N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE

Par M. Louis SOUVET et Mme Annick BOCANDÉ,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 et 89 (annexe n° 18 ) (1999-2000).

Lois de finances.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 23 novembre, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité et à l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle sur les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2000.

Dans son propos liminaire, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a déclaré appliquer, depuis trois ans, la même stratégie à la construction du budget de l'emploi et de la solidarité : mettre ce budget au service des priorités que sont la croissance solidaire, le développement de l'emploi et la lutte contre le chômage et les exclusions ; traduire ces priorités en choix budgétaires clairs au moyen d'importants redéploiements de crédits.

Mme Martine Aubry a indiqué que le budget de son ministère, selon sa nouvelle structure, s'élèverait à 213 milliards de francs en 2000, en hausse de 3,9 % par rapport à 1999. Elle a observé que ce budget ne comportait plus les crédits de la ristourne dégressive, désormais portés par le fonds de la réforme de cotisations sociales, mais comprenait la subvention de 7 milliards de francs au fonds de financement de la couverture maladie universelle (CMU). Elle a précisé que le calcul du taux de progression de 3,9 % prenait en compte le coût net, pour l'Etat, de la CMU, c'est-à-dire la subvention inscrite au budget de la solidarité et le produit de droits sur les tabacs affectés à la caisse nationale d'assurance maladie, diminués de l'économie réalisée sur la dotation générale de décentralisation.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a précisé que les crédits du seul budget de l'emploi s'élèveraient à 122 milliards de francs en 2000, en hausse de 2,7 milliards de francs par rapport à 1999. Elle a souligné que depuis trois ans ce budget était passé, en structure 2000, de 111,4 milliards de francs à 122 milliards de francs, en observant que cette augmentation nette de 10,7 milliards de francs correspondait en fait à 37,2 milliards de francs de dépenses supplémentaires et à 26,5 milliards de francs d'économies ou d'ajustements à la baisse. Elle a considéré que ces modifications en profondeur reflétaient les quatre priorités de la stratégie pour l'emploi du Gouvernement, à savoir l'émergence de réformes structurelles destinées à développer l'emploi, le recentrage des dispositifs traditionnels au service des publics en difficulté, la recherche systématique de l'efficacité des aides publiques, et enfin le renforcement du service public de l'emploi.

Revenant sur chacune de ces priorités, elle a estimé tout d'abord qu'il était nécessaire d'accompagner la croissance par la mise en place de nouvelles politiques structurelles de développement de l'emploi comme la politique de réduction de la durée du travail, la création d'activités nouvelles pour les jeunes et l'allégement des charges qui pèsent sur le coût du travail.

Elle a considéré que ces politiques prenaient désormais une place déterminante, d'une part dans le budget de l'emploi, le financement des emplois-jeunes et de la loi du 11 juin 1996 dite loi de Robien représentant 28,3 milliards de francs de crédits, et, d'autre part, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, où les aides incitatives et pérennes aux 35 heures et les allégements de charges sur les bas et moyens salaires devraient mobiliser à terme 105 milliards de francs.

Evoquant les emplois-jeunes, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré que le bilan à la fin octobre était de 217.550 postes créés pour 203.200 embauches effectives. Elle a observé que la dotation de 21,03 milliards de francs pour 2000, en hausse de 7,4 milliards de francs par rapport 1999, correspondait à un objectif de 320.000 emplois créés à la fin de l'année 2000. Elle a estimé en conséquence que les objectifs du programme étaient tenus, tant en qualité qu'en quantité. Elle a insisté sur l'utilité sociale des activités créées, la professionnalisation des nouveaux métiers et les perspectives de pérennisation de nouveaux emplois au-delà de la période de cinq ans pendant laquelle ils bénéficient de l'aide de l'Etat.

Mme Martine Aubry a observé que la réduction de la durée du travail et l'allégement des charges sociales étaient désormais liés, comme l'illustrait la création du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales. Elle a estimé que la création de ce fonds aurait pour conséquence d'améliorer la transparence financière à travers une meilleure identification des dépenses et l'affectation des recettes pérennes. Elle a souligné qu'il permettrait de clarifier les transferts financiers entre l'Etat et les régimes de sécurité sociale et de renforcer le contrôle démocratique, à travers la remise, à son conseil de surveillance ainsi qu'au Parlement, d'un rapport annuel établi sur une base contradictoire et paritaire. Elle a déclaré que le financement de ce fonds était assuré en 2000.

Mme Martine Aubry a considéré que la réduction du temps de travail avait déjà permis la création ou la préservation de 134.000 emplois. Elle a observé qu'en 2000 cette forte contribution au développement de l'emploi se poursuivrait et s'amplifierait avec la baisse du coût du travail non qualifié.

Evoquant le deuxième axe de la stratégie de l'emploi du Gouvernement, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé nécessaire la poursuite du recentrage des outils traditionnels de la politique de l'emploi sur les publics les plus en difficulté, comme le prévoyaient la loi sur la lutte contre les exclusions et le plan national d'action pour l'emploi.

Elle a évoqué le développement du programme " nouveau départ ", le contrat emploi consolidé de cinq ans en accès direct, le programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE), les contrats de qualification pour adulte, le dispositif d'aide à la création d'entreprise (EDEN), ainsi que l'insertion par l'économique.

Elle a également cité le recentrage des outils traditionnels que sont les contrats emploi-solidarité (CES), les contrats initiative-emploi (CIE), les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) sur les publics prioritaires et l'augmentation des moyens du service public de l'emploi, destinée à assurer l'accompagnement individualisé des parcours de retour à l'emploi.

Elle a observé qu'en trois ans, de 1997 à fin 2000, 300.000 places auront été dégagées dans les dispositifs ciblés d'aide à l'emploi, dont 180.000 pour des publics très prioritaires. Elle a considéré que cette démarche permettait également de lutter contre les discriminations envers les handicapés, les discriminations raciales, et de renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que la proportion des publics prioritaires (chômeurs de longue durée âgés, bénéficiaires des minima sociaux et handicapés) en contrats emploi-solidarité était passée de 55 % en 1997 à 78 % en août 1999, et que la proportion des chômeurs de plus de deux ans en contrats initiative-emploi avait été portée de 30,7 à 41,3 % sur la même période.

Elle a estimé que cette évolution serait confirmée en 2000 alors que les flux d'entrées dans les mesures classiques poursuivraient leur ajustement à la baisse. Elle a constaté, à cet égard, que les 360.000 entrées en contrats emploi-solidarité prévues en 2000 marqueraient un retrait de 30.000 entrées par rapport aux prévisions pour 1999. Elle a observé une tendance similaire pour les contrats initiative-emploi et les stages du fonds national de l'emploi, qui devraient chacun représenter 150.000 entrées, contre respectivement 180.000 et 175.000 en 1999.

Le ministre a souligné que le nombre de contrats emploi consolidé resterait élevé en 2000 avec 60.000 entrées, conformément au rythme prévu par le programme de lutte contre les exclusions. Il a estimé que le programme TRACE, qui avait enregistré, à ce jour, 33.000 entrées, devrait, à partir de 2000, atteindre l'objectif de 60.000 parcours accompagnés par an.

Il a observé que le secteur de l'insertion par l'économique bénéficiait à nouveau d'un effort substantiel à travers une hausse de 22 % des crédits à 910 millions de francs.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite évoqué la troisième orientation stratégique de ce budget, le renforcement de l'efficacité des dispositifs. Elle a observé que les aides à l'emploi avaient fait l'objet d'une révision progressive et profonde pour limiter les effets d'aubaine et les effets pervers. Elle a cité la suppression d'abattements de cotisations sociales pour les salariés en temps partiel annualisé en l'absence d'accord d'entreprise, le plafonnement au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) de l'exonération de cotisations sociales pour l'embauche d'un premier salarié, et la proratisation des allégements de charges sociales pour les salariés à temps partiel.

Elle a considéré que le recentrage des CES et des CIE sur les publics les plus éloignés de l'emploi avait permis, depuis trois ans, de dégager des économies substantielles, tout en maintenant l'offre de places pour les personnes en réelle difficulté.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que les préretraites constituaient une autre source importante d'économie pour le budget de l'emploi. Elle a rappelé ses efforts pour subordonner la contribution de l'Etat à un resserrement des conditions d'entrée dans les dispositifs et à un accroissement de la participation des entreprises, à travers notamment le doublement de la contribution Delalande.

Elle a précisé que le fonds national pour l'emploi participerait toutefois au financement du nouveau dispositif de préretraite au profit des salariés qui ont subi des conditions de travail particulièrement pénibles. Elle a indiqué qu'en conséquence, la dotation de 4,15 milliards de francs de l'allocation spéciale du FNE diminuait moins en 2000 qu'elle ne l'avait fait en 1999 par rapport à 1998.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a enfin évoqué la quatrième orientation stratégique de la politique de l'emploi, le renforcement des moyens du service public de l'emploi. Elle a souligné que les services du ministère bénéficieraient, pour l'année 2000, de 130 emplois budgétaires supplémentaires, affectés principalement aux sections de l'inspection du travail. Elle a évoqué les importantes mesures de requalification d'emploi et de revalorisation indemnitaire prévues afin d'améliorer la situation immédiate et les perspectives de carrière des agents. Elle a indiqué que le plan de transformation d'emploi de la catégorie C serait amplifié, 365 emplois d'agents étant transformés en autant d'adjoints administratifs.

Elle a observé que le processus de résorption de l'emploi précaire se poursuivrait grâce à la création d'emplois budgétaires. Elle a souligné que l'enveloppe indemnitaire augmentait une nouvelle fois de 27,8 millions de francs.

Elle a déclaré que l'année 2000 marquerait la refonte du statut de l'inspection du travail, afin que les déroulements de carrière soient plus conformes à l'importance et la diversification des missions de ce corps. Elle a également évoqué la création d'un statut d'emploi pour les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Mme Martine Aubry a estimé que l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) devrait bénéficier des moyens conformes au troisième contrat de progrès signé avec l'Etat le 28 juin 1999. A cet égard, elle a observé que la subvention de cette association augmentait de 5 %, à 4,3 milliards de francs, comme l'exigeait l'évolution de ces prestations dans le cadre du service intégré mis en place avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Elle a précisé que la subvention de l'Etat à l'ANPE augmenterait en 2000 de 10,3 %, à 6,36 milliards de francs, ce qui devrait permettre un renfort de 500 agents supplémentaires au titre de la troisième tranche du programme de renforcement des effectifs de l'agence portant sur 2.500 postes au total. Elle a rappelé que l'ANPE avait pour objectif, en 2000, d'accompagner 1,1 million demandeurs d'emplois dans leur démarche de nouveau départ.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a déclaré que le projet de budget de la formation professionnelle s'élèverait en 2000 à 33,9 milliards de francs, soit un niveau de crédit quasiment identique à 1999.

Elle a fait part de sa détermination à maintenir l'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de qualification. Elle a observé que le nombre d'entrées en apprentissage serait maintenu en 2000 au niveau de 1999, soit 220.000, et que celui des entrées en contrats de qualification serait porté à 125.000 au lieu de 120.000 en 1999. Elle a considéré que l'effort budgétaire de l'Etat pour l'alternance s'élèverait à 12 milliards de francs, soit un tiers du budget de la formation professionnelle. Elle a déclaré que la progression du nombre des contrats était confirmée au cours des neuf premiers mois de l'année 1999 par rapport à la même période de l'année 1998, les entrées en contrats d'apprentissage ayant augmenté de 2,2 % et celles en contrats de qualification de 1,8 %. Elle a considéré que cette évolution constituait une réponse aux interrogations relatives à une baisse possible du nombre de contrats formulées l'année dernière à la suite du recentrage des aides à l'embauche sur les jeunes les moins qualifiés.

Elle a précisé que le transfert de 500 millions de francs opéré en 2000 du comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF) serait affecté, via un fonds de concours, à la couverture des aides à l'embauche relatives au contrat d'apprentissage.

Mme Nicole Péry a considéré que le transfert à l'ANPE des crédits relatifs aux centres interministériels de bilan de compétences (CIBC) ne remettait pas en cause la qualité des prestations de ces organismes, mais devrait permettre de construire un nouveau partenariat au service de l'orientation des demandeurs d'emploi en association avec l'ANPE. Elle a considéré que, d'un point de vue financier, le soutien de l'Etat aux CIBC ne s'en trouverait pas modifié.

Evoquant l'augmentation des moyens de l'AFPA, elle a considéré que le deuxième contrat de progrès couvrant la période 1999-2003 avait pour objet d'accroître la performance et l'efficacité des actions de cette association. À cet égard, elle a cité notamment sa mission de service public auprès des demandeurs d'emploi et les objectifs qui lui avaient été assignés par le plan national d'action pour l'emploi (PNAE).

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a considéré que l'AFPA devrait, à l'issue de la réforme de la formation professionnelle à venir, se voir confier un rôle concernant la validation des acquis professionnels. Elle a estimé que ces nouvelles missions justifiaient l'augmentation de 5 % des crédits affectés à l'association, qui devraient atteindre, pour 2000, 206,9 millions de francs.

Mme Nicole Péry a évoqué enfin, le calendrier de la mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle. Elle a précisé que des dispositions législatives et réglementaires seraient prises dès l'année 2000 concernant la professionnalisation des jeunes et l'élargissement de la validation des acquis. Elle a observé toutefois que l'essentiel de la réforme, concernant la mise en place d'un droit individuel à la formation transférable et garanti collectivement, ne trouverait sa traduction législative qu'en 2001.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi, a observé que le fonds de financement des cotisations patronales de sécurité sociale créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 devrait bénéficier d'une contribution de l'Etat de 4,3 milliards de francs correspondant, selon le Gouvernement, au " recyclage " des 35 heures pour le budget ; il a souhaité savoir si ces 4,3 milliards correspondaient bien aux crédits inscrits à l'article 10 du chapitre 44-77. Dans l'affirmative, il a souhaité savoir si le libellé de ce chapitre (exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail prévue par la loi du 13 juin 1998) ne gagnerait pas à être modifié dès lors qu'il s'agissait en fait d'une subvention au fonds de financement. Il a également souhaité savoir si cette contribution était susceptible d'être abondée -et à quelle hauteur- par les reports de crédits non consommés en 1999.

Evoquant les délais d'examen du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, notamment celui nécessaire à son examen par le Conseil constitutionnel, il a souhaité savoir si cette loi serait promulguée avant la fin de l'année. Dans le cas contraire, il s'est interrogé sur l'état du droit applicable au 1 er janvier 2000 au regard notamment de l'article premier de la loi du 13 juin 1998 qui dispose que " la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1 er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés ".

Après avoir rappelé que le cap des 200.000 emplois-jeunes avait été franchi cet été, et que le Gouvernement se fixait un objectif de 320.000 emplois-jeunes fin 2000, il a souhaité connaître quelles étaient les raisons qui expliquaient le retard par rapport à l'objectif affiché de 350.000 emplois dans le secteur non marchand. Il a également souhaité savoir si le projet de 350.000 emplois-jeunes dans le secteur marchand était définitivement abandonné.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, a demandé quelles avaient été les réactions des partenaires sociaux au contenu des projets de réforme de la formation professionnelle du Gouvernement (Livre blanc, rapport de M. Lindeberg, propositions de la ministre), et notamment quels étaient les points d'accord et de désaccord.

Elle a souhaité connaître l'état de développement de l'apprentissage pour les formations d'un niveau supérieur. Elle a demandé si la création de licences professionnelles dans l'enseignement supérieur ne risquait pas d'amoindrir le développement de l'apprentissage pour ces formations qualifiées.

Enfin, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, a souhaité obtenir des éléments chiffrés concernant l'apprentissage dans le secteur public, en particulier, pour les collectivités locales.

En réponse à M. Louis Souvet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a confirmé que les 4,3 milliards de francs inscrits à l'article 10 du chapitre 44-77 correspondaient bien à la subvention de l'Etat au fonds de financement des cotisations patronales de sécurité sociale. Elle a constaté que le libellé de l'article ne correspondait effectivement pas à la nature exacte de l'emploi des crédits, et qu'il mériterait d'être modifié à l'avenir. Elle a indiqué qu'il n'était pas possible de déterminer aujourd'hui le montant des crédits de 1999 qui pourraient être reportés, car le rythme de consommation de ces crédits s'accélérait.

Elle a déclaré que le Gouvernement s'était attaché à tenir les délais afin que la loi relative à la réduction négociée du temps de travail soit applicable au 1 er janvier 2000, compte tenu du délai nécessaire à son examen par le Conseil constitutionnel. Si tel n'était pas le cas, l'amendement que le Gouvernement comptait déposer à l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, trouverait à s'appliquer. Cet amendement prévoit en effet qu'en cas de non-promulgation de la loi au 1 er janvier 2000, celle-ci entrerait en vigueur le premier jour du mois suivant la date de la promulgation.

Elle a estimé qu'entre le 1 er janvier 2000 et la date de la promulgation de la loi, le code du travail s'appliquerait. Le principe d'une durée légale de travail fixée à 35 heures resterait acquis en application de la loi du 13 juin 1998, mais le mode de calcul des heures supplémentaires ne serait pas modifié pour les entreprises jusqu'à l'entrée en vigueur de la seconde loi.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a rappelé que le nombre d'emplois-jeunes devrait atteindre 320.000 en 2000. Elle a estimé que le délai dans la montée en puissance du dispositif s'expliquait par le souci d'assurer la professionnalisation des emplois créés ; elle a souligné que l'emploi des jeunes dans le secteur marchand avait dépassé le chiffre des 350.000 postes depuis deux ans, comme l'illustrait la baisse de 23 % du taux de chômage des jeunes. Elle a jugé que l'insertion professionnelle des jeunes passait par l'alternance et a cité le contrat initiative-emploi et l'allocation de remplacement par l'emploi qui favorisait l'arrivée de jeunes sur le marché du travail. Elle a rappelé que 42 % des emplois occupés par des jeunes faisaient l'objet d'une aide de l'Etat.

En réponse aux questions de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a rappelé les quatre axes de la réforme du système de formation : la professionnalisation des formations en alternance, la meilleure prise en compte de l'expérience professionnelle acquise, le développement d'un droit individuel à la formation transférable et garanti collectivement, et la clarification du rôle des acteurs de la formation professionnelle.

Evoquant les réunions bilatérales organisées avec l'ensemble des acteurs de la formation, elle a estimé que le consensus était plus évident sur le diagnostic que sur les propositions de réforme. Elle a constaté que le renforcement de la transparence et de l'efficacité des dispositifs s'avérait délicat, évoquant en particulier le nécessaire approfondissement de la relation entre les entreprises et les centres de formation d'apprentis (CFA), ainsi que la réduction souhaitable du nombre des organismes collecteurs. Elle a appelé de ses voeux une meilleure visibilité des coûts de la formation dans les CFA, de telle sorte que la concertation entre les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage et les conseils régionaux soit plus efficace.

Elle a observé que l'extension de la validation des acquis professionnels était attendue par tous les acteurs de la formation professionnelle. Elle a considéré qu'il s'agissait là d'un sujet complexe, en remarquant que les difficultés se situaient plutôt du côté des ministères dits " valideurs ".

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a estimé que les principaux points de désaccord portaient sur la définition d'un droit individuel à la formation, comme en témoigne l'ajournement d'une première réunion sur ce thème à la demande de certaines organisations patronales. Elle a souhaité pouvoir dépasser la situation de blocage actuelle en évoquant sa proposition d'une nouvelle réunion du travail où serait convié l'ensemble des partenaires sociaux.

Elle a rappelé que l'ouverture progressive de l'apprentissage à tous les niveaux de diplômes de l'enseignement technologique, introduite en juillet 1987, s'était accélérée depuis 1993. Elle a observé que les formations conduisant à un diplôme ou à un titre homologué de niveau égal ou supérieur au baccalauréat concernaient en 1998 24 % des entrées en apprentissage. A contrario, elle a noté que les formations conduisant à un diplôme ou à un titre homologué du niveau du certificat d'aptitude professionnelle ou du brevet d'enseignement professionnel poursuivaient leur baisse relative pour revenir à 73 %. Elle a souligné que ces pourcentages s'établissaient respectivement à 9 % et 91 % en 1992.

Elle a remarqué que ce constat avait conduit le Gouvernement à recentrer les aides forfaitaires à l'embauche afin de limiter cette évolution.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a déclaré que la création des licences professionnelles n'entrerait pas en concurrence avec l'apprentissage au niveau supérieur. Elle a estimé que ces nouvelles licences avaient, avant tout, pour objectif d'améliorer l'insertion des jeunes ayant suivi un cycle de formation dans l'enseignement supérieur court (diplôme universitaire et technologique, brevet de technicien supérieur ou diplôme d'études universitaires générales). Elle a considéré qu'il était apparu préférable d'offrir aux jeunes la possibilité de suivre une année supplémentaire d'études conduisant à une insertion professionnelle immédiate, plutôt que de les inciter à poursuivre des études longues lorsque les deux années passées à l'université n'avaient pas été concluantes.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a rappelé que l'apprentissage dans le secteur public, non industriel et commercial, avait été introduit à titre expérimental en juillet 1992 et pérennisé en octobre 1997. Elle a déclaré que le nombre de contrats d'apprentissage dans le secteur public avait progressé de 12 % de 1997 à 1998, pour toucher 2.454 jeunes. Elle a observé une augmentation de 10,8 % sur les dix premiers mois de 1999 par rapport à la même période de 1998. Tout en soulignant l'absence d'informations statistiques précises, elle a estimé que l'essentiel des contrats d'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial était le fait des conseils régionaux, des conseils généraux et des communes.

M. Charles Descours, se référant à un article publié par un grand hebdomadaire, a demandé au ministre s'il était exact que certains agents de l'ANPE avaient reçu des instructions leur demandant de favoriser les radiations de certains demandeurs d'emploi des listes du chômage.

M. Alain Gournac a fait part de son étonnement devant la baisse du taux de chômage publiée par le Gouvernement, alors que le nombre de sorties du chômage pour reprise d'emploi était en diminution. Rappelant que le nombre de procédures de radiation des listes du chômage avait progressé de 43,3 % en deux ans, il a interrogé le ministre sur l'existence d'éventuelles instructions données aux agents de l'ANPE pour augmenter les radiations et favoriser le basculement des demandeurs d'emplois des listes du chômage vers la catégorie " stagiaires ", qui n'est pas prise en compte dans les statistiques du chômage.

Mme Annick Bocandé a évoqué des difficultés d'application de la réduction du temps de travail dans le secteur médico-social, des personnels soumis à des conventions collectives bénéficiant des trente-cinq heures pouvant être mis à disposition des départements par convention et être appelés à travailler au côté de fonctionnaires qui n'en bénéficient pas. Elle a demandé au ministre comment résoudre ces difficultés d'application qui ne favorisent pas de bonnes relations du travail.

M. André Jourdain a interrogé le ministre sur le versement de l'Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales et l'évaluation du produit de la taxation des heures supplémentaires. Il a rappelé que, l'an dernier, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, avait annoncé un grand projet de loi sur la formation professionnelle et observé que ce projet semblait repoussé à plus tard.

M. Philippe Nogrix a interrogé le ministre sur l'application des accords sur la réduction du temps de travail dans le secteur médico-social pour les établissements ayant conclu un accord lorsque celui-ci n'était pas encore agréé.

M. Guy Fischer , évoquant la situation des jeunes aides-éducateurs recrutés sous le régime des emplois-jeunes, a demandé au ministre comment serait assurée la pérennisation de leur emploi.

M. Roland Huguet a affirmé que dans le Pas-de-Calais, le taux de chômage avait décru de 5 % entre les mois de septembre 1998 et septembre 1999. Il a estimé souhaitable, malgré cette amélioration, de ne pas interrompre les programmes de la politique de l'emploi tels que les emplois-jeunes et a demandé au ministre si leur durée ne pourrait pas être porté à 7 ans.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a affirmé qu'il suffisait de siéger dans les commissions locales d'insertion (CLI) pour constater que les sorties du RMI vers l'emploi étaient désormais beaucoup plus fréquentes et rapides qu'auparavant et a attribué ce progrès aux effets de la politique conduite par le Gouvernement.

Elle a toutefois constaté que la situation des femmes sur le marché de l'emploi devait encore être améliorée. Evoquant la formation professionnelle, elle a demandé au ministre si l'évaluation et la validation des acquis seraient placées sous la responsabilité des branches professionnelles ou des pouvoirs publics. Elle a enfin souligné la nécessité de renforcer les moyens de l'inspection du travail.

En réponse aux différents intervenants, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré que l'enquête réalisée par l'hebdomadaire " Le Point " ne comportait aucun élément précis. Elle a rappelé les chiffres de l'évolution du chômage : une diminution de 442.000 du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie 1 depuis janvier 1997, une diminution de 325.000 du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie 1 + 6 et une diminution de 350.000 du nombre de chômeurs au sens du bureau international du travail (BIT).

Elle a évoqué également le nombre de créations d'emplois qui atteignait en 1998 265.000 dans le secteur marchand et 100.000 dans le secteur non marchand. Elle a évoqué les chiffres du premier semestre 1999, qui s'élevaient à 235.000 emplois créés dans le secteur marchand et à 70.000 dans le secteur non marchand. Elle a constaté que les Français avaient bien la conviction que le chômage baissait et continuerait à baisser.

Elle a rappelé qu'elle n'intervenait pas dans la rédaction des communiqués publiant les statistiques du chômage, lesquels étaient préparés par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Elle a confirmé qu'aucune directive n'avait été donnée à l'ANPE concernant l'évolution des radiations. Elle a estimé que l'évolution de ces dernières variait de manière importante d'un mois à l'autre et était difficile à interpréter compte tenu du fait que nombre de radiations faisaient suite à des reprises d'emplois non signalés. Elle a considéré que la baisse du nombre de sortie du chômage s'expliquait par une baisse préalable du nombre des entrées. Elle a constaté, au total, que les conclusions de l'enquête réalisée par cet hebdomadaire ne correspondaient pas à la réalité.

Par ailleurs, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que, si le Gouvernement continuait à aider les publics les plus en difficulté, le nombre des stages effectués depuis trois ans avait plutôt baissé.

Evoquant le programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE), elle a souligné que le Gouvernement avait ralenti sa montée en puissance, afin de s'assurer qu'il profite effectivement aux publics les plus en difficulté.

Pour ce qui est de la réduction du temps de travail (RTT) dans le secteur social et médico-social, elle a annoncé que l'Assemblée nationale examinerait un amendement en nouvelle lecture du projet de loi, permettant de ne pas appliquer les majorations d'heures supplémentaires lorsqu'un accord a été signé et est en instance d'agrément.

Elle a enfin estimé que les 7 milliards de francs relatifs au produit de la contribution de 10 % relative à la taxation des heures supplémentaires comprises entre la 35 e et la 39 e heure dans le cadre de la loi sur la réduction négociée du temps de travail avaient été calculés en considérant que 5,68 millions de salariés ne seraient pas couverts par un accord 35 heures d'ici fin 2000 et que leur rémunération horaire moyenne était de 76,92 francs.

M. André Vézinhet a partagé les propos de M. Roland Huguet sur la nécessité de maintenir les programmes en faveur de l'emploi des jeunes. Il a interrogé le ministre sur les projets de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, tendant à instituer une licence professionnelle ainsi que sur l'accueil des adultes handicapés.

Enfin, M. Philippe Nogrix a rappelé qu'en loi de finances pour 1999, il avait été prévu que 500 millions de francs seraient prélevés sur l'association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL) et qu'une concertation devait être organisée pour en décider l'utilisation. Il a demandé au ministre de lui indiquer comment ces 500 millions de francs avaient été utilisés.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a précisé qu'elle avait tenu à ce que la réforme de la formation professionnelle soit bien un élément majeur d'amélioration du dialogue social. Elle a plaidé en faveur d'une mise en place progressive de la réforme, en précisant que des mesures à caractère législatif seraient proposées dans le prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre social sur les dossiers qui ne posaient pas de problème ; en revanche, elle a indiqué que sur les questions qui soulevaient des débats auprès des partenaires sociaux, elle avait proposé des expérimentations qui seraient conduites sous forme de contractualisation dans cinq régions.

Concernant la validation des acquis, elle a souligné que celle-ci ne pouvait être assurée que par un jury présentant toutes les garanties d'indépendance et qu'elle ne devait pas être confondue avec la phase d'accompagnement de la personne au cours de sa formation réalisé notamment par l'ANPE, l'AFPA ou les missions locales.

Elle a précisé que le financement de la troisième année de licence professionnelle serait assuré par l'éducation nationale.

S'agissant du prélèvement de 500 millions de francs opéré sur les fonds de l'Association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL) en 1999, elle s'est engagée à apporter des précisions sur les modalités d'utilisation de ces fonds, tout en rappelant que le Gouvernement précédent avait, pour sa part, prélevé 1,5 milliard de francs avant 1999 et qu'elle avait accepté un amendement de M. Jacques Barrot à l'Assemblée nationale, précisant que le prélèvement de 1999 avait un caractère exceptionnel.

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