Rapport n° 60 (2001-2002) de M. Jean-Louis LORRAIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2001

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N° 60

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Jean-Louis LORRAIN,

Sénateur.

Tome II : Famille

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3307 , 3319, 3345 et T.A. 717

Sénat : 53 et 61 (2001-2002)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La présente législature va s'achever comme elle a débutée, à savoir par la pénalisation des familles.

En 1998, la France consacrait moins de ressources qu'en 2002 à sa politique familiale et dispensait néanmoins davantage de prestations.

Aujourd'hui, condamnées à voir les moyens de cette dernière détournés vers d'autres objectifs, les associations familiales interpellent les parlementaires et menacent, à cinq ans d'intervalle, de reprendre le chemin de la rue.

Et pourtant, qu'importe que les milliards soustraits aux familles s'évaporent dans des méandres comptables, que le dialogue soit au bord de la rupture, que les annonces génèrent méfiance et les promesses défiance.

Qu'importe surtout que l'expérience d'aujourd'hui prépare la rancoeur pour demain.

« Vente, grêle, gèle, j'ai mon pain cuit » écrit Villon. Le financement des trente-cinq heures assuré, le fonds de réserve des retraites entretenant l'illusion, le Gouvernement s'estime quitte des objectifs qu'il s'est fixés pour les échéances à venir.

Cultivant le paradoxe, certains ne se privent pas d'attribuer à sa politique familiale toujours plus filiforme le regain actuel de notre démographie.

Pour les thuriféraires d'une politique sélective, ciblée, conceptuelle ou thématique , autant d'adjectifs servant à théoriser la stagnation des prestations, l'année 2002 apportera une nouvelle satisfaction.

A l'inverse, pour ceux qui estiment avec le Président de la République que « les familles ne peuvent pas tout faire toutes seules » et que « la France ne peut pas se résigner à voir les moyens de sa politique familiale se réduire » , le présent projet de loi n'augure rien de bon.

Affichant péniblement quelques mesures nouvelles, le Gouvernement s'apprête à nouveau à s'emparer de 14 milliards de francs revenant aux familles, mobilisant les moyens présents, dispersant les ressources passées et surtout, malheureusement, hypothéquant l'avenir.

I. 1998-2002 : L'ÉVAPORATION DES EXCÉDENTS

Devant le Sénat, lors du débat d'orientation budgétaire 1 ( * ) , M. Laurent Fabius, ministre de l'Économie et des Finances, prononçait une leçon de finances publiques:

« J'ajouterai un degré dans le raisonnement : il est et il demeurera nécessaire que nous maîtrisions nos dépenses publiques, dépenses budgétaires et dépenses sociales. N'oublions pas que c'est dans la mesure où le rythme de ces dépenses progresse moins vite que le taux de croissance, que nous pouvons, tout en finançant nos priorités et les services publics, réduire les déficits et réduire les impôts. Si notre taux de croissance venait dans le futur à ralentir sans que le rythme de nos dépenses soit maîtrisé, l'un de nos objectifs alors s'éloignerait : soit nous sacrifierions la réduction du déficit, soit la baisse des impôts. Il nous faut donc une forte croissance avec une maîtrise réelle des dépenses publiques et, si la croissance fléchit, une maîtrise encore plus affirmée pour maintenir d'indispensables marges d'action. En entendant certains commentaires, je ne suis pas sûr qu'on ait toujours intégré cette incontournable logique du sérieux budgétaire. »

Pour les besoins de sa politique, le ministre a mis en lumière le lien étroit existant entre la croissance, les recettes et les dépenses publiques.

Pour parvenir à juger, sur cette période de cinq ans, le contenu de la politique familiale, votre rapporteur suit pas à pas les principes énoncés du ministre de l'Economie et des finances.

La variable fondamentale à laquelle doit être rapportée toute comparaison est la croissance de la richesse nationale.

En effet, si les prélèvements obligatoires représentent une proportion moins grande du PIB en 2002 qu'en 1998, il faut naturellement en conclure que la pression fiscale a baissé.

A l'inverse, si telle ou telle dépense publique représente une part accrue de la richesse nationale en 2002 par rapport à 1998, c'est que l'effort réalisé par la collectivité se sera, en principe, accru en ce domaine.

La branche famille est à bien des égards comparable aux finances de l'Etat. Alimentée par des prélèvements obligatoires, le budget de la CNAF sert, en théorie, à servir des prestations en faveur des familles.

En prenant 1998, première année de cette législature, comme référence votre rapporteur a cherché à mettre en lumière les facteurs de constitutifs de l'excédent de la branche.

La politique familiale n'est pas restée neutre sur la période. Les recettes et les dépenses de la branche ont évolué, déformant le profil considéré comme initial, 1998, et générant chaque année, par une moindre croissance des dépenses par rapport à une plus forte augmentation des recettes, un excédent.

A. DES RECETTES PLUS DYNAMIQUES QUE LA CROISSANCE

1. Les Français consentent davantage de richesse au financement de la politique familiale

Certains sont d'avis de considérer les dépenses dues au titre du quotient familial comme un « effort en faveur des familles ». Pour votre rapporteur, il s'agit d'une mesure de justice fiscale 2 ( * ) garantissant l'égalité de tous les citoyens devant l'impôt. C'est donc à la lumière du budget de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) que se mesure l'effort réalisé par les Français en faveur des familles.

Pour cet effort, 220 milliards de francs de ressources 3 ( * ) nettes ont été mobilisés, en 1998, soit 2,57 % du produit intérieur brut.

En 2002, 261 milliards de francs, soit 2,61 % du produit intérieur brut seront mobilisés.

Evolution des ressources de la branche famille (1997-2002)

(en pourcentage du PIB)

1998

1999

2000

2001

2002

Cotisation

1,93

1,93

1,98

2,00

1,99

ITA

0,64

0,67

0,64

0,63

0,63

Total

2,57

2,59

2,62

2,63

2,61

Sous des apparences de stabilité, ce glissement de + 0,05 point de la richesse nationale représente en 2002 un effort supplémentaire de 4,7 milliards de francs demandé aux Français.

1998-2002 : Une croissance des prélèvements plus rapide que le PIB
(en milliards de francs)

Ainsi, la croissance des prélèvements est supérieure à la croissance du produit intérieur brut dès 1999, et s'accroît fortement par la suite.

2. Le produit des cotisations affectées à la branche a augmenté plus vite que le PIB

Ressource historique de la sécurité sociale, prélevées sur les revenus du travail 4 ( * ) , les cotisations sociales destinées à la branche famille représentent en 2001 une somme de 191 milliards et en 2002, un montant de 198 milliards de francs.

Abstraction faite des remboursements versés par l'Etat au titre des prestations que la CNAF gère pour le compte de ce dernier, les cotisations sociales représentant les trois quarts des ressources de la branche.

Le produit de ces cotisations a cru fortement durant la période 1998-2002. En effet, étroitement dépendante de l'évolution de la masse salariale, sur laquelle les cotisations sont assises, leur produit a bénéficié des fruits d'une croissance générant, dans des proportions variables, hausse de l'emploi et hausse des rémunérations.

Ainsi, fortes d'une croissance plus dynamique que le PIB, les cotisations affectées à la branche famille représentaient 1,94 % de ce dernier en 1998 et 2 % en 2001 et 1,99 % en 2002.

L'évolution des cotisations affectées à la CNAF
conduit à un « surprélèvement » annuel
(1998-2002)
(en milliards de francs)

Source : Commission des Affaires sociales d'après Commission des comptes de la sécurité sociale

Cette évolution de 0,5 point supérieure à la croissance représente un effort du monde du travail en faveur de la famille de 6,3 milliards de francs en 2001 et de 5,2 milliards en 2002. Au total, sur la période 1998-2002, c'est 15 milliards de cotisations supplémentaires, c'est-à-dire supérieurs à leur évolution naturelle, calés sur le PIB, qui auront été prélevés.

3. La fiscalité affectée a évolué conformément au PIB mais sa surface a diminué

Seconde composante des ressources de la branche, les impositions et taxes affectées (ITA) représenteront, en 2001, la somme de 60 milliards et en 2002 celle de 63 milliards de francs.

Les impositions et taxes affectées représentent le dernier quart des recettes de la CNAF.

En 1998, les ITA représentaient 0,64 % du PIB. En 2001 et 2002, en prévision, elles représentent 0,63 % du PIB. Ces chiffres laissent penser que cette pression fiscale exercée sur les Français au nom de la politique familiale aurait diminué entre 1998 et 2002, où, à cette date, le montant des recettes fiscales serait de 840 millions de francs inférieurs à ce qu'il aurait été s'il avait évolué comme la richesse nationale.

Cette appréciation est particulièrement surprenante car ces ITA sont constituées des produits de la CSG et de l'imposition de 2 % sur les revenus du patrimoine, ressources a priori très dynamiques, surtout en période de forte croissance. En effet, et à titre d'exemple, en 1999, le produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital a progressé de 25 %. La CSG 5 ( * ) est, elle aussi, rangée parmi les recettes fiscales très dynamiques, puisque la part affectée à la CNAF a cru de 7,7 % en 2000.

Largement supérieure à la croissance du PIB, le dynamisme des ITA aurait dû assurer un surplus de recettes pour la branche.

Or, en trois étapes, entre 1999 et 2001, le Gouvernement a ramené la portion affectée à la CNAF du produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital de 50 % à 22 %, de 22 % à 13 % et de 13 % à zéro, afin de financer la couverture maladie universelle et le fonds de solidarité vieillesse.

L'apparente stabilité des ITA affectées à la CNAF
masque une progression réelle entre 1998 et 2002
(en milliards de francs)

Source : commission des Affaires sociales d'après commission des comptes de la sécurité sociale

Votre rapporteur constate que, si ces transferts n'avaient pas eu lieu, la branche percevrait quelque 69,28 milliards de francs d'ITA en 2002.

Sur l'ensemble de la période 1998-2002, malgré ce transfert, le montant des ITA collecté s'est élevé à 1,3 milliard de plus que ce que la seule croissance du PIB aurait généré, car le fort dynamisme de début de période, où la branche percevait le produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital, compense encore la diminution postérieure issue de la perte de ce produit.

Les prélèvements fiscaux effectués sur les Français au profit de la branche famille ont crû, entre 1997 et 2001 plus vite que le PIB mais une partie importante -10 %- environ- a été détournée de sa destination initiale.

Ainsi est expliquée l'apparente stabilité de ces recettes.

B. UNE FORTE DÉCÉLÉRATION DES PRESTATIONS FAMILIALES

La politique familiale française, incarnée par la CNAF, investit trois domaines d'actions :

- la compensation des charges de famille par le biais des prestations légales (72 % des fonds) ;

- l'aide à l'accession au logement (20 % des fonds) ;

- l'action sociale (8 % des fonds).

Si, au cours de cette législature, ces trois domaines ont connu des fortunes diverses, un constat global ne peut être éludé : les dépenses de la politique familiale, telles que retracées par les comptes de la CNAF sont en forte décélération. Cette dernière est essentiellement due à la faible revalorisation des prestations familiales légales, qui, par leur importance, freinent l'évolution de l'ensemble.

Évolution des principales variables 1998-2002 (en francs courants)

PIB

+ 16,5%

Recettes de la branche

+18,5%

Dont cotisations

+19,6%

Dont ITA (1)

+14,9% (1)

Dépenses de la branche

+12,6 %

Dont Prestations familiales

+9,7 %

Dont Aides au logement

+19 %

Dont Action sociale

+27 %

Source : Commission des Affaires sociales d'après Commission des comptes de la sécurité sociale.

(1) (avec le produit de la taxe de 2% sur les revenus du capital : 26%).

1. Les prestations familiales légales sont en recul

a) Une exigence constitutionnelle

Destinées à couvrir, au moins partiellement, la charge financière générée par l'éducation des enfants, les prestations familiales légales ont une existence constitutionnelle. En effet, les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 disposent que :

« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ;

« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

Énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, ces prestations sont les suivantes :

• les allocations familiales ;

• le complément familial ;

• l'allocation pour jeune enfant ;

• l'allocation de logement ;

• l'allocation d'éducation spéciale ;

• l'allocation de soutien familial

• l'allocation de rentrée scolaire ;

• l'allocation de parent isolé ;

• l'allocation parentale d'éducation ;

• l'allocation d'adoption ;

auxquelles, par cohérence, votre rapporteur ajoute l'AFEAMA et l'AGED.

b) Une évolution préoccupante

Le poids des prestations familiales dans le PIB est en recul :

Ce constat, déjà ancien, traduit une déplorable situation : l'effort consenti par les Français en faveur des familles se réduirait en réalité année après année.

L'évolution des prestations familiales est calée sur un coefficient, la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) revalorisée par décret, chaque année, en marge de la loi de financement de la sécurité sociale.

Premier indicateur de cette dégradation, sur la période 1997-2002, l'évolution de la BMAF témoigne peu ou prou d'une évolution des prestations familiales calée sur l'inflation.

Les facteurs d'évolution des prestations familiales légales

L'évolution de ces prestations est sensible à de nombreux critères. Trois semblent néanmoins prépondérants sur la période :

La hausse de la démographie a normalement un effet entraînant, engendrant des dépenses de frais de garde, mais peut être partiellement neutralisé par la diminution du nombre des familles nombreuses.

La croissance économique joue dans un sens inverse car, disposant d'un revenu primaire s'élevant plus rapidement que les prix, des ménages perdent le bénéfice de certaines prestations sous condition de ressources.

Les effets des décisions gouvernementales : en améliorant une prestation ou en pénalisant une autre, le Gouvernement peut influencer les flux. Ainsi, la pénalisation de l'AGED depuis 1997 contribue à expliquer le dynamisme de l'AFEAMA.

Evolution BMAF/Inflation 1997-2002

Source : commission des Affaires sociales d'après CNAF

Or, l'accroissement des prestations au même rythme que l'inflation aboutit à priver leurs titulaires des fruits de la croissance. Ce constat est confirmé et conforté par la comparaison de l'évolution du PIB et de ces prestations.

Méthodologie

Les chiffres présentés figurent dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, à ces aménagements méthodologiques près :

Ce pôle « prestations familiales » ne comprend pas l'allocation de logement familiale, dont l'évolution est analysée avec les autres aides au logement. Il comprend l'allocation parent isolé (API) pourtant prise en charge par l'Etat depuis 1999, les prestations DOM-TOM, mais exclut l'allocation adulte handicapé (AAH), qui n'est pas une prestation familiale, et la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Rendus nécessaires par les multiples reclassements décidés par le Gouvernement, ces aménagements ont pour seul objet de neutraliser des transferts de charges qui ne traduisent pas, au cours de la période 1998-2002, une hausse nette des prestations en faveur des familles.

Ainsi la MARS, précédemment financée sur le budget de l'Etat est maintenant prise en charge par la CNAF. L'API a effectué le chemin inverse.

En 1998, le « pôle » des prestations familiales représentait 143 milliards de francs, soit 1,68 % du PIB.

En 2001, le même périmètre s'élevait à 151 milliards de francs soit 1,58 % du PIB, et en 2002 à 157 milliards soit 1,57% du PIB.

Part prestations familiales « légales » dans le PIB (en %)

Source : commission des Affaires sociales d'après commission des comptes de la sécurité sociale

Si les prestations avaient évolué au même rythme que la richesse intérieure, le montant financier distribué aux familles serait supérieurs en 2001 et en 2002 de plus de 10 milliards de francs. Depuis 1998, l'écart de revalorisation atteint 31 milliards de francs en cumulés.

Les prestations nouvelles : mesures emblématiques mais mesures symboliques

Au cours de cette législature, deux prestations nouvelles auront été créées, l'allocation de présence parentale et le congé de paternité.

L'allocation de présence parentale (APP), dont la version gouvernementale est moins généreuse que l'allocation de présence familiale souhaitée par la majorité sénatoriale permet néanmoins -et enfin- d'offrir un congé et un revenu de remplacement aux parents devant suspendre leur activité professionnelle pour accompagner leur enfant gravement malade.

Figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le congé de paternité étend le congé familial légal, des jeunes pères qui souhaiteraient demeurer auprès de leur enfant nouveau né, tout en rémunérant essentiellement cette extension.

Emblématiques, ces prestations nouvelles répondent à de véritables besoins. Symboliques, ces prestations distribuent des montants d'aides très faibles.

En juillet 2001, première année d'application, l'APP touchait 1.060 personnes. Il n'est pas certain que cette prestation coûte les 200 millions par an prévus, soit 0,0012 % des prestations familiales. Elle pourrait en effet coûter 5 fois moins 6 ( * ) .

Le congé de paternité, en 2002, devrait coûter 700 millions de francs à la branche, sous des hypothèses optimistes quant au succès de cette prestation.

Ensembles et surévaluées, ces mesures emblématiques représentent 0,0036 % des prestations familiales !

Selon le même principe de la différence entre évolution « neutre » et « effective » des prestations familiales, le graphique ci-dessous fait apparaître l'importance du glissement intervenu en cinq ans.

Calée sur les prix, l'importance des prestations familiales légales
s'amenuise progressivement
(en milliards de francs)

Source : commission des Affaires sociales d'après la commission des comptes

Les artifices de présentation : le cas de l'allocation adulte handicapé (AAH)

L'allocation adulte handicapé, un minimum social destiné aux handicapés, est gérée par la CNAF pour le compte de l'Etat.

Séparant cette allocation des prestations familiales légales, les comptes de la branche famille la retraçaient par le biais d'une ligne « prestation pour compte de tiers ».

En mai 2001, les annexes retraçant les comptes de la CNAF dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale soustraient l'AAH de sa ligne « prestation pour compte de tiers » pour l'inscrire parmi les prestations familiales.

Simultanément, l'ambiguïté est entretenue par le corps du rapport puisque l'AAH est bien séparée des autres prestations pour l'analyse de l'évolution des prestations familiales.

Or, en septembre 2001, le rapport de cette même commission ne se contente plus de mêler l'AAH aux prestations familiales dans les annexes, mais multiplie les présentations traitant cette dernière en « prestation familiale sous conditions de ressources ».

A titre d'exemple, on peut ainsi lire un graphique 7 ( * ) réalisé par la direction de la sécurité sociale retraçant la « structure des prestations familiales légales en 2000 », dans laquelle l'AAH pèserait pour 10 %.

Cette erreur, qui n'est pas isolée, serait justifiée par le nouveau plan comptable de la sécurité sociale et contrairement à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale qui énumère les prestations familiales légales.

Apparemment bien anodine, cette erreur aboutit néanmoins à présenter un compte de prestation gonflé du montant de l'AAH, soit 25 milliards de francs !

Une somme à rapprocher avec l'évolution générale des prestations familiales légales sous la présente législature...

2. Les prestations de logement calées sur le PIB

a) Une évolution calée sur le PIB

Prestations légales de la branche, les allocations de logement constituent un « pôle d'action » significatif pour cette dernière.

Les aides personnelles au logement

L'allocation de logement familiale (ALF) est financée par la CNAF en son intégralité.

L'allocation de logement social (ALS) est financée par le fonds national d'aide au logement (FNAL), alimenté par une contribution de l'Etat et le produit de deux cotisations à la charge des employeurs. La CNAF verse à ce fonds une subvention pour une micro-prestation, l'ALT.

L'allocation personnalisée au logement (APL) est financée par le Fonds national de l'habitat, alimenté par des contributions provenant des régimes de prestations familiales et du fonds national d'aide au logement. Il est équilibré par une subvention de l'Etat.

Le 7 juillet 1999, dans son discours en ouverture de la Conférence de la famille, le Premier ministre présentait ainsi les intentions du Gouvernement :

« Parce que le foyer est essentiel à la vie familiale, les aides au logement doivent être plus justes. Dans ce domaine, la perspective débattue l'année dernière est claire : simplification, harmonisation, amélioration. Un pas a été fait avec l'alignement progressif des loyers plafonds, dont la première étape est intervenue au 1 er juillet. Il nous faut poursuivre dans deux directions complémentaires : rendre plus cohérentes les bases ressources, car il est anormal qu'à revenu équivalent un salarié perçoive une aide moindre qu'un titulaire de minima sociaux ; aller vers un barème harmonisé pour les différentes aides au logement. »

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, Mme Elisabeth Guigou 8 ( * ) précisait qu'à l'occasion de la Conférence de la famille 2000, le Premier ministre avait annoncé « un effort financier de grande ampleur -10 milliards de francs- en faveur des familles ; ce plan sera évidemment réalisé en cherchant à apporter des réponses aux problèmes concrets que se posent les familles ».

Sur l'effort présumé de 10 milliards de francs en faveur des familles, les documents transmis par le Gouvernement au Parlement font état d'une dépense de 6 milliards de francs consacrée à la réforme des aides au logement.

Or, alors que cet effort présenté comme sans précédent et sans équivalent aurait dû gonfler les sommes consacrées à ces aides par la CNAF -qui en finance une bonne moitié-, le poste financier des aides logements est neutre sur la période, c'est-à-dire aligné sur le PIB.

Retranscrit essentiellement par les lignes ALF et dotations FNH-FNAL, l'effort de la CNAF consacré au logement représentait 35,7 milliards de francs en 1998, soit 0,416 % du PIB et désigne 40,3 milliards de francs en 2001, soit 0,421 % du PIB, cette différence représentant un effort supplémentaire de près de 470 millions de francs en 2001.

Au 1 er janvier 2002, l'entrée en vigueur de la seconde étape de la réforme des aides au logement, prise en compte, la dépense logement de la CNAF s'élève à 42,5 milliards de francs, soit 0,426 % du PIB. Cet ultime glissement de 0,011 % porte l'effort supplémentaire à 950 millions de francs.

Des aides aux logements peu ou prou calées sur le PIB

Source : commission des Affaires sociales d'après commission des comptes de la sécurité sociale

Certes, peu de prestations familiales ont évolué comme -et même très légèrement plus que- le PIB. Sur l'ensemble de la période, l'effort supplémentaire est de 3,15 milliards de francs.

b) Les limites et les risques de la réforme des allocations logement

Ce constat s'accompagne néanmoins d'une précision.

Intrigué par le faible coût final d'une réforme, a priori onéreuse, votre rapporteur a constaté que les crédits consacrés par le budget de l'Etat à cette réforme n'ont pas été conformes aux annonces.

C'est bien la CNAF, et non l'Etat, qui a financé le gros de la réforme, ainsi que le suggère le graphique ci-dessous.

En 1998, les dotations à l'allocation de logement familial, prestation financée à 100 % par la branche famille, s'élevaient à 15,6 milliards de francs, contre 20 milliards pour les APL et ALS, soit 0,43 % du total des aides au logement financées par la branche.

En 2002, cet effort se chiffre à 21 milliards de francs contre 21,5 milliards de francs pour les deux autres.

Evolution de l'ALF par rapport aux autres prestations logement
dans l'effort logement de la CNAF

L'allocation de logement familial a fortement augmenté sur la période alors que les crédits déployés par l'Etat au titre de l'ALS et l'APL sont en réalité financés par des économies.

Sur les 6,5 milliards de francs annoncés liés à la réforme des aides au logement, 3,6 milliards devaient provenir du budget de l'Etat.

Le coût de la première phase en 2001 devait être de 3,3 milliards de francs dont 2 milliards financés sur le budget de l'Etat.

Sur ces 2 milliards, 1,345 provenait d'une économie sur le même poste.

En 2002, le Gouvernement l'admet lui-même :

« La dotation de la LFI 2002 est inférieure d'environ 100 millions d'euros (- 650 millions de francs) à celle de la LFI 2001 grâce aux marges de manoeuvre dégagées sur l'évolution tendancielle des prestations sous l'effet d'une situation économique favorable, de l'augmentation mécanique des cotisations des employeurs, de la croissance des revenus et donc de la décroissance en francs constants du montant des allocations, et enfin de la baisse du chômage. Celle-ci se traduit à la fois par une diminution du nombre d'allocataires et par des économies, les chômeurs bénéficiant automatiquement d'un abattement de 30 % sur l'assiette de ressources qui majore les prestations qui leur sont servies ».

D'une part, les aides au logement étant sous condition de ressources et fortement redistributives et, d'autre part, la croissance économique ayant amélioré leur revenu moyen, de nombreuses familles ont vu leur aide diminuer, voire disparaître. Du fait de l'évolution de la croissance « les plus favorisés des moins favorisés » sont sortis du système. Ils ne manqueront pas de le réintégrer si, la croissance diminuant, leur revenu décroît suffisamment. Ces éléments conjugués démontrent que le coût de la réforme n'est pas encore encaissé et pourrait se révéler, au lendemain de cette législature, fort douloureux.

La sélectivité des allocations de logement vue par la Cour des comptes

« Le niveau des aides au logement diminue régulièrement avec le revenu par unité de consommation jusqu'à atteindre 100 francs (15,2 €) (niveau où elle n'est plus versée). L'aide est maximale pour les allocataires ayant des ressources égales au RMI -elle couvre jusqu'à 90 % du loyer s'il est égal au loyer et au forfait de charges plafond- et s'annule au plafond d'exclusion. La sélectivité de l'aide est mesurée par la rapidité de cette décroissance. Elle est de l'ordre de 20/25 % : quand les revenus de la famille augmentent de 1.000 francs (152,5€) par mois, l'aide diminue de 173 francs (26,4 €)/216 francs (32,9 €) par mois ».

Source : rapport Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 2001, p. 345.

La réforme des aides au logement s'est simplement traduite par une forte redistribution entre les familles.

Au total, des trois types d'actions menées par la branche en faveur des familles, seule l'action sociale sort, en apparence, véritablement renforcée de cette législature.

3. L'action sociale renforcée ?

a) Une forte croissance

A l'instar des autres branches de la sécurité sociale, la CNAF dispose de crédits afin de mener des actions de proximité, parallèlement aux prestations légales. Confirmées par la convention d'objectif de gestion nouvellement signée, les principes qui guident l'action sociale sont ainsi définis par la CNAF 9 ( * ) :

« - sa dimension familiale avec une prise en compte particulière des familles en difficulté ;

« - son rôle préventif qui vise à favoriser la participation des familles aux projets les concernant :

« - sa complémentarité avec les prestations légales et les autres politiques sociales ;

« - son caractère décentralisé qui permet à chaque conseil d'administration de définir, dans le cadre des orientations nationales, des interventions au plus près des besoins sociaux ;

« - l'accompagnement de la fonction parentale, l'épanouissement de l'enfant, la contribution au développement social local et à la cohésion sociale constituent les finalités qui guident l'ensemble des interventions. »

Depuis le début de la législature, les crédits consacrés au Fonds national d'action sociale progressent fortement.

S'élevant à 12,4 milliards de francs, soit 0,145 % du PIB en 1998, les dépenses d'action sociale devraient atteindre, en prévision, 14,487 milliards de francs en 2001 et 15,8 milliards de francs en 2002, soit respectivement 0,151 % et 0,158 % de la richesse intérieure.

Communiqués par la CNAF à votre rapporteur, ces chiffres ne retracent par ailleurs qu'imparfaitement la situation de l'action sociale, en raison du transfert à partir de 2001, des frais de gestion administrative de l'action sociale au Fonds national de gestion administrative.

Ce transfert a dégagé des moyens nouveaux pour la branche.

Ainsi, faut-il constater que l'évolution des dépenses d'action sociale a crû plus vite que le PIB, surtout sur la fin de la période, notamment en raison des dotations faites afin d'assurer le financement du fonctionnement des structures d'accueil pour la petite enfance 10 ( * ) . Sur l'ensemble de cette période 1998-2002, le surplus de dépenses réalisé est de 3,75 milliards de francs.

Un effort particulier pour l'action sociale

Source : commission des Affaires sociales d'après Caisse nationale d'allocations familiales

b) Une évolution problématique ?

Pour forte que soit cette évolution, il serait exagéré de parler de déformation de la politique familiale au profit de l'action sociale.

En effet, même après plusieurs années de forte croissance, le budget du FNAS représente moins de 10 % des prestations légales, moins de 30 % de l'effort consacré au logement et ne peut donc pas compenser la décélération générale des prestations légales.

Mais, alors que les dotations d'action sociale proprement dites stagnent peu ou prou, les prestations de service augmentent très fortement (+ 66 % entre 1998 et 2002). La plus forte part (70 %) de ces prestations accompagne le financement du fonctionnement des crèches. Ces prestations sont versées à « guichet ouvert ».

Le fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil petite enfance (FIPE) dope les demandes de subvention en la matière, le budget du FNAS devant s'en trouver d'autant sollicité.

Or, doter en moyens de fonctionnement les structures d'accueil de la petite enfance est une obligation quasi légale.

Ainsi que la définit la CNAF, l'action sociale a pour attribut « sa complémentarité avec les prestations légales et les autres politiques sociales (et) son caractère décentralisé qui permet à chaque conseil d'administration de définir, dans le cadre des orientations nationales, des interventions au plus près des besoins sociaux . »

Dans le cadre d'un projet de développement de grande ampleur des structures de garde collective, les besoins de fonctionnement qui sont uniformes sur le territoire, ne peuvent être intégralement mis en oeuvre par le FNAS sauf à orienter ce dernier vers des actions ne ressortant finalement pas de l'action sociale. Ce point est en tout cas en débat au sein du conseil d'administration.

Pour sa part, votre rapporteur estime que la croissance de ces crédits ne peut être accueillie favorablement que dès lors qu'ils sont complémentaires d'une bonne tenue des autres prestations et de se substituent pas à elles.

Tous s'accordent sur ce fait : ni par sa taille, ni par son objet, l'action sociale n'a vocation à se substituer aux prestations légales.

C. DES EXCÉDENTS NEUTRALISÉS

1. La branche famille en excédent structurel

a) Le décalage recettes/dépenses, à l'origine de l'excédent structurel de la branche

Du fait de l'indexation des prestations, calée sur les prix, et de la croissance des ressources, qui évoluent plus rapidement que le PIB, la CNAF clôt ses exercices structurellement en excédent.

Ainsi que le remarque la Cour des comptes 11 ( * ) : « Il n'y a donc pas pour les familles allocataires de participation aux fruits de la croissance. Cette option -quasi constante sur les trente dernières années- est fondée sur le principe que les familles dont le revenu primaire croît plus vite que les prix- sont progressivement mieux à même d'assumer directement la charge de leurs enfants. Elle se traduit donc par un appauvrissement relatif des familles dès lors que la valeur des prestations diminue en « équivalent salaire » et que le nombre de familles exclus par les plafonds de ressources s'accroît. Cette indexation est un des facteurs qui contribuent à l'apparition régulière d'excédents à la CNAF » .

Ainsi, entre 1968 et 1993, date de la séparation des branches de la sécurité sociale, la CNAF n'a connu que trois années de déficit, dues d'ailleurs à des circonstances macroéconomiques ou politiques particulières : 1974, 1981 et 1982.

Au total, en 1993, lors de la remise à zéro des comptes de la sécurité sociale, le fonds de roulement positif de la CNAF, c'est-à-dire ses excédents cumulés, s'élevait à plus de 66 milliards de francs.

La politique de moindre valorisation des prestations n'est pas sans conséquences sociales, mais elle aboutit de fait à un gonflement du compte de report à nouveau, le compte 110 de la CNAF, qui retrace les excédents cumulés de l'organisme.

La CNAF n'étant pas une entreprise, n'ayant pas d'actionnaire, les résultats de l'année ne sont pas distribués. Le conseil d'administration ne peut pas procéder à leur affectation. Ils sont inscrits en report à nouveau et destinés à couvrir d'éventuels déficits ou dépenses dans les années suivantes. Cette situation ne se produit guère, puisqu'à part le cas de la Loi famille du 25 juillet de 1994, il n'y a pas eu de relance de grande ampleur des prestations familiales.

b) Sur la période 1998-2002, la branche dégage un excédent naturel cumulé de plus de 64 milliards de francs.

1. L'activité propre de la branche génère 40 milliards d'excédents

La branche perçoit des ressources et gère des prestations familiales dont les contours sont bien établis : prestations légales, aides au logement, action sociale.

Cet excédent mesure les marges de manoeuvre dégagées par la moindre croissance des prestations versées et par les meilleures rentrées.

L'apparition d'un excédent de 40 milliards de francs
Cumul 1998-2002

en milliards de francs courants

Recettes

Total

+ 16,2

Dont surplus cotisations

+ 14,9

Dont surplus ITA

+ 1,3

Dépenses

Total

+ 24,1

Dont économies sur prestations familiales

+ 31

Dont dépenses nouvelles logement

- 3,15

Dont dépenses nouvelles action sociale

- 3,75

Solde

+ 40,3

Source : commission des Affaires sociales

Au cours de la période, plus de 40 milliards de francs ont été dégagés sur l'activité naturelle de la branche.

2. La forte décélération des transferts traditionnels forme une marge d'une douzaine de milliards de francs

La CNAF verse des transferts qui ne sont pas liés à des activités familiales, même si certains le contestent. Il en est ainsi des cotisations de vieillesse pour parents au foyer (AVPF) qui permettent depuis 1972, de prendre en charge des cotisations retraites pour des parents restés au foyer et se traduisent par un versement de plus de 20 milliards de francs annuels... somme contribuant fortement à l'équilibre des finances de la branche vieillesse.

Jusqu'en 1999, la CNAF prenait en charge diverses cotisations d'assurance personnelle et de cotisations API, qui ont été reprises par le budget de l'Etat 12 ( * ) .

Ainsi, le faible dynamisme de ce poste, qui a reculé en valeur absolue, et de 0,05 point de PIB, a permis de dégager une marge de 12,9 milliards de francs sur cinq ans.

3. Un report à nouveau positif en début de législature

Lors de son arrivée au pouvoir, le Gouvernement a décidé de procéder à un apurement du report à nouveau négatif de la sécurité sociale.

Les dettes de l'ensemble des branches furent, à l'instar de ce qui fut fait en 1994 et 1996, reprises et consolidées par la CADES.

Le transfert de la dette de la CNAF n'a pas eu pour objet de remettre à l'équilibre le compte de report à nouveau mais un autre point de référence fut pris : celui permettant de placer la trésorerie de chaque branche à zéro. Cela a eu pour effet, dans le cas de la branche famille, de repartir à zéro... avec 11 milliards de francs de report à nouveau.

Mais, comme il sera souligné ci-dessous 13 ( * ) , cette masse d'une dizaine de milliards n'est pas mobilisable sauf à détériorer le compte de trésorerie de la branche.

2. Un excédent structurellement ponctionné

a) Au 31 décembre 2002, environ 28 milliards, soit 40 % des excédents de la branche, figureront au compte de report à nouveau

1. Un écart de plus de 50 %

L'évaluation de 28 milliards de francs, qui représente la situation du compte de report à nouveau en fin d'année 2002, est calculée à partir des résultats antérieurs et des résultats prévisionnels 2001 et 2002, tels qu'évalués par le présent projet de loi de financement.

Si la branche a généré quelque 53 milliards de francs d'excédents, soit 40 milliards d'excédents primaires et 13 milliards de francs de moindre dépense de transferts, ajoutés à une situation de départ de 11 milliards de francs, et si, à l'arrivée, le compte de report n'affiche plus qu'environ 28 milliards de francs, votre rapporteur doit en conclure que des dépenses ont été réalisées, dépenses qui n'entrent pas dans le champ des prestations familiales ou qui n'ont pas eu d'impact sur les différents exercices.

2. Compte de résultat et dépenses en capital

Certaines dépenses ont bien été intégrées aux comptes de la branche, sans pour autant être des dépenses ayant trait à la politique familiale, ou étant en réalité un transfert voué à financer d'autres impératifs ou destinés à dégager des marges de manoeuvre pour faciliter un tel financement.

Retracées ci-dessous, ces dépenses sont la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) et le transfert dû au titre des majorations de pension pour enfant .

Ces dépenses sont intégrées dans les dépenses de l'exercice de la branche. Elles sont donc venues, depuis l'année 2000, diminuer le résultat, c'est-à-dire l'excédent de l'année qui vient normalement abonder le compte de report à nouveau.

Pour les trois exercices 2000, 2001 et 2002, cet effet solde est, de 24,5 milliards de francs : 15,5 milliards de francs pour la MARS et plus de 9 milliards de francs pour les majorations de pensions pour enfants. Ces chiffres figurent dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

D'autres dépenses n'ont pas eu d'impact sur les différents exercices mais sur les excédents mis en réserve dans le compte de report à nouveau dont elles procèdent à l'affectation.

Ces dépenses en capital, pour un total de 8 milliards de francs, sont de deux ordres : les dépenses en faveur du fonds d'investissement pour l'accueil de la petite enfance (FIPE I et II), pour un montant total de 3 milliards de francs, qui relèvent de la politique familiale, et le transfert de 5 milliards de francs des excédents de la branche au fonds de réserve des retraites prévu par le présent projet de loi.

Enfin, une dépense semble pour l'instant incertaine dans son traitement comptable. Il s'agit de l'annulation des créances détenues par la branche sur le FOREC, que le Gouvernement a décidé d'annuler, souhaitant mettre à nouveau la sécurité sociale à contribution pour le financement des 35 heures.

Pour l'heure, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi une procédure visant à rouvrir les comptes 2000 au mépris de tous les principes comptables. Mais, quelle que soit son inscription, dépenses d'exercice ou dépenses en capital, son impact sera de 2,8 milliards de francs sur les excédents cumulés de la branche.

Utilisation de l'excédent naturel de la branche famille

Excédent naturel

64 MdF

Dépenses en capital 1998-2002

- 8 MdF

Amputation des résultats ayant grevé les résultats 2000, 2001 et 2002

- 27 MdF

Dont 2000 :

6,3 MdF

MARS effet net du FASTIF

3,5 MdF

Créances FOREC

2,8 MdF

Dont 2001 :

8,8 MdF

MARS effet net du FASTIF

5,6 MdF

Majorations de pensions pour enfants

3,2 MdF

Dont 2002

11,8 MdF

MARS effet net du FASTIF

5,6 MdF

Majorations de pensions pour enfants

6,2 MdF

Excédent théorique hors ponctions

29 MdF

Source : commission des Affaires sociales d'après commission des comptes de la sécurité sociale.

Raisonnant ici par grandes masses financières 14 ( * ) , votre rapporteur constate que, sur cette période de 1998-2002, 56,5 % des excédents ont été utilisés et que, dans cette utilisation, seuls les 3 milliards destinés au FIPE I et II correspondent à un effort nouveau en faveur des familles, soit 4,5 % de l'excédent. Les ponctions en tout genre représentent 50 % de cet excédent, 43,5 % demeurant en réserve.

Certes, les postes des aides au logement et de l'action sociale ont augmenté un peu plus vite que le PIB mais ils ne sauraient être isolés de l'ensemble des dépenses familiales dont ils sont incapables, vu leur ampleur, de freiner la dégradation.

D'où viennent et où vont les 64 milliards d'excédents de la branche ?

Source : commission des Affaires sociales

Proches dans leurs masses (38 % et 41 %), les postes économies sur prestations et dépenses hors champ familial font apparaître que les économies sur prestations ont servi à financer les ponctions sur la branche. En outre, ce graphique ne fait pas état de la perte pour la CNAF du produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital. La prise en compte de cette réaffectation dégraderait encore ce ratio, pourtant déjà significatif de la politique du Gouvernement.

Il figure pourtant, ci-dessous, dans l'exposé détaillé, des méthodes permettant la neutralisation de l'excédent de la branche.

b) Les « reclassements financiers » : un expédient efficace

1. Des prélèvements déguisés sous un prétexte de clarification

Lors des cinq années de cette législature, les moyens et les missions de la CNAF ont constamment changé.

Par le terme de « reclassement financier », la Cour des comptes désigne pudiquement ces refontes répétées de la structure des recettes et des dépenses de la branche.

Les reclassements de recettes et de charges de la branche famille en 2000 vus par la Cour des Comptes

«Comme ce fut le cas en 1999 (prise en charge de l'allocation de parent isolé - API- par l'Etat), des reclassements sont intervenus en 2000 dans le compte de la CNAF. En dépenses, la CNAF n'acquitte plus de cotisations d'assurance personnelle, tant au titre de l'API que des allocataires de faible revenu, soit un allégement de 2,1 milliards de francs (0,3 milliard d'euros). En recettes, l'Etat rembourse à la CNAF le financement du FASTIF (+ 986 millions de francs, 150,3 millions d'euros). Selon le montage financier prévu pour la CMU, la branche rétrocède 28 % du prélèvement sur les revenus du capital qui lui sont affectés. La perte de recettes est de 4,4 milliards de francs (0,7 milliard d'euros). D'autre part, la branche famille finance désormais 72,2 % de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (moins-value de recettes de 4,6 milliards de francs (0,7 milliard d'euros).

« Le solde de ces reclassements pour 2000 est de 5,9 milliards de francs (0,9 milliard d'euros) à la charge de la branche famille »

Cour des Comptes, rapport sur la sécurité sociale 2000, p. 49

Lors du débat auquel a donné lieu la mise à la charge de la branche famille des majorations de pensions pour enfant, le Gouvernement avait avancé l'argument de la clarification des comptes 15 ( * ) : « les transferts s'opèrent dans les deux sens. Nous clarifions les comptes » .

En réponse à une question adressée par votre commission des Affaires sociales, la Cour des comptes a estimé que cette clarification aboutissait en réalité à neutraliser les excédents de la CNAF.

« La Cour n'a pas porté d'appréciation sur la logique ni de l'état actuel ni de celui qui résulte de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Mais elle remarque que la réforme entreprise -et a fortiori celle, éventuelle, consistant à faire financer par la CNAF les bonifications- pose deux problèmes :

« - un problème d'équité dans la mesure où les ressources de la CNAF -prélevées sur tous de façon identique et consacrées à des prestations égales pour toutes les familles- sont désormais pour partie affectées à des avantages de retraite « inégaux » puisque le FSV ne prend en charge les majorations que pour le régime général, les régimes alignés et celui des exploitants agricoles et que les bonifications varient selon les régimes ;

« - un problème de cohérence dans les arbitrages de la politique familiale, entre les familles qui ont des enfants à charge et celles, retraitées, ayant eu charge d'enfants. Le poids de l'AVPF et des majorations transférées du FSV mobilisent ainsi -dans une enveloppe budgétaire fortement contrainte- des marges croissantes de financement qui ne peuvent être affectées aux familles ayant des enfants à charge.

« Le reclassement opéré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a pour effet de « neutraliser » l'excédent de la branche, ce qui interdit d'améliorer les prestations familiales proprement dites ». 16 ( * )

2. Une perte annuelle supérieure à 10 milliards de francs par an en 2001 et 2002

Si, comme l'affirme la ministre déléguée à la famille, les transferts sont dans les deux sens -à charge et à décharge de la branche-, leurs montants n'ont pas la même importance selon qu'ils engendrent un coût ou génèrent une économie pour la branche famille.

Le coût de ces « reclassements» est évalué plus haut, mais ne prend pas en compte la totalité des conséquences financières pour la CNAF de n'être plus destinataire de la taxe de 2 % sur les produits du capital. Ici est retracée de manière synthétique, la forme de ces reclassements. En effet, depuis 1998, la CNAF est simultanément :

• Un instrument de débudgétisation

Le Gouvernement a décidé d'affecter à la CNAF le financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire précédemment pris en charge par le budget de l'Etat. En contrepartie de cette débudgétisation, ce dernier reprend à la branche le financement du Fonds d'action sociale et d'intégration et pour la lutte contre les discriminations (FASID, ex FASTIF) qui lui coûte 1 milliard de francs par an.

La perte nette annuelle pour la CNAF, qui est autant de gain pour le budget de l'Etat, est de 5,5 milliards de francs.

La « débudgétisation » peut également être indirecte. L'Etat doit légalement compenser sur son budget les exonérations de charges sociales décidées au nom de sa politique de l'emploi. Or, celui-ci, afin de réaliser une économie, a soustrait des ressources au Fonds de solidarité vieillesse pour financer les trente-cinq heures. Afin d'équilibrer ce dernier, il a affecté à la CNAF une dépense incombant à ce dernier.

L'objet du transfert des majorations de pension pour enfant est bien celui-ci.

Il se solde pour la CNAF par un coût de 3,2 milliards de francs en 2001, 6,2 milliards de francs en 2002 et 20 milliards de francs annuels à terme (en 2007).

• Une branche privée de ses recettes

Ayant réaffecté en trois temps le produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital, recette dynamique qui rapportait à la CNAF environ 6 milliards de francs par an. La première ponction fut réalisée au profit de la couverture maladie universelle. Elle était en apparence compensée 17 ( * ) pour 2,4 milliards de francs. Or, cette compensation n'était en réalité pas équitable puisque la charge retirée était fort peu dynamique alors que le produit de cette recette croissait fortement d'année en année.

La seconde ponction, réalisée en deux temps au profit du fonds de solidarité vieillesse pour assurer indirectement le financement des trente-cinq heures, et du fonds de réserve des retraites, ne fut pas compensée.

Le coût de ce transfert se chiffre annuellement, pour la CNAF, à plus de 3,5 milliards de francs.

• Une branche dont les comptes sont obscurcis par les montages financiers opaques

En effet, le Gouvernement a décidé, en 1998, de soumettre le bénéfice des allocations familiales à une condition de revenus générant ainsi une économie pour la CNAF de 4,7 milliards de francs.

Contraint de reculer sur cet aspect, mais toujours désireux de réaliser une économie au détriment des familles, le Gouvernement a rétabli l'universalité de ces allocations tout en diminuant le plafond du quotient familial (3,9 milliards de francs).

Pour compenser à la CNAF le coût de ce « pas de clerc », il lui rembourse sur le budget de l'Etat, le coût de l'allocation parent isolé (API) pour 4,2 milliards de francs...

A première vue, l'Etat s'est montré libéral puisqu'il a consenti à prendre à sa charge une dépense nette de 300 millions de francs (4,2 milliards de francs - 3,9 milliards de francs). Mais après les fortes années de croissance, les rentrées fiscales supplémentaires engendrées par le plafonnement du quotient familiale se sont révélées bien supérieures à la croissance de l'allocation parent isolé.

Loin de l'exhaustivité, ces exemples illustrent l'analyse de la Cour des comptes citée plus haut.

La justification de tels reclassements ne ressort pas de la clarification des comptes dont ils accroissent au contraire l'opacité. En effet, la CNAF verse des prestations, gère des minima pour le compte de tiers et finance des prestations hors de son champ. Les dépenses de transfert prennent une part de plus en plus importante. Or la clarté comptable aboutirait inversement à réduire au maximum ces transferts pour ne laisser à chacun, que la charge des politiques lui incombant.

En outre, et contrairement aux affirmations de la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance, ces « reclassements » ne sont pas équilibrés, leur « dénominateur commun » étant au contraire de représenter une charge nette pour la branche.

De ces « reclassements » provient, comme démontré plus haut, le mécanisme de « siphonnage régulier » des excédents de la CNAF.

c) Les relations financières entre l'Etat et la CNAF : des rapports léonins.

Comme les autres administrations de sécurité sociale, la CNAF entretient, par nécessité, d'étroits rapports financiers avec l'Etat.

Tant les remarques figurant dans le dernier rapport de la Cour des comptes qu'une analyse fine du bilan de la branche font apparaître que l'Etat profite de ses relations de gestion pour réaliser, au détriment de la branche des gains indus.

1. Les frais d'assiette et de recouvrement

Dans son rapport sur la sécurité sociale pour 2000 18 ( * ) , sous le titre modéré « une relation ténue entre les frais facturés et les coûts supportés », la Cour des comptes décrit la facturation arbitraire dont est victime la sécurité sociale.

A cause de, ou grâce à, l'absence de connaissances précises des coûts, les frais prélevés le sont de manière arbitraire.

« L'évaluation qui précède résulte essentiellement d'estimations réalisées à la demande de la Cour par les trois directions du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie concernées, à partir du temps consacré par leurs agents aux tâches de gestion et de recouvrement des taxes et cotisations affectées aux organismes sociaux.

« Les services de l'Etat ne disposent pas à l'heure actuelle d'une comptabilité analytique permettant de mesurer les charges de gestion de chaque catégories d'imposition . Un certain nombre d'études ponctuelles ont été réalisées en la matière, mais leur champ d'investigation se restreint aux principaux types d'impôts et n'apporte pas d'éclaircissements sur les coûts afférents aux recouvrement des contributions et taxes destinées aux organismes sociaux. ».

2. Les frais de gestion versés à la CNAF

En raison de sa proximité avec les usagers et de sa bonne implantation sur le terrain, la CNAF gère pour le compte de l'Etat, les minima sociaux, et pour le compte du FNAL et du FNH les prestations de logement.

La gestion de ces prestations engendre des coûts pour la branche. A l'instar de l'Etat prélevant une compensation sur le recouvrement des recettes, la CNAF devrait donc légitimement facturer le prix des services qu'elle rend.

Or, en matière de prestations gérées pour le compte de tiers, il n'est pas de règles uniformes.

Rémunération pour services rendus selon les organismes financeurs

Prestation

Organisme financeur

Rémunération (en %) des sommes versées

ALS et ALT (prestations logement)

FNAL

2 %

APL (prestation logement)

FNH

4 %

AAH

Etat

0 %

RMI

Etat

0 %

Allocation spécifique d'attente

Etat

0 %

Source : Cour des comptes

D'après le tableau ci-dessus, l'Etat est en quelque sorte le « mauvais payeur » de la branche famille puisqu'il ne lui rembourse pas les frais occasionnés par les services qu'elle lui rend.

La Cour des comptes rappelle dans son rapport que l'Etat refuse s'acquitter de ces frais, estimés par la CNAF entre 1 % et 2 % du montant des prestations, au motif qu'elle ne disposerait pas d'outil d'analyse des coûts réels suffisamment fiable. Aussi, observe-t-elle « Le débat récurrent sur l'évaluation des charges de gestion entre la CNAF et l'Etat a conduit à la création en 1997 d'un observatoire national des charges de gestion, prévue par l'article 37-2 de la convention d'objectifs et de gestion passée entre la CNAF et l'Etat. Cette structure, qui associe les deux partenaires, doit normalement évaluer les frais de gestion des prestations versées pour le compte de l'Etat. Elle est destinée à passer d'une situation dans laquelle la branche famille mesure seule ses charges à un processus d'évaluation conjointe par les deux acteurs des coûts liés aux modifications législatives et réglementaires des prestations familiales. »

Cet effort réalisé par la branche famille n'a pas décidé l'Etat à verser son dû. En conséquence, la Cour invite la CNAF à se doter d'un nouvel outil.

« La branche famille ne possède pas à ce jour de comptabilité analytique. Elle n'est donc pas à même de connaître avec précision les coûts supportés à raison de la gestion des prestations de solidarité qu'elle verse pour le compte de l'Etat. Cette situation résulte pour partie d'une position de principe : la branche famille estime en effet que la ventilation des charges administratives par allocation n'aurait d'intérêt que dans l'hypothèse où les pouvoirs publics accepteraient d'en tirer les conséquences s'agissant de la prise en charge des frais de gestion à leur niveau réel.

« Ce faisant, la CNAF se prive cependant d'un élément d'éclairage utile dans le débat qui l'oppose à l'Etat. L'exemple de l'UNEDIC, qui s'est dotée d'une comptabilité analytique en 1996, le démontre : l'ensemble des prestations de solidarité gérées par le régime d'assurance chômage ouvrent droit à une rémunération, fixée d'un commun accord avec l'Etat en proportion des montants servis ou sur la base des coûts réels. »

Votre rapporteur souscrit à l'analyse de la Cour en ce qui concerne l'utilité de disposer d'une comptabilité analytique.

Il observe cependant que l'absence de mise en place de cette dernière, qui représente par ailleurs un coût, ne saurait dédouaner l'Etat de ses responsabilités : en effet, c'est hors de toute comptabilité analytique que l'Etat facture, arbitrairement, le concours de ses services fiscaux pour le recouvrement des recettes de la sécurité sociale.

La Cour des comptes rejoint d'ailleurs votre rapporteur puisqu'elle constate qu'« indépendamment d'une comptabilité analytique, les éléments dont dispose la CNAF devraient permettre, ne serait-ce qu'à titre provisoire, que l'Etat lui verse une rémunération approchée du service qu'elle rend ».

Facturée sur la même base que les aides au logement ALS et ALT, la rémunération que la CNAF devrait percevoir, au titre de la gestion du RMI et de l'AAH, représente une somme supérieure à 1 milliard de francs par an.

Fondé sur l'adage qui veut que « les petits ruisseaux font les grandes rivières », l'Etat réalise, au détriment des familles, des gains qui ne lui font pas honneur.

3. Un excédent structurellement illiquide

La non-rémunération des services rendus par la CNAF n'est pas la seule difficulté posée par la gestion des prestations pour compte de tiers. Le montant de ces prestations est avancé par la branche et remboursé au fur et à mesure, souvent par le biais d'acomptes prévisionnels et de régularisations.

En fin d'année, le rapport de l'agent comptable de la CNAF sur le compte financier fait état des principales créances détenues par l'organisme sur ses partenaires, et ces créances sont importantes.

Exemples de créances détenues par la CNAF
sur des tiers à la clôture des exercices 1999 et 2000.

en millions de francs

Organisme

Au 31/12/1999

Au 31/12/2000

Etat

14.265

10.816

FNH FNAL

2.234

1.169

Organismes S.S

1.964

2.121

Dont régimes spéciaux

2.586

2.279

Collectivités locales

74

108

BAPSA - MSA

262

482

Total

21.385

16.975

Source : CNAF, rapport de l'agent comptable sur les comptes 1999 et 2000.

Ce tableau ne prétend pas à l'exhaustivité. Certaines de celles présentées ci-dessus seront réglées dans les premiers jours de l'exercice mais la plupart correspondent à un cycle de relation financière se renouvelant d'une année sur l'autre.

Ainsi en est-il des prestations gérées pour le compte de tiers, des cotisations dues par l'Etat employeur etc. Or, la situation comptable de la CNAF montre que les comptes de ces tiers sont régulièrement débiteurs.

La conséquence d'une telle situation est de geler une partie des avoirs de la branche. Le cycle d'activité suppose « un volant » de disponibilités permettant de consentir l'avance des dépenses versées pour les tiers, ou la non-perception de recettes que ceux ci lui doivent.

Auditionnés, l'agent comptable et le fondé de pouvoir de la CNAF estiment à une dizaine de milliards le montant nécessaire de ce volant « d'avances ».

Lors de la reprise de dette par la CADES en décembre 1998, la référence retenue pour la détermination de la part affectée à la CNAF fut la remise à zéro de la trésorerie de la branche...et cette situation correspondait à un excédent comptable de 11 milliards de francs affiché au compte de report à nouveau.

S'il ne semble pas, malgré des fluctuations annuelles, que ce volant ait augmenté, ni d'ailleurs diminué, votre rapporteur constate que les partenaires de la CNAF, et au premier chef l'Etat, s'arrogent sur cette dernière un véritable « crédit revolving » 19 ( * ) , d'autant plus regrettable qu'il n'est pas, puisque ces créances sur l'Etat ne le sont pas, rémunéré.

Il faut donc considérer qu'une dizaine de milliards de francs des excédents affichés sont littéralement gelés. De plus de 60 milliards d'excédents susceptibles de permettre la conduite d'une politique familiale ambitieuse, seuls demeureront 26 milliards de francs au compte de report à nouveau dont 10 non mobilisables, et ce, pourvu que les prévisions macroéconomiques cadrant le présent projet de loi se réalisent...

II. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002 : « UNE AGRESSION CONTRE LA BRANCHE FAMILLE »20 ( * )

A. LES MESURES AFFICHÉES EN FAVEUR DES FAMILLES : L'ARBRE QUI CACHE LA FORÊT

Lors de la Conférence de la famille du 11 juin dernier, le Gouvernement a présenté le contenu de l'effort consenti en faveur des familles.

L'ensemble de ces mesures, dont l'une -le congé de paternité- est emblématique, entraîne en 2002 l'inscription d'une dépense supplémentaire dans les comptes de la branche estimé à environ 2,5 milliards de francs, somme à laquelle doit être ajouté 1,5 milliard de francs issu des réserves de la CNAF et destiné à l'alimentation, en 2002, du fonds d'investissement pour les structures d'investissement pour la petite enfance (FIPE).

Simultanément, et par une sorte de balancier, le Gouvernement prélève sur la branche 6 milliards de francs pour financer les majorations de pension, dépense liquidée et financée originellement par le FSV et affecte 5 milliards de francs au fonds de réserve des retraites. Le projet de loi de financement prévoit en outre l'annulation de 3 milliards de francs de créances détenues par la CNAF sur l'Etat au titre des 35 heures.

1. Les mesures en faveur des familles : une diversion de 4 milliards

a) Le congé de paternité : rattraper un retard sur nos voisins européens

1. Un retard sur nos voisins du Nord de l'Europe

L'année dernière, M. Paavo Lipoven, Premier ministre finlandais, alors jeune père, annonçait son intention de suspendre ses fonctions gouvernementales afin de profiter d'un congé de paternité d'une semaine.

Mais en ce domaine, seuls les pays nordiques ont véritablement mis en place des dispositifs incitatifs.

En Suède, le mois des pères « dady month », disent eux-mêmes les Suédois), témoigne d'une perception différente de la parentalité.

Dans ce pays qui n'offre pas de congé de maternité spécifique, père et mère disposent d'un long congé parental à se partager, indemnisé à hauteur de 80 % du salaire.

Depuis 1995, les pères sont tenus de s'arrêter au moins un mois, sous peine de perdre 30 des 365 jours de congé offerts entre la naissance et les 7 ans de l'enfant.

La Norvège offre, pour sa part, à ses habitants une formule extrêmement souple. A l'instar de la Suède, les congés parentaux sont répartis sur plusieurs mois, la rémunération variant, selon la durée du congé, entre 80 % (1 an) et 100 % du salaire (42 semaines).

Au Danemark, la loi organise les congés de parentalité, là encore, avec souplesse. Si la mère doit rester auprès de son enfant durant les 14 premières semaines, le père ayant droit à un congé de 15 jours dès la naissance, les parents bénéficient en sus de 10 semaines qui peuvent être partagées ou prises en totalité par l'un des deux.

Durant toute la durée du congé de « parentalité », le parent ayant suspendu son activité professionnelle est rémunéré à hauteur de 100 % du salaire pendant les 18 premières semaines et 60 % pour la période restante.

Ainsi qu'en témoigne l'expérience de ces pays, l'avancée modeste réalisée aujourd'hui par la France n'est qu'un premier pas pour rattraper le retard accumulé.

Combler cette lacune de notre politique familiale avait fait l'objet d'une tentative sénatoriale.

En effet, le chapitre III de la proposition de loi relative à la famille déposée en 1999 par MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan, intitulé « Valorisation du rôle des pères », proposait une extension du congé parental pour inciter les pères à jouer un rôle plus actif dans la vie de famille et l'éducation des enfants.

2. Le texte du projet de loi : une architecture complexe

Lors de la Conférence du 11 juin dernier, le Premier ministre annonçait, en ces termes, la création du congé de paternité :

« Le Gouvernement a décidé de créer un congé de paternité. Avec les mères, les pères doivent pouvoir vivre pleinement l'événement que constitue une naissance, afin d'accueillir ensemble l'enfant dans les meilleures conditions. En s'ajoutant aux trois jours prévus par le code du travail, le congé de paternité, qui sera mis en place dès janvier 2002, permettra aux pères de disposer au total de deux semaines de congé. Le mode de calcul des indemnités journalières versées pendant cette période sera aligné sur celui du congé de maternité. Les dispositions législatives nécessaires seront soumises au Parlement à l'automne prochain, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale . »

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur les modalités pratiques de sa mise en oeuvre.

Le texte du projet de loi prévoit la mesure pour les salariés du privé et du secteur public au sens large.

S'ajoutant aux congés légaux de naissance, le congé de 11 jours sera rémunéré à hauteur du plafond de la sécurité sociale (14.950 francs/mois). Au-delà, les salariés devront compter sur la générosité des entreprises. A ce titre, votre rapporteur souhaite ardemment que tous les salariés aient accès à ce congé et non seulement certaines catégories sociales ou professionnelles, et que n'en soient pas exclus, de fait, les cadres du secteur privé.

Comme le congé de maternité, la prestation relèverait de la branche maladie-maternité mais serait remboursée par la CNAF. Circonspect sur ce montage, votre rapporteur ne souhaite pas voir, demain, un gouvernement transférer la charge financière relative à la maternité sur la branche famille, pour alléger les comptes de l'assurance maladie.

L'Assemblée nationale a modifié le dispositif initial pour majorer la durée du congé en cas de naissance multiple.

3. Un impact financier sans doute surestimé

Prudent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne précise par ailleurs pas le montant de la dépense que pourrait occasionner la création de ce congé de paternité.

Tout au plus, le document remis lors de la conférence de presse suivant la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale fait état d'une possible dépense de 700 millions de francs.

Dans son avis toujours bien informé, M. Jérôme Cahuzac 21 ( * ) écrit :

« le coût total du congé est évidemment difficile à établir. Il s'agit d'une nouvelle prestation, d'un nouveau droit. Or une variation d'1 % du nombre de bénéficiaires peut conduire à un coût ou une économie de près de 20 millions de francs. Cependant, des extrapolations peuvent être menées à partir du nombre de naissances, de la répartition de la population active et d'un taux d'utilisation analogue à celui des pays nordiques de 40 % pour les salariés et de 20 % pour les professions indépendantes. Le coût pourrait alors être de 700 millions de francs. »

Cette estimation semble fortement surévaluée pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la tendance forte du Gouvernement est à créer des prestations emblématiques mais dont le coût financier est très faible. L'habitude paraît prise de surestimer le coût des mesures afin de gonfler l'annonce d'un effort en faveur des familles. Ainsi, l'expérience de l'allocation de présence parentale relève de cette surdimension : prévue initialement pour 10.000 allocataires, seules 1.000 personnes en bénéficiaient en juillet dernier, incitant d'ailleurs Mme Françoise Clergeau, rapporteur de l'Assemblée nationale, à proposer l'assouplissement du dispositif initial dans le présent projet de loi...

En second lieu, l'alignement sur les statistiques des pays du Nord semble prématuré. Notre pays ne relève pas de la même tradition. Les entreprises n'ont pas ici, même si des progrès sont probablement enregistrés tous les jours, l'implication dans la vie familiale des salariés qui est constatée dans les pays nordiques.

Or le succès de ce système repose sur un engagement des entreprises appelées à financer la portion de l'indemnité supérieure au plafond de la sécurité sociale. Ces dernières devront également apprendre à organiser ce congé, bien que, dans de nombreux cas, les jeunes pères ne soient pas aisément remplaçables. Ces évolutions requerront sans doute du temps, d'autant plus de temps que l'environnement économique des entreprises est aujourd'hui plus incertain.

En outre, le congé tel que prévu par la loi n'offre pas la même souplesse que dans les pays du Nord, notamment en Suède ou il peut être pris jusqu'à la septième année de l'enfant. En offrant moins de souplesse, le nombre de bénéficiaires pourrait diminuer d'autant.

En reconnaissant que le calcul de l'incidence financière d'une telle mesure n'est guère aisé la première année, votre rapporteur estime néanmoins surévaluée la budgétisation de 700 millions de francs annoncée.

b) Le FIPE II : une rallonge contrainte par la nécessité

1. Le FIPE I : un succès « cousu de fil blanc »

Dans un rapport d'information consacré au FIPE I 22 ( * ) , votre rapporteur a déjà indiqué les raisons pour lesquelles les crédits dévolus à ce fonds, relevant pourtant d'une démarche pluriannuelle, avaient été consommés très rapidement.

En effet, précédant la discussion parlementaire, le Gouvernement a donné des instructions pour qu'en amont, la CNAF procède à un recensement des projets, sondant ainsi le probable succès du fonds.

Le 13 septembre 2000, la commission de l'action sociale de la CNAF « se prononce favorablement sur les modalités opérationnelles de la mise en oeuvre du fonds d'investissement de la petite enfance présentées par les services ».

Le 29 septembre 2000, le directeur de l'action sociale a adressé une lettre-circulaire décrivant les modalités d'éligibilité au fonds.

Après quatre jours d'existence, le 4 janvier 2001, le fonds était déjà engagé à hauteur de 840 millions de francs pour 997 projets. Au 30 mars 2001, l'engagement portait sur 1.311 dossiers soit 1,2 milliard de francs de dépenses. La plupart des projets étaient déjà « ficelés »  avant toute décision officielle.

Lors de leur rencontre avec votre rapporteur, en mai dernier, les représentants de la CNAF ont déclaré faire face à plus de 2 milliards de francs de demandes.

Lors de son audition par votre commission des Affaires sociales, le 17 octobre dernier, Mme Nicole Prud'homme, présidente de la CNAF, a confirmé ce constat en ces termes : « La première tranche de 1,5 milliard de francs s'était révélée insuffisante puisqu'aujourd'hui 500 millions de francs restaient nécessaires pour faire face aux demandes ».

2. Le FIPE II sur les traces du FIPEI

La précipitation dans laquelle fut conduite l'attribution des crédits du FIPE I a exclu, de fait, de nombreux dossiers.

En conséquence, le Gouvernement a annoncé, lors de la Conférence de la famille du 11 juin dernier, l'ouverture d'une nouvelle tranche de crédit pour 1 milliard de francs.

En définitive, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit un abondement de 1,5 milliard de francs.

Selon le dossier de presse diffusé lors de la Conférence de la famille, la procédure en vigueur pour 2001 est partiellement reconduite pour le FIPE II, à savoir « un appel à projet limité dans le temps (date butoir fixée en concertation avec les associations d'élus locaux ) »

Néanmoins, ce dossier précise « Au vu du bilan du premier fonds, la procédure sera revue avec la CNAF et un effort particulier sera fait en direction de l'accueil des 2-3 ans et du soutien à l'accueil de qualité ».

Souhaitant voir dans cette précision un écho aux observations figurant dans son rapport d'information, votre rapporteur affirme qu'au vu des défauts constatés lors de l'ouverture du FIPE I, les mêmes difficultés seraient à prédire au FIPE II en l'absence d'une évolution substantielle des procédures.

En outre, les problèmes comptables que ce type d'action engendre 23 ( * ) ne sont pas aplanis puisque le mécanisme de l'année dernière, transferts d'excédents n-2, est reconduit par le présent projet de loi sur ce point.

c) La mise en oeuvre de la convention d'objectif et de gestion (COG) 2001-2004 nécessite une augmentation du FNAS de 1,6 milliard de francs en 2002

1. La nouvelle COG : 6 milliards de francs sur 4 ans en faveur de l'action sociale

Le 3 juillet 2001, la CNAF et l'Etat ont signé une deuxième convention d'objectif et de gestion s'étendant sur la période 2001-2004.

Les objectifs fixés par cette convention sont de :

- mieux répondre aux attentes des usagers en ayant pour préoccupation première la qualité et la personnalisation du service rendu aux allocataires ainsi que l'adaptation au contexte local ;

- améliorer l'efficacité et le positionnement des CAF comme acteurs du social grâce à des liens renforcés avec les partenaires.

Dans le cadre de cette convention, la CNAF a donc pris, vis-à-vis des allocataires et de ses partenaires, un certain nombre d'engagements.

Objectifs de la CNAF à l'égard de ses partenaires

Vis-à-vis des Allocataires

Vis-à-vis des Partenaires

Faciliter l'accès aux droits, mieux accueillir et mieux informer les allocataires, garantir la qualité du traitement et l'exactitude des droits, traiter rapidement les demandes et assurer la régularité et la continuité des paiements.

Être plus accessible, faire bénéficier les usagers de leurs droits, renforcer le partenariat et partager nos connaissances sur les besoins sociaux.

Source : CNAF.

La nouvelle COG confirme en outre les principes de l'action sociale, déjà cités plus haut :

- sa dimension familiale avec une prise en compte particulière des familles en difficulté ;

- son rôle préventif qui vise à favoriser la participation des familles aux projets les concernant ;

- sa complémentarité avec les prestations légales et les autres politiques sociales ;

- son caractère décentralisé qui permet à chaque conseil d'administration de définir, dans le cadre des orientations nationales, des interventions au plus près des besoins sociaux.

Ensemble, la CNAF et l'Etat se sont accordés sur les priorités suivantes :

l'accueil des jeunes enfants :

- créer 8.000 places d'accueil par an ;

- mettre en oeuvre une prestation de service unique.

- atteindre un taux de couverture d'un relais assistant maternel pour 500 bénéficiaires d'AFEAMA.

les loisirs et les vacances des enfants et des familles :

- développer des contrats temps libre à 50 % des 6-16 ans ;

- soutenir les vacances familiales par une action complémentaire aux bons-vacances.

l'accompagnement des familles par le biais de la médiation parentale.

Les moyens mis à la disposition de la CNAF pour mener à bien ces objectifs s'élèvent à 6 milliards de francs sur quatre ans.

2. En 2002, une première tranche de 1,6 milliard de francs sera disponible

Au regard des besoins financiers liés au fonctionnement des structures d'accueil petite enfance, la branche disposera de 1,6 milliard de francs supplémentaire en 2002.

L'augmentation des prestations de services, versées à « guichet ouvert » at soulevé une interrogation au sein du conseil d'administration de la CNAF : cette action, uniforme sur le territoire, ne relève-t-elle pas davantage de la prestation légale que de l'action sociale ?

2. « La forêt » impossible  à cacher : 14 milliards détournés de la branche

A l'image de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le projet de loi de financement n'a cette année pour seul objet que de faire financer à la branche famille les priorités du Gouvernement. Si, en 2002, le Gouvernement ne modifie pas a priori les ressources de la branche, il prive néanmoins cette dernière de près de 14 milliards de francs.

En premier lieu, le Gouvernement ponctionne les excédents de la branche de près de 8 milliards de francs.

Il modifie, par des articles ayant une portée rectificative, l'état des comptes pour y annuler la créance détenue par la CNAF sur le FOREC. Les réserves de la branche s'en trouvent de facto amputées de 2,8 milliards de francs.

Non content de financer les 35 heures au moyen des économies de la CNAF, c'est-à-dire des familles, et par une procédure douteuse sur laquelle le Conseil constitutionnel sera appelé à se prononcer, le Gouvernement affecte 5 milliards de francs des excédents de la branche au fonds de réserve des retraites (F2R).

Ce transfert ne trompe pas davantage que l'autre.

C'est bien en effet parce que le plan de financement de ce fonds, exposé par le Premier ministre le 21 mars 2000, est aujourd'hui vidé de tout contenu que le Gouvernement se trouve réduit à l'alimenter aujourd'hui d'expédients.

Par ailleurs, le Gouvernement a choisi de poursuivre la mise à la charge des majorations de pension pour enfant sur les comptes de la branche la privant chaque année un peu plus de ses moyens.

La part de ce financement s'élèverait en 2001 à plus de 3 milliards; il doublerait en 2002 pour atteindre 6 milliards de francs.

De transferts en ponctions, la branche famille est, selon l'expression utilisée par l'UNAF « dépouillée » de 14 milliards de francs en 2002, et ce, sans même y ajouter les privations de recettes dont elle a été victime les années précédentes 24 ( * ) qui, sortes de « mesures votées », reconduisent leurs effets chaque année.

En 2002, le Gouvernement consacre péniblement 4 milliards de francs aux familles tout en les privant de 14 milliards de francs qui leur appartenaient.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, déclarait devant cette dernière « s'élever contre une conception trop étroite de la séparation des branches. Il ne faut pas oublier en effet que la CSG est une recette d'ensemble dont il suffit de modifier la clef de répartition pour abonder telle ou telle branche. Le débat sur les excédents de la branche famille n'a donc guère de sens. La question posée est plutôt de savoir à quel niveau on fixe des dépenses » 25 ( * ) .

Votre rapporteur, pour sa part, s'élève contre une telle conception de la fongibilité des branches de la sécurité sociale, destinée en réalité à justifier un système organisé de siphonnage des excédents de la branche.

Pour sa part, M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, déclarait 26 ( * ) : « Prenons garde : si tous les excédents doivent être affectés à la branche famille alors, de même, en cas de déficit, cette branche devra sacrifier ou diminuer certaines prestations... »

De ce raisonnement, a contrario , doit être déduit qu'en contrepartie d'une ponction sur ses excédents, la branche famille pourrait compter sur la solidarité des autres branches pour faire face à des difficultés momentanées.

Or, lorsque la situation de la branche a présenté un déficit, en 1997, le Gouvernement s'est empressé de tailler dans les dépenses de la branche au nom même de cet équilibre financier de la branche.

La « solidarité » apparaît ici à sens unique : en période de croissance, la branche réalise des excédents qui sont « mutualisés » mais c'est seule que la branche doit faire face à d'éventuels déficits en cas de ralentissement économique.

Les familles seraient donc, à jamais, victimes d'un « effet de cliquet » : dans l'impossibilité de se constituer des réserves, la branche devra, dans toute période difficile, consentir une diminution des prestations. La disparition de la politique familiale est alors programmée.

Attendre une telle myopie des partenaires sociaux n'est pas raisonnable, ces derniers n'étant pas dupes des effets d'optique de la politique familiale en trompe-l'oeil mis en oeuvre par Gouvernement.

3. La fronde des partenaires familiaux

a) Des partenaires dupés

Les rapports entre le Gouvernement et les partenaires familiaux, associations familiales et partenaires sociaux, sont rythmés par deux moments forts. Le premier est le moment des satisfactions, en mai-juin, la conférence de la famille, l'autre, celui des déceptions, en octobre, la loi de financement de la sécurité sociale.

Or le Gouvernement a réalisé le tour de force de rassembler contre lui des partenaires réputés pour leur sens du dialogue et du compromis.

1. Les conférences de la famille sont devenues un exercice de style

A l'issue de la conférence de la famille de juin 2000, l'UNAF, union regroupant l'ensemble des associations familiales, rendait publique sa position tendant à  :

- approuver les mesures en faveur des familles annoncées, notamment les aides au logement et les mesures en faveur de la petite enfance ;

- rappeler que le transfert de la MARS ne saurait être poursuivi sans compensation.

Or, les textes financiers ultérieurs ont accéléré le transfert de la MARS au détriment de la CNAF et entamé la mise à sa charge des majorations de pensions pour enfants.

L'UNAF a réagi en ces termes 27 ( * ) : « quant au financement de la sécurité sociale, le projet de loi en cours d'arbitrage est une véritable agression contre les familles » .

Échaudée par son expérience, cette union nationale a un moment fait planer la menace de n'envoyer à la conférence de la famille 2001 qu'un représentant symbolique.

Réunie en Assemblée générale le 17 juin 2001, elle a adopté sur la conférence de la famille une position mitigée. L'appréciation fut positive concernant les mesures nouvelles annoncées, mais a fait part de ses déceptions concernant les transferts dont la branche est la victime et la revalorisation des prestations familiales.

Puis, lors de la commission des comptes de la sécurité sociales de septembre, le Gouvernement a annoncé de nouvelles ponctions sur la branche dont il n'avait été, lors de la conférence de la famille, nullement question.

Le 20 septembre 2001, l'UNAF résumait ainsi son opinion 28 ( * ) « Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche famille à nouveau dépouillée » et détaillait les griefs de l'organisme à l'égard du texte du Gouvernement.

En conférence de la famille, le Gouvernement entretient les partenaires familiaux dans la fiction que leur point de vue est pris en compte : en conséquence, on n'aborde que les dépenses en faveur des familles et jamais les excédents qu'une politique familiale minimaliste fait naturellement apparaître et qui sont systématiquement détournés vers d'autres usages.

2. Le Gouvernement écarte les partenaires familiaux

En réalité, il n'y a pas de volonté de dialogue de la part du Gouvernement, la politique familiale se résumant à l'objectif de réaliser un maximum d'économies tout en multipliant les mesures emblématiques peu coûteuses, ou gratuites à l'instar de la réforme, aujourd'hui éclatée, du droit de la famille.

Une étape ultime dans la duperie a été franchie par le Gouvernement à l'occasion du présent projet de loi de financement.

En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit le transfert de 5 milliards des excédents passés de la branche au fonds de réserve des retraites.

Le Président de l'UNAF, M. Hubert Brin, fait part solennellement au Premier ministre de son « désaccord total » face à une « démarche de détournement de fonds discrétionnaire ».

Extraits de la lettre de l'UNAF au Premier ministre
le 5 octobre 2001

« Monsieur le Premier ministre,

« La lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 surprend et déçoit l'UNAF .

« Pour être plus précis, elle ouvre une situation de conflit particulièrement sensible qui ne pourra se résorber sans une modification significative de ce texte.

« Après quelques courriers restés sans réponse, nous avions eu l'occasion de vous dire lors de la dernière Conférence de la famille que nous ne pouvions approuver le transfert de la charge des majorations de pensions pour enfant élevé du Fonds de solidarité vieillesse vers la Caisse nationale des allocations familiales puisque celui-ci n'avait fait l'objet d'aucune négociation .

« Lors de cette conférence, vous aviez laissé entendre que ce transfert pourrait faire l'objet d'un étalement supplémentaire.

« Nous constatons que même cette éventualité n'a pas été réalisée. Plus encore, l'article 25 du projet de loi a pour objectif de faire adopter par le Parlement le caractère définitif et total de ce transfert. L'UNAF ne peut donc dans ce cas que s'élever vigoureusement contre cette décision unilatérale.

« Nous considérons par ailleurs que l'article 29 est une véritable agression contre la branche famille alors même que l'UNAF avait fait des propositions constructives quant à la situation excédentaire de la CNAF.

« En effet, vos collaborateurs m'avaient interrogé le 14 septembre dernier en tant que Président de l'UNAF sur la position que prendrait l'Institution familiale en cas de transfert d'une partie des excédents de la branche vers le Fonds de réserve des retraites.

« J'avais alors rappelé à mes interlocuteurs, de la façon la plus nette possible, la position permanente de l'UNAF quant à l'indépendance des branches de la sécurité sociale.

« Néanmoins, devant réunir quelques heures après cet entretien un conseil d'administration de l'UNAF, j'avais ajouté que je lui poserais la question afin d'apporter une réponse plus complète à l'interrogation qui m'avait été formulée.

« Puisque celle-ci, adressée téléphoniquement dès le lundi matin 17 septembre, et par fax le même jour à 17 heures 45, ne semble pas avoir été entendue, je me permets de vous la transcrire ci-après. (...)

« Le projet de loi en cours retient l'idée d'un transfert de 5 milliards au Fonds de réserve des retraites et seulement de 0,5 milliard au Fonds d'investissement pour la petite enfance en complément du milliard d'abondement annoncé lors de la Conférence de la famille.

« Il ne tient donc nullement compte de la réponse à apporter aux attentes des familles mais s'inscrit à nouveau dans une démarche de détournement de fonds discrétionnaire en en rejetant la responsabilité des modalités sur les parlementaires.

« Dans ces conditions, et sans attendre la prochaine réunion des instances de l'UNAF, je tiens à vous informer de notre désaccord total sur ce sujet, ainsi que de la diffusion de ces informations à l'ensemble du mouvement familial et des partenaires sociaux.

« Dans les jours à venir, les Unions départementales des associations familiales seront invitées à prendre tous les moyens à leur convenance pour faire connaître les positions et propositions de l'UNAF. »

Dans une nouvelle lettre adressée dernièrement à tous les parlementaires, l'UNAF constate que le Gouvernement achève la législature comme il l'avait commencée, dans le mépris des interlocuteurs de la politique familiale.

« La dernière fois que l'UNAF a décidé d'écrire à chacun d'entre vous, c'était en 1997 et 1998, lorsque le Gouvernement avait voulu supprimer l'universalité des allocations familiales en soumettant leur versement à un critère de ressources . Nombre d'entre vous nous avaient alors soutenus et nous étions arrivés à un compromis honorable, même si, comme tout compromis, il n'était pas exempt de critiques.

« Si l'UNAF se permet de recommencer aujourd'hui c'est que la gravité de la situation l'exige.

« De quoi s'agit-il ?

« Le Gouvernement organise des transferts de charges vers la branche famille et utilise les excédents de manière totalement unilatérale. Certains appelleront cela du pillage organisé, nous ne sommes pas loin de le penser. Pour ce qui nous concerne, il s'agit d'une démarche de détournement de fonds discrétionnaire. »

C'est une autre politique familiale qui est souhaitée par votre commission des Affaires sociales, qui oppose la volonté du dialogue et du respect des partenaires à la politique que le Gouvernement décide hors de toute concertation, dans le secret des cabinets ministériels, et qui détourne les fonds destinés aux familles vers d'autres objectifs.

b) Une politique discrétionnaire

La politique familiale du Gouvernement a été définie par Mme Martine Aubry 29 ( * ) le 4 novembre 1997. Un passage révèle aujourd'hui, avec la distance, toute sa signification :

« Je voudrais d'ailleurs rappeler que la politique familiale n'a jamais été une politique d'assurance. En effet, on met à bas une politique qui existe depuis le début du siècle, me dit-on. Ce sont non pas les salariés mais l'Etat et les chefs d'entreprises qui financent la politique familiale, contrairement à la santé et à la vieillesse.

On s'assure contre la maladie, la vieillesse, le chômage et non sur le fait d'avoir des enfants. C'est la solidarité nationale qui doit jouer, c'est l'Etat, et, en l'occurrence, rappelez-vous, pour des raisons historiques, les chefs d'entreprise, car il s'agissait de reconstruire notre pays et de trouver une main d'oeuvre nécessaire pour y parvenir » .

Outre qu'il expose le fondement de la politique familiale fort inexactement -la branche famille est née pour unifier des compléments familiaux versés dans une optique d'assurance d'une perte de revenu, perte occasionnée par la charge financière que représente un enfant- le discours de Mme Martine Aubry annonce en prélude une politique d'étatisation de la politique familiale.

En effet, les partenaires sociaux et familiaux n'ont pas le droit à la parole puisqu'ils ne cotisent pas. Mme Aubry nie ici que les cotisations payées par les employeurs ressortent de la théorie du salaire différé. Or celles-ci appartiennent bien au « coin salarial » acquitté par l'entreprise et calculé sur la base du salaire qui représente un droit pour le salarié à avoir part aux prestations familiales.

Certes, ce bénéfice est aujourd'hui universel. Est-ce un critère propre à la branche famille ? La réponse est négative puisque la même Martine Aubry a universalisé la couverture du risque maladie par le biais d'une couverture maladie universelle...

Demain, une politique d'exonération de charges sociales salariales, ou, comme il en fut question l'année dernière, d'exonération de CSG sur les bas salaires priverait-elle ces salariés du droit à la parole, par eux-mêmes ou par leurs représentants, dans les conseils d'administrations des caisses ?

En réalité, l'horizon programmé de la politique familiale du Gouvernement est l'étatisation. A ce titre, la réflexion de M. Jean Le Garrec 30 ( * ) va dans le même sens : il n'y a pas lieu de discuter des ressources de la branche mais seulement de fixer les dépenses. Et, force est de constater que, au vu du bilan de l'action menée sur cinq ans, des moyens engagés par rapport aux moyens disponibles, cette politique étatisée de « solidarité » sera une politique minimale.

B. LA POLITIQUE FAMILIALE : UN CHANTIER LAISSÉ EN PLAN

1. Le renouveau démographique à accompagner

a) Un renouveau qui ne se dément pas

« Epiphénomène ou tendance de fonds ? », s'interrogeait le quotidien « Le Monde », en prélude à un article par ailleurs titré : « La France connaît depuis 1995 un mini baby-boom » 31 ( * ) .

Lors de la présentation d'un rapport d'information consacré au fonds d'investissement en faveur des crèches 32 ( * ) , votre rapporteur a déjà retracé l'ampleur de ce phénomène constaté par tous les instituts statistiques :

« Au début des années 1990, la courbe démographique de la France marquait une inflexion structurelle. Le nombre des naissances annuelles, toujours supérieur à 760.000 dans les années 1985-1990, était tombé à moins de 745.000 en 1992 et à environ 710.000 en 1993. (...)

« Or depuis cette date, la démographie française a connu un vif regain puisque le nombre annuel des naissances a été constamment supérieur aux 710.000 prévues, avoisinant les 730.000 pour les années 1995, 1996 et 1997, puis 740.000 en 1998.

« Cette évolution favorable s'accélère même puisque le nombre des naissances a atteint 780.000 en 2000. Ainsi que le souligne la courbe ci-dessous, le nombre annuel des naissances a ainsi crû de 10 % en cinq ans.

Nombre de naissances en France (1995-2000)
(en milliers)

Source : INSEE

« Votre rapporteur ne peut bien évidemment que se réjouir du regain de la natalité que connaît la France. Un tel regain améliore la situation démographique en termes de renouvellement des générations. Il témoigne également que le souhait d'un enfant a pu être réalisé par davantage de familles, ce qui est un signe éminemment positif. »

Rendu public le 9 octobre dernier, le rapport de l'Institut national des études démographique (INED) confirme qu'en 2001, le nombre des naissances serait aussi élevé qu'en 2000, année pourtant considérée comme exceptionnelle, en termes de natalité.

Si cette tendance devait donc se confirmer, l'indicateur conjoncturel de fécondité français, situé à 1,89 enfant par femme, serait le plus élevé de l'Union européenne.

Evolution de l'indicateur conjoncturel de fécondité
(Nombre d'enfants moyen par femme)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

France

1,7

1,72

1,71

1,75

1,79

1,89

Italie

1,18

1,18

1,19

1,19

1,23

1,25

Irlande

1,87

1,9

1,92

1,93

1,89

1,89

Allemagne

1,25

1,31

1,37

1,33

1,37

1,34

Espagne

1,18

1,17

1,16

1,15

1,2

1,22

Portugal

1,4

1,44

1,46

1,46

1,49

1,54

Suède

1,73

1,6

1,52

1,5

1,5

1,54

Royaume-Uni

1,71

1,73

1,72

1,72

1,68

1,64

Source : Observatoire démographique européen

b) Un coût naturel pour la branche

La forte augmentation des naissances génère mécaniquement des dépenses supplémentaires naturellement prises en charge par la branche famille.

Un certain nombre de ces naissances sont des enfants dits de « rang 2 ou supérieur » 33 ( * ) , ouvrant droit ou majorant le montant des allocations familiales perçues par les familles.

Répartition des femmes nées depuis 1945
selon le nombre final d'enfants nés vivants

Source : L. Toulemon et M. Mazuy, 2001 (d'après l'enquête Etude de l'histoire familiale, 1999), et statistique de l'état civil.

Représentant 20 % du total des prestations familiales, les prestations 34 ( * ) concernant la garde des enfants entre 0 et 3 ans devraient être fortement sollicitées.

Au sein d'un constat plus général, la Cour des comptes précise 35 ( * ) que « la taille de la famille intervient aussi pour le calcul des aides au logement, ce qui conduit à des montants d'aide et des taux de prise en charge fortement croissants avec le nombre d'enfants ».

Interrogée sur le coût moyen de chaque naissance supplémentaire, Mme Nicole Prud'homme, présidente de la CNAF, a déclaré 36 ( * ) ne pas disposer d'éléments précis mais a promis de faire parvenir prochainement à votre rapporteur une réponse écrite.

Au terme de ce constat, celui-ci s'interroge sur le succès apparemment paradoxal d'une politique familiale disposant de toujours moins de moyens. Le renouveau démographique tient en réalité à la période de forte croissance qu'a connue notre pays au cours des trois dernières années et de son effet fortement positif sur le moral des Français.

A ce titre, votre rapporteur exprime dès à présent ses craintes d'une nouvelle « déprime » démographique si la croissance venait à faiblir, comme cela semble se préciser.

2. Le sort des jeunes adultes en friche

a) Une exigence qui s'accroît

L'examen de la proposition devenue la loi du 4 juillet 2001 37 ( * ) a été l'occasion pour votre commission des Affaires sociales de faire un point sur les difficultés des jeunes adultes, ainsi que sur les dispositifs apportant une première réponse à ces difficultés.

Les propositions faites en faveur des jeunes adultes

• Le commissariat général au Plan : l'attribution d'une « créance formation »

Animé par M. Dominique Charvet, le commissariat général au Plan a rendu publiques, en mars 2001, les conclusions d'un rapport intitulé « Jeunesse le devoir d'avenir ».

Ce rapport fait une proposition centrale : les jeunes doivent pouvoir se trouver, soit en formation, soit en emploi.

Pour rendre possible cette faculté, toute personne se verrait offert un droit de formation d'une durée de vingt ans, créance sur la société se renouvelant au fur et à mesure des périodes travaillées.

L'allocation proposée pour rendre ce droit effectif, comprise entre 1.200 et 1.700 francs par mois pourrait coûter jusqu'à 61 milliards de francs par un redéploiement de prestations familiales.

• Le Conseil économique et social : prêt et contribution de formation-insertion professionnelle

Le Conseil économique et social a adopté, le 28 mars dernier, un avis, rapporté par M. Hubert Brin et intitulé « Familles et insertions économiques et sociales des adultes de 18 à 25 ans ».

Le constat initial est le même que celui du commissariat général au Plan : l'indépendance financière des jeunes passe par l'intégration dans le monde du travail.

Afin de permettre l'accès de tous à la formation ou à un projet d'insertion, le Conseil économique et social fait la proposition « d'un prêt et d'une contribution de formation professionnelle ».

En contrepartie d'un projet de formation d'insertion, le jeune emprunte 1.000 francs mensuels à la collectivité, ce qui lui ouvre le droit à une allocation supplémentaire du même montant.

Le bulletin d'information en économie de la santé 38 ( * ) rapporte les résultats d'une enquête menée par l'INED sur « La vie et la santé des jeunes sans domicile ou en situation précaire ».

« La santé des jeunes séparés plus ou moins précocément de leurs parents, sortis du système scolaire sans diplôme dans un cas sur deux, et dont presque un sur cinq vit sans ressources est préoccupante. Plus d'un sur deux se plaint d'au moins un problème de santé, plus particulièrement de problèmes respiratoires, dermatologiques ou psychiques. Au regard de cet état de santé perçu, leurs besoins de soins sont sans doute insuffisamment couverts, même s'ils sont plus nombreux que les autres à avoir eu recours au système de soins récemment. En témoigne d'ailleurs la forte proportion de ceux qui déclarent des dents manquantes non remplacées et des problèmes de vue non corrigés ».

L'urgence, placée ici sur le terrain médical, l'est aussi, bien souvent, sur le terrain social.

b) La passivité du Gouvernement

Dès le début de la présente législature, le Gouvernement a été confronté aux attentes des jeunes et de leurs familles.

Le souhait d'être davantage soutenu avait été entendu par la majorité précédente qui, malgré une conjoncture moins favorable, avait prévu dans la loi Famille du 25 juillet 1994 plusieurs dispositions auxiliaires.

L'aide aux familles ayant à charge de jeunes adultes

La crise économique et la prolongation de la durée des études maintiennent de nombreux jeunes à la charge de leurs parents bien au-delà de l'âge limite de versement des prestations familiales.

La loi relative à la famille du 25 juillet 1994 prévoit son relèvement progressif, afin de tenir compte de ce phénomène.

• La première étape prévue est le relèvement de 18 à 20 ans, quelle que soit la situation de l'enfant (sous la seule réserve qu'il ne perçoive pas un revenu supérieur à 55 % du SMIC).

• Les étapes suivantes concernent les enfants pour lesquels la limite d'âge est actuellement fixée à 20 ans (étudiants, apprentis, stagiaires de la formation professionnelle, infirmes). Cette limite sera portée à 22 ans, successivement pour le droit :

- aux prestations de logement,

- à l'allocation de soutien familial et à l'allocation de parent isolé,

- au complément familial,

- aux allocations familiales et à leurs majorations, pour les familles de trois enfants et plus, puis pour les familles de deux enfants.

Le calendrier de mise en oeuvre de cette réforme sera fonction des excédents dégagés par la branche, mais la loi prévoit qu'elle doit être intégralement réalisée au 31 décembre 1999.

Source : CNAF, extrait du bilan de la loi Famille présenté
au conseil d'administration de la CNAF le 16 février 1999

Pour sa part, le Gouvernement n'a pas présenté de projets. Tout au plus s'est-il contenté de mettre en oeuvre, partiellement, les dispositions de la loi Famille relatives aux jeunes adultes et de formuler, au cours de discours annuels, la promesse d'une action aux contours toujours moins précis.

• 1998 : « Il nous faut répondre à la situation des familles ayant des jeunes adultes à charge. »

Ainsi, lors de la conférence de la Famille de 1998, le Premier ministre déclarait 39 ( * ) :

« Il nous faut répondre à la situation des familles ayant des jeunes adultes à charge . Nous avons décidé de poursuivre le mouvement que nous avions commencé l'année dernière. Désormais, jusqu'à 20 ans, les jeunes sans revenu propre ouvriront, pour leurs parents, le droit aux allocations familiales -qu'ils soient étudiants, chômeurs ou stagiaires. »

Les familles et leurs jeunes ont su gré au Premier ministre de leur concéder ce que la loi leur offrait déjà.

• 1999 : « Aider les familles : c'est aussi offrir aux jeunes plus d'autonomie. »

Pourtant, lors de la conférence de la Famille en 1999, le Premier ministre a, dans un même discours 40 ( * ) , affirmé que le recul de l'âge ouvrant droit aux allocations familiales n'était pas une solution au problème des jeunes. C'est pourtant la seule mesure que le Gouvernement va mettre en oeuvre.

« Aider les familles, c'est aussi offrir aux jeunes plus d'autonomie.

« Les jeunes, et notamment les jeunes adultes, sont une priorité de notre politique. La société française ne leur a pas jusqu'ici accordé cette priorité (sic). (...) Les jeunes forment une population très hétérogène. Car la jeunesse, cet âge où l'on va vers la pleine autonomie, voit ses frontières se déplacer. (...)

« Ces changements culturels doivent être pris en compte pour une plus grande justice. Le prolongement indéfini des allocations familiales, qui s'adresse à la famille et dépend de sa situation, ne constitue pas, à mes yeux, une réponse satisfaisante . Il reste que la baisse du revenu familial, lorsqu'un jeune à sa charge atteint 20 ans, est lourde, surtout pour les familles modestes. Outre les allocations familiales, c'est l'allocation logement qui diminue ; le complément familial disparaît pour les familles de trois enfants. Pour atténuer cette rupture brutale, le Gouvernement a décidé de prolonger à 21 ans l'âge limite pour le calcul de ces prestations , au 1 er janvier 2000. Mais rendre les jeunes plus autonomes, ce n'est pas leur verser une allocation. »

Votre rapporteur comprend l'embarras du Premier ministre qui, bien qu'affirmant que « la société française » n'a pas, jusqu'à l'arrivée de son Gouvernement, fait des jeunes une « priorité politique », n'apporte pour seule réponse concrète la mise en oeuvre partielle du plan voté en faveur des jeunes par l'ancienne majorité.

• 2000 : « Nous devons également aborder la situation des jeunes adultes encore à la charge de leur famille. »

Lors de la conférence de la Famille 2000, le Premier ministre a, une nouvelle fois, mesuré toute l'ampleur du problème :

« Nous devrons également aborder la situation des jeunes adultes encore à la charge de leur famille. Ces dernières années, l'allongement de la durée des études et une entrée dans la vie active plus tardive et parfois incertaine ont conduit beaucoup de jeunes à rester vivre chez leurs parents. Ce problème est à l'intersection des mutations de la famille, des évolutions du monde du travail et de la formation. Il fait apparaître de fortes inégalités entre jeunes. C'est pourquoi il nous faut traiter cette question dans toutes ses dimensions . (sic) »

Mais, pourtant, rien encore ne fut fait.

• 2001 : « Nous voulons favoriser l'autonomie des jeunes adultes. »

Lors de la conférence de la Famille 2001, le discours du Premier ministre, plus étendu que de coutume sur la question des jeunes, n'a cependant abouti que sur un point.

Hormis la confirmation de l'application de la loi Famille de 1994 en faveur des jeunes, à savoir favoriser leur accession au logement par le biais des prestations, le Premier ministre n'a avancé que dans le sens de la mise en place d'une commission de réflexion :

« Nous voulons favoriser l'autonomie des jeunes adultes . Où finit l'enfance ? Comment la définir aujourd'hui ? Si l'âge de 18 ans signe désormais l'accès formel à la majorité civique, l'accès à une majorité effective, c'est-à-dire à l'indépendance financière et donc à la responsabilité sociale, est régulièrement retardé pour les jeunes adultes. L'allongement de la durée des études, les difficultés d'entrée sur le marché du travail -certes moindres ces toutes dernières années-, l'évolution des relations entre parents et enfants amènent un nombre toujours plus élevé de « grands enfants » à rester plus longtemps à la charge de leurs familles. Dans un avis récent du Conseil économique et social, M. Hubert Brin formule des propositions intéressantes pour permettre aux jeunes adultes de devenir plus vite des acteurs de la vie économique et d'assumer plus tôt leur rôle de citoyens à part entière. Le coût d'un tel projet est cependant très lourd pour les finances publiques. Il est donc indispensable d'engager sur ce sujet une réflexion d'ensemble . La proposition de loi d'Alain Bocquet et de l'ensemble du groupe communiste, portant création d'une Commission nationale pour l'autonomie des jeunes, qui a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, sera examinée le 19 juin par le Sénat. Cette commission pourra être mise en place avant la fin de l'année 2001 ; le Gouvernement sera très attentif au déroulement de ses travaux . Les propositions de cette commission constitueront un apport particulièrement important à la définition d'une nouvelle étape de la politique du Gouvernement en direction des jeunes. (...)

« Ces mesures constituent une première réponse à la question de l'autonomie des jeunes. Beaucoup reste à faire. Je souhaite que cette question fasse l'objet d'un large débat au cours des prochains mois . »

Contrairement à ses déclarations, le bilan du Gouvernement en faveur des jeunes n'est guère éloquent.

Le bilan de l'action du Gouvernement en faveur des jeunes adultes
vu par la Cour des comptes 41 ( * )

Question : L'article 22 de la loi de 1994 prévoyait le relèvement jusqu'à 21 ans du versement des prestations familiales. La Cour estime-t-elle significatif « le glissement de l'effort financier vers les plus âgés de ces enfants » ?

Comment la Cour interprète-t-elle ce glissement dans le contexte du débat de « l'accès des jeunes à l'autonomie » ?

Réponse : L'article 22 de la loi du 25 juillet 1994 qui prévoit le relèvement de l'âge limite de service des prestations familiales ne fixe pas l'âge cible mais arrête les principes et la date d'achèvement de ce relèvement. C'est dans le schéma de financement annoncé par le Gouvernement au printemps 1994, au moment de la préparation de la loi, que l'âge de 22 ans avait été fixé.

La situation financière du régime général n'a pas permis d'avancer en ce sens en début de période. A partir de 1998 en revanche, le relèvement s'est amorcé portant en trois ans l'âge limite à 20 ans, et 21 ans pour les aides au logement et le complément familial. Ce relèvement a entraîné une charge financière de 2,8 milliards de francs. Il a été partiellement compensé par le recul d'une année de l'âge d'octroi des majorations des allocations familiales. L'effort net en faveur des familles ayant à leur charge des adolescents et des jeunes adultes est ainsi de 0,9 milliard de francs.

Le Gouvernement a considéré que -indépendamment des éléments financiers qui l'ont amené à privilégier d'autres cibles de politique familiale et les transferts vers la branche vieillesse (prise en charge des majorations portées par le FSV, prélèvement au profit du fonds de réserve des retraites)- on ne saurait confirmer ou infirmer l'option d'un relèvement généralisé à 22 ans de l'âge limite de service des prestations familiales sans avoir mené une réflexion de fond sur la situation des jeunes adultes. Cette réflexion devrait porter tant sur les modalités et montants des différentes aides dont ils bénéficient (bourses universitaires, allocation de logement, subvention au régime maladie des étudiants, prestations familiales, quotient familial...) que sur les choix de doctrine concernant, pour une aide globale donnée, le profil général des aides (l'une des questions centrales évoquées porte sur le choix entre des aides qui tiennent compte des caractéristiques de la famille du jeune adulte et qui sont le cas échéant versées à la famille -c'est le cas pour les prestations familiales, les bourses et le quotient familial- et des aides versées directement aux jeunes adultes sans tenir compte de la taille et des revenus de leurs familles).

La loi du 4 juillet 2001 relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25ans a été votée.

Le Sénat n'a pas souhaité retarder la constitution d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre, qui aurait pu tout aussi bien être instituée par simple décision administrative. Il a adopté sans modification la proposition de loi transmises par l'Assemblée nationale, y compris son titre apocryphe.

Votre rapporteur constate que le décret d'application de cette loi, promulguée le 4 juillet dernier, n'est paru au Journal officiel que le 2 octobre 2001, et attend, pour être effective, l'arrêté des nominations.

Sachant que cette commission doit rendre ses travaux au plus tard au 31 décembre prochain, il est à présent probable qu'elle ressorte de ces commissions chargées d'élaborer « un diagnostic partagé » sur les sujets où il est, bien évidemment, urgent d'attendre.

c) L'action sociale des caisses d'allocations familiales et les jeunes adultes, un palliatif à la carence gouvernementale ?

Devant la carence gouvernementale, la CNAF a tenté de compenser par le biais de son action sociale les conséquences de l'inaction.

En 2000, 341 millions de francs sont considérés comme consacrés aux jeunes adultes, soit 2,2 % du budget total d'action sociale de la branche.

Pour la CNAF, cette masse financière sous-évalue l'effort réalisé en raison de l'impossibilité d'isoler la part des jeunes adultes dans des politiques temps libre, y compris les aides de départ en vacances, le financement des actions « ville-vie-vacances », et le fonds de solidarité vacances.

L'action sociale des caisse d'allocations familiales à l'endroit des jeunes est :

- les aides au financement des formations au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et au brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) ;

- les prestations extra-légales ;

- l'action d'accompagnement social ;

- les interventions en faveur du logement.

Evolution des dépenses des CAF en direction des jeunes adultes de 1996 à 2000 ( millions en francs)

1996

1997

1998

1999

2000

% en 2000

2000/1996

Logement

134,1

125,4

145,4

133,8

141,7

41,6

5,7

Foyers jeunes travailleurs

131,4

121,5

133,1

127,7

134,0

39,3

2,0

Autres actions logement

2,1

3,0

11,3

5,3

6,7

2,0

219,0

CLLAJ

0,6

0,9

1,0

0,8

1,0

0,3

66,7

Temps libres -BAFA

23,0

33,0

33,2

33,2

32,6

9,6

41,7

Accompagnement social

17,6

18,7

17,2

23,9

23,4

6,9

33,0

Insertion jeunes (dont jeunes chômeurs)

15,0

16,2

14,2

20,5

16,0

4,7

6,7

Fonds d'aide aux jeunes

2,6

2,5

3,0

3,4

7,4

2,2

184,6

Prestations extra-légales

252,6

232,1

204,3

170,9

143,0

42,0

- 43,4

Etudiants

178,0

168,8

152,4

127,9

100,0

29,4

- 43,8

Rentrée scolaire

71,0

60,0

47,4

38,0

39,0

11,4

- 45,1

Apprentis

3,6

3,3

4,5

5,0

4,0

1,2

11,1

TOTAL

427,3

409,2

400,1

361,8

340,7

100,0

- 20,3

L'aide aux formations BAFA ou BAFD a fortement augmenté sur la période 1996-2000 et représente 32 millions de francs.

Les actions en faveur du logement des jeunes ont crû de 5,7 % sur la même période et sont vouées à croître encore du fait des orientations posées par la nouvelle COG.

La CNAF déclare en outre que les CAF soutiennent 430 FJT accueillant chaque année plus de 100.000 jeunes. En 2000, les montants alloués représentent 134 millions de francs, dont 89,6 millions de francs au titre de la prestation de service fonction socio-éducative, 16,7 millions de francs d'aides complémentaires au fonctionnement et 27,9 millions de francs d'aides à l'investissement.

Votre rapporteur souhaite rendre hommage à l'action menée par les CAF en faveur des jeunes mais néanmoins formuler deux observations :

- les aides à l'endroit des jeunes représentent 2 % du budget d'action sociale qui lui-même représente très peu des dépenses de la branche ;

- sur la période 1996-2002, l'évolution des dépenses des caisses d'allocations familiales en direction des jeunes adultes marque un recul d'environ 20 %, causé pour la plus grande part à la décroissance des prestations extra-légales.

Utile et ciblée, l'action sociale de la CNAF en faveur des jeunes remplit son rôle. Mais elle ne saurait remplacer l'action de grande ampleur réclamée par les jeunes et leurs familles et auxquels le Gouvernement n'a apporté durant cinq années que des mots.

3. Un dialogue avec des partenaires à renouer

Les défis posés conjointement par une croissance démographique plus forte et par les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes adultes appellent, dans les années à venir, un nouveau souffle pour la politique familiale.

Hors des mesures ponctuelles nécessaires pour faire face à ces enjeux, un point appelle particulièrement l'attention de votre rapporteur.

Ainsi qu'il est décrit plus haut, les partenaires familiaux ont été les grands perdants de cette législature. Votre commission des Affaires sociales ne partage pas l'orientation donnée par le Gouvernement en la matière.

La politique familiale n'est, pour elle, ni une politique étatique, ni une politique d'assistance sociale.

Toutes les familles doivent être aidées, et pour cela, les prestations remplissent une fonction déterminante. Le leitmotiv de votre Commission, à l'instar de ce qui a été déclaré par le Président de la République au congrès des familles rurales, est que les excédents de la branche familles doivent revenir aux familles.

En outre, les partenaires familiaux doivent être écoutés, car c'est avec eux que cette politique peut être ajustée aux attentes des familles. Votre rapporteur ne doute pas de la volonté de l'opposition nationale de réintégrer pleinement syndicats et associations dans le débat familial, dans le respect mutuel et l'attention portés à tous.

Procédant à l'affectation des excédents passés, le Gouvernement a décidé d'abonder une nouvelle fois en 2002 le FIPE et de verser du fonds de réserve des retraites 5 milliards de francs.

L'utilisation de ces opérations en capital pose un redoutable problème de suivi puisqu'elles ne figurent pas dans les objectifs de dépenses votés en loi de financement. Le Gouvernement profite là d'un « angle mort ».

Afin de parfaire la lisibilité des comptes, donc le contrôle parlementaire, et de permettre aux partenaires familiaux de s'exprimer sur l'utilisation de ces excédents, votre commission des Affaires sociales vous propose d'instaurer un mécanisme en ce sens, par voie d'amendement.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 pour ses dispositions relatives à la famille.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME,
PRÉSIDENTE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF)

Réunie le mercredi 17 octobre 2001, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 .

Accueillant Mme Nicole Prud'homme, M. Nicolas About, président , l'a félicitée pour sa réélection à la tête du conseil d'administration de la CNAF.

Mme Nicole Prud'homme s'est réjouie que le Sénat reçoive successivement deux présidentes de caisse nationale de sécurité sociale.

Elle a rendu hommage à M. Claude Huriet, ancien président du conseil de surveillance de la CNAF, pour le travail accompli ainsi que pour ses qualités humaines exceptionnelles.

Elle a ensuite indiqué qu'un conseil extraordinaire s'était réuni et avait adopté, à la quasi-unanimité, un avis négatif à l'encontre du projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2002.

Elle a affirmé, à ce titre, l'attachement du conseil d'administration aux principes fondateurs de la sécurité sociale qui impliquent la transparence des comptes et la responsabilité des partenaires sociaux.

Elle a considéré que cette transparence et la vérité des comptes interdisaient que le coût des 35 heures soit financé par la sécurité sociale. A ce titre, elle a rappelé que l'annulation des créances de la branche sur le FOREC coûterait, à cette dernière, 2,8 milliards de francs et provoquerait la mise en déficit du régime général en 2000.

Elle a ensuite souhaité noter le succès de la convention d'objectif et de gestion nouvellement signée. Elle a déclaré, à ce titre, que le conseil d'administration avait cherché à rappeler, par cette signature, le rôle joué par la branche dans le maintien de la cohésion sociale.

Elle a, en outre, rappelé que le conseil d'administration s'était prononcé contre l'affectation de la moitié des excédents de la CNAF au fonds de réserve des retraites.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , s'est associé aux félicitations adressées par le président à Mme Nicole Prud'homme. Il lui a demandé tout d'abord si la CNAF disposait d'une estimation du coût, en termes de prestations, du renouveau démographique et si la croissance économique, en raison de l'évolution du plafond de ressources déterminant l'accès à certaines prestations, avait eu pour effet d'exclure des familles du bénéfice de ces mêmes prestations.

Mme Nicole Prud'homme a déclaré ne pas disposer d'une évaluation suffisamment précise pour répondre à la première question du rapporteur, mais elle s'est engagée à lui fournir cette réponse par écrit dans les prochains jours.

Elle a toutefois noté que ce renouveau des naissances s'était nettement affirmé en 2000, provoquant apparemment une accélération des dépenses d'allocations pour jeune enfant et d'allocations parentales d'éducation, même si, dans le même temps, le complément familial confirmait sa décroissance tendancielle liée à la diminution du nombre des familles nombreuses.

S'agissant du second point soulevé par le rapporteur, elle a indiqué que les services de la CNAF travaillaient sur cette question mais ne pouvaient pas fournir dans l'immédiat une réponse suffisamment précise.

Puis M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a demandé à Mme Nicole Prud'homme si la CNAF avait dès aujourd'hui recensé les projets susceptibles d'être financés par les crédits du fonds d'investissement pour la petite enfance (FIPE II).

En réponse, Mme Nicole Prud'homme a précisé que la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle constituait un enjeu de première importance pour la CNAF. Elle a rappelé qu'en 2000 le Gouvernement avait décidé de doter un fonds d'investissement pour aider les collectivités territoriales à construire des structures d'accueil pour la petite enfance.

Elle a constaté que la première tranche de 1,5 milliard de francs s'était révélée insuffisante puisqu'aujourd'hui 500 millions de francs restaient nécessaires pour faire face aux demandes.

Elle a noté que certains dossiers étaient gelés car les règles régissant le FIPE II pouvaient faire l'objet d'une inflexion par rapport au fonds précédent. Elle a néanmoins déclaré que 430 projets étaient en attente pour un montant de 394 millions de francs.

Enfin, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a demandé à Mme Nicole Prud'homme si, au regard de sa progression des dernières années, le conseil d'administration de la CNAF ne craignait pas que le fonds national d'action sociale (FNAS) devienne un substitut et non un complément aux prestations légales.

En réponse, Mme Nicole Prud'homme a rappelé que le FNAS était passé, en 1997, d'un montant de 11,3 milliards de francs à 13,5 milliards de francs en 2000 et que ce dernier finançait essentiellement les contrats enfance, destinés à l'accueil des jeunes enfants, et les contrats temps libre, créés en 1998, destinés aux adolescents.

Elle a reconnu que le fait que ces prestations de service soient versées à « guichet ouvert » avait fait l'objet d'un débat au sein du conseil d'administration qui n'avait pas choisi de trancher.

Elle a ensuite noté que la convention d'objectif et de gestion pour 2001-2004 prévoyait une augmentation très importante des crédits du FNAS qui passeraient de 13,1 milliards de francs en 2000 à 19,4 milliards de francs en 2004.

Elle a déclaré enfin que la taille du FNAS, encore modeste par rapport au fonds national des prestations familiales, ne devait pas faire craindre à un effet de substitution.

Elle a souhaité enfin que les prestations de service demeurent du ressort de l'action sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a demandé à Mme Nicole Prud'homme si les résultats de l'exercice 2000 permettaient le prélèvement de 5 milliards de francs au profit du fonds de réserve des retraites et de 1,5 milliard de francs au profit du FIPE II, compte tenu de l'annulation des créances liées à la compensation des exonérations de cotisations sociales.

Il a également demandé selon quelles modalités juridiques et comptables le conseil d'administration de la CNAF entendait rectifier les comptes de cet exercice.

En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Philippe Frigeri a déclaré que le résultat 2000 de la CNAF, tel qu'arrêté par son conseil d'administration, s'élevait à 9,4 milliards de francs.

Il a souhaité distinguer l'annulation de créance de la CNAF sur le FOREC qui entraîne une modification du résultat pour 2000 des mesures procédant à l'affectation de ce résultat sans rouvrir les comptes de cet exercice.

Il a rappelé à la commission que l'annulation rétroactive de créances posait un problème considérable à tout comptable public, puisqu'elle rendait nécessaire de modifier des comptes déjà approuvés par les conseils d'administration et transmis à la Cour des comptes depuis plusieurs mois.

Outre ces problèmes juridiques et comptables, il a également fait part d'importantes difficultés techniques, et notamment informatiques, entravant une telle opération.

Toujours en réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur, il a déclaré n'être pas en mesure d'assurer que le résultat 2000, tel que diminué de 2,773 milliards de francs au titre de l'annulation des créances, permettait les prélèvements envisagés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Il a en effet souligné que le résultat de l'exercice devait encore être diminué d'une somme de 185 millions de francs au titre du régime des prestations familiales agricoles.

Il a précisé que cette prévision était susceptible d'être réévaluée de 3 millions de francs, réduisant l'excédent de l'exercice à 6,499 milliards de francs, niveau d'excédent alors insuffisant pour permettre le versement de 6,5 milliards de francs prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé si les dépenses susmentionnées, exécutées en 2002, devaient figurer, du point de vue de la CNAF, dans l'objectif des dépenses de la branche famille, tel que voté par le Parlement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

En réponse, M. Philippe Frigeri a considéré que ces mesures étaient financées par une affectation du résultat 2000 et n'avaient pas, à ce titre, à figurer dans cet objectif des dépenses.

M. Alain Gournac a considéré que le leitmotiv de la commission des affaires sociales était que les ressources de la CNAF devaient profiter aux familles. Il a, en outre, souhaité souligner le problème lié à la prolifération des normes de sécurité sanitaire dans le domaine des crèches. Il a enfin fait part de la responsabilité des parlementaires qui doivent, selon lui, expliquer le fonctionnement de la CNAF aux citoyens.

M. Guy Fischer s'est déclaré, en premier lieu, très attaché à l'attribution des allocations familiales dès le premier enfant, et a ensuite jugé primordiale une politique de présence des caisses dans les quartiers difficiles.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que le principe de l'étanchéité financière des branches de la sécurité sociale n'avait été respecté par aucun gouvernement. Il a ensuite demandé à Mme Nicole Prud'homme si le conseil d'administration de la CNAF s'était prononcé sur une évolution possible du quotient familial.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur le coût, pour la CNAF, du passage aux 35 heures ainsi que sur les raisons pour lesquelles le renouveau démographique se traduisait par une hausse de la demande de places en crèche et une stagnation de l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (AGED).

M. Gilbert Chabroux a déclaré avoir suivi avec intérêt l'exposé de Mme Nicole Prud'homme. Il s'est interrogé sur les raisons du renouveau des naissances qu'il a attribué, pour sa part, à la politique familiale menée par le Gouvernement. Il a ensuite fait référence au congé de paternité qu'il a considéré comme une avancée sociale des plus importantes. Il a toutefois regretté que rien n'ait été fait en faveur de l'autonomie des jeunes adultes qui restait, selon lui, un secteur de la politique familiale à investir.

Mme Nelly Olin a félicité Mme Nicole Prud'homme pour son élection et a souhaité attirer son attention sur la nécessité d'une présence des caisses d'allocations familiales au plus près des usagers.

En réponse aux différents intervenants, Mme Nicole Prud'homme a souligné, en premier lieu, que le départ du MEDEF rendait nécessairement moins aisé le dialogue entre les différents partenaires du conseil d'administration.

Elle a constaté ensuite que les manipulations comptables exercées au détriment de la CNAF posaient des difficultés juridiques, comptables et informatiques considérables.

En réponse à M. Guy Fischer, elle a observé que l'attribution des allocations familiales dès le premier enfant coûterait une somme trop importante pour être envisagée, au moins dans un premier temps, sans introduire de clauses restrictives.

En réponse à M. Gilbert Chabroux, elle a attribué le regain de natalité aux effets de la croissance économique. Elle a constaté que la femme française était la femme qui travaillait le plus en Europe, tout en ayant le plus d'enfants. Elle a considéré, à ce titre, que, malgré ses carences, la politique familiale permettait aux femmes de travailler, tout en faisant garder leurs enfants.

Elle a toutefois mentionné que l'ensemble des enquêtes prouvait que les foyers français avaient, en définitive, un enfant de moins qu'ils le souhaitaient.

Elle a enfin rendu hommage aux personnels des caisses d'allocations familiales (CAF) qui sont souvent les premiers représentants des services publics à s'installer dans des zones difficiles.

* 1 M. Laurent Fabius, 6 juin 2000.

* 2 DDHC, article 13 « pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est obligatoire : elle doit être répartie entre tous les citoyens selon leurs facultés ».

* 3 Cotisation + imposition et taxes affectées (ITA) nettes des remboursements prestations en compte 1/3.

* 4 Les cotisations familiales sont acquittées par les seules entreprises sur la base de la masse salariale. Nul ne nie cependant qu'il s'agit d'un salaire différé.

* 5 L'assise de la CSG diffère légèrement selon les organismes auxquels elle est affectée.

* 6 Cf. tome IV, exposé des articles, article 25 bis.

* 7 Rapport commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2001, p. 131.

* 8 Mme Élisabeth Guigou, Débats Sénat, 14 novembre 2000, JO p. 5986-5987.

* 9 Réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur à Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF, 28 septembre 2001.

* 10 Cf. II B

* 11 Réponse au questionnaire de la commission des Affaires sociales, 15 octobre 2001.

* 12 La prise en charge par l'Etat des cotisations des titulaires de prestations familiales non couvertes par un régime d'assurance maladie, et de manière totale, celles des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API) et des personnes veuves ou divorcées ayant eu au moins trois enfants à charge visait à la compensation partielle de la diminution de 50 % à 28 % de la part de la taxe de 2 % sur les revenus du capital affecté à la CNAF.

* 13 Cf. 3 ci-dessous.

* 14 Certains petits postes n'étant pas étudiés, un léger écart pourrait apparaître (1 MdF).

* 15 Mme Ségolène Royal, débat AN, 26 octobre 2000, JO p. 7586.

* 16 Réponse de la Cour des comptes aux questionnaires de votre commission, voir annexe- Tome I du présent rapport.

* 17 La prise en charge par l'Etat des cotisations des titulaires de prestations familiales non couvertes par un régime d'assurance maladie, et de manière totale, celles des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API) et des personnes veuves ou divorcées ayant eu au moins trois enfants à charge.

* 18 Cour des comptes, opus cité, p. 240-241.

* 19 Credit revolving : Lignes de crédit fonctionnant en permanence.

* 20 Lettre de M. H. Brin, président de l'UNAF à propos de l'article 29 du présent projet de loi

* 21 Jérôme Cahuzac, Assemblée nationale, rapport n° 3319, p.98

* 22 Rapport d'information n° 382 (2000-2001) sur les fonds sociaux, Quatrième partie Le fonds d'investissement pour les crèches : les limites et les risques d'une opération ponctuelle

* 23 Cf. I - C ci-dessus et Tome IV du présent rapport - Examen des articles.

* 24 Cf. plus haut.

* 25 Bulletin AN, n° 21, 2001-2002, p. 2860

* 26 Assemblée nationale, 3 ème séance du 23 octobre 2001.

* 27 UNAF, communiqué de presse n°12703, 21 septembre 2000

* 28 UNAF, communiqué de presse n°14808, 20 septembre 2001

* 29 Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, déclaration du Gouvernement sur la politique familiale, Sénat, 4 novembre 1997

* 30 cf. plus haut

* 31 Le Monde, mercredi 10 octobre 2001, p. 20.

* 32 Jean-Louis Lorrain : Le fonds d'investissement pour les crèches : les limites et les risques d'une opération ponctuelle, rapport d'information sur les fonds sociaux n° 382, p. 229-230.

* 33 C'est-à-dire un second, troisième enfant ou plus.

* 34 AFEMA, AGED, APE.

* 35 Rapport précisé, p. 348.

* 36 Audition de Mme Nicole Prud'homme par la commission des Affaires sociales, 17 octobre 2001.

* 37 Loi n° 2001-582 du 4 juillet 2001, relative à la création d'une commission placée auprès du Premier ministre, ayant pour objet d'étudier la mise en place d'une allocation pour les jeunes de 16 à 25 ans.

* 38 Septembre 2001 n° 40.

* 39 Lionel Jospin, 12 juin 1998, discours d'ouverture de la conférence de la Famille.

* 40 Lionel Jospin, 7 juillet 1999.

* 41 Source : réponse de la Cour des comptes au questionnaire adressé par la commission des Affaires sociales, cf. annexe.

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