'Afitf sur deux ans . En revanche, il n'a pas été précisé si la contribution de SNCF Réseau de 320 millions d'euros s'étalera au-delà de 2021, mais cette option semble a priori probable. Si cet effort peut être salué, il reste, en tout état de cause, bien inférieur aux besoins identifié s par le préfet Philizot dans son rapport de février dernier, qui évaluait le besoin de financement global à engager entre 2020 et 2028 à 6,4 milliards d'euros, soit environ 700 millions d'euros annuels . C'est pourquoi la commission a adopté un amendement n° II-178 visant à augmenter de 300 millions d'euros le soutien prévu par la mission « Plan de relance » aux « petites lignes », indispensables au maillage du territoire.

Des protocoles d'accord avec les régions Grand Est et Centre-Val de Loire ont d'ores et déjà été signés sur la question des petites lignes pour définir trois catégories de lignes : celles considérées comme structurantes, intégralement prises en charge par SNCF Réseau, celles qui continueront à faire l'objet d'un co-financement et enfin celles susceptibles d'être transférées aux régions sur la base du volontariat, conformément à l'article 172 de la LOM. Si aucun objectif quantitatif n'a été fixé, ces transferts seraient susceptibles de concerner un potentiel de 1 000 à 1 500 kilomètres de lignes.

Néanmoins, comme l'a souligné le préfet Philizot au cours de son audition, la réussite de tels transferts suppose le respect de certaines conditions . D'abord, il appartient aux régions de se doter des moyens techniques nécessaires à l'apprentissage de l'exercice de cette responsabilité de gestion d'infrastructure. Ensuite, il est nécessaire de veiller à garantir la bonne fluidité du réseau , et à définir précisément les conditions d'exploitation et le partage des rôles . Enfin, il est indispensable de clarifier les relations financières et le calcul des soultes à opérer . Sur ce dernier point et d'après l'avis de l'Autorité de régulation des transports (ART) publié en octobre dernier14 ( * ), le projet de décret d'application de l'article 172 de la LOM est pour l'heure trop imprécis.


* 8 Le Gouvernement a en effet fait le choix de concentrer les crédits budgétaires nouveaux dédiés à la relance dans une mission nouvelle au sein du projet de loi de finances pour 2021.

* 9 4F, juin 2020, « Le fret ferroviaire pour concilier relance économique et écologie - Les propositions de l'Alliance 4F pour doubler la part de marché du fret ferroviaire en 2030 ».

* 10 Aux termes de l'article 178 de la loi n° 2019-1428 de la loi d'orientation des mobilités.

* 11 Loi n° 2014-774 du 7 juillet 2014 visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies.

* 12 FNAUT, 7 septembre 2020, Communiqué : « Plan de relance et mobilité : la FNAUT reconnaît des avancées, mais l'effort d'investissement est insuffisant, il doit être renforcé et pérennisé ».

* 13 FNAUT, 9 juillet 2020, Communiqué : « Trains de nuit : les résultats d'une enquête de la FNAUT auprès des voyageurs »

* 14 Avis n° 2020-069 du 22 octobre 2020 portant sur le projet de décret relatif au transfert de gestion de lignes ferroviaires d'intérêt local ou régional à faible trafic et au transfert de missions de gestion de l'infrastructure sur de telles lignes, et portant diverses dispositions.

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