II. LE CINQUANTENAIRE DE LA DÉPARTEMENTALISATION

À l'occasion du cinquantième anniversaire de la loi du 19 mars 1946 qui érigea en département les « quatre vieilles » colonies (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), la commission des Lois dresse un bilan globalement positif de cette évolution historique.

A. UNE LENTE RECONQUÊTE

Dès la période révolutionnaire, marquée par de nombreuses hésitations sur le statut des colonies qui voulaient conserver un régime dérogatoire favorable au commerce et permettant d'éluder la question de l'esclavage, un décret fut intégré à la Constitution de l'an III (22 août 1795) faisant accéder ces territoires au statut de département.

Le Consulat y mettra fin et Napoléon rétablira en 1802 l'esclavage aboli une première fois par la convention le 4 février 1794.

Sous l'Empire, le « grand juge », qui administre chaque colonie avec le capitaine général et le préfet colonial, édicté les règlements qui établissent le régime juridique applicable. Ses instructions sont de préférer « les lois qu'il croira les plus propres à former à l'avenir le code civil et le code criminel de la colonie ».

Ainsi le code civil adapté entre-t-il en vigueur si bien qu'il demeure pratiquement inchangé aujourd'hui encore à Saint-Domingue qui, à la même époque, accède à l'indépendance.

La Restauration met en place en 1825 à la Réunion et en 1827 aux Antilles et en Guyane, les gouverneurs qui perdureront jusqu'à la départementalisation de 1946. Leur pouvoir militaire et civil inclut le législatif et l'exécutif. Pour leurs fonctions civiles, ils sont assistés d'un conseil privé proche des conseils de préfecture de la métropole et d'un conseil général (brièvement dénommé « conseil colonial » de 1833 à 1848, supprimé à cette date, puis rétabli en conseil général en 1854). Il se réunit au moins une fois par an pour voter le budget et nomme les délégués auprès du Gouvernement jusqu'en 1848. À cette date, l'abolition de l'esclavage à l'initiative de Schoelcher s'accompagne de l'instauration du suffrage universel et de la participation immédiate à l'élection de députés.

Le Second Empire fait disparaître le suffrage universel et rétablit les délégués à un comité consultatif des colonies placé auprès du Gouverneur.

D'autre part, l'organisation institutionnelle des colonies devient une compétence du Sénat. Deux sénatus-consulte (1854 et 1866) confirment les communes dont les conseils municipaux sont toutefois nommés par le Gouverneur et participent, pour moitié avec lui, à la désignation des conseils généraux. Ceux-ci ont des attributions fiscales et douanières mais le Gouverneur exerce une forte tutelle.

Le suffrage universel revient dès 1870 ; les colonies élisent leurs représentants à l'Assemblée nationale puis dans les deux assemblées à la naissance de la IIIème République.

Les lois de 1882 et 1884 appliquent le régime municipal et départemental mais le conseil général conserve les pouvoirs du sénatus consulte de 1866, supérieurs à ceux de la métropole (surtout faculté de voter un tarif douanier sur les produits en provenance de l'étranger ; en 1892, la loi d'assimilation douanière met fin à cette autonomie).

Jusqu'en 1946, dans ce cadre administratif, les « quatre vieilles » sont soumises au régime des règlements administratifs qui seuls peuvent leur étendre les lois votées par le Parlement où elles ont cependant des représentants remarqués. Ceux-ci, dès le début du XXème siècle, déposent des propositions de loi pour obtenir la départementalisation afin de contrecarrer les retards pris dans l'extension : les lois Ferry sur l'éducation attendent en effet vingt ans pour être adaptées par les Gouverneurs, de même que la loi de 1898 sur les accidents du travail.

Trois de ces propositions, déposées par Léopold Bissol (Guadeloupe et Martinique), Gaston Monnerville (Guyane) et Raymond Vergès (La Réunion) sont adoptées par l'Assemblée constituante à l'unanimité le 14 mars 1946 et deviennent la loi du 19 mars 1946 que son rapporteur, Aimé Césaire, qualifiera d' » étape aussi importante que la suppression de l'esclavage » intervenue un siècle plus tôt.

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