EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 17 novembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de Mme Jocelyne Guidez sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2022.

Mme Catherine Deroche , présidente. - Nous examinons ce matin cinq avis sur des missions du projet de loi de finances pour 2022. Nous commençons avec la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mme Jocelyne Guidez , rapporteure pour avis . - La mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » finance principalement des pensions et prestations au bénéfice des anciens combattants, dont le nombre diminue chaque année. Les crédits demandés pour 2022 suivent ainsi cette tendance et diminueraient de 3,5 % pour atteindre 2,016 milliards d'euros.

Les pensions militaires d'invalidité (PMI), la retraite du combattant et les allocations de soutien ou de reconnaissance en faveur de monde combattant représentent 93 % des crédits de la mission, qui financent également des dispositifs concourant au lien entre la Nation et son armée ainsi que l'indemnisation des victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans le champ des pensions et prestations versées aux anciens combattants, 808 millions d'euros sont alloués au service des pensions militaires d'invalidité, soit une diminution de 42 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Cette enveloppe s'ajuste ainsi à la diminution progressive du nombre de pensionnés qui diminue d'environ 5 % chaque année.

Ces crédits prennent toutefois en compte la mesure de revalorisation exceptionnelle de la valeur du point d'indice des pensions militaires d'invalidité (PMI), proposée à l'article 42 du projet de loi de finances (PLF). La valeur du point passerait ainsi de 14,7 euros à 15,05 euros au 1 er janvier prochain soit une progression de 7 %. Je rappelle que le point d'indice des PMI est indexé depuis 2005 sur celui de la fonction publique. Cette indexation a produit un écart de 5,9 % entre 2005 et 2020 entre la valeur actuelle du point de PMI et celle qu'elle aurait atteinte avec une indexation sur l'inflation.

C'est ce qu'a révélé la commission tripartite entre le Gouvernement, les parlementaires et le monde combattant constituée sur ce sujet et qui a remis ses conclusions en mars dernier. Elle a ainsi recommandé de prendre une mesure de « rattrapage » du niveau des pensions pour tenir compte de la hausse des prix, sans pour autant changer l'indexation sur l'indice de la fonction publique. Le Gouvernement traduit donc cette recommandation dans le PLF, ce que je salue, en précisant que cette mesure était très attendue par les associations d'anciens combattants. Rappelons que les montants des PMI sont relativement faibles, un pensionné de droit direct touchant en moyenne 278 euros par mois en 2020.

Cette revalorisation représentera un coût de 32,8 millions d'euros en 2022, dont 18,8 millions d'euros pour les PMI et 14,04 millions d'euros pour la retraite du combattant.

Ce dispositif ponctuel n'empêchera toutefois pas que l'écart puisse se creuser de nouveau entre la hausse des prix et le montant des pensions. La ministre Geneviève Darrieussecq s'est ainsi engagée à réunir la commission tripartite à échéance régulière, pour évaluer les nécessités de prendre à l'avenir de nouvelles mesures de correction. Cela me semble absolument nécessaire et le monde combattant y est très attaché, pour préserver le niveau de vie des pensionnés.

Les bénéficiaires de la retraite du combattant, indexée sur le point de PMI, bénéficieront également de cette revalorisation. Là aussi, les moyens qui sont consacrés à cette prestation diminuent de 40 millions d'euros en 2022, pour atteindre 604 millions d'euros, s'ajustant ainsi à la baisse de 7,9 % de ses bénéficiaires l'an prochain, dont l'âge médian se situe autour de 84 ans.

Le nombre de titulaires de la carte du combattant, qui donne droit à la retraite du combattant à partir de 65 ans, diminue ainsi d'environ 50 000 par an, alors que l'octroi de nouvelles cartes du combattant au titre des opérations extérieures (OPEX) est de l'ordre de 12 800 par an sur ces cinq dernières années.

Le déclin du nombre de ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) devrait ainsi se poursuivre à mesure que disparaissent les générations de combattants issus des deux conflits mondiaux et de ceux d'Afrique du Nord. L'Office a toutefois estimé que, d'ici une vingtaine d'années, le nombre de ses ressortissants devrait se stabiliser autour de 500 000 à 600 000.

S'il est logique que les moyens budgétaires s'ajustent au nombre de bénéficiaires, je considère qu'il faudra, à moyen terme, stabiliser le budget pour offrir un accompagnement et un soutien satisfaisants aux nouvelles générations d'anciens combattants. Celles-ci sont plus jeunes et ont moins besoin de pensions que d'aides à la reconversion professionnelle, qui sont des dispositifs souvent coûteux. L'ONACVG adapte son accompagnement à ces nouveaux besoins et je crois qu'il faut poursuivre en ce sens et évaluer les moyens nécessaires au développement de ces dispositifs.

À cet égard, je suis satisfaite que les moyens de l'ONACVG progressent légèrement pour 2022, avec une subvention de 56,4 millions d'euros. Ils permettront à l'ONACVG de poursuivre son action sociale en faveur du monde combattant et de préserver son maillage départemental, qui me semble très utile. Je me réjouis également de l'ouverture par l'ONACVG d'un numéro vert destiné à accompagner les ressortissants de l'Office dans leurs démarches, surtout ceux qui ne peuvent pas se déplacer.

Les moyens accordés aux dispositifs de soutien des harkis et rapatriés progresseraient assez significativement pour accompagner les mesures de reconnaissance et de solidarité qui leur sont octroyées. Ainsi, l'aide de solidarité prévue pour les enfants de harkis ayant séjourné dans des camps ou des hameaux de forestage, créée en 2019, connaît une sollicitation croissante et son financement passerait de 4,9 millions d'euros à 6,5 millions d'euros en 2022.

En outre, un amendement du Gouvernement a été adopté à l'Assemblée nationale afin d'abonder les crédits de la mission à hauteur de 50 millions d'euros pour engager la mise en oeuvre des dispositifs de réparation des préjudices subis par les harkis, prévus par le projet de loi actuellement en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

S'agissant des demandes d'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, elles continuent à baisser même si de nouvelles demandes sont formulées chaque année auprès de la Commission d'indemnisation. Les moyens qui y sont consacrés seraient donc relativement stables pour 2022, à hauteur de 92,8 millions d'euros.

Concernant l'indemnisation des victimes de spoliations, 86 nouveaux dossiers ont été enregistrés en 2020, dont 41 dossiers matériels, 16 dossiers bancaires et 29 pour des biens culturels spoliés. On peut par exemple citer la restitution en juillet dernier de Nus dans un paysage , oeuvre du peintre allemand Max Pechstein, spolié pendant l'Occupation. La Commission d'indemnisation avait recommandé sa restitution le 10 juillet 2020 et le Premier ministre l'a ordonnée le 4 juin dernier.

J'en viens enfin au financement des politiques concourant au renforcement du lien entre la Nation et son armée.

Les moyens consacrés à la politique de mémoire sont pérennisés pour 2022. Au titre des commémorations, l'année à venir sera marquée par le 60 e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie et le cycle du 80 e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, ce qui conduit le Gouvernement à proposer de renouveler une enveloppe de l'ordre de 4 millions d'euros pour les commémorations.

Une enveloppe de 300 000 euros permet également de financer des publications et actions pédagogiques. J'estime que ces actions devraient être développées, afin de renforcer la transmission auprès des jeunes générations du devoir de mémoire et de l'histoire des grands conflits qui ont marqué notre pays. Elles sont d'autant plus nécessaires à mesure que disparaissent les générations qui ont connu la guerre.

Je suis satisfaite que les crédits alloués par la mission aux liens armées-jeunesse progressent de 13,5 % en 2022.

Ils permettront de soutenir l'organisation des journées défense et citoyenneté (JDC), en revalorisant notamment l'indemnité de transport accordée aux participants. Les JDC, dont le coût total est estimé à 109 millions d'euros pour accueillir 788 000 participants en 2022, ne sont que partiellement financées par cette mission, d'autres moyens leur étant alloués par le biais de la mission « Défense », ce qui ne facilite pas la lisibilité de leur financement.

Après les difficultés d'organisation de la JDC dans le contexte de la crise sanitaire, on peut se satisfaire que les JDC puissent de nouveau s'organiser dans de bonnes conditions. Elles sont un maillon essentiel du lien entre l'armée et la jeunesse et permettent également de détecter chez les jeunes des difficultés sociales ou des carences dans les apprentissages.

J'évoquerai enfin le service militaire volontaire (SMV), qui permet de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes avec un encadrement militaire. Les crédits de la mission qui lui sont alloués progresseraient légèrement, pour atteindre 3,2 millions d'euros. Je me félicite qu'une nouvelle antenne du SMV s'ouvre prochainement à Marseille, portant à sept le nombre de centres sur le territoire. Même s'il ne sera pas financé par cette mission, je précise, avec satisfaction, qu'un service militaire adapté (SMA) ouvrira bientôt ses portes en Polynésie.

Ces dispositifs d'insertion ainsi que les actions pédagogiques renforcent les liens entre la jeunesse et le monde combattant et contribuent à la transmission de la mémoire combattante. Alors que les trois premières générations du feu disparaissent progressivement, les moyens rendus disponibles pourraient être au moins partiellement consacrés au renforcement de ces liens, essentiels pour notre cohésion nationale.

Au bénéfice de ces considérations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi qu'à l'article 42, qui lui est rattaché.

M. Philippe Mouiller . - S'agissant de l'amendement visant à inscrire 50 millions d'euros pour l'indemnisation des harkis, on peut se réjouir de cette mesure. Néanmoins, le timing est tout de même assez particulier.

Qu'en est-il des anciens supplétifs de statut civil, aujourd'hui privés de reconnaissance ? Les prendre en compte serait aller jusqu'au bout de la logique de reconnaissance envers les harkis.

Mme Jocelyne Guidez , rapporteure pour avis. - Nous recevons effectivement ces demandes depuis plusieurs années car les nombreuses évolutions du droit en la matière sont sources d'incompréhensions. La ministre m'a indiqué que tous les dossiers reçus par le ministère avaient fait l'objet d'une instruction. Je rappelle que toutes les personnes concernées ne souhaitent pas forcément formuler une demande. Le régime d'indemnisation devrait être clarifié par le projet de loi en cours d'examen.

Mme Pascale Gruny . - La mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » passe de 3 à 2 programmes. N'est-ce pas un mauvais symbole, notamment vis-à-vis de la jeunesse, de supprimer un programme dédié au lien entre la Nation et son armée ?

Pourquoi le Parlement n'a-t-il été saisi ni de la refonte de la journée défense et citoyenneté ni du service national universel, dont les financements proviennent aussi de la mission « Défense » ?

Il devient difficile d'avoir une vision globale de ces dispositifs, notamment de leurs coûts et de leurs effets.

J'ai été interpellée sur la prise en charge des blessés de guerre et de la situation de l'hôpital d'instruction des armées de Lyon, qu'il serait question de fermer au profit d'une antenne de soin. Qu'en est-il ?

M. Daniel Chasseing . - Je me réjouis également de l'augmentation de la valeur du point d'indice des pensions militaires d'invalidité.

Les JDC ainsi que le service militaire volontaire me paraissent très positifs pour l'insertion des jeunes ainsi que pour le devoir de mémoire et les informations civiques.

Mme Jocelyne Guidez , rapporteure pour avis . - S'agissant de la fusion des deux programmes, on retrouve exactement les actions préexistantes dans le programme unifié, et donc les mêmes budgets. Toutefois, nous devrons, l'année prochaine, suivre très attentivement l'ensemble des crédits ainsi regroupés.

S'agissant de la refonte des JDC, le ministère a mis en place une comptabilité analytique pour en retracer le coût, lequel évolue naturellement avec le nombre de participants.

Il me semble également que ce serait une erreur de fermer nos hôpitaux des armées, qui sont de grande qualité, tout comme nos médecins militaires, dont nous avons besoin. De surcroît y est pratiquée une médecine de guerre dont l'utilité a notamment été prouvée lors des récents attentats.

Enfin, s'agissant des 50 millions d'euros dédiés aux harkis, cette mesure était très attendue et cette enveloppe constitue un amorçage des dispositifs en cours d'examen.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi qu'à celle de l'article 42 qui lui est rattaché.

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