EXAMEN D'ARTICLES RATTACHÉS

Article 45
Unification des modalités d'attribution de la DSID

L'article 45 du présent projet de loi de finances tend à unifier les modalités d'attribution de la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), dont l'intégralité serait désormais attribuée par le préfet de région, selon une logique d'appels à projets.

Rejetant la logique dont procède cette évolution, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer cet article.

1. Le dispositif proposé : attribuer l'intégralité de la dotation sous la forme d'appels à projets

a) De la dotation globale d'équipement (DGE) à la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID)

La dotation globale d'équipement (DGE) des départements a été créée par la loi n° 83-1186 du 29 décembre 1983. Elle visait à rassembler, au bénéfice des conseils départementaux, d'une part, les subventions attribuées par l'État à ces derniers pour leurs investissements, d'autre part, les subventions attribuées par l'État à d'autres maîtres d'ouvrage
- notamment les communes - pour le financement de travaux d'équipement rural ainsi que pour la modernisation de l'hôtellerie rurale.

La dotation globale d'équipement des départements
selon la loi du 29 décembre 1983

La DGE des départements, telle qu'elle résultait de la loi n° 83-1186 du 29 décembre 1983 précitée, comportait deux parts divisées en plusieurs fractions.

1° La première part, inscrite à la section d'investissement du budget des départements, était employée librement par ces derniers. Elle était répartie entre eux (ainsi qu'entre leurs groupements) de la manière suivante :

- une fraction égale au maximum à 75 % était répartie au prorata des dépenses réelles directes d'investissement de chaque département ou groupement ;

- une fraction égale au maximum à 20 % était répartie au prorata de la longueur de la voirie départementale ;

- le solde servait à majorer les attributions perçues par les départements dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à la moyenne.

2° La seconde part, également inscrite à la section d'investissement, devait être employée au financement de travaux d'équipement rural et d'aménagement foncier ou au versement de subventions aux maîtres d'ouvrage réalisant des opérations de même nature. Sa répartition obéissait aux règles suivantes :

- une fraction égale au maximum à 80 % était répartie entre les départements au prorata de leurs dépenses de remembrement et des subventions versées par eux pour la réalisation de travaux d'équipement rural ;

- le solde servait à majorer la dotation de certains départements en fonction de l'importance des surfaces restant à remembrer, et celle des départements dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à la moyenne.

Source : avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019
du rapporteur du présent avis 23 ( * )

La DGE des départements a été réformée par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 . Sa première part, libre d'emploi, a ainsi été supprimée, au motif que le taux de concours de l'État, d'un niveau jugé insuffisant (2,75 % en 2005), conduisait à un « saupoudrage » des crédits, la dotation n'étant plus constituée que par sa seule seconde part, « fléchée » vers des investissements d'équipement rural et d'aménagement foncier 24 ( * ) . Elle demeurait néanmoins attribuée sous la forme d'un taux de concours de l'État aux dépenses d'investissement éligibles et composée de trois fractions :

- une fraction principale , égale à 76 % du total, attribuée à chaque département au prorata de ses dépenses d'aménagement foncier et des subventions qu'il verse pour la réalisation de travaux d' équipement rural ;

- une deuxième fraction , égale à 9 % du total, servant à majorer les attributions versées aux départements au titre de leurs dépenses d' aménagement foncier du dernier exercice connu ;

- une troisième fraction , égale à 15 % du total, est destinée à majorer la dotation des départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 40 % à la moyenne ou dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur d'au moins 50 % à la moyenne.

Enfin, la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a révisé en profondeur la logique de la DGE en la remplaçant par la dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID), composée de deux parts :

- une première part (77 % du total) répartie en enveloppes régionales attribuées par les préfets de région sous forme de subventions aux projets qu'ils jugeraient prioritaires ;

- une seconde part (23 %) abondant directement la section d'investissement des départements dont le potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal par kilomètre carré ne sont pas supérieurs au double de la moyenne des départements. Cette seconde part est libre d'emploi 25 ( * ) .

b) Une proposition d'unification des modalités d'attribution de la DSID

Le présent article tend à procéder à une nouvelle réforme de cette dotation, en prévoyant que la DSID soit intégralement attribuée sous forme de subventions d'investissement , à l'instar de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

Serait préservée l'architecture de la dotation, dont une part égale à 23 % serait toujours calculée en fonction du potentiel fiscal des départements. Néanmoins, alors que cette part est aujourd'hui libre d'emploi, elle serait désormais attribuée par le préfet de région selon une logique d'appel à projets .

2. La position de la commission : supprimer un dispositif à l'ambition recentralisatrice

Le Gouvernement justifie le dispositif du présent article par l'effet de levier insuffisant dont bénéficieraient les crédits alloués aux départements sur la seconde part de DSID : bénéficiant à 87 départements, son montant serait de moins de un euro par habitant et conduirait à un « saupoudrage » des crédits.

En premier lieu, la commission note que le constat de l'inefficience relative d'une dotation ou d'une part de celle-ci est à nouveau 26 ( * ) utilisé pour en justifier la suppression , alors même qu'il aurait pu être envisagé, pour atténuer l'effet de « saupoudrage » mis en cause, d'en accroître le montant ou d'en préciser le ciblage.

En second lieu, bien que les montants en jeu soient relativement modestes, une telle évolution revient à entériner le passage intégral des modalités d'octroi de la DSID sous une logique de « projet », par laquelle l'État exerce un contrôle d'opportunité sur les projets d'investissement des collectivités . Une telle évolution, contraire à l'esprit de la décentralisation, a régulièrement été dénoncée par la commission des lois, comme une reprise en main par l'État de la conquête décentralisatrice qu'a été la dotation globale d'équipement 27 ( * ) . En conséquence, la commission a adopté un amendement II-13 (LOIS. 1) tendant à supprimer cet article .

La commission a proposé de supprimer l'article 45 .

Article 47 ter
Création d'un fonds régional de péréquation horizontale

L'article 47 ter du présent projet de loi de finances tend à créer un fonds régional de péréquation horizontale au bénéfice de la collectivité de Corse, ainsi que de plusieurs collectivités ultra-marines disposant de compétences régionales.

Souscrivant à l'objectif de la création d'un nécessaire dispositif de péréquation, la commission a néanmoins souhaité en renforcer l'ambition en restaurant le dispositif dans sa rédaction proposée par le Gouvernement.

1. La nécessaire institution d'un dispositif régional de péréquation horizontale

L'accord de partenariat État-régions signé le 28 septembre 2020 comportait un engagement à « revoir le système de péréquation qui existe entre » les régions. L'article 47 ter , ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement du Gouvernement 28 ( * ) , constitue ainsi la traduction législative de cet engagement. Le dispositif proposé par le Gouvernement prévoyait :

- un volume du fonds égal à 0,2 % de la fraction de TVA allouée aux régions pour l'amorçage du fonds (soit environ 19,5 millions d'euros 29 ( * ) ), dont la dynamique serait assurée par l'abondement de 5 % de la croissance annuelle de ce produit ;

- un abondement du fonds constitué de deux prélèvements à parts égales : le premier, composé de contributions calculées sur la base d'un indice de ressources assis sur quatre recettes 30 ( * ) perçues par les régions, auquel ne pourraient contribuer que les seules collectivités pour lesquelles l'indice ainsi calculé serait supérieur à 0,8 fois l'indice par habitant moyen constaté pour l'ensemble des collectivités éligibles au prélèvement 31 ( * ) ; le second, fondé sur la richesse relative des collectivités concernées, prélevé sur les collectivités dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant est supérieur à 0,9 fois le PIB moyen par habitant de l'ensemble des collectivités.

Ce dispositif prévoyait donc un volume relativement important du fonds et faisait peser la charge de son abondement sur les collectivités les plus riches, à la fois s'agissant de leurs capacités contributives - par l'appréciation de leurs ressources - et de la robustesse de leur économie
- par la prise en compte de leur PIB par habitant.

Il a néanmoins fait l'objet de deux sous-amendements en séance publique 32 ( * ) , ayant pour effet de diminuer l'ambition péréquatrice du fonds . Ainsi amendé, le dispositif, conforme à la volonté de Régions de France, serait le suivant :

- son volume serait égal à 0,1 % de la fraction de TVA des régions en amorçage (soit environ 10 millions d'euros 33 ( * ) ), puis serait abondé chaque année à hauteur de 1,5 % de la croissance du produit de la fraction de TVA allouée aux régions ;

- cet abondement serait assuré en totalité par un prélèvement composé de contributions calculées sur la base d'un indice de ressources
- soit la « première part » du dispositif prévu par le Gouvernement.

Comparaison des dispositifs proposés de péréquation régionale

Source : commission des lois

2. La position de la commission : restaurer l'ambition initiale du dispositif

Si la commission se félicite que soit tenu l'engagement pris par le Gouvernement et les régions de créer un dispositif garantissant une péréquation horizontale effective, elle ne peut que regretter la diminution de l'ambition péréquatrice du fonds . Pour important qu'il soit, l'effort de solidarité prévu dans le cadre du dispositif du Gouvernement aurait ainsi le mérite d'attribuer des ressources au bénéfice de territoires en ayant un vif besoin, à commencer par les territoires ultra-marins concernés.

Estimant nécessaire de favoriser une péréquation effective entre collectivités régionales, la commission a donc adopté l'amendement II-14 (LOIS.4) tendant à restaurer la rédaction proposée par le Gouvernement , plus conforme à cet objectif.

La commission a proposé d'adopter l'article 47 ter ainsi modifié .


* 23 Avis n° 153 (2018-2019), du rapporteur du présent avis, fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 novembre 2018, consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/a18-153-12/a18-153-12.html .

* 24 Ibidem .

* 25 Voir le septième alinéa du 2° du I de l'article L. 3334-10 du code général des collectivités territoriales.

* 26 Lors de la réforme de la DGE des départements en 2006, la commission avait déjà souligné que l'objectif de rationalisation « avait conduit à la suppression de la première part de la dotation globale d'équipement des communes en 1996 », tout en relevant que la pleine compensation due au titre de la réforme de 2006 n'était déjà pas assurée.

* 27 À titre d'exemple, voir l'avis n° 153 (2018-2019), du rapporteur du présent avis, fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 novembre 2018, pp. 27-49, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a18-153-12/a18-153-121.pdf .

* 28 Amendement n° II-1302 du Gouvernement.

* 29 Estimations fournies par Régions de France.

* 30 Il s'agit, pour l'année n, de la fraction de TVA perçue par les régions en n-1, de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) perçue en n-1, des produits des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER) perçus en n-1, des produits de la taxe sur les certificats d'immatriculation perçus en n-1.

* 31 Cette garantie permettrait d'exclure de la contribution au titre de cette première part la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, le conseil régional de Guadeloupe, le conseil régional de La Réunion, ainsi que le Département de Mayotte, collectivités destinées à être bénéficiaires du fonds.

* 32 Sous-amendements n os II-1660 et II-1661 de Cendra Motin.

* 33 Les estimations fournies au rapporteur s'élèvent à 9 764 420 euros.

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