C. AUDITION DE M. MARC BRODIN, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE SANTÉ

Réunie le mercredi 18 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu M. Marc Brodin , président de la Conférence nationale de santé .

M. Marc Brodin , président de la Conférence nationale de santé, a tout d'abord présenté les trois membres du Bureau de la Conférence nationale de santé (CNS) qui l'accompagnaient : MM. Louis Serfaty et Francis Peigne, appartenant au collège des représentants des institutions et établissements publics et privés de santé, M. Michel Pinson, représentant la région de Bretagne .

Puis il a indiqué que la Conférence nationale de santé de mars 2000 avait été construite sur deux orientations majeures : d'une part, capitaliser les acquis des dix priorités définies en 1996, des conférences régionales et des programmes régionaux de santé et, d'autre part, tracer des lignes pour des travaux futurs sur plusieurs années. Il a précisé que la Conférence nationale de santé s'était attachée à réexaminer les dix priorités formulées par la première conférence et à mettre en exergue celles qui n'avaient pas été suffisamment prises en compte, telles que la relation entre nutrition et état de santé et la prévention des accidents.

S'agissant de la prévention, M. Marc Brodin a souligné que les Français disposaient, à l'âge de 65 ans, de la meilleure espérance de vie d'Europe et, jusqu'à cet âge, de la plus mauvaise en raison de la part importante de décès prématurés provoqués par des accidents.

Il a indiqué que la Conférence nationale de santé s'était, depuis sa création, attachée à l'étude d'un certain nombre de thèmes : les inégalités de santé intra et interrégionales, le vieillissement et la prise en charge de la dépendance, la santé mentale et les phénomènes addictifs... Il a ajouté que les priorités qui n'avaient pas pu être abordées par la conférence avaient souvent été néanmoins prises en compte par les pouvoirs publics, comme en témoignait l'institution de la couverture maladie universelle.

Il a expliqué que la Conférence nationale de santé de mars 2000 s'était saisie de nouveaux sujets qui allaient être étudiés pendant plusieurs années, tels que la prise en charge des maladies chroniques, qui soulevait la délicate question du panier de soins. La Conférence nationale de santé avait également étudié le thème de la prévention et mis l'accent sur l'éducation sanitaire, la prévention en direction des personnes malades, le dépistage et les enjeux éthiques que ces questions soulevaient. Elle avait également abordé la question de la vie régionale et de l'éventuelle institution d'une autorité régionale en matière de santé.

M. Charles Descours, rapporteur des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, a demandé à M. Marc Brodin s'il pensait que le rapport de la Conférence nationale de santé avait eu une quelconque influence sur la détermination de l'ONDAM. Il a regretté qu'il n'y ait aucune prise en compte des problématiques de santé pour le calcul de l'ONDAM.

Il a cité le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 de la Cour des comptes selon lequel la Conférence nationale de santé négligeait " de facto la dimension financière de ses attributions - alors qu'elle a explicitement pour mission de proposer des orientations pour la prise en charge des soins " et qu'elle " s'était cantonnée à une mission d'expertise, terrain sur lequel sa contribution n'apporte qu'une faible valeur ajoutée par rapport aux travaux du Haut comité (de la santé publique) ". Il a souhaité connaître les commentaires de la Conférence nationale de santé sur cette analyse a priori sévère.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que la Cour des comptes considérait également que la Conférence nationale de santé n'était pas " parvenue à nouer de réelles relations avec les conférences régionales de santé ". Il a souhaité connaître l'analyse de la Conférence nationale de santé sur ce point.

Après avoir considéré que les travaux de la Conférence nationale de santé étaient excellents, M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que le problème résidait dans l'utilisation de ces travaux et leur articulation avec la loi de financement de la sécurité sociale.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Marc Brodin a souligné les différences structurelles séparant la Conférence nationale de santé des conférences régionales de santé. Il a rappelé que le président de la Conférence nationale de santé était élu par les membres de cette institution tandis que les conférences régionales de santé étaient pilotées par l'administration et présidées par les préfets ou les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales.

Il a expliqué que les flux d'échanges entre la Conférence nationale de santé et les conférences régionales de santé étaient pour le moment plutôt descendants, dans la mesure où la direction générale de la santé du ministère de l'emploi et de la solidarité donnait des instructions aux conférences régionales de santé pour qu'elles appliquent les travaux de la Conférence nationale de santé. Il a considéré que les travaux des conférences régionales de santé étaient insuffisamment exploités, et s'est dit convaincu de la nécessité de les valoriser. Il a indiqué à cet égard qu'une circulaire avait été envoyée aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales, dès avril 2000, afin de préparer la Conférence nationale de santé de 2001.

Il a jugé que la Conférence nationale de santé pouvait avoir un rôle de médiation et de construction de consensus entre deux cultures aujourd'hui opposées : celle de la CNAMTS reposant sur des notions de coût et d'efficacité et celle de la direction générale de la santé reposant sur la notion de sécurité sanitaire. Il a considéré que les membres de la Conférence nationale de santé, issus d'horizons très divers, avaient aujourd'hui appris à se connaître et à communiquer.

M. Marc Brodin a estimé que les travaux de la Conférence nationale de santé n'avaient pas eu d'impact direct et que certaines recommandations telles que celle relative à la création d'une incitation géographique à l'installation des médecins, n'avaient pas été suivies d'effet. Il a précisé que la Conférence nationale de santé avait toujours procédé par autosaisine et n'avait jamais été sollicitée par le Gouvernement sur un dossier. Il a indiqué que le projet de loi de modernisation du système de santé, actuellement en préparation, prévoyait une coopération formalisée entre le Gouvernement et la Conférence nationale de santé.

S'agissant de l'ONDAM, M. Marc Brodin a souligné que les propositions de la Conférence nationale de santé couvraient un champ plus vaste que celui de l'ONDAM, qui ne portait que sur une partie du système de soins. Evoquant la notion de panier de soins, il a constaté qu'on raisonnait depuis 25 ans de manière marginale en ajoutant des biens et services chaque année, sans jamais procéder à un réexamen d'ensemble du contenu du panier.

M. Charles Descours, rapporteur, a regretté que l'ONDAM ne fasse pas l'objet d'un travail qualitatif et qu'il n'existe aucune articulation entre l'évaluation des besoins de santé et la détermination de cet objectif. Il s'est interrogé sur la façon dont on pourrait, par exemple, prendre en compte dans l'ONDAM les thérapeutiques nouvelles.

M. Marc Brodin a indiqué que la Conférence nationale de santé avait cette année décidé de faire travailler les représentants des établissements de santé sur l'utilisation de l'ONDAM.

M. Francis Peigné a constaté que la dimension financière n'avait pas été prise en compte dans les travaux de la Conférence nationale de santé, lesquels n'avaient eu aucune influence sur la détermination de l'ONDAM. Il a expliqué que la Conférence nationale de santé était d'abord un lieu de rencontres entre médecins libéraux, représentants des établissements de santé et syndicats de salariés.

Précisant que la Conférence nationale de santé s'était efforcée de se rapprocher des conférences régionales de santé, il a néanmoins reconnu que les relations entre ces entités étaient encore insuffisantes. Il a jugé que la Conférence nationale de santé n'était pas là pour donner des directives aux conférences régionales de santé et qu'elle n'avait pas assez tenu compte de leurs contributions.

M. Francis Peigné a rappelé brièvement l'historique de la Conférence nationale de santé. Il a souligné que le rôle de cette instance avait évolué en fonction de la personnalité de ses présidents successifs. Il a indiqué que le premier président de la conférence, M. Joël Ménard, avait souhaité faire de cette instance un lieu d'expertise : on avait alors défini dix priorités sans tenir compte de la dimension financière. Lors des deux premières années, le rapport de la Conférence nationale de santé n'avait été qu'un " super rapport " du Haut comité de la santé publique, sans réelle valeur ajoutée. Sous l'influence de M. François de Paillerets, deuxième président, la Conférence nationale de santé avait commencé à travailler sur l'organisation sanitaire et le panier de soins, de façon à pouvoir fournir des éléments pour le débat parlementaire.

M. Louis Serfaty a considéré que la Conférence nationale de santé n'avait pas les moyens d'éclairer ou d'influencer l'ONDAM. Il a estimé qu'il revenait à la Conférence nationale de santé de définir son rôle et a jugé nécessaire qu'elle alerte le Parlement sur ce que devrait être demain une véritable politique de santé et sur ce qu'étaient les besoins de santé.

M. Michel Pinson a constaté que la Conférence nationale de santé donnait la part belle aux institutions et aux organisations représentatives. Il a expliqué que les représentants des régions n'étaient pas mandatés par les conférences régionales de santé, lesquelles n'avaient pas su s'organiser pour faire remonter les résultats de leurs travaux. Il a jugé nécessaire de mettre en place des politiques plus affirmées au niveau régional. Il a souligné que les priorités de santé définies par les conférences régionales de santé avaient eu un impact important sur les programmes régionaux de santé. Il a jugé sévère le diagnostic porté par la Cour des comptes sur l'activité de la Conférence nationale de santé.

Après avoir comparé la Conférence nationale de santé à un " Parlement de la santé ", M. Lucien Neuwirth s'est interrogé sur l'existence d'un exécutif de la santé. Il a regretté que notre pays n'ait pas de politique globale de la santé et a considéré que cette carence provenait de l'absence d'un véritable ministère de la santé.

Evoquant les inégalités entre régions, M. Francis Giraud a souhaité savoir si la Conférence nationale de santé avait pu mesurer d'éventuels progrès dans la correction de ces inégalités. Il a considéré que la démographie médicale présentait des évolutions inquiétantes, dans la mesure où certaines spécialités apparaissaient durablement sinistrées.

M. Claude Huriet a jugé qu'il n'était pas possible d'avoir une politique nationale de santé mais des politiques de santé thématiques. Il a considéré que les conférences régionales de santé avaient bien du mérite de continuer à fonctionner dans la mesure où il n'existait pas de politique régionale de santé. Il s'est interrogé sur l'utilité de la multitude d'organismes travaillant sur les problématiques de santé et sur la pertinence d'une réunion annuelle de la Conférence nationale de santé. Evoquant les cancers recto-coliques, il a demandé si la Conférence nationale de santé avait les moyens de suivre les effets de ses recommandations.

M. Jean Chérioux a considéré qu'il convenait que la Conférence nationale de santé définisse les priorités possibles dans le cadre de l'ONDAM.

M. Guy Fischer a considéré que la définition du panier de soins était au coeur du débat. Il a exprimé sa crainte que le souci de rentabilité et d'efficacité ne fasse perdre de vue les enjeux de santé publique.

Evoquant les textes en cours d'examen au Parlement relatifs à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse, M. Jean-Louis Lorrain a regretté que l'on oublie trop souvent la dimension santé dans les problèmes de société.

M. Marcel Lesbros s'est inquiété du problème de l'avenir des médecins étrangers qui travaillent aujourd'hui dans les hôpitaux.

Evoquant les nouvelles formes de pathologies, M. Louis Souvet s'est interrogé sur les moyens de les prévenir, plutôt que de les guérir.

En réponse aux différents intervenants, M. Marc Brodin a fait valoir que la Conférence nationale de santé disposait de très peu de moyens matériels avec, en tout et pour tout, une attachée principale d'administration et une dotation de 300.000 francs pour l'organisation de la conférence annuelle. Il a souligné que le fonctionnement du Haut comité de santé publique reposait également sur le bénévolat.

Il a indiqué que la Conférence nationale de santé avait souhaité travailler dorénavant avec un éventail d'interlocuteurs plus vaste que le seul Haut comité de la santé publique. Il a expliqué que certains dossiers seraient préparés par exemple par le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) pour la conférence de l'année 2001. Il a reconnu que cela revenait en réalité à travailler grâce aux moyens d'autres structures.

M. Marc Brodin a indiqué que l'on observait parallèlement une réduction dans les inégalités relatives à l'accès aux soins et une augmentation des inégalités en matière d'état de santé des populations. S'agissant des cancers recto-coliques, il a précisé que les recommandations de la Conférence nationale de santé étaient désormais inscrites dans les orientations de la direction générale de la santé.

Il a considéré que le rôle de la Conférence nationale de santé devait être aussi de réfléchir aux évolutions qui voyaient progressivement le marché, l'individu et le droit entrer dans le domaine de la santé. Il a regretté que l'on confonde trop souvent dans notre pays santé et soins, prévention et soins. S'agissant de la démographie médicale, il a souligné que ce n'était pas une question de quantité, mais de qualité.

S'agissant de la périodicité des réunions de la Conférence, M. Francis Peigné a fait observer qu'il fallait généralement plusieurs années pour élaborer un rapport sérieux. Il a jugé qu'une réunion de la Conférence nationale de santé tous les deux ans serait suffisante si on l'accompagnait d'une communication annuelle de l'état d'avancement des travaux de la Conférence. Il a considéré que la Conférence nationale de santé devait être un creuset d'élaboration des politiques de santé.

M. Louis Serfaty s'est félicité de ce que l'on ne parle plus seulement de maîtrise des dépenses, mais aussi de la façon dont on allait soigner les Français.

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