EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 18 octobre 2000, sous la commission de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Braun, rapporteur spécial, sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a d'abord tenu à exprimer son étonnement face à la désinvolture manifestée par le Gouvernement à l'égard de son devoir d'information des rapporteurs spéciaux : en dépit de demandes maintes fois réitérées, le secrétariat d'Etat au budget n'a en effet pas communiqué les réponses au questionnaire budgétaire concernant l'évolution des dépenses de la fonction publique. Il a estimé que cette attitude était inadmissible et montrait bien ce qu'il fallait penser des déclarations sur la transparence budgétaire.

Il a indiqué que l'examen des crédits de la fonction publique appelait deux analyses distinctes. La première est juridique et porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat " Fonction publique ". Ces crédits s'élèvent à 1.422,7 millions de francs en 2001, soit une progression de 8,1 % par rapport à 2000. La seconde analyse est économique et concerne l'ensemble des charges des personnels de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de rémunération, les charges sociales et les pensions. Les dépenses de fonction publique " stricto sensu " s'élèvent à environ 710 milliards de francs, soit une progression de 2,3 % par rapport à l'année précédente, et représentent 42,2 % du budget général. De surcroît, la fonction publique de l'Etat engendre des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires : hors budgétisation, ces dépenses induites s'élevaient à 712 milliards de francs en 1999.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite présenté les trois observations que lui inspiraient les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2001.

Il a d'abord rappelé que la fonction publique avait fait l'objet de nombreux rapports cette année. Ces différents rapports contribuent à nourrir l'information du Gouvernement sur les échéances à venir et à lui proposer des pistes de réforme de la gestion des personnels de l'Etat et du fonctionnement de l'administration. Il a considéré que ces diverses études traçaient les axes de réformes ambitieuses et constituaient autant d'incitations à agir. Il a d'abord cité le rapport particulier de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat, publié en janvier dernier. Il a rappelé que ce rapport était accablant pour l'Etat-employeur, en raison d'emplois en surnombre ou bloqués, de mises à disposition ou détachements injustifiés ou irréguliers, d'un contrôle des emplois insatisfaisant, d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines défaillante, voire inexistante, de dépenses indemnitaires financées sur des ressources extrabudgétaires ou d'avantages indus privés de toute base juridique.

Il a ensuite cité deux rapports du Commissariat général du Plan, insistant tous deux sur le fait que " la gestion de l'emploi public est au coeur de la réforme de l'Etat " et appelant à tirer parti des départs à la retraite très nombreux au cours des prochaines années, non pas pour procéder à des recrutements massifs de fonctionnaires, mais pour mettre en oeuvre une gestion active des emplois en opérant, notamment, des redéploiements d'effectifs et pour entreprendre une reconfiguration des services publics.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a toutefois déploré que le Gouvernement n'avait pour l'instant tiré aucune conséquence pratique de ces conseils avisés. Il a rappelé que le Gouvernement avait créé, en juillet dernier, un observatoire de l'emploi public, suscitant toutefois son interrogation sur l'utilité réelle des travaux de cette nouvelle structure administrative, compte tenu de l'abondance des informations déjà existantes en la matière. Il s'est demandé si son véritable objectif n'était pas plutôt de gagner du temps et de différer, une fois de plus, les indispensables réformes à engager. Il a cité un autre exemple de l'attentisme du Gouvernement : l'absence totale de réforme en matière de retraite dans la fonction publique. Il a en effet considéré que les nombreux départs à la retraite des agents publics constituaient une occasion qu'il faut saisir pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter la France d'un Etat moins lourd, mais plus efficace. Il s'est également déclaré favorable à un alignement de la durée des cotisations des fonctionnaires, aujourd'hui de 37,5 années, sur le droit commun applicable aux salariés du secteur privé, soit 40 ans. Il a en effet rappelé que le coût des pensions de la fonction publique, qui s'établit déjà à plus de 200 milliards de francs, allait véritablement exploser dans les années à venir, leur charge budgétaire s'étant d'ailleurs accrue de 20,8 milliards de francs de 1998 à 2001, soit une progression de 12 % en quatre ans. Pour faire face à ce problème, le Gouvernement s'est contenté de créer un Conseil d'orientation des retraites.

Le rapporteur spécial a également déploré l'abandon de la réforme de l'Etat, en dépit des propos volontaristes du nouveau ministre de la fonction publique. Si les axes de réforme, comme les circulaires, ne manquent pas, les actes, en revanche, sont peu perceptibles. Un comité interministériel à la réforme de l'Etat s'est réuni le 12 octobre dernier, mais les trois axes de réforme qu'il a arrêtés paraissent bien vagues, ou alors ne constituent que des déclarations d'intention sans portée concrète. En fait, il est à craindre que la réforme de l'Etat n'ait pâti de la capitulation du Gouvernement devant les syndicats de l'administration fiscale, en mars dernier.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a, enfin, dénoncé les créations massives d'emplois décidées par le Gouvernement en dépit du poids croissant des dépenses de fonction publique. Il a en effet rappelé que le projet de loi de finances pour 2001 rompait avec le principe de stabilité du poids de l'emploi public pourtant affiché par le Gouvernement depuis 1997. Il renoue d'ailleurs avec des créations massives d'emplois telles qu'il n'y en avait plus eu depuis le début des années 1990, en prévoyant la création de 11.337 emplois nouveaux. Il a regretté que cette décision ne repose sur aucun argument objectif, constatant par exemple que 6.600 enseignants supplémentaires seraient recrutés alors que le nombre des élèves comme celui des étudiants ne cesse de diminuer. Il a noté que ces créations d'emplois allaient alourdir le poids des dépenses de fonction publique et réduire davantage encore les marges de manoeuvre du budget de l'Etat, et a rappelé que l'accord salarial du 10 février 1998, au cours de ses trois années d'application, s'était traduit dans les trois fonctions publiques par un coût total de 71 milliards de francs. Or, la part croissante des dépenses de fonction publique accentue la rigidité du budget de l'Etat. En effet, l'essentiel de la progression de ses dépenses résulte des dépenses de fonction publique : de 1997 à 2000, ce poste de dépenses a crû de 11,5 % et représente plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des dix premiers postes du budget général, soit 73 milliards de francs sur 103 milliards de francs. Il a par ailleurs indiqué que, suite à l'accord de résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, plus de 4.000 supports budgétaires réservés à des titularisations seraient inscrits dans le budget pour 2001, tandis que plus de 5.400 emplois en surnombre, liés à l'effet différé des réussites aux concours d'enseignants seront consolidés. Le projet de loi de finances pour 2001 créera, au total, 20.820 emplois budgétaires supplémentaires.

Il a ensuite noté que deux dossiers faisaient peser des incertitudes sur l'évolution à venir des dépenses de fonction publique : l'avenir des emplois-jeunes, dont il est à craindre qu'un nombre significatif d'entre eux ne soit intégré dans la fonction publique, et les 35 heures dans l'administration, le coût de cette mesure restant aujourd'hui totalement inconnu.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que ces créations d'emplois massives, les 35 heures dans la fonction publique ou encore l'avenir des emplois-jeunes, constituaient autant de " bombes à retardement " et que ces dossiers devaient être suivis de près au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.

M. Maurice Blin a déclaré partager les analyses du rapporteur spécial, et s'est interrogé sur les raisons de la méconnaissance, par l'Etat, du nombre de ses fonctionnaires. Il a estimé indispensable d'engager une réforme visant à la gestion prévisionnelle des effectifs et s'est dit préoccupé par l'avenir des pensions. Enfin, il a estimé qu'il était indispensable de redéfinir les missions de l'Etat et donc la nature des activités des agents publics, s'interrogeant sur la légitimité de nouvelles créations d'emplois dans des ministères comme l'agriculture ou la recherche.

Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-président, s'est demandé si les fonctionnaires qui allaient être recrutés dans les années à venir bénéficieraient d'une formation adéquate aux fonctions qu'ils allaient exercer.

M. Roger Besse s'est enquis des suites données aux conclusions du rapport particulier de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a expliqué que les effectifs réels de fonctionnaires différaient toujours des effectifs budgétaires en raison de mises à disposition ou de détachements d'agents publics, ou encore du travail à temps partiel. Il a fait part de son souhait de voir la mobilité des fonctionnaires se développer. Il a indiqué que les crédits de formation allaient croître de 35,5 % en 2001 au titre des formations interministérielles. Enfin, il a noté que des crédits alloués aux rémunérations accessoires avaient commencé à être réintégrés au budget de l'Etat mais que certains points soulevés par la Cour des comptes n'étaient toujours pas réglés, à l'exemple des rémunérations accessoires des agents de catégorie C.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits inscrits à l'agrégat " Fonction publique ", jusqu'à l'examen du rapport consacré aux crédits des services généraux du Premier ministre.

Puis, réunie le 24 octobre 2000, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a rejeté le budget des services généraux du Premier ministre qui comporte la dotation de fonctionnement du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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