B. L'UNIFICATION NÉCESSAIRE DES INCRIMINATIONS

Comme la délégation pour l'Union européenne, votre commission considère que la création du procureur européen devrait s'accompagner d'une unification des droits pénaux et des procédures et non d'une simple harmonisation des législations nationales. Une telle unification apparaît particulièrement nécessaire pour la définition des incriminations. L'idée d'une instance comprenant notamment des délégués des parlements nationaux et du Parlement européen, chargée de préparer cette unification, pourrait permettre de progresser en associant directement les représentants des peuples.

C. CRÉER UNE CHAMBRE PRÉLIMINAIRE AU NIVEAU EUROPÉEN

En ce qui concerne le contrôle des actes du procureur européen et la décision de renvoi devant une juridiction, la Commission européenne souhaite que ces missions soient confiées à des juges nationaux, dont les décisions seraient reconnues dans toute l'Union.

Un tel renvoi aux juges nationaux pourrait pourtant soulever de graves difficultés . En effet, la création du procureur européen a pour but de faciliter les enquêtes sur l'ensemble du territoire européen en évitant le recours à la coopération judiciaire, qui demeure souvent laborieuse. Si le contrôle des actes du procureur européen est soumis à un juge national, les mêmes difficultés que celles actuellement rencontrées risquent de se reproduire. En outre, le contrôle risque d'être particulièrement difficile à exercer s'agissant d'affaires presque toujours transnationales.

Confier le contrôle de l'acte de renvoi en jugement à un juge national ne protègerait pas les justiciables contre la pratique du « forum shopping », qui consisterait à laisser le choix au procureur européen de renvoyer l'affaire devant les tribunaux de l'Etat où celle-ci aurait le plus de chance d'aboutir à une condamnation.

Dans ces conditions, votre commission, comme la délégation pour l'Union européenne, estime souhaitable que la création du ministère public européen s'accompagne de la création d'une chambre préliminaire au sein de la Cour de justice des Communautés européennes, qui contrôlerait les actes du procureur susceptibles de porter atteinte aux libertés ainsi que l'acte de renvoi en jugement. Cette solution est celle qui a été retenue lors de la création de la Cour pénale internationale.

D. VERS UNE JURIDICTION DE JUGEMENT EUROPÉENNE ?

En ce qui concerne le jugement des affaires, la Commission européenne indique, sans plus de précisions dans le livre vert : « Il n'est pas question de créer une instance juridictionnelle communautaire pour juger du fond . »

Un verdict aussi lapidaire peut étonner. Même en unifiant les incriminations et les échelles de peines, le jugement des affaires de fraudes communautaires par les juridictions nationales ne risque-t-il pas de conduire à des jurisprudences très divergentes ? La situation ne risque-t-elle pas de s'aggraver à la suite du prochain élargissement ? Ces infractions extrêmement complexes n'impliquent-elles pas une spécialisation des juridictions compétentes ?

La proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne du Sénat indique qu'une instance juridictionnelle européenne devrait pouvoir se prononcer sur le fond des affaires. Votre commission souhaite affirmer clairement, qu'à terme, la question de la création d'une juridiction de jugement européenne devra nécessairement être abordée.

Pour préparer le présent rapport, votre rapporteur a rencontré M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation. Celui-ci a estimé nécessaire que la création d'un procureur européen s'accompagne de la création d'une juridiction de jugement pour aboutir à une répression uniforme. M. Canivet a noté que le renvoi aux juridictions nationales soulèverait immanquablement des problèmes pour le regroupement des affaires concernant plusieurs pays. Il a observé que la création du procureur européen n'était pas contradictoire avec l'existence d'EUROJUST dont le champ de compétences est beaucoup plus large.

De la même manière, M. Jean-François Burgelin, procureur général près la Cour de cassation, également entendu par votre rapporteur, a estimé préférable la création d'une juridiction au niveau européen. Il a souligné que les systèmes judiciaires nationaux vivaient souvent dans la méfiance du système judiciaire du voisin. Il a en outre noté la grande diversité des règles applicables dans les différents Etats membres de l'Union, par exemple en matière de constitution de partie civile.

Dans ces conditions, votre commission souhaite préciser clairement qu'à terme la création d'une juridiction de jugement au niveau européen devra être envisagée. L'élargissement de l'Union européenne rendra de plus en plus illusoire la volonté de renvoyer les affaires poursuivies par le procureur européen devant les juridictions nationales.

La juridiction européenne pourrait être une formation de la Cour de justice des Communautés européennes, dont l'autorité et l'indépendance ne sont aujourd'hui contestées par personne. Une autre option consisterait à laisser les juridictions nationales examiner les affaires en première instance, l'appel relevant d'une juridiction européenne.

Votre commission n'ignore pas que les perspectives ainsi dessinées ne pourront se concrétiser que dans de nombreuses années. Mais le rôle du Parlement en matière européenne n'est-il pas de définir les objectifs souhaitables, quand bien même ceux-ci ne pourraient être atteints que bien plus tard ?

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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté une proposition de résolution, dont le texte est reproduit ci-après.

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