III. LES RECETTES : UN RECYCLAGE DES EXCEDENTS GÉNÉRÉS PAR LA CROISSANCE

Contrairement à l'an dernier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel que présenté initialement par le Gouvernement, ne prévoit aucun prélèvement supplémentaire.

L'essentiel de son volet recettes consiste en une réaffectation des ressources de contribution sociale de solidarité des sociétés, destinée à dégager 2 milliards de francs pour la constitution d'un fonds de réserve des régimes de retraite par répartition. Les autres dispositions relatives aux recettes consistent en des mesures de correction ou de validation, dont l'incidence financière reste marginale, voire hypothétique.

A. LA MODIFICATION DE L'AFFECTATION DE LA CONTRIBUTION SOCIALE DE SOLIDARITÉ DES SOCIÉTÉS

1. La répartition des ressources fiscales de la sécurité sociale

Depuis la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie, amorcée par le loi de financement pour 1997 et amplifiée par la loi de financement pour 1998, la sécurité sociale est largement financée par des ressources de nature fiscale.

Ces ressources fiscales sont réparties entre les différents régimes selon des règles particulièrement complexes, obscurcies encore par les dérogations exceptionnelles qui leur ont été apportées ces dernières années.

Deux mécanismes complémentaires sont à distinguer.

Le premier mécanisme répartit entre les régimes obligatoires d'assurance maladie le produit de l'ensemble formé par la CSG maladie et une fraction égale à 40 % du droit de consommation sur les alcools (les 60 % restants étant affectés au FSV). Cette répartition s'opère en trois étapes :

- au premier niveau, le produit est réparti en fonction de la perte de cotisations d'assurance maladie induite pour chacun des régimes par la substitution de la CSG ;

- au deuxième niveau, le surplus éventuel est affecté en priorité à la CNAMTS, dans la limite de son déficit comptable ;

- au troisième niveau, le surplus éventuel est affecté aux autres régimes obligatoires d'assurance maladie au prorata de leurs déficits comptables, avant attribution de la contribution sociale de la solidarité des sociétés (C3S).

Le bilan de la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie fait apparaître des excédents après la répartition de premier niveau.

En 1998, l'excédent de l'ensemble CSG maladie et droits sur les alcools, égal à 2,2 milliards de francs, est intégralement absorbé par le déficit de la CNAMTS, en deuxième niveau de répartition.

En 1999, compte tenu du rétablissement des comptes de la CNAMTS, après compensation de ses pertes de cotisations, un excédent de 4,3 milliards de francs peut être réparti, en troisième niveau, entre les autres régimes obligatoires d'assurance maladie au prorata de leurs déficits.

Dans les faits, ce surplus ira en quasi totalité à la CANAM car les autres régimes sont pratiquement tous auto-équilibrés : les régimes des salariés agricoles, des militaires et des cultes sont intégrés au régime général, tandis que les régimes de la SNCF et de la RATP sont équilibrés par ces entreprises. Quant au BAPSA, le présent projet de loi de financement prévoit de l'exclure, à titre exceptionnel, du bénéfice de cette répartition de troisième niveau.

Le second mécanisme répartit entre les régimes de non salariés le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cette répartition s'opère en deux étapes :

- au premier niveau, le produit de la C3S est réparti entre la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA, au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables ;

- au second niveau, le surplus éventuel est affecté au BAPSA.

Il convient de souligner que ces règles théoriques de répartition de la C3S n'ont en fait jamais été strictement respectées depuis leur définition par la loi du 12 avril 1996, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

En 1997, 2,8 milliards de francs d'excédents de C3S après répartition de premier niveau ont été reportés sur l'exercice 1998, en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

En 1998, les attributions de C3S à l'ORGANIC et à la CANCAVA ont été majorées de 1,2 milliard de francs, à hauteur des transferts exceptionnels de ces deux régimes vers la CNAMTS institués par la loi de financement de la sécurité sociale (700 millions de francs pour l'ORGANIC et 500 millions de francs pour la CANCAVA). A législation constante, le surplus demeurant de 2,4 milliards de francs devrait être versé au BAPSA.

2. Les nouvelles règles d'affectation de la C3S

En 1999, le dynamisme propre du produit de la C3S ainsi que le comblement du déficit de la CANAM par des surplus de CSG et de droit de consommation sur les alcools devraient se traduire par un excédent courant de 5,6 milliards de francs, après répartition de premier niveau.

Le dynamisme des recettes de C3S est un effet de la loi de finances rectificative du 4 août 1995, qui a accru son rendement sur deux points :

- son taux a été porté de 0,1 % à 0,13 % du chiffre d'affaires des sociétés, à compter du 1er janvier 1995 ;

- son champ d'application à été étendu à certaines formes de société jusqu'alors exonérées (sociétés par actions simplifiées, en nom collectif, GIE, certaines institutions financières, coopératives), à compter du 1er janvier 1996.

L'impact financier de cette réforme en 1996 est estimé à 4,9 milliards de francs, à raison de 2,8 milliards de francs pour le relèvement du taux et de 2,1 milliards de francs pour l'extension du champ de la C3S.

Le produit prévu de la C3S pour 1999 est estimé à 16,8 milliards de francs, en augmentation de + 4,4 % par rapport à 1998.

L'article 2 du projet de loi de financement propose de modifier considérablement les règles de répartition de la C3S.

D'une part, le paragraphe I suspend la répartition de deuxième niveau de la C3S au titre de 1998, et reporte ainsi sur l'exercice 1999 le surplus de 2,4 milliards de francs qui aurait dû être versé au BAPSA.

En compensation partielle, le paragraphe II opère un prélèvement exceptionnel de 1 milliard de francs sur le produit de la C3S en 1999 au profit du BAPSA. Mais, parallèlement, ce régime est exclu du bénéfice de la répartition de troisième niveau de la CSG maladie et des droits sur les alcools en 1999.

D'autre part, le paragraphe III modifie de manière pérenne les règles de répartition de la C3S, en affectant le surplus éventuel, après comblement des déficits de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA, au fonds de solidarité vieillesse (FSV), et non plus au BAPSA.

3. Les conséquences pour le fonds de solidarité vieillesse

Le FSV se trouve ainsi destinataire en 1999 d'un surplus de C3S estimé à 5,6 milliards de francs. Ce surplus sera intégralement utilisé pour le financement de charges nouvelles.

Le paragraphe IV de l'article 2 du projet de loi de financement instaure au sein du FSV une section intitulée "opérations de solidarité", correspondant aux missions antérieures du fonds, qui prend en charge les avantages de retraite non contributifs, et une section intitulée "fonds de réserve", correspondant à un fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse ainsi créé.

La part des recettes de C3S versée au fonds de réserve est déterminée par arrêté. Le Gouvernement a prévu de le doter de 2 milliards de francs en 1999.

Le reste du surplus de C3S affecté au FSV, soit 3,6 milliards de francs, servira à couvrir presque intégralement le coût de deux nouvelles charges du fonds :

- 2,9 milliards de francs seront versés au régime général, en application de l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de solder les sommes correspondant à la validation des périodes non travaillées des chômeurs résidant dans les départements d'outre-mer, que le FSV avait omis de prendre en charge entre 1994, année de sa création, et 1997, année où l'UNEDIC a intégré les chômeurs des DOM dans les statistiques fournies au fonds ;

- 900 millions de francs seront consacrés à une amélioration, par voie réglementaire, de la prise en charge des périodes de chômage non indemnisé.

Au total, le solde de la nouvelle section "opérations de solidarité" resterait quasiment inchangé par rapport à son évolution spontanée, avec un excédent de + 2,1 milliards de francs au lieu des +2,4 milliards de francs prévus tendanciellement.

Il convient de préciser que les comptes de la section "opérations de solidarité" du FSV sont marginalement affectés par deux autres mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 :

- l'article 8 retire des ressources du FSV le droit de fabrication applicable aux produits de parfumerie et de toilette, aux alcools à usage médicamenteux et aux alcools incorporés dans des produits alimentaires prévu à l'article 406 A du code général des impôts, en conséquence de la suppression de ce droit par l'article 32 du projet de loi de finances pour 1999. La perte de recettes afférente, estimée à 330 millions de francs, est déjà incluse dans le compte tendanciel.

- la revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite prévue par l'article 29 a pour répercussion une augmentation de 70 millions de francs des prestations de minimum vieillesse financées par le FSV.

Votre rapporteur pour avis observe que le solde cumulé de la section "opérations de solidarité" du FSV s'élèvera à 4,7 milliards de francs en 1999, soit plus du double de la dotation de 2 milliards de francs prévue pour la nouvelle section "fonds de réserve ". L'accumulation de ces excédents apparaît comme une mesure de prudence, car les charges de validation des périodes de chômage restent très sensibles à la conjoncture de l'emploi.

Votre rapporteur pour avis observe également que la modification de l'affectation des ressources fiscales de la sécurité sociale s'opère au détriment du BAPSA. Ce régime est privé, en 1998, de 2,4 milliards de francs d'excédents de C3S et ne reçoit en 1999, pour solde de tout compte, que 1 milliard de francs sur 5,6 milliards d'excédents de C3S. Le BAPSA étant équilibré par une subvention de l'Etat, ces modifications des règles existantes de répartition peuvent être analysées in fine comme des transferts financiers indirects du budget général à la sécurité sociale.

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