II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 28 novembre 1995, sous la présidence de M. Claude Huriet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, sur les crédits consacrés à la politique familiale.

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a d'abord rappelé que l'année qui vient de s'écouler a permis de célébrer à la fois le cinquantenaire de la sécurité sociale et celui de l'ordonnance du 3 mars 1945 qui confie à l'Union nationale des associations familiales la tâche de représenter les familles, soulignant toutefois que ces anniversaires intervenaient dans un contexte particulièrement difficile pour les comptes sociaux.

Retraçant l'évolution de la politique familiale depuis 1945, il a rappelé qu'une telle politique avait été initialement fondée sur un objectif démographique. La politique familiale concernait ainsi tous les français, quel que soit le niveau de leurs revenus.

Les modifications profondes de la société, la généralisation des prestations familiales, le développement des prestations placées sous condition de ressources, ont toutefois infléchi sensiblement les objectifs initiaux.

Décrivant alors les acteurs de la politique familiale, il a souligné que l'Etat intervenait moins par la voie budgétaire que par ses actions fiscales et législatives. Les crédits budgétaires s'élèvent ainsi à 62,36 millions de francs pour 1996. Il a toutefois précisé que la place de l'Etat se trouve désormais renforcée par la part grandissante de la solidarité nationale dans le financement des prestations familiales.

Il reste que 169,5 milliards de francs sont servis, par la caisse nationale d'allocations familiales, sous forme de prestations. Celles-ci sont, pour la moitié environ placées sous condition de ressources.

Etablissant le bilan, très positif de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, il a toutefois rappelé les difficultés conjoncturelles rencontrées par la branche famille en précisant, à cet égard, que le déficit attendu en 1995 serait de 13,27 milliards de francs.

Soulignant enfin les compétences très diversifiées des collectivités territoriales, il a rappelé que l'aide sociale à l'enfance constitue le tiers des dépenses sociales départementales et que l'action des communes s'adressait essentiellement à la petite enfance, en partenariat avec la caisse nationale d'allocations familiales.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a alors présenté le plan du Gouvernement du 15 novembre 1995 en rappelant les cinq mesures d'application immédiate retenues à cette occasion.

Il a notamment regretté que l'intégralité de l'allocation pour jeune enfant soit placée sous condition de ressources.

S agissant des mesures structurelles envisagées par le Gouvernement, il a exprimé les raisons qui le conduisaient à exprimer les plus vives réserves sur la fiscalisation des allocations familiales. Cette disposition devrait avoir pour conséquence d'assujettir à l'impôt sur le revenu environ 250.000 familles, qui perdraient ainsi un certain nombre d'avantages liés à la non imposition.

Le produit de cette imposition devant, pour moitié, être consacré à des aménagements du barème au profit des familles modestes nombreuses l'autre moitié devant aller à la CNAF, il a observé qu'un tel dispositif était neutre et s'est donc interrogé sur la nécessité et l'opportunité de sa mise en oeuvre. Il a exprimé sa préférence pour une refonte des prestations.

M. Jean Chérioux a alors présenté ses propositions.

Les unes visent à réorganiser les structures du mouvement familial et à renforcer leur rôle en leur permettant notamment de peser plus sûrement sur le contenu des émissions audio-visuelles.

Un tel renforcement passe aussi par une meilleure représentation de l'union nationale des associations familiales (UNAF) dans les caisses, de sécurité sociale et dans les organes dirigeants du secteur éducatif et de la formation professionnelle et par l'affirmation du rôle de coordination des unions départementales.

Rappelant, le déclin de la natalité, il a proposé de renforcer les objectifs démographiques de la politique familiale en recentrant les efforts sur les familles établies durablement en France.

Il a proposé, à ce, égard, de réserver le bénéfice des allocations familiales, à caractère démographique, d'une part, aux seules familles, françaises ou étrangères, dont les enfants on, la nationalité française d'autre part, s'agissant des familles étrangères, il a suggéré que seules celles don, le chef exerce une activité professionnelle bénéficient, des prestations sous la seule condition actuelle d'être établies depuis trois mots en France, en Proposant de porter ce délai à trois ans pour les autres.

Il a souligné qu'une telle proposition était conforme à la fois au préambule de la constitution, qui dispose que la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, et à nos obligations européennes, telles qu'elles résultent des arrêts Pinna de 1986 et 1989.

Il a alors proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique familiale par le projet de loi de finances pour 1996.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a estimé que l'accroissement du chômage et, d'une manière plus générale, l'âge tardif auquel les jeunes commençaient aujourd'hui à travailler expliquaient en partie le déclin démographique. Elle a regretté que certaines prestations incitent les familles les plus défavorisées à la procréation. Elle a souligné l'importance qu'il y avait à mieux associer les collectivités locales à la mise en oeuvre des contrats enfance, en soulignant la volonté des caisses d'allocations familiales de renforcer l'encadrement de cette mise en oeuvre par la création de relais enfance.

Elle a regretté les effets fâcheux de la réforme récente de l'aide à la scolarité, désormais versée aux familles et non plus aux établissements.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a d'abord souligné que les représentants des collectivités locales n'avaient pas fait état auprès de lui des préoccupations des caisses d'allocations familiales. S'il a reconnu que certaines prestations pouvaient inciter à la maternité de femmes en difficulté, il a rappelé qu'en même temps l'obligation faite à une partie d'entre elles d'exercer une activité n'était pas propice au redressement démographique de la France.

Mme Annick Bocandé a souligné son attachement à une simplification des prestations familiales et à l'institution d'un véritable salaire parental, le rapporteur adhérant pleinement à ses propos.

M. Charles Metzinger a mis en exergue les convictions idéologiques qui le séparaient du rapporteur.

Il s'est notamment opposé aux discriminations proposées, qui pourraient s'exercer aux dépens de certaines familles étrangères. Il a indiqué que le divorce n'était pas toujours un accident mais pouvait aussi résulter d'un libre choix. Il a rappelé que la politique familiale ne se réduisait pas au seul service des prestations.

Il a regretté que la séparation des branches soit survenue au moment où la branche famille enregistrait de graves déficits.

Il a insisté sur la nécessité d'améliorer les équipements d'accueil de l'enfance.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a pris acte des divergences philosophiques ainsi observées par M. Charles Metzinger. Il a rappelé les efforts développés en matière d'équipement en faveur de l'enfance depuis plusieurs années.

Il a enfin précisé que la discrimination qu'il proposait s'appliquait seulement aux allocations à caractère démographique, à l'exclusion des Prestations familiales servies sous condition de ressources, à caractère social.

M. Jean-Pierre Fourcade a demandé au rapporteur de reprendre à son compte trois préoccupations :

- la nécessité de recentrer l'aide apportée aux familles sur le premier enfant ;

- alléger les normes qui bloquent actuellement le développement des contrats enfance ;

- privilégier le critère de l'activité professionnelle sur celui de la nationalité pour définir les conditions d'attribution des allocations familiales.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a rappelé que le troisième enfant méritait d'être aidé au moins aussi bien que le premier..

Il a admis la nécessité d'assouplir les normes.

Il a voulu démontrer l'intérêt de la coexistence des critères d'activité et de nationalité pour l'attribution des allocations familiales.

M. Alain Vasselle a voulu réserver son avis définitif sur la fiscalisation des prestations familiales jusqu'à la présentation de la reforme fiscale qui la mettra en oeuvre.

Il s'est rallié aux propos du président en ce qui concerne les conditions d'attribution des allocations familiales. Il a rappelé son vif intérêt Pour l'allocation parentale de libre choix.

M. Bernard Seillier s'est rallié aux propositions de M. Jean-Pierre Fourcade en ce qui concerne le premier enfant. Il a rappelé que le mouvement familial ne pouvait être confondu avec les corporatismes de toutes sortes.

Il a enfin souhaité qu'une étude soit réalisée sur la capacité d'épargne des familles nombreuses.

M. Jacques Machet s'est déclaré hostile à la fiscalisation des allocations familiales.

M. Jean Madelain a considéré que le développement de la natalité dépendait avant tout du climat créé par l'action publique.

M. Georges Mazars a insisté également sur la nécessité de renforcer les aides au premier enfant.

M. Jean Chérioux, répondant aux orateurs, a notamment indiqué qu'il convenait en effet d'éviter tout corporatisme dans l'action associative en faveur des familles.

Il a repris à son compte les propos tenus sur l'allocation parentale de libre choix.

Il a enfin rappelé son attachement à la mise en oeuvre des contrats enfance.

La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique familiale par le projet de loi de finances pour 1996.

Mesdames, Messieurs,

Cette année qui vient de s'écouler aura vu à la fois le cinquantenaire de la sécurité sociale et de l'organisation de la branche famille et celui de l'ordonnance du 3 mars 1945 qui confie à l'Union nationale des associations familiales (UNAF) la tâche de représenter les familles. Ces anniversaires interviennent dans un contexte particulièrement difficile pour les comptes sociaux. Votre rapporteur a le souci, comme le Gouvernement, de préserver le système de sécurité sociale auquel nos concitoyens sont légitimement attachés. C'est pourquoi il estime nécessaire de retourner aux principes fondateurs de celui-ci, notamment en matière de politique familiale.

Dans une première partie, votre rapporteur souhaite donc analyser très succinctement les circonstances de l'élaboration de la politique familiale qui, dès le départ, a eu un caractère incontestablement démographique en réaction à la faiblesse de la natalité française enregistrée dans l'Entre-Deux-Guerres.

Un demi-siècle plus tard, la situation est bien sûr tout à fait différente, du fait de facteurs externes, décolonisation, contraintes européennes, influence des médias, mais aussi par le fait des profondes mutations sociologiques, augmentation du taux d'activité des femmes, baisse de la nuptialité, hausse corrélative des divorces, du concubinage, de la solitude également et des naissances hors mariages. Avec la généralisation des prestations familiales, le lien avec la profession a complètement disparu. Avec les années 1970, sont apparues nombre de prestations sous condition de ressources, ce qui implique qu'aujourd'hui environ la moitié des prestations servies par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) le sont. Les prestations sont devenues également beaucoup plus complexes. Elles étaient 23 lorsque la loi relative à la famille a créé deux prestations supplémentaires, l'aide à l'adoption et l'aide à la scolarité, ancienne bourse des collèges.

-23 lorsque la loi relative à la famille a créé deux prestations supplémentaires, l'aide à l'adoption et Laide à la scolarité, ancienne bourse des collèges.

Les acteurs de la politique familiale se sont également diversifiés. L'Etat y prend un rôle croissant. Il reste bien sûr le législateur. La loi relative à la famille en témoigne. De même, un texte relatif à l'adoption devrait être prochainement soumis à la représentation parlementaire. C'est, bien sûr, vrai également dans le domaine fiscal avec le quotient familial. L'Etat accroît, de plus, son financement de la politique familiale par l'intermédiaire de la prise en charge des exonérations de cotisations familiales alors même que les crédits budgétaires, stricto sensu, consacrés à la politique familiale sont relativement faibles, 63.5 millions, et plutôt en régression.

Le principal acteur de la politique familiale reste donc la CNAF, à la fois seule et en partenariat avec les communes dans le cadre des contrats-enfance et des contrats de ville. Votre rapporteur fera, à cet égard, un bilan de la montée en charge de la loi relative à la famille qui est un véritable succès, qui aura coûté en 1995. 3.74 milliards à la branche famille et devrait peser 6,57 milliards dans les dépenses de celle-ci en 1996. Parallèlement, la branche famille doit supporter, à concurrence de 1,5 milliard, une partie de la majoration exceptionnelle de rentrée scolaire. C'est dire que son déséquilibre actuel est en grande partie tributaire des charges qu'on lui impose. Parallèlement, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère nécessaire de l'aide accrue aux familles ayant de grands enfants, qui ne pourra intervenir avant 1999 qu'en cas d'excédents de la branche famille.

Parmi les partenaires importants de la politique familiale, il faut souligner également le rôle important des départements qui, pour financer l'Aide sociale à l'enfance, ont déboursé 23.3 milliards en 1994.

Dans un second temps, votre rapporteur souhaite procéder à l'analyse des dispositions relatives à la famille dans le plan relatif à de la sécurité sociale présenté le 15 novembre 1995. S'il ne peut qu'approuver certaines d'entre elles, pour d'autres, en revanche, comme la fiscalisation des allocations familiales et la mise sous condition de ressources des allocations pour jeune enfant (APJE), il ne peut s'y avérer favorable. Enfin, votre rapporteur souhaite présenter ses propositions et suggestions pour retrouver les principes fondateurs de l'élaboration de la politique familiale, il y a cinquante ans avec, d'une part, la rénovation des statuts de l'UNAF et de l'autre, le recentrage des allocations familiales sur des objectifs démographiques nationaux.

C'est donc autour de ces deux points, évolution de la politique familiale depuis cinquante ans et dispositions du plan du 15 novembre 1995 et propositions de votre rapporteur, que celui-ci souhaite articuler son propos.

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