b) Les principes appliqués (1): le principe de précaution

• Le principe de précaution a été récemment défini par deux universitaires dans un rapport qu'ils ont remis au Premier ministre : « La précaution vise à limiter les risques hypothétiques ou potentiels, tandis que la prévention s'attache à contrôler les risques avérés. Précaution et prévention sont deux facettes de la prudence qui s'imposent dans toutes les situations susceptibles de créer des dommages. La précaution se distingue de la prévention du fait qu'elle opère en univers incertain (...). Le principe de précaution est tout le contraire de l'inaction. Au dicton « dans le doute, abstiens-toi », le principe de précaution substitue l'impératif « dans le doute, mets tout en oeuvre pour agir au mieux » (58 ( * )).

Agir au mieux, est, en l'espèce, lever au maximum l'incertitude « qui ouvre la voie aux spéculations et aux fantasmes » (1).

Agir au mieux est aussi prendre ses responsabilités. « L'exercice de la précaution impose de nouveaux devoirs à un grand nombre d'acteurs sociaux (...). Les scientifiques auront à s'investir davantage dans l'expertise et le dialogue public, les producteurs devront améliorer la fiabilité du produit ;les journalistes se devront d'être particulièrement rigoureux, dans l'exactitude de l'information (...). Il est surtout à craindre que la tendance à la pénalisation alimente chez les décideurs une peur du procès (pénal ou politique) qui les amènerait à faire un usage excessif du principe de précaution pour fuir leurs responsabilités ».

• Ces propos mettent en garde contre plusieurs dérives. On peut, par exemple, se baigner sans risque dans une eau dans laquelle les sédiments sont chargés en mercure, mais il ne faut pas manger de poissons.

La première dérive consiste à confondre évaluation du risque et danger . Le danger évoque le caractère potentiellement pathogène d'une substance. Le risque est lié à la probabilité de survenue d'un dommage créé par le potentiel dangereux de la substance. Or, autant une exposition librement consentie à un danger connu est acceptée, autant l'exposition insidieuse à un danger mal connu est considérée comme conduisant à un risque inacceptable. « Risque potentiel », « danger mal connu », autant de précautions d'usage que la société moderne refuse. Car l'opinion attend des certitudes, et à défaut de les avoir, s'en tient à l'interprétation extensive du principe de précaution, version moderne des peurs collectives.

La deuxième dérive est de confondre risque et perception du risque . Celle-ci est alimentée par l'activisme et amplifiée par les médias. Traditionnels et nouveaux. Internet est sur ce point une révolution mal maîtrisée. Mettre côte à côte un travail d'un scientifique qui a passé vingt ans à étudier un phénomène, et une opinion, même apparemment bien argumentée, est source de confusion. Un travail sur l'amalgame dentaire par exemple, refusé à l'Université -cas rarissime- mais largement diffusé sur Internet grâce à une large panoplie de mots-clefs, acquiert de ce fait un statut inégalé, quand à côté, des dizaines de travaux scientifiques restent dans l'ombre. Une telle attitude est très loin de l'éthique scientifique.

Pour reprendre l'analyse du Professeur Maurice TUBIANA (dans un entretien des Echos du 20 octobre 2000) « les medias accueillent complaisamment des myriades de nouveaux prophètes qui excitent les peurs et donnent du monde une vision apocalyptique (...) fondée sur une culture de haine et de soupçon (...). Les grandes dramaturgies sont mauvaises conseillères ».

La troisième dérive est de confondre conviction et raisonnement . « Il n'y a plus de raisonnement qui tienne, il n'y a plus que des convictions » se plaignait un ancien ministre de la recherche.

Le principe de précaution ne doit pas se transformer en syndrome de précaution qui consiste à réagir à la seule perception du risque. « Il arrive que la perception du risque par l'opinion soit décalée par rapport à sa véritable ampleur. Les politiques doivent alors s'attacher à gérer le risque et non sa perception, ce qui pourrait conduire à des mesures d'un coût social disproportionné ».

* (58) Philippe KOURILSKY, Geneviève VINEY - « Le principe de précaution » - rapport au Premier ministre - 1999

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