EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 25 NOVEMBRE 2020

Mme Françoise Dumont , rapporteure pour avis . - Je suis heureuse de présenter mon premier rapport devant notre commission. Il porte sur le programme 161 « Sécurité civile » inscrit dans la mission « Sécurités » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

Piloté par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), ce programme finance les moyens nationaux de la sécurité civile. Il s'agit des outils d'intervention opérationnels mis en oeuvre au quotidien pour le secours aux personnes, les opérations de déminage et les outils déclenchés en cas de catastrophes majeures. Ces catastrophes peuvent être naturelles, comme les feux de forêt, les inondations, les tempêtes ou les séismes, ou technologiques avec les risques nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif (NRBCE).

Cette année, les moyens alloués à ce programme, malheureusement, stagnent.

Les crédits demandés restent stables, puisque les crédits de paiement (CP) augmentent de 0,5 %, passant de 518 à 520 millions d'euros, et que les autorisations d'engagement (AE) baissent facialement de 15,5 %, passant de 491 à 415 millions d'euros. Cette baisse s'explique principalement par l'imputation de coûts de maintenance des aéronefs de la sécurité civile dans la mission « Plan de relance ». In fine , 37,5 millions d'euros prévus dans le cadre de ce plan seront spécialement dédiés à la sécurité civile.

Les moyens humains de la DGSCGC connaissent une légère hausse, le plafond d'emplois augmentant de 11 équivalents temps plein travaillé (ETP), de 2 479 à 2 490.

Enfin, les moyens aériens de la sécurité civile poursuivent leur évolution salutaire à travers plusieurs chantiers ; le principal concerne le remplacement des avions Tracker par des avions multirôles de type Dash 8, via un marché notifié, en 2018. Ce marché portait sur 6 appareils dont la livraison est échelonnée jusqu'en 2023 pour pallier le retrait progressif des Tracker. Or, comme le craignait Catherine Troendlé l'année dernière, un creux est apparu dans le cycle de renouvellement. En effet, la perte d'un appareil et le décès de son pilote pendant la saison des feux de 2019, puis la détection d'un problème technique sur les trains d'atterrissage, ont conduit, cette année, la DGSCGC à retirer prématurément du service l'ensemble des Tracker.

Pour faire face à ce retrait, deux hélicoptères bombardiers d'eau ont été loués cette année pour être basés en Corse, pendant la saison des feux. En outre, deux autres hélicoptères sont en cours d'acquisition, avec une option pour un troisième appareil. Cette acquisition s'inscrit dans le cadre du plan de soutien à l'aéronautique de juin dernier, dont les crédits ont été inscrits dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Enfin, deux nouveaux avions bombardiers d'eau amphibies sont en cours d'acquisition sur la base de financements européens.

Je souhaite maintenant remettre ces crédits en perspective à travers trois remarques.

Ma première remarque concerne le budget du programme « Sécurité civile », qui représente seulement 43,5 % des moyens consacrés par l'État à la sécurité civile. Pas moins de 8 autres programmes sont partiellement consacrés à la politique transversale de sécurité civile de l'État. En outre, le programme « Plan de relance » concourt à renouveler les moyens de la sécurité civile, mais n'est pas pris en compte dans cette politique transversale. Au final, bien que la lecture en soit difficile, ces crédits augmentent, avec une hausse de 14 % en AE et de 18 % en CP ; c'est la raison pour laquelle je vous propose un avis favorable.

Deuxième remarque : le budget consacré par l'État à la sécurité civile doit être rapproché du budget global de nos services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) qui s'élevait, en 2019, à plus de 5 milliards d'euros, presque exclusivement à la charge des collectivités.

La qualité de la politique nationale de sécurité civile est donc largement tributaire des moyens dont disposent les SDIS et, in fine , de ceux des collectivités territoriales, les départements en tête. Or, la santé financière de ces derniers va nécessairement pâtir de l'actuelle crise sanitaire.

Face à ces difficultés à venir, il est primordial de rationaliser les dépenses des SDIS. À ce titre, la DGSCGC indique réfléchir à un « pacte capacitaire » qui permettrait de mutualiser certaines dépenses entre SDIS. Je salue, certes, cette initiative, mais constate que de nombreux efforts de mutualisation ont déjà été mis en oeuvre entre les SDIS. Je crains donc que les économies qui pourraient être réalisées soient décevantes.

En revanche, j'appelle la DGSCGC à une grande vigilance dans l'élaboration des référentiels techniques qu'elle pourrait être amenée à mettre en oeuvre dans les mois à venir. Je souhaite, en effet, que les changements de normes induisant le remplacement du matériel des SDIS soient réduits au strict nécessaire, afin d'éviter les coûts de réacquisition.

Enfin, ma troisième remarque porte sur la manière d'analyser le coût de la sécurité civile. Devant la raréfaction à venir des deniers publics du fait de la crise sanitaire, tant pour l'État que pour les collectivités territoriales, la tentation de réduire les moyens alloués à la sécurité civile pourrait intervenir. Il est donc primordial de rapprocher enfin le coût de la sécurité civile et les économies qu'elle permet de générer, à tout niveau, afin de le considérer pour ce qu'il est : un investissement et non une perte sèche.

L'exercice a été réalisé par le SDIS du département des Bouches-du-Rhône, dans le cadre de l'élaboration du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR), via une méthode de calcul réalisée sur la base des travaux de plusieurs universitaires. Son résultat est édifiant, puisque les 200 millions d'euros de budget 2019 du SDIS des Bouches-du-Rhône ont permis d'obtenir près de 5,5 milliards d'euros de valeur sauvée ; peu d'investissements publics peuvent se prévaloir d'un rendement aussi significatif !

Une prise de conscience de ce gain avéré est donc nécessaire pour les arbitrages budgétaires futurs, afin que la sécurité civile bénéficie effectivement des moyens adéquats pour assurer ses missions d'intérêt général.

M. Jérôme Durain . - Ce programme 161 « Sécurité civile » ne contient pas l'intégralité du budget de la sécurité civile, puisque 90 % de ce dernier est financé par les collectivités locales. Cette année, un élément supplémentaire est venu s'ajouter : le financement de l'État en faveur de la sécurité civile devient de moins en moins lisible, sachant qu'il repose désormais sur 10 programmes, pilotés par 6 ministères différents ; le programme 161 ne représentera plus que 43 % de l'effort financier de l'État pour la sécurité civile en 2021, contre 50 % ces dernières années.

Notre attention doit aussi se porter sur la situation financière des associations agréées, pendant une crise sanitaire qui met à mal leur trésorerie. Le soutien de l'État s'avère nécessaire, faute de quoi elles risquent de ne plus pouvoir poursuivre leurs actions unanimement reconnues aux côtés des sapeurs-pompiers. Acteurs essentiels de la sécurité civile, ces derniers ont, entre le mois de mars et le mois de mai 2020, effectué plus de 122 000 interventions de secours d'urgence, afin de porter assistance à des personnes présentant des symptômes de la covid-19, le plus souvent pour les transporter vers un centre hospitalier. La question des carences ambulancières est rapidement abordée quand on a l'occasion d'échanger avec un officier des SDIS ; ce sujet appelle, sur le terrain, une meilleure collaboration entre les SDIS et les services d'aide médicale urgente (SAMU).

En effet, au-delà d'être les soldats du feu, les sapeurs-pompiers contribuent à jouer un rôle de plus en plus important en matière de santé, dans la prise en charge d'urgence et du secours aux personnes.

Pour conclure, j'évoquerai la reconnaissance professionnelle. Une bataille a été emportée au Sénat avec la suppression de la part salariale de la surcotisation perçue par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) dans le cadre des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en 2021, alors que l'Assemblée nationale avait décidé de son arrêt. Parmi la dizaine d'amendements déposés poursuivant le même objet, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) avait présenté un amendement en ce sens. L'amendement d'Hervé Maurey a finalement été adopté, ce qui constitue une bonne nouvelle.

Mme Agnès Canayer . - Ce budget de la sécurité civile concerne tous les citoyens au quotidien et balaie un nombre de risques très divers - contre le feu évidemment, mais aussi les risques industriels, les risques sur les plages.

Je souhaite évoquer le sujet - épidermique pour les collectivités territoriales - de la défense extérieure contre l'incendie (DECI). Les maires sont pris entre deux feux, si je puis dire : la cotisation aux SDIS et l'obligation de se mettre en conformité avec les normes. N'existe-t-il pas une possibilité de mieux mutualiser et développer les moyens accordés aux SDIS, de manière à assouplir les normes qui pèsent sur les collectivités territoriales en matière de DECI ?

La sécurité civile intervient également beaucoup dans le domaine du bénévolat et de la citoyenneté, notamment auprès des jeunes. Avez-vous un peu de visibilité sur ce rôle et sur les actions menées notamment par les SDIS ?

Mme Françoise Gatel . - Le sujet de la DECI, évoqué par Agnès Canayer, est en train d'émerger dans notre pays. En 2015, un nouveau décret a modifié les règles de protection contre les incendies, en lien avec les feux qui ont dévasté le sud de la France. Ce nouveau décret pose de gros problèmes aux communes. La délégation aux collectivités territoriales a été saisie de ce sujet par le président du Sénat. Nous avons diligenté une mission, de manière à faire des préconisations ; le rapport devrait être rendu au début de l'année prochaine.

En écho, encore une fois, aux propos d'Agnès Canayer, je souhaite évoquer les difficultés rencontrées par certains territoires pour recruter ou fidéliser des pompiers volontaires. Il existe une grande mobilité professionnelle, et les entreprises peuvent également être réticentes à l'idée de libérer leurs salariés qui, par ailleurs, sont pompiers volontaires. En matière de prévention sur ce sujet, existe-t-il des discussions ?

Enfin, les SDIS mènent souvent des actions pour faire découvrir aux jeunes la fonction de pompier volontaire, qui les séduit très souvent. Sachant leur coût, ces actions sont-elles développées partout sur le territoire ?

Mme Françoise Dumont , rapporteure pour avis . - Je partage les propos de Jérôme Durain. En effet, le programme et le budget alloué par l'État manquent de lisibilité. Le budget repose grandement sur les collectivités, au premier rang desquelles nos départements.

Concernant le sujet récurrent des carences ambulancières, les sapeurs-pompiers sont remboursés à hauteur de 123 euros, un transport coûtant entre 400 et 450 euros. Sachant que le secours à personnes augmente chaque année entre 6 et 10 %, plus les secours sont nombreux, plus le déficit se creuse. Sur ce sujet, les SDIS doivent pouvoir bénéficier d'un remboursement plus décent que les 123 euros et un coût moyen doit être établi après une évaluation sur l'ensemble des départements.

Pour répondre à Agnès Canayer et Françoise Gatel, les SDIS se partagent la mission de la défense contre l'incendie avec les maires, les EPCI et le département. Je lirai avec attention le rapport qui sera présenté par la délégation aux collectivités territoriales sur le sujet.

Enfin, s'agissant du volontariat, un plan vise à faciliter la disponibilté des salariés en cas de besoin pour une intervention. Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont également essentielles, à mon sens, pour faire découvrir aux jeunes la mission de sapeur-pompier. Dans mon département du Var, il y en avait huit à mon arrivée ; désormais, on en compte quinze. Reposant uniquement sur le volontariat de nos sapeurs-pompiers, elles constituent un vivier de recrutement pour les professionnels et s'avèrent, avant tout, une excellente école de vie. Même si les jeunes arrêtent au bout d'une année, ils leur restent toujours quelque chose de cet apprentissage des valeurs de respect, de partage et de courage. Mais il est compliqué aujourd'hui de pouvoir développer ces écoles, car elles reposent sur le volontariat, la bonne volonté et la facilité des SDIS à libérer de l'argent afin de pouvoir acheter du matériel ou des tenues pour les jeunes.

La commission décide de réserver son avis sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » dans l'attente de l'audition du ministre de l'intérieur.

Le ministre entendu, la commission a émis un avis favorable aux crédits du programme.

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