N° 439

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 28 juin 2001

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 septembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord entre la Communauté européenne et ses États membres , d'une part, et la Confédération suisse , d'autre part, sur la libre circulation des personnes ,

Par M. Guy PENNE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Auban, Pierre Biarnès, secrétaires ; Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Jean-Yves Mano, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière, Raymond Soucaret.

Voir le numéro :

Sénat : 380 (2000-2001)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accord, soumis à la ratification du Parlement français, et touchant à la libre circulation des personnes (L.C.P.) entre l'Union européenne et la Suisse, a été conclu le 21 juin 1999. Cette négociation englobait, outre cet accord relevant des compétences des parlements nationaux, six autres accords sectoriels relevant de la compétence communautaire.

Leur conclusion a été le fruit du volontarisme du gouvernement de Berne qui, après le rejet par sa population de l'adhésion de la Suisse à l'Espace Economique Européen, en 1992, a souhaité entreprendre un rapprochement avec l'Union européenne sur des sujets ponctuels. La conclusion de cet ensemble indissociable de sept accords, qui entreront simultanément en application lorsque tous les pays membres de l'Union européenne auront ratifié l'accord sur la LCP, a été permis par un net effort de la Suisse sur des sujets sensibles, comme l'ouverture de son marché du travail aux ressortissants européens, ou un plus large accès des véhicules de transports routiers sur ses axes de communication.

Pour les pays membres de l'Union européenne, et particulièrement ceux frontaliers de la Suisse, comme la France, ces accords comportent des avancées intéressantes, même si leur application concrète n'a peut-être pas toujours été préparée avec suffisamment de soin ; c'est ainsi que les parlementaires de Haute-Savoie souhaitent des mesures d'accompagnement du gouvernement français.

Néanmoins, ces accords sectoriels sont globalement positifs pour les pays de l'Union européenne, et constituent la première étape d'autres négociations en cours entre les mêmes partenaires sur des sujets particulièrement sensibles dans le nouveau contexte international prévalant après les graves événements survenus aux Etats-Unis le 11 septembre dernier.

En effet, les discussions en cours portent sur la fiscalité de l'épargne placée en Suisse par des non-résidents, l'intégration éventuelle de ce pays dans l'espace Schengen ou une coopération judiciaire accrue.

Le délai qui a séparé la conclusion des accords (21 juin 1999) de son adoption par le Conseil des ministres français (13 juin 2001), est en partie dû à des réticences manifestées par certains travailleurs frontaliers français travaillant en Suisse quant à ses implications sur leur situation. Des tempéraments ont été apportés en ce domaine. Aussi la France, qui figure maintenant parmi les derniers pays de l'Union européenne à procéder à cette ratification, se doit donc de l'accomplir sans tarder.

I. LES RAPPORTS INACHEVÉS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA SUISSE

La Suisse, pour des raisons qui lui sont propres, a jusqu'à présent refusé d'adhérer à la construction européenne. La spécificité helvétique, tout comme les modalités particulières de l'édification de l'Union européenne, n'ont pas permis jusqu'à présent à ces deux ensembles de s'unir.

A. LA SUISSE : UN PAYS À PART AU CoeUR GÉOGRAPHIQUE DE L'EUROPE

1. Une fédération fondée sur la démocratie participative

La Confédération helvétique, fondée en 1291, s'est organisée en 1848 en un Etat fédératif composé de 23 cantons et de 6 demi-cantons. L'Assemblée fédérale est composée de deux chambres aux pouvoirs égaux, le Conseil des Etats, représentant les cantons, et le Conseil National, représentant le peuple.

Il faut souligner que les cantons veillent étroitement au respect de leurs attributions propres par le pouvoir fédéral.

a) Compétences fédérales et cantonales

L'article 3 de la Constitution dispose que : « les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale, et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération. » Néanmoins, l'article 49 dispose que : « Le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. La Confédération veille à ce que les cantons respectent le droit fédéral. » Cette compétence générale des cantons est atténuée par une longue jurisprudence du Tribunal fédéral qu'on peut globalement résumer ainsi 1 ( * ) :

- les affaires internationales sont du ressort de la Confédération, de même que les traités internationaux ;

- les domaines suivants relèvent également de la compétence exclusive de la Confédération : défense nationale, douanes, communications ferroviaires, postes et télécommunications, monnaie ;

- en matière fiscale, la Confédération perçoit des impôts indirects (droits de douane, impôt sur le tabac) et des impôts directs, comme la taxe d'exemption du service militaire. L'impôt sur le revenu des personnes physiques est perçu à la fois par la Confédération et les cantons.

En résumé, les compétences les plus importantes des cantons portent sur la justice, la police, la fiscalité qui leur est propre, ainsi que la formation.

Ce bref rappel vise à montrer combien les compétences des cantons sont importantes, du fait que les compétences fédérales ne sont, en principe, que résiduelles. Même si, comme dans l'ensemble des pays de structure fédérale, ce « résiduel » ne cesse de s'amplifier, le principe de la compétence de droit commun des cantons est très ancré dans la réalité institutionnelle suisse , ce qui a des incidences notables sur la perception par la population suisse des dispositions les plus contraignantes de l'accord sur la libre circulation des personnes, et explique la longue période de transition qui a été ménagée avant sa mise en application, ainsi que la possibilité d'une consultation populaire sur son contenu au bout de sept ans.

b) L'usage constant de la démocratie directe

Les lois et arrêtés fédéraux peuvent être soumis à référendums populaires, sur demande de 50 000 citoyens jouissant du plein exercice de leurs droits politiques. Cette pratique, très vivante, est source d'inquiétude potentielle pour les frontaliers français, qui redoutent que les dispositions adoptées par le gouvernement de Berne en matière d'adaptation du régime suisse de sécurité sociale, en conséquence de l'accord sur la libre circulation des personnes, ne soient rejetées par référendum populaire, du fait de leur caractère contraignant pour la population suisse.

Les spécificités de l'organisation politique de la Suisse entraînent ainsi une certaine circonspection chez ses partenaires étrangers.

Le fonctionnement de cette organisation étatique est fondé sur une réelle conciliation de l'unité dans la diversité -formule souvent recherchée ailleurs dans le monde, mais rarement atteinte-, et se caractérise par le respect du principe directeur de neutralité.

La neutralité « permanente et armée » est mentionnée dans la Constitution helvétique (art. 85 et 122) ; elle impose à l'armée nationale un rôle purement défensif.

Ainsi, si la Suisse est membre du Conseil de l'Europe, de l'AELE, de l'OCDE, de l'OIF, du FMI et de la BIRD, ainsi que de l'OMC et de l'OSCE 2 ( * ) , l'adhésion à l'ONU a été rejetée par référendum en 1986. Sur ce dernier point cependant, il faut relever que le Conseil National a approuvé, le 19 septembre 2001, une initiative populaire en faveur de cette adhésion. Une nouvelle consultation populaire pourrait donc être organisée en 2002.

2. Une économie prospère

Avec une population de 7,35 millions d'habitants, la Suisse dispose d'un Produit Intérieur Brut de 1 900 milliards de francs français, soit un ratio de richesse par habitant qui la place au premier rang dans le monde.

La population active compte 1,5 million d'étrangers « résidents permanents », dont 65 % de ressortissants de l'Union européenne ou de l'AELE. C'est dire si les besoins en main-d'oeuvre de tous niveaux de qualification sont élevés, dans un pays où le secteur primaire (l'agriculture bénéficie d'un fort soutien de l'Etat) regroupe environ 5 % de la population active, le secteur secondaire 27 %, et les services 68 %.

On estime que le secteur bancaire suisse abrite environ un tiers de la fortune mondiale expatriée , ce qui ne va pas sans susciter certaines interrogations sur l'origine de certaines de ces sommes. Consciente de la nécessité d'une évolution vers plus de transparence dans ce domaine, la Suisse a accepté d'ouvrir des discussions avec la Commission européenne sur des échanges réciproques d'information concernant les revenus de l'épargne des non-résidents.

Cependant, la Suisse conditionne la poursuite des négociations sur ce point à l'application des sept accords sectoriels déjà conclus en juin 1999.

* 1 Jean-François Aubert : Traité de droit constitutionnel suisse, ed. Dalloz, 1967.

* 2 AELE : Association Européenne de Libre Echange

OCDE : Organisation Européenne de Coopération Economique

OIF : Organisation Internationale de la Francophonie

FMI : Fonds Monétaire International

BIRD : Banque Internationale de Reconstruction et de Développement

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe

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