2. Une situation préoccupante pour le Parlement

Votre commission comprend pleinement la nécessité de mettre fin au retard actuel de la France en matière d'application du droit communautaire. Elle peut cependant difficilement accepter la manière dont le projet de loi d'habilitation est présenté par le Gouvernement.

Dans l'exposé des motifs, le Gouvernement observe que " le recours à des ordonnances pour prendre des mesures de transposition de directives communautaires ne constitue pas une innovation puisque cette procédure a déjà été utilisée dans les années soixante ".

De fait, en 1964, le Gouvernement demanda au Parlement de l'habiliter à transposer par ordonnances plusieurs directives. L'exposé des motifs de ce projet de loi indiquait que " Le Parlement ayant déjà admis toutes les conséquences du traité instituant la Communauté économique européenne et notamment toutes les mesures de droit interne que la mise en oeuvre de ce traité nécessite, il ne paraît pas nécessaire qu'il étudie en détail chacune des mesures d'application ainsi prises ".

Il n'est pas certain qu'un tel rappel, portant sur une période pendant laquelle le Parlement n'avait pas encore pris la mesure des bouleversements entraînés par la signature du traité de Rome, soit le meilleur argument d'un gouvernement épris de modernité pour justifier un nouveau recours aux ordonnances.

Par ailleurs, l'exposé des motifs précise que l'habilitation demandée au Parlement " porte principalement sur des directives de nature essentiellement technique ". Pareil argument ne saurait être reçu.

Le bouleversement complet du système de l'adossement, qui permettait le financement des nouvelles autoroutes par le prolongement de la durée des concessions existantes n'est-il qu'une mesure technique ?

La refonte du code de la mutualité n'est-elle donc qu'une mesure technique ?

La définition des conditions de mise en oeuvre de la directive Natura 2000 n'a-t-elle donc aucune portée autre que technique ?

Sans doute, le Parlement peut-il s'estimer heureux dans la mesure où, selon l'exposé des motifs du projet de loi, est " écartée du champ de l'habilitation la possibilité de prendre par ordonnances des mesures de grande ampleur, dépourvues de tout lien avec les dispositions transposées et de pure opportunité politique ".

Il reste que la mise à l'écart du Parlement en matière de droit communautaire n'est sans doute pas le meilleur moyen de faire progresser l'adhésion à la construction européenne.

Les assemblées pourraient trouver un motif de consolation si elles avaient eu l'occasion d'examiner les textes concernés par l'habilitation dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution. En pratique, le retard est tel que la plus grande partie des textes mentionnés dans le projet de loi ont été adoptés avant l'entrée en vigueur de l'article 88-4.

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