CONCLUSION

La contradiction entre le poids croissant des missions parfois nouvelles confiées à la gendarmerie et la stagnation des moyens -en particulier pour le fonctionnement courant des unités- soulève plusieurs interrogations . Elle peut affecter la disponibilité de la gendarmerie et conduire ainsi l'institution à fixer elle-même les priorités de son action. De telles évolutions, si elles devaient se concrétiser, risqueraient alors, au rebours de la vocation fondamentale de la gendarmerie, d'isoler l'Arme du corps social dans lequel elle doit, au contraire, s'intégrer.

Une réévaluation des crédits de fonctionnement, sans représenter un effort considérable pour les finances publiques, contribuerait à conjurer ces perspectives. En conséquence, votre commission appelle le gouvernement à corriger en loi de finances rectificative l'insuffisance de la dotation destinée au fonctionnement et souhaite que les prochains projets de loi de finances initiales prennent enfin la juste mesure des besoins courants des unités de la gendarmerie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis lors de sa séance du 10 novembre 1999.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. André Rouvière a indiqué qu'il ne partageait pas l'appréciation de M. Paul Masson sur la politique suivie par le Gouvernement en matière de redéploiement. Il a en effet estimé que la suspension du projet de redéploiement répondait au voeu d'une majorité d'élus et aux différents problèmes rencontrés par la mise en oeuvre pratique par ces réorganisations. Il a également jugé que l'affectation de gendarmes expérimentés dans les zones sensibles constituait une évolution souhaitable. Selon M. André Rouvière, la fidélisation des escadrons de gendarmerie mobile pourrait permettre de favoriser la prévention et finalement représenter une source d'économies en limitant les opérations de maintien de l'ordre. Cette expérience, a-t-il ajouté, ne pourrait être appréciée qu'avec le recul du temps. Enfin, il a considéré que le recrutement des volontaires paraissait répondre à des critères de sélectivité rigoureux.

M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a précisé que l'absence de concertation sur les redéploiements pouvait être mise au débit du Gouvernement et expliquait pour une large part l'échec du projet, alors même que les parlementaires pouvaient parfaitement comprendre les considérations d'intérêt général justifiant la réorganisation territoriale. Il a relevé par ailleurs que la fidélisation des escadrons pouvait soulever au quotidien des problèmes d'ajustement entre les compétences respectives de la gendarmerie et de la police et qu'il reviendrait en tout état de cause au préfet de trancher dans l'hypothèse d'un conflit.

M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est alors fait l'écho des préoccupations exprimées par le rapporteur pour avis, en observant que les économies recherchées sur le coût de fonctionnement des unités pouvaient décourager les personnels et limiter leur disponibilité.

M. Michel Caldaguès a ajouté qu'il n'était pas déplacé d'adopter un ton critique à l'égard de la gendarmerie. Il est convenu avec M. Paul Masson que l'Arme se trouvait à un tournant de son histoire ; l'urbanisation de la France affectait non seulement les missions de la gendarmerie mais aussi le recrutement des personnels de l'Arme. Il a estimé que la gendarmerie ne devait pas se dérober aux évolutions nécessaires et devait conjurer toute tentation d'autogestion. Il a par ailleurs souhaité que l'on s'intéresse aux forces étrangères comparables -par exemple en Italie- et que l'on en tire, le cas échéant, les leçons utiles.

M. Gérard Roujas a jugé utile une réflexion sur l'organisation territoriale de la gendarmerie qui ne paraissait pas toujours adaptée aux évolutions démographiques.

M. Christian de La Malène s'est inquiété de l'insuffisance des créations de postes de volontaires, contrairement aux prévisions de la loi de programmation et alors que l'emploi d'effectifs de gendarmerie dans certaines missions à l'étranger pouvait soulever des interrogations.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le rapporteur pour avis sur la composition du conseil de sécurité intérieure. M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a précisé que le conseil de sécurité intérieure, créé en 1997, constituait un dispositif de coopération gouvernementale auquel participaient au premier chef, sous la présidence du Premier ministre, les ministres de l'intérieur, de la justice et de la défense.

Le rapporteur pour avis a enfin souligné de nouveau la contradiction entre les missions confiées à la gendarmerie et l'insuffisance de ses crédits de fonctionnement. Il a relevé que certaines des conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur la politique de sécurité conduite en Corse portaient sur la gendarmerie et appelleraient sans doute une réflexion sur le fonctionnement de l'Arme.

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La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 2000, au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 1999.

M. Guy Penne, a d'abord remarqué qu'avec un effort de défense représentant environ 2,5 % du produit intérieur brut (PIB), comparable à celui du Royaume-Uni, la France se situait à mi-chemin entre les Etats-Unis, qui consacrent 3,5 % de leur PIB à la défense, et les autres pays européens, qui y consacrent en moyenne 1,5 % de leur PIB. Il a donc estimé que, malgré une diminution du même ordre de grandeur que celle enregistrée dans les autres pays occidentaux depuis la chute du mur de Berlin, le budget français d'équipement militaire, qui était le deuxième en Europe, demeurait très significatif. Il a ensuite évoqué les difficultés du ministère de la défense à consommer la totalité des crédits d'équipement dont il dispose et relevé que la rationalisation des achats d'équipement permettait des économies sans réduire le pouvoir d'achat des armées. Il a estimé que la professionnalisation des armées présentait un coût plus élevé qu'on ne l'avait envisagé lors du lancement de la réforme. Enfin, il a souligné que le conflit du Kosovo avait mis en évidence l'amélioration des capacités militaires françaises par rapport à la guerre du Golfe, même si des insuffisances perdurent en matière spatiale et de renseignement.

M. Serge Vinçon, a rappelé qu'après s'être engagé, à l'issue de la revue de programmes qu'il avait conduite, à stabiliser les crédits d'équipement des armées durant quatre ans, le Gouvernement rompait, dès la deuxième année, cet engagement. Il a émis la crainte que la France ne prenne un dangereux retard par rapport aux Etats-Unis, qui, après avoir réorganisé leur défense et leur industrie d'armement, relancent désormais leur effort financier en matière de défense, particulièrement en matière de recherche et de développement. Evoquant l'annulation supplémentaire de 5,3 milliards de francs de crédits d'équipement annoncée sur le budget de la défense, il a déploré que des commandes supplémentaires ne soient pas passées aux industriels alors que ceux-ci auraient la capacité de produire davantage de matériels.

M. Paul Masson , approuvé par M. Xavier de Villepin, président , a mis en doute, après les auditions des chefs d'état-major par la commission, l'idée selon laquelle les armées seraient limitées dans leurs capacités de consommation de crédits.

M. Xavier de Villepin, président , a alors rappelé que les crédits des titres V et VI étaient appelés à diminuer de 3,2 milliards de francs par rapport aux conclusions de la " revue de programmes " qui marquaient elles-mêmes une économie de 5 milliards de francs par an par rapport aux prévisions initiales de la loi de programmation. Il a estimé que la situation économique et financière actuelle aurait permis de préserver les crédits militaires. Il a par ailleurs déploré que le projet de budget ne tienne pas compte des leçons militaires du conflit du Kosovo et observé la contradiction entre les discours sur la défense européenne et la réalité des programmes conduits en coopération, qui connaissent, pour beaucoup d'entre eux, d'importantes difficultés. Il a alors appelé la commission à suivre l'avis défavorable proposé par les rapporteurs pour avis.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il se rangeait à cet avis défavorable.

M. Claude Estier a en revanche précisé que le groupe socialiste voterait le budget de la défense pour 2000.

La commission a alors émis un avis défavorable sur l'ensemble des crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

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