Avis n° 166 (2021-2022) de M. Jean SOL , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 18 novembre 2021

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N° 166

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi
de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME VI

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Par M. Jean SOL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mardi 23 novembre 2021 sous la présidence de Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Jean Sol sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances.

Elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et un avis défavorable à l'adoption des articles 51, 52 et 53 qui lui sont rattachés.

I. UNE MISSION AU RÔLE D'AMORTISSEUR EN PÉRIODE DE CRISE

A. UNE MISSION AU POIDS BUDGÉTAIRE CROISSANT...

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances met en oeuvre les politiques publiques destinées à lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités et protéger les personnes vulnérables. Les dépenses de la mission sont, en grande majorité, des dépenses d'intervention.

Pour 2022 , les crédits demandés pour l'ensemble de la mission s'élèvent (en crédits de paiement) à 27,6 milliards d'euros , après 26,2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2021, soit une hausse de plus de 5 % (3 % à périmètre constant).

Répartition par programme des crédits de la mission

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

La mission comprend quatre programmes dont le poids budgétaire est inégal. Le programme « Inclusion sociale et protection des personnes » finance notamment la prime d'activité (9,8 milliards d'euros) et le programme « Handicap et dépendance » comprend les crédits dédiés à l'allocation aux adultes handicapés (11,8 milliards d'euros). À elles deux, ces deux prestations représentent environ 80 % des crédits de la mission .

Depuis 2017, les crédits ouverts en loi de finances initiale ont augmenté de 55 % sous l'effet notamment des revalorisations de la prime d'activité et de l'AAH.

Évolution des crédits ouverts/demandés de la mission « Solidarité »

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

B. ... ET FORTEMENT MOBILISÉE POUR GÉRER L'URGENCE SOCIALE

Dans le contexte de la crise sanitaire, la mission a joué un rôle d'amortisseur, si bien que ses crédits ont été appelés à varier fortement en cours de gestion.

• En 2020 , la mission a servi à financer, via deux lois de finances rectificatives, des dispositifs exceptionnels visant à pallier les conséquences sociales de l'épidémie de covid-19. Des aides exceptionnelles de solidarité (AES) ont ainsi été versées aux foyers bénéficiaires de minima sociaux ainsi qu'aux jeunes bénéficiaires d'aides au logement. Le Gouvernement a également déclenché deux plans d'urgence en matière d'aide alimentaire . Des crédits supplémentaires de 2,1 milliards d'euros ont ainsi été ouverts en cours d'année au titre du programme 304. Au total, les crédits de paiement de la mission ont été portés à 29 milliards d'euros en cours d'exercice.

• En 2021 , le 2 e projet de loi de finances rectificatif (PLFR) prévoit l'ouverture de 3,2 milliards d'euros de crédits de paiement au titre d'un programme spécifique afin de compenser dès 2021 les pertes de recettes (crédits de cotisations en faveur des employeurs) ou les dépenses supplémentaires (versement direct aux retraités et aux bénéficiaires de minima sociaux notamment) des organismes de sécurité sociale du fait de la mise en place de l' « indemnité inflation » annoncée par le Gouvernement.

Cette aide exceptionnelle de 100 euros doit être versée à toute personne âgée de 16 ans et plus, résidant régulièrement en France, que ses ressources rendent particulièrement vulnérable à la hausse du coût de la vie prévue au dernier trimestre 2021. Elle sera versée, en une fois, par les organismes « les plus naturellement en lien avec les bénéficiaires » de manière à garantir un paiement rapide et automatisé : employeurs pour les salariés, caisses de retraites pour les retraités, Pôle emploi pour les demandeurs d'emploi, CNAF pour les bénéficiaires du RSA ou de l'AAH, etc . On peut néanmoins s'interroger sur l'efficacité d'une mesure aussi large, qui devrait concerner 38 millions de personnes, au regard de son coût total pour les finances publiques (3,8 milliards d'euros). Le Sénat a ainsi rejeté ce dispositif lors de l'examen en première lecture du PLFR.

Au total, 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont demandés dans le PLFR, ce qui porterait le total des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » à 29,6 milliards d'euros en 2021.

II. INCLUSION SOCIALE : UNE INTERVENTION CROISSANTE DE L'ÉTAT

A. PRIME D'ACTIVITÉ : APRÈS 6 ANS D'EXISTENCE, LA NÉCESSITÉ D'UN BILAN

L'évolution la plus notable intervenue depuis la création de la prime d'activité au 1 er janvier 2016 est, à la suite de la crise des « gilets jaunes », la revalorisation exceptionnelle de 90 euros à compter du 1 er janvier 2019 du montant maximal de la bonification individuelle , passé de 70,49 euros à 160,49 euros. Versé à chaque membre du foyer dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic, le montant du bonus est croissant jusqu'à 1 Smic (contre 0,8 Smic précédemment) où il atteint son point maximal ; il reste stable au-delà.

Il en est résulté un élargissement du public éligible et, probablement, une amélioration du taux de recours, le « point de sortie » pour une personne seule se situant désormais à 1,5 Smic mensuel. Fin 2020, 4,58 millions de foyers bénéficiaient de la prime d'activité selon la DREES.

Formule de calcul de la prime d'activité (au 1 er avril 2021)

Prime d'activité

=

Montant forfaitaire : 553,71 € (éventuellement majoré selon
la composition
du foyer)

+

61 % des revenus professionnels du foyer

+

Bonification(s) individuelle(s) :

161,14 € maximum

-

Ressources
du foyer

(réputées
au moins égales
au montant forfaitaire)

Aucune mesure nouvelle n'étant prévue pour 2022, le montant forfaitaire de la prime et le montant maximum de la bonification individuelle seront revalorisés au 1 er avril en fonction de l'inflation. En conséquence, 9,8 milliards d'euros sont demandés pour financer la prime d'activité (après 9,7 milliards d'euros en 2021). Toutefois, le dynamisme des dépenses induit par la prolongation de l'activité partielle d'urgence puis par la reprise économique entraînent l'inscription dans le 2 e PLFR pour 2021 de 130 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires. Selon la prévision actualisée de la CNAF, le besoin de financement pour 2022 s'établit à 10,1 milliards d'euros , soit plus de 300 millions d'euros au-delà du montant inscrit dans le présent PLF. Cette prévision se base sur un nombre moyen de bénéficiaires de 4,54 millions, en progression de 2,1 % par rapport à 2021.

Six ans après sa mise en place, la prime d'activité, qui a pris une dimension considérable, n'a jamais fait l'objet d'un véritable bilan d'impact. Cette évaluation serait souhaitable à l'heure où le débat sur les rémunérations et leur soutien par les finances publiques prend une importance accrue. La commission est en revanche défavorable à l'adoption de l'article 53 du PLF, qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement dressant un état des lieux des travaux menés concernant la modernisation de la délivrance de la prime d'activité.

B. RECENTRALISATION DU RSA : UNE EXPÉRIMENTATION VISANT À DONNER DES MARGES DE MANoeUVRE SUPPLÉMENTAIRES AUX DÉPARTEMENTS

L'expérimentation d'un transfert à l'État, dans les départements volontaires, du financement et de la gestion du revenu de solidarité active (RSA) avait été approuvée par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi dit « 3DS » 1 ( * ) . Elle est prévue à compter du 1 er janvier 2022 pour le seul département de la Seine-Saint-Denis par l'article 12 du PLF, qui en détaille les modalités financières.

En conséquence, 565 millions d'euros de crédits nouveaux sont inscrits au programme 304 pour financer cette expérimentation, dont 525 millions d'euros sont présentés comme une mesure de périmètre.

L'objectif de ce transfert, prévu pour une durée de cinq ans, est de donner des marges de manoeuvre budgétaires au département en matière d'insertion . L'accès d'autres départements au dispositif sera limité par des critères socio-économiques, qui tiendront notamment compte du poids du RSA dans les dépenses de la collectivité.

La commission avait émis des réserves sur ce projet de recentralisation, considérant notamment qu'elle ne disposait d'aucun élément d'évaluation sur les recentralisations du RSA déjà opérées dans trois collectivités d'outre-mer (la Guyane, Mayotte et La Réunion). Pour 2022, la prévision de dépenses est de 857 millions d'euros dans ces trois départements (en baisse de 2 %), dont 678 millions d'euros pour La Réunion.

Il convient de prêter attention à ces expérimentations dans la perspective d'une prochaine réforme des minima sociaux . En effet, le projet de revenu universel d'activité (RUA), gelé par la crise sanitaire, doit donner lieu d'ici la fin de l'année à la remise d'un rapport au Gouvernement présentant les options possibles pour cette réforme.

C. STRATÉGIES PAUVRETÉ ET PROTECTION DE L'ENFANCE : UN EFFORT BUDGÉTAIRE POURSUIVI EN 2022

1. La mise en oeuvre de l'« acte 2 » de la stratégie pauvreté

Au sein du programme 304, une action est spécialement dédiée aux crédits de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Celle-ci est mise en oeuvre dans les territoires dans le cadre d'une contractualisation entre l'État et les collectivités concernées , principalement les départements. Elle a donné lieu, en octobre dernier, à un premier bilan d'étape 2 ( * ) à trois ans.

Pour 2022, 325 millions d'euros sont inscrits au titre de cette action, après 257 millions d'euros en 2021. Sur ce total, une enveloppe de 225 millions d'euros est prévue au titre de la contractualisation, tandis que 100 millions d'euros (contre 56 millions en 2021) seront consacrés à des mesures hors cadre contractuel, notamment : la tarification sociale des cantines (19 millions d'euros), les petits déjeuners à l'école (29 millions d'euros) et l'amélioration de la qualité éducative des modes d'accueil de la petite enfance (18,9 millions d'euros).

L'atteinte des cibles fixées dans les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (CALPAE) est censée se concrétiser en 2022 , notamment en matière de prévention des sorties « sèches » de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de renforcement de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Cette programmation intègre également les nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre à l'automne 2020 , présentées comme un « acte 2 » de la stratégie pauvreté, en faveur de la mobilité géographique des demandeurs d'emploi à des fins d'insertion professionnelle (25 millions d'euros) et de l'accès aux droits pour les personnes sans domicile stable en soutenant les organismes domiciliataires agréés (7,5 millions d'euros).

Par ailleurs, le déploiement du service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) se poursuit très progressivement : 14 premières expérimentations avaient été lancées en mars 2020 dont l'évaluation est en cours ; 31 nouveaux territoires ont été revenus en avril 2021 ; un nouvel appel à manifestation d'intérêt a été lancé en juillet 2021 afin de sélectionner 35 nouveaux territoires en décembre prochain. Au total, 80 territoires devraient donc être engagés dans le déploiement du SPIE en 2022.

2. La montée en charge de la contractualisation en matière de protection de l'enfance

Lancée le 14 octobre 2019, la stratégie de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022 connaîtra en 2022 sa deuxième année de mise en oeuvre effective. Comme la stratégie pauvreté, celle-ci repose principalement sur une démarche de contractualisation entre l'État et les départements.

Cette contractualisation a concerné 29 départements en 2020 et a été étendue à 40 nouveaux départements en 2021. Elle a vocation à être déployée dans l'ensemble des départements volontaires en 2022.

Les crédits demandés dans le PLF, d'un montant de 140 millions d'euros (après 115 millions d'euros en 2021), s'inscrivent presque exclusivement dans ce cadre. Un maximum de 5 millions d'euros seront cependant consacrés à des actions de portée nationale, dont 2 millions d'euros seront dédiés à des expérimentations relatives à la prise en charge des jeunes en situation de prostitution.

D. MINEURS NON ACCOMPAGNÉS : LE MODE DE CALCUL DE LA CONTRIBUTION DE L'ÉTAT DOIT ÊTRE RÉVISÉ

Les crédits alloués par l'État au titre des mineurs non accompagnés (MNA) visent depuis 2016 à alléger les charges des départements relatives :

- à la phase initiale d'évaluation de la minorité et de mise à l'abri des personnes se présentant comme MNA (composante « amont ») ;

- à la contrainte supplémentaire pesant sur l'aide sociale à l'enfance (ASE) à la suite de l'admission de personnes reconnues MNA (composante « aval »).

Au total, les crédits demandés pour 2022 au titre des MNA s'élèvent à 93 millions d'euros , ce qui représente un recul de 23 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cette baisse est cette année imputable à la composante « amont », comme le retrace le tableau ci-dessous. Elle résulte notamment du décret du 25 juin 2020 prévoyant une conditionnalité de la contribution forfaitaire de l'État à la conclusion d'une convention avec le préfet pour la mise en oeuvre du dispositif d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) ; l'impact financier de cette réforme est estimé à - 10 % environ par la DGCS.

Évolution des crédits et des dépenses de l'État au titre des MNA

(en millions d'euros)

FI 2019

Exécution 2019

FI 2020

Exécution 2020

FI 2021

Exécution 2021

LF 2022

Montant de la participation « amont »

74

93,2

115

50

103

25,3

64,7

Montant de la participation « aval »

67,2

33,7

47

15,8

17

1,7

28,2

Crédits demandés / dépensés au titre des MNA

141,2

126,6

162

65,8

120

27

92,9

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Selon la DGCS, la sous-consommation des crédits dédiés à cette politique s'explique par l'impact de la pandémie de covid-19 sur le flux des arrivées de MNA, ainsi que par le décalage de près d'un an constaté pour le paiement aux départements, via l'Agence de services et de paiement (ASP), de la participation de l'État aux dépenses de mise à l'abri et d'évaluation.

S'agissant du volet « aval », la baisse des dépenses résulte d'un mode de calcul qui a accéléré leur contraction alors même que l'effectif de MNA reste élevé.

Depuis 2019, cette contribution dite « exceptionnelle » - bien qu'elle soit reconduite d'année en année - s'élève à 6 000 euros par jeune pour 75 % des jeunes supplémentaires pris en charge par l'ASE au 31 décembre de l'année N-1 par rapport au 31 décembre de l'année N-2 - soit, en réalité, 4 500 euros par jeune supplémentaire pris en charge, lorsque ce nombre augmente d'une année à l'autre.

Le rapport des commissions des affaires sociales et des lois du Sénat en date du 29 septembre 2021 3 ( * ) a ainsi recommandé, afin d'augmenter et de sécuriser la contribution de l'État aux dépenses supplémentaires occasionnées par la prise en charge de MNA par l'ASE, de revoir son mode de calcul . Cette contribution pourrait être assise sur l'effectif de MNA pris en charge par l'ASE, calculée selon un pourcentage du coût moyen national de la prise en charge d'un MNA et progressive en fonction de la part de MNA parmi les mineurs pris en charge par l'ASE dans le département. Une telle réforme n'est pas envisagée à ce jour par le Gouvernement .

Crédits ouverts et contribution versée par l'État au titre des charges supplémentaires pour l'ASE représentée par la prise en charge de MNA

(en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

E. PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS : DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES SONT ATTENDUS

Le programme 304 concourt également au financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) qui, sous forme de services mandataires ou de mandataires individuels, sont chargés d'exécuter les mesures de protection des personnes qui ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs intérêts.

733,8 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits à ce titre dans le PLF pour 2022, soit une hausse de 2,76 % par rapport à 2021 qui correspond à l'accroissement anticipé du nombre de mesures (qui augmenterait de 497 270 à 511 000 en 2022).

Selon l'Inter-fédération des services de protection juridique des majeurs, chaque professionnel des services mandataires se charge en moyenne de 60 mesures, ce qui est trop élevé. Une augmentation plus substantielle des crédits est attendue afin de passer à 45 mesures par mandataire.

Une étude portant sur les coûts des mesures de protection juridique des majeurs est en cours de finalisation et pourrait déboucher, selon la DGCS, sur une réforme du système de financement.

III. HANDICAP ET DÉPENDANCE : UNE RÉFORME INSATISFAISANTE DE L'AAH

A. UN DÉSACCORD SUR LA NATURE DE L'AAH

1. Le traitement incohérent des bénéficiaires de l'AAH en couple

L'article 51 du PLF propose une réforme du calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) consistant à créer un abattement forfaitaire annuel sur les revenus du conjoint . Le montant de cet abattement serait fixé par décret à 5 000 euros et majoré de 1 100 euros par enfant à charge. Ce dispositif viendrait se substituer, avec un effet plus redistributif, à l'abattement proportionnel de 20 % qui s'applique actuellement sur les revenus du conjoint. Selon la DGCS, cette mesure permettra à 130 000 foyers de bénéficier d'une augmentation moyenne de 120 euros par mois de leur allocation, pour un coût total estimé à 185 millions d'euros par an.

Cette mesure est préférée par le Gouvernement à la déconjugalisation de l'AAH que le Sénat a votée, à deux reprises, dans le cadre de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale 4 ( * ) , au motif que cette réforme serait plus coûteuse (environ 700 millions d'euros par an en tenant compte de la mesure transitoire proposée par le Sénat) et qu'elle remettrait en cause les principes sur lesquels est bâti notre système de solidarité.

Le mécanisme proposé est toutefois loin de répondre à l'objectif de favoriser l'autonomie financière des bénéficiaires de l'AAH.

De plus, il convient de rappeler que les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont récemment été rapprochées des règles, moins favorables, qui s'appliquent aux bénéficiaires du RSA. Ainsi, le coefficient multiplicateur pour calculer le plafond de ressources d'un allocataire en couple, égal à 2 jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 1,89 au 1 er novembre 2018 puis à 1,81 à compter du 1 er novembre 2019.

Au total, le traitement par le Gouvernement des bénéficiaires de l'AAH en couple apparaît incohérent . Il serait en effet plus simple et plus efficace de revenir sur les précédentes mesures d'économie que d'introduire un nouvel abattement sur les revenus du conjoint, comme le montre l'exemple ci-dessous. La différence entre ces scénarios s'accroît avec le revenu du conjoint pour atteindre environ 160 euros par mois à 1,6 Smic.

Calcul de l'AAH - Cas d'un allocataire sans revenus professionnels
et sans enfant à charge dont le conjoint est rémunéré au niveau du Smic

(en euros)

Mode de calcul actuel

Après abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint

Après rétablissement du coefficient 2

Après déconjugalisation

Revenus de l'allocataire

0 €

0 €

0 €

0 €

Revenus du conjoint

1 260 €

1 260 €

1 260 €

1 260 €

Revenus du ménage pris en compte

1 008 €

843 €

1 008 €

0 €

Montant forfaitaire de l'AAH

903,60 €

903,60 €

903,60 €

903,60 €

Coefficient multiplicateur

1,81

1,81

2

Plafond de ressources

1 635,52 €

1 635,52 €

1 807,20 €

903,60 €

Montant d'AAH versé

627,52 €

792,52 €

799,20 €

903,60 €

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Seule la déconjugalisation de la prestation permettrait toutefois de donner corps à la nature de revenu de compensation de l'AAH, que l'on ne peut réduire à un minimum social.

La commission a donc émis un avis défavorable à l'adoption de l'article 51, ainsi qu'à l'article 52 qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement.

2. L'enjeu financier lié au montant de l'AAH

Les dépenses liées à l'AAH sont dynamiques à la fois en raison de l'augmentation du montant de l'allocation et de la croissance du nombre de bénéficiaires. Au total, ces dépenses ont crû de 27,5 % entre 2015 et 2021 , soit une augmentation moyenne annuelle de 4 %.

• Le montant forfaitaire de l'AAH a fait l'objet d'une revalorisation exceptionnelle en deux temps : de 819 euros en mai 2018, son montant maximum a été porté à 860 euros au 1 er novembre 2018, puis à 900 euros à compter du 1 er novembre 2019. Depuis le 1 er avril 2021, ce montant est de 903,60 euros. Le coût de ces revalorisations exceptionnelles a été de 52 millions d'euros en 2018, 648 millions d'euros en 2019 et 775 millions d'euros en 2020. Cet effort budgétaire a été en partie compensé par des mesures d'économies : la diminution du plafond de ressources pour les allocataires en couple ( cf. supra ) et la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome, d'un montant inférieur.

En 2022, l'AAH sera revalorisée, comme le prévoit la loi, en fonction de l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac. Le taux de cette revalorisation, qui dépendra de l'évolution des prix dans les prochains mois, est estimé par la CNAF à 1,4 %, ce qui porterait le montant de l'AAH à 916,25 euros au 1 er avril 2022 .

Ce montant, à comparer au montant forfaitaire de 565,34 euros du RSA, tend à distinguer l'AAH d'un minimum social. Il n'atteignait cependant que 82 % du seuil de pauvreté en 2019 (contre 78 % en 2017).

• L'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AAH est en partie liée à la hausse de son montant, qui élargit mécaniquement le public éligible, mais résulte également de l'accroissement de la population et de son vieillissement ainsi que des mesures de simplification de son attribution et de l'élargissement de la notion de handicap. Ce nombre a augmenté régulièrement pour atteindre 1,28 million en 2021 selon les prévisions de la DREES.

Évolutions du montant moyen et du nombre
de bénéficiaires de l'AAH depuis 2012

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

• Pour 2022, les crédits dédiés à l'AAH s'élèveraient à 11,8 milliards d'euros , en hausse de 5 % par rapport aux crédits ouverts en LFI pour 2021.

Hors l'effet de la réforme du mode de calcul de l'AAH pour les allocataires en couple, ce montant représente une hausse de 3 % par rapport aux crédits rectifiés par le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021 5 ( * ) .

Évolution des crédits ouverts ou demandés au titre de l'AAH

LFI pour 2020

LFI pour 2021

2 e PLFR pour 2021

PLF pour 2022

10 863 M€

11 220 M€

11 310 M€

11 783 M€

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

• Le pilotage de l'AAH par l'État a fait l'objet de critiques, notamment de la part de la Cour des comptes dans un rapport thématique de 2019. Son intégration au périmètre de la nouvelle branche Autonomie de la sécurité sociale, proposée par le rapport Vachey en 2020, ne semble pas être à l'ordre du jour. Cette évolution devrait en tout état de cause être envisagée dans le cadre d'une réforme plus globale des revenus liés au handicap et à l'invalidité.

B. UN PLAN DE TRANSFORMATION DES ESAT TRÈS ATTENDU

La mission contribue à soutenir les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), à hauteur de 1,42 milliard d'euros en 2022 (après 1,4 milliard d'euros en 2021) à travers l'aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH) . Le nombre de places en ESAT, qui fait l'objet d'un « moratoire », est stable depuis 2013 et s'élève à 119 211.

Conformément aux annonces du comité interministériel du handicap (CIH) du 5 juillet 2021, plusieurs mesures d'un plan de transformation des ESAT sont prévues dans le cadre de ce PLF, notamment l'annualisation de l'aide au poste dans le cadre du suivi du taux d'occupation des ESAT par l'ASP, pour un coût de 10 millions d'euros.

Il convient également de mentionner la création d'un Fonds d'aide à la transformation des ESAT, doté de 15 millions d'euros issus des crédits de la mission Plan de relance.

Ces changements sont très attendus par les établissements et par les personnes concernées. Les associations souhaitent toutefois qu'ils ne conduisent pas à une augmentation du niveau attendu des travailleurs en ESAT qui entraînerait l'éviction d'une partie du public accueilli dans ces établissements.

C. LA POURSUITE DU DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ACCOMPAGNÉ

L'enveloppe inscrite pour 2022 au programme 157 au titre du dispositif d'accompagnement dans l'emploi des personnes handicapées s'élève, comme en 2021, à 15 millions d'euros . Avec les 15 millions d'euros supplémentaires prévus sur 2 ans dans le cadre du Plan de relance, les crédits demandés pour 2022 au titre de l'emploi accompagné s'élèvent au total à 22,5 millions d'euros . Cette enveloppe est complétée par des participations de l'Agefiph (8 millions d'euros en 2021) et du FIPHFP (1,6 million d'euros en 2021).

Le dispositif montre des résultats positifs : 54 % des personnes accompagnées ont trouvé un emploi dans les 6 mois. D'après la DGCS, la totalité des crédits budgétés en 2021 pour l'emploi accompagné a été versée aux fonds d'intervention régionaux des agences régionales de santé (ARS).

Malgré la hausse des crédits, le nombre de personnes accompagnées reste toutefois en-deçà des attentes et, selon les associations, le dispositif peine encore à se mettre en place sur le terrain. Afin d'atteindre l'objectif de 10 000 personnes accompagnées en 2022, le dispositif évolue pour fonctionner sous forme de plateformes départementales de services intégrés mutualisant les moyens et savoir-faire des acteurs du secteur médico-social et de l'emploi sur un même territoire.

IV. ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES : UNE HAUSSE SOUTENUE DES CRÉDITS

A. L'ACCENT MIS SUR LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES

L'égalité entre les femmes et les hommes a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat. Bien que le programme 137 n'ait pas vocation à rassembler la totalité des mesures prises par l'État en la matière, la réalité des chiffres est longtemps restée éloignée des ambitions affichées par le Gouvernement.

En 2021, les crédits dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles avaient été renforcés pour atteindre 22 millions d'euros. Au total, les crédits de paiement du programme avaient augmenté de 37 % (de 30 millions d'euros en LFI pour 2020 à 41,5 millions d'euros pour 2021).

Pour 2022, une nouvelle action 25, intitulée « Prévention et lutte contre les violences et la prostitution », est créée pour donner plus de visibilité à cette politique.

Cette action est dotée de 28 millions d'euros en crédits de paiement (+ 27,5 %). Pour leur part, les crédits dédiés à l'accès au droit et à l'égalité professionnelle augmentent de 17 %.

Les crédits de paiement du programme s'élèveraient au total à 51 millions d'euros, en hausse de 22 % .

B. UNE VOLONTÉ RENOUVELÉE DE LUTTER CONTRE LA PROSTITUTION

Au sein de la nouvelle action 25, 1,2 million d'euros supplémentaires seront attribués en 2022 à la lutte contre la prostitution :

- les crédits dédiés à l'accompagnement des personnes en parcours de sortie de la prostitution augmenteront de 2,1 millions d'euros en 2021 à 3 millions d'euros en 2022 afin de permettre aux associations agréées d'accompagner plus de personnes prostituées et de renforcer cet accompagnement ;

- l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution (AFIS) , qui avait diminué de 2 millions d'euros en 2019 à 1,2 million en 2020 et 2021, augmente pour la première fois depuis sa création à 1,5 million d'euros . Cette aide d'un montant de 330 euros par mois pour une personne seule est destinée à des personnes qui ne peuvent bénéficier d'aucun minimum social, notamment lorsqu'elles ont été déboutées d'une demande d'asile.

Alors que le parcours de sortie de la prostitution (PSP), créé par la loi du 13 avril 2016, s'est déployé très lentement, 80 commissions départementales avaient été installées au 1 er janvier 2021, dont 48 avaient mis en oeuvre des parcours de sortie. Au 31 janvier 2021, 567 personnes bénéficiaient ou avaient bénéficié d'un PSP et 446 de l'AFIS depuis leur création.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mardi 23 novembre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean Sol sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2022.

M. Jean Sol , rapporteur pour avis . - Les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent à 27,6 milliards d'euros pour 2022, après 26,2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2021, soit une hausse de plus de 5 % - ou de 3 % à périmètre constant.

Deux prestations représentent environ 80 % des crédits de la mission : la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Depuis 2017, les crédits ouverts en loi de finances initiale ont augmenté de 55 % sous l'effet notamment des revalorisations de ces prestations.

Dans le contexte de la crise sanitaire, la mission a par ailleurs été fortement mobilisée pour gérer l'urgence sociale, si bien que ses crédits ont été appelés à varier fortement en cours de gestion.

En 2020, la mission a ainsi servi à financer, via deux lois de finances rectificatives, des dispositifs exceptionnels visant à pallier les conséquences sociales de l'épidémie de covid-19.

En 2021, le deuxième projet de loi de finances rectificative (PFLR) prévoit l'ouverture de 3,2 milliards d'euros de crédits de paiement, au sein d'un programme spécifique, afin de financer la mise en place de l'« indemnité inflation » de 100 euros annoncée par le Gouvernement, une mesure dont on peut douter de l'efficacité au regard de son coût élevé pour les finances publiques. Au total, 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont demandés dans le PLFR, ce qui porterait le total des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » à 29,6 milliards d'euros en 2021.

L'évolution du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », est marquée par une intervention croissante de l'État dans les politiques de solidarité et d'insertion. Ses crédits s'élèvent en 2022 à 13,1 milliards d'euros.

S'agissant de la prime d'activité, l'évolution la plus notable intervenue depuis sa création en 2016 reste, à la suite de la crise des « gilets jaunes », la revalorisation exceptionnelle de 90 euros du montant maximal de la bonification individuelle au 1 er janvier 2019. Il en est résulté un élargissement du public éligible ainsi qu'une amélioration du taux de recours. Fin 2020, 4,58 millions de foyers bénéficiaient ainsi de la prime d'activité.

Aucune mesure nouvelle n'étant prévue pour 2022, 9,8 milliards d'euros sont demandés pour financer la prime d'activité, après 9,7 milliards d'euros en 2021. Toutefois, selon la prévision actualisée de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), basée sur un nombre moyen de bénéficiaires en progression de 2,1 %, le besoin de financement pour 2022 s'établirait à 10,1 milliards d'euros, soit plus de 300 millions d'euros au-delà du montant inscrit dans le projet de loi de finances (PLF).

Six ans après sa mise en place, la prime d'activité, qui a pris une dimension considérable, n'a jamais fait l'objet d'un véritable bilan d'impact. Cette évaluation serait souhaitable à l'heure où le débat sur les rémunérations et leur soutien par les finances publiques prend une importance accrue.

Concernant le revenu de solidarité active (RSA), l'expérimentation d'un transfert à l'État du financement et de la gestion de la prestation sera mise en oeuvre dès le 1 er janvier 2022 dans le département de la Seine-Saint-Denis. 565 millions d'euros de crédits nouveaux sont inscrits au programme 304 pour financer cette expérimentation. L'accès d'autres départements au dispositif sera limité par des critères socio-économiques, qui tiendront notamment compte du poids du RSA dans les dépenses de la collectivité.

Il convient de prêter attention à ces expérimentations ainsi qu'aux recentralisations déjà réalisées, depuis 2019, dans trois départements d'outre-mer, dans la perspective d'une prochaine réforme des minima sociaux. En effet, le projet de revenu universel d'activité (RUA), gelé par la crise sanitaire, doit prochainement donner lieu à la remise d'un rapport au Gouvernement de Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du RUA, qui doit présenter les options possibles pour cette réforme.

Au sein du programme 304, une action est spécialement dédiée aux crédits de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Pour 2022, 325 millions d'euros sont inscrits au titre de cette action, après 257 millions d'euros en 2021. Sur ce total, une enveloppe de 225 millions d'euros est prévue au titre de la contractualisation entre l'État et les départements. L'atteinte des premières cibles fixées dans ce cadre est censée se concrétiser en 2022, notamment en matière de prévention des sorties « sèches » de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de renforcement de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Par ailleurs, 100 millions d'euros, contre 56 millions en 2021, seront consacrés à des mesures hors cadre contractuel, notamment la tarification sociale des cantines, les petits déjeuners gratuits à l'école et la formation des professionnels de la petite enfance.

Cette programmation intègre également les nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre à l'automne 2020, présentées comme un « acte 2 » de la stratégie pauvreté, en faveur notamment de la mobilité géographique des demandeurs d'emploi.

Par ailleurs, la stratégie de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022 connaîtra en 2022 sa deuxième année de mise en oeuvre effective. Comme la stratégie pauvreté, celle-ci repose principalement sur une démarche de contractualisation qui a vocation à être déployée dans l'ensemble des départements volontaires en 2022. Les crédits demandés dans le PLF, dont le montant augmente de 115 millions à 140 millions d'euros, s'inscrivent presque exclusivement dans ce cadre.

S'agissant plus particulièrement des mineurs non accompagnés (MNA), les crédits alloués par l'État à ce titre visent depuis 2016 à alléger les charges des départements relatives, d'une part, à la phase initiale d'évaluation de la minorité et de mise à l'abri des personnes se présentant comme MNA, et, d'autre part, à la contrainte supplémentaire pesant sur l'aide sociale à l'enfance (ASE) à la suite de l'admission de jeunes reconnus comme MNA.

Au total, les crédits demandés pour 2022 au titre des MNA s'élèvent à 93 millions d'euros, ce qui représente un nouveau recul de 23 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

La sous-consommation des crédits dédiés à cette politique s'explique en partie par l'impact de la pandémie de covid-19 sur le flux des arrivées de MNA en 2020 et 2021. Toutefois, la baisse des dépenses relatives à la contribution dite « exceptionnelle » de l'État à la prise en charge de ces jeunes par l'ASE résulte aussi d'un mode de calcul qui a accéléré leur contraction, alors même que l'effectif des MNA reste élevé. Le récent rapport de nos collègues Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli, Henri Leroy et Hussein Bourgi sur les MNA a ainsi recommandé, afin d'augmenter et de sécuriser la contribution de l'État aux dépenses supplémentaires de l'ASE, de revoir son mode de calcul. Une telle réforme n'est malheureusement pas envisagée à ce jour par le Gouvernement.

J'en viens à la présentation des crédits du programme 157, « Handicap et dépendance », qui s'élèveront, en 2022, à 13,2 milliards d'euros, soit une hausse de 4,4 %. Ces crédits ont principalement pour objet de financer l'AAH, une prestation dont la nature et les évolutions continuent à faire débat et dont le pilotage par l'État n'est pas irréprochable.

L'article 51 du PLF propose une réforme du calcul de l'allocation consistant à créer un abattement forfaitaire annuel sur les revenus du conjoint du bénéficiaire. Le montant de cet abattement serait fixé par décret à 5 000 euros et majoré de 1 100 euros par enfant à charge. Ce dispositif viendrait se substituer, avec un effet se voulant plus redistributif, à l'abattement proportionnel de 20 % qui s'applique actuellement sur les revenus du conjoint. Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), cette mesure permettra à 130 000 foyers de bénéficier d'une augmentation moyenne de 120 euros par mois de leur allocation, pour un coût total estimé à 185 millions d'euros par an.

Cette mesure est préférée par le Gouvernement à la déconjugalisation de l'AAH, que le Sénat a votée, à deux reprises, dans le cadre de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Le mécanisme proposé est toutefois loin de répondre à l'objectif de favoriser l'autonomie financière des bénéficiaires de l'AAH.

De plus, il convient de rappeler que les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont récemment été rapprochées des règles, moins favorables, qui s'appliquent aux bénéficiaires du RSA. Ainsi, le coefficient multiplicateur pour calculer le plafond de ressources d'un allocataire en couple, égal à 2 jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 1,81.

Au total, le traitement par le Gouvernement des bénéficiaires de l'AAH en couple apparaît incohérent. Il serait en effet plus simple et plus efficace de revenir sur les précédentes mesures d'économie que d'introduire un nouvel abattement sur les revenus du conjoint. C'est pourquoi je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption de l'article 51, rattaché à la mission.

En 2022, l'AAH sera revalorisée, comme le prévoit la loi, en fonction de l'évolution des prix à la consommation. Cette revalorisation est estimée par la CNAF à 1,4 %, ce qui porterait le montant de l'AAH à 916,25 euros au 1 er avril. Ce montant, à comparer au montant forfaitaire de 565 euros du RSA, tend à distinguer l'AAH d'un minimum social. Il n'atteignait cependant que 82 % du seuil de pauvreté en 2019.

Pour 2022, les crédits dédiés à l'AAH s'élèveraient ainsi à 11,8 milliards d'euros, en hausse de 5 %.

Le programme 157 contribue également à soutenir les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), à hauteur de 1,42 milliard d'euros en 2022 à travers l'aide au poste au titre de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH). Le nombre de places en ESAT, qui fait l'objet d'un « moratoire », est stable depuis 2013 et s'élève à environ 119 000.

Conformément aux annonces du dernier comité interministériel du handicap, plusieurs mesures d'un plan de transformation des ESAT sont prévues dans le cadre de ce PLF, notamment l'annualisation de l'aide au poste, pour un coût de 10 millions d'euros. Il convient également de mentionner la création d'un fonds d'aide à la transformation des ESAT, doté de 15 millions d'euros issus des crédits de la mission « Plan de relance ». Ces changements sont très attendus par les établissements et par les personnes concernées.

Au titre du dispositif d'emploi accompagné, l'enveloppe inscrite pour 2022 au programme 157 s'élève, comme en 2021, à 15 millions d'euros. Avec les 15 millions d'euros supplémentaires prévus sur deux ans dans le cadre du Plan de relance, les crédits demandés pour 2022 s'élèvent au total à 22,5 millions d'euros.

Ce dispositif montre des résultats positifs : 54 % des personnes accompagnées ont trouvé un emploi dans les six mois. D'après la DGCS, la totalité des crédits budgétés en 2021 pour l'emploi accompagné a été versée aux fonds d'intervention régionaux des agences régionales de santé (ARS).

Malgré la hausse des crédits, le nombre de personnes accompagnées reste en deçà des attentes et, selon les associations, le dispositif peine encore à se mettre en place sur le terrain. Afin d'atteindre l'objectif de 10 000 personnes accompagnées en 2022, son organisation évolue sous la forme de plateformes départementales ayant vocation à mutualiser les moyens et savoir-faire des acteurs du secteur médico-social et de l'emploi sur un même territoire.

Enfin, le programme 137 porte les crédits en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat. Bien que ce programme n'ait pas vocation à rassembler la totalité des mesures prises par l'État en la matière, la réalité des chiffres est longtemps restée éloignée des ambitions affichées par le Gouvernement.

En 2021, les crédits dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ont été renforcés, pour atteindre 22 millions d'euros. Au total, les crédits de paiement du programme ont augmenté de 37 % cette année.

Pour 2022, une nouvelle action 25, intitulée « Prévention et lutte contre les violences et la prostitution », dotée de 28 millions d'euros en crédits de paiement, est créée pour donner plus de visibilité à cette politique. Pour leur part, les crédits dédiés à l'accès au droit et à l'égalité professionnelle augmentent de 17 %. Les crédits de paiement du programme s'élèveraient au total à 51 millions d'euros, en hausse de 22 %.

Au sein de la nouvelle action 25, 1,2 million d'euros supplémentaires seront attribués en 2022 à la lutte contre la prostitution. En particulier, l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution (PSP) augmente pour la première fois depuis sa création, à 1,5 million d'euros, indiquant un léger décollage du dispositif. Créé par la loi du 13 avril 2016, le parcours de sortie de la prostitution s'est déployé très lentement. Au 31 janvier dernier, 567 personnes bénéficiaient ou avaient bénéficié d'un PSP et 446 personnes de l'AFIS.

Les deux autres articles rattachés à la mission, insérés par l'Assemblée nationale, sont des demandes de rapport, portant, pour l'article 52, sur l'AAH et, pour l'article 53, sur la prime d'activité.

À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission, mais un avis défavorable aux articles qui lui sont rattachés.

Mme Annie Le Houerou . - Les crédits concernent principalement deux dispositifs : l'AAH et la prime d'activité.

Concernant le programme 304, on note une très légère augmentation des crédits relatifs à la protection juridique des majeurs, mais il faut savoir que le nombre de demandes explose. Or l'accompagnement par les associations évite aux personnes concernées de sombrer dans la très grande pauvreté : elles les maintiennent véritablement hors de l'eau.

L'action 11, qui concerne la prime d'activité, présente la particularité, cette année, de financer l'expérimentation de la renationalisation du RSA en Seine-Saint-Denis.

On constate une augmentation des crédits de l'aide alimentaire, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle pour notre pays, car cela signifie que le nombre de bénéficiaires est en hausse.

Pour ce qui concerne l'action 17, relative à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, on peut regretter que le projet de loi relatif à la protection des enfants n'arrive en séance publique du Sénat que le 14 décembre prochain. Au travers du PLF, nous finançons des actions en dehors de toute vision d'ensemble.

Le budget consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes augmente. On peut s'en réjouir, puisqu'il s'agit de la grande cause du quinquennat. Pour autant, la présentation de ce budget changeant chaque année, il est difficile de suivre les crédits qui sont strictement liés à la lutte contre les violences faites aux femmes, à la prévention et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Vous avez évoqué un léger décollage de l'AFIS, mais je regrette que seulement 446 personnes en bénéficient. En fait, ce dispositif n'est pas du tout adapté aux besoins des personnes qui tombent dans la prostitution. L'ambition du Gouvernement ne se concrétise pas dans les moyens attribués. Il faudra, à mon sens, fournir un effort beaucoup plus important pour permettre aux femmes et aux hommes concernés de sortir du système prostitutionnel.

Les crédits alloués à la conduite et au soutien des politiques sanitaires et sociales, qui font l'objet du programme 124, sont en baisse. Il faut s'en inquiéter. Les aides apportées au financement des ARS stagnent, en dépit du contexte de baisse sanitaire. On note également une baisse des crédits pour le fonctionnement des services, alors que les ARS sont en première ligne pour organiser la gestion de la crise sanitaire, dont nous ne sommes pas sortis et qu'il faudra accompagner financièrement.

Mme Frédérique Puissat . - Dans le cadre de notre mission d'information sur l'évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d'une partie des Français, Annie Le Houerou et moi-même avions noté qu'un tiers des départements ayant contractualisé avec l'État n'avaient pas obtenu la totalité des crédits préalablement affectés. Nous avions préconisé - c'était le sens de notre proposition n° 16 - que l'évaluation se fonde sur des indicateurs partagés État-département. Y a-t-il eu des évolutions en la matière ?

Mme Michelle Meunier . - Je souscris aux propos d'Annie Le Houerou. Rappelez-vous le nombre de signataires de la pétition sur l'AAH déposée sur le site du Sénat... Les attentes étaient très fortes. En maintenant sa position, le Gouvernement durcit le mécontentement des associations. Pour leur part, M. le rapporteur et notre collègue Philippe Mouiller ont su les écouter. En Loire-Atlantique, on n'avait jamais vu autant de personnes rassemblées sur les questions du pouvoir d'achat et de la reconnaissance des personnes handicapées que la semaine dernière : elles étaient 5 000 ! La mobilisation est énorme.

Vous connaissez notre position sur la déconjugalisation. Certains considèrent que le pas qui est fait va vers une amélioration de la situation financière des personnes handicapées, mais le sujet demeure clivant. Pour notre part, nous soutenons la demande des personnes concernées.

Comme l'a dit Annie Le Houerou, les mesures annoncées dans le cadre de la stratégie pauvreté sont à mettre en regard de l'aggravation de la crise sanitaire, sociale et économique que nous connaissons. Elles ne suffisent pas à compenser la faiblesse du reste à vivre pour les ménages les plus modestes.

En ce qui concerne la protection des enfants, nous manquons de cadre et de vision politique. Le projet de loi que nous allons examiner est bien décevant : il ne fait que colmater les lacunes des dispositifs existants. Ce n'est pas un texte structurant.

Nous souscrivons dans l'ensemble aux analyses de M. le rapporteur pour avis.

M. René-Paul Savary . - Notre rapporteur a évoqué la participation de 93 millions d'euros, en baisse, de l'État à la prise en charge des MNA. Je souhaiterais qu'il n'oublie pas de mentionner dans son rapport que les dépenses des départements s'élèvent à 2 milliards d'euros et qu'elles augmentent.

M. Jean Sol , rapporteur pour avis . - Les crédits consacrés à la protection juridique des majeurs s'élèvent à 734 millions d'euros, en hausse de 2,76 % par rapport à 2021. Cette augmentation correspond à l'accroissement anticipé du nombre de mesures de protection. Selon l'interfédération de la protection juridique des majeurs, chaque professionnel des services mandataires est chargé de 60 dossiers, ce qui est trop élevé. Les services souhaitent une augmentation plus substantielle de ces crédits afin de passer à 45 mesures par professionnel. Une étude sur le coût des mesures de protection juridique des majeurs est en cours, et pourrait aboutir, selon la DGCS, à une réforme du système de financement.

Le changement de présentation du budget consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes vise à répondre à une demande de clarté. L'AFIS reste peu connue et répond à des besoins particuliers. Comme le relèvent les associations qui réalisent un travail formidable en dépit de moyens limités, les personnes qui sortent de la prostitution par l'insertion professionnelle ne sont pas éligibles à cette aide.

La contribution de l'État versée aux ARS pour charges de service public s'établit à 593 millions d'euros en 2022, contre 594 millions en 2021. Les renforts exceptionnels instaurés lors de l'exercice 2021 sont maintenus à hauteur d'un tiers en 2022, soit 167 ETP, pour permettre aux ARS de poursuivre leur action en matière de dépistage de la covid, de traçage des cas contacts et de vaccination. Le schéma d'emploi des ARS est rehaussé de 118 ETP, conformément au Ségur de la santé. Il faut y ajouter 25 ETP destinés à renforcer l'échelon territorial. Une enveloppe supplémentaire de 9,7 millions d'euros est également prévue pour accompagner la transformation numérique des ARS.

Madame Puissat, les difficultés que vous évoquez concernant la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté n'ont pas fait l'objet de remontées de la part de l'Assemblée des départements de France. Les indicateurs semblent mieux acceptés par les départements.

Madame Meunier, les mesures prévues dans le cadre de cette stratégie sont structurelles. Elles ne sont pas principalement de nature monétaire. Toutefois, la tarification sociale des cantines contribue à augmenter le reste à vivre des ménages modestes, même si cette mesure pourrait être amplifiée.

Enfin, nous manquons de chiffres consolidés relatifs à la prise en charge des mineurs non accompagnés. L'ADF évoquait, il y a trois ans, une somme de 2 milliards d'euros pour les départements, mais ce chiffre doit être actualisé et précisé.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des articles rattachés n os 51, 52 et 53.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Ministère des solidarités et de la santé

Marine Jeantet , déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté

• Assemblée des départements de France (ADF)

Jean-Michel Rapinat , directeur délégué des politiques sociales

Marylène Jouvien , chargée des relations avec le Parlement

• Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss)

Jérôme Voiturier , directeur général

• Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

Marine Malberg , chargée de mission

• Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei)

Luc Gateau , président

Anne Lebas de Lacour , chargée de mission sur la protection juridique des majeurs

• Union nationale des associations familiales (UNAF)

Guillemette Leneveu , directrice générale

• Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT)

Hadeel Chamson , délégué général

• Fédération nationale des accidents du travail et des handicapées (FNATH)

Sophie Crabette , chargée de plaidoyer

Karim Felissi , avocat conseil

• Association des paralysés de France (APF France Handicap)

Carole Saleres , conseillère nationale Travail, emploi, formation et ressources

• Association Solenciel

Rodolphe Baron , président

Anastasia Guillien , bénévole pour The good lobby

• Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Jérôme Jumel , adjoint de la directrice générale

Catherine Lesterpt , adjointe de la cheffe de service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes

Katarina Miletic-Lacroix , cheffe du bureau des budgets et performances

Florence Allot , sous-directrice de l'inclusion sociale, insertion, lutte contre la pauvreté


* 1 Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 2 Rapport d'étape national, Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : le point sur la mise en oeuvre 2018-2021 , Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, octobre 2021, consultable à l'adresse suivante : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_national_-_3_ans_pauvrete-_oct21-v5_1110.pdf

* 3 « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale », rapport d'information n° 854 (2020-2021) de MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, 29 septembre 2021.

* 4 Proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, consultable sur le site internet du Sénat à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-319.html

* 5 Deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021, consultable sur le site internet du Sénat : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl21-147.html

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