2. Défis européens

L'ouverture, le 1er mars 1996 à Turin, de la Conférence intergouvernementale sur la révision du traité de Maastricht traduit l'importance des échéances à venir pour l'Europe, appelée à se refonder à travers la réforme des institutions, parallèlement à l'élargissement de l'Union, à travers le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire et à travers la réflexion sur l'évolution institutionnelle de l'Alliance atlantique. L'avenir de l'Europe est donc en suspens, alors même que la stagnation économique dans laquelle se débat le vieux continent fait apparaître l'érosion du « modèle » économique européen.

a) Refondations européennes

Les réformes en préparation au sein de l'Union sont si substantielles que l'Europe à laquelle adhéreront les actuels candidats à l'élargissement sera très différente de celle à laquelle ils ont postulé.

(1) Le passage à la monnaie unique

Symbole de l'avancée du projet européen, la mise en place de l'Euro se justifie par la volonté de conférer à l'Europe un poids monétaire cohérent avec son importance économique, et de tirer les conséquences du fait que 60 % des échanges des Quinze se font entre eux.

Les résultats économiques de 1997 serviront de référence à l'appréciation des critères de convergence prévus par le traité de Maastricht. En 1998 sera établie la liste des Etats participant à la zone euro. La substitution des monnaies nationales devrait être achevée en 2002.

L'UEM préfigure une Europe à géométrie variable en fonction de la diversité des situations entre Etats « in » (qui adopteront d'emblée l'euro) et « pré-in » (qui ont vocation à intégrer l'Union économique et monétaire). Cette évolution pose un problème poitique majeur : est-il concevable que soient écartés de l'UEM des membres fondateurs comme l'Italie et la Belgique, ou la Grande-Bretagne, qui abrite la première place financière européenne ?

(2) La nécessaire réforme du mode de décision

L'aménagement du mode de décision liée à l'élargissement de l'Union vers l'Est, Chypre et Malte, se trouve au coeur de la Conférence intergouvernementale. Un consensus souple doit être trouvé pour dépasser le dilemne unanimité-majorité.

Entre les différents scénarios européens envisageables, c'est une Europe à géométrie variable (du type de l'Union économique et monétaire) qui se dessine, le principe étant d'atteindre des objectifs définis en commun selon des rythmes différenciés. Cette interprétation de l'avenir de l'Europe se déduit de la lettre cosignée par Helmut Kohl et Jacques Chirac à Baden-Baden, en décembre 1995, et tendant à introduire dans le futur traité une clause permettant aux Etats en ayant la capacité et la volonté de développer entre eux des "coopérations renforcées".

Le risque est, bien évidemment, que le fossé s'élargisse entre les Etats liés par des solidarités renforcées, le reste de l'Union et les Etats candidats à l'intégration.

(3) L'organisation de la sécurité européenne

Un important volet relatif à la sécurité figure à l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale. L'intervention, en Bosnie, d'une force multinationale, sous la responsabilité de l'OTAN, a confirmé le rôle primordial désormais tenu par l'Alliance Atlantique dans la sécurité européenne. L'OTAN s'est aujourd'hui dégagée des "contorsions diplomatiques onusiennes" 5 ( * ) , et "a retrouvé, dans la mise en oeuvre de la paix en Bosnie, une autonomie politique et une crédibilité militaire incontestées" 1 ( * ) . Ce renversement explique l'évolution de la politique française à l'égard de l'Alliance. Le Conseil atlantique de Berlin, en juin 1996, a concrétisé le principe, admis depuis le sommet de Londres de Janvier 1994, de mise à disposition de certains moyens de l'OTAN, en vue de la mise en oeuvre de la politique commune européenne, en cas d'abstention américaine. A Berlin a été confirmée la reconnaissance de l'unicité de la chaîne de commandement atlantique. Par ailleurs, certains éléments de l'OTAN pourraient être placés sous l'autorité de l'UEO en vue d'être utilisés comme noyaux d'une structure de commandement européenne, en cas d'opération militaire sans participation américaine.

Les avancées décisives franchies à Berlin, au moins au plan des principes, contrastent avec les hésitations et les atermoiements qui caractérisent la politique étrangère et de sécurité commune, d'autant plus que le bilan de l'action européenne en Bosnie paraît très déséquilibré par rapport à celui de l'intervention de l'Ifor...

Il n'en importe pas moins de dépasser les divergences, dans le domaine de la sécurité européenne, entre, d'une part, l'axe franco-allemand, favorable à l'émergence d'une défense européenne autonome et, d'autre part, le Royaume-Uni, réticent à reconnaître la légitimité de l'Union européenne en matière de défense. Une incertitude majeure tient, par ailleurs, à l'attitude de la nouvelle administration américaine à l'égard de la réforme de l'OTAN : la reconnaissance de l'identité européenne au sein de l'Alliance sera-t-elle traduite effectivement dans les faits ? Se bornera-t-elle à la délégation de missions militaires aux Européens, les Etats-Unis conservant le contrôle politique des opérations ?

* 5 Rapport Ramsès 1997

* 1

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