PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LES SYMPTÔMES D'UNE CRISE FINANCIÈRE

L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 s'inscrit dans un contexte défavorable, caractérisé par le legs, au nouveau Gouvernement, et par son prédécesseur, de comptes sociaux sinistrés.

Certes, le retournement conjoncturel intervenu à partir de 2001 a contribué à la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale constatée depuis lors.

Toutefois, les effets négatifs de ce retournement conjoncturel ont été considérablement amplifiés et aggravés par :

- l'inertie et l'impéritie du précédent gouvernement, comme le démontre la confrontation entre, d'une part, la réalité des comptes 2001 et 2002, telle qu'elle est aujourd'hui établie et, d'autre part, les comptes prévisionnels adoptés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ;

- et le « gaspillage » délibéré, au profit d'une coûteuse politique de l'emploi (les 35 heures), de l'abondance exceptionnelle de recettes fournie à la sécurité sociale par les dernières années de croissance.

Privée de réserves, dépourvue de mécanismes efficaces de régulation, dans l'attente d'une réforme des retraites constamment ajournée, la sécurité sociale doit, aujourd'hui, affronter une crise financière aux multiples symptômes qu'il convient, toutefois, de replacer dans une perspective de long terme afin de pouvoir déterminer, avec le maximum d'efficacité, les mesures de redressement appropriées.

A. L'HÉRITAGE : DES COMPTES SINISTRÉS

Le chapitre IV de l'annexe c) du projet de loi de financement de la sécurité sociale suscite, généralement, peu d'intérêt de la part des commentateurs.

L'année dernière, ce chapitre présentait les comptes prévisionnels 2001 à 2004 du régime général, reposant « sur l'hypothèse conventionnelle d'une prolongation des évolutions tendancielles des recettes et des dépenses retenues dans les comptes associés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 » .

La comparaison de ces comptes prévisionnels avec les données publiées, cette année, dans le même chapitre de l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (cf. tableau ci-après) met en évidence l'irréalisme et le caractère « virtuel » du projet de loi de financement de la sécurité sociale soumis, par le précédent gouvernement, à l'approbation du Parlement.

Evolution prévisionnelle des recettes et des dépenses du régime général
(Chapitre IV de l'annexe C des projets de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002 et 2003)

(en milliards d'euros)

2001

2002

2003

2004

CNAMTS

PJLFSS 2002

- 1,39

- 1,25

- 1,45

- 0,35

PJLFSS 2003

- 2,04

- 6,01

- 6,92

- 7,32

CNAVTS

PJLFSS 2002

0,99

1,04

1,02

0,95

PJLFSS 2003

1,51

1,65

1,92

1,81

CNAF

PJLFSS 2002

1,4

1,26

1,45

1,77

PJLFSS 2003

1,68

1,08

0,91

1,14

Régime général

PJLFSS 2002

1,01

1,05

1,02

2,37

PJLFSS 2003

1,15

- 3,26

- 3,94

- 4,28

Ainsi, l'année dernière, le Gouvernement prévoyait-il que le régime général serait excédentaire d'un milliard d'euros en 2002 et 2003, cet excédent pouvant même atteindre 2,37 milliards d'euros en 2004 (la branche maladie étant, la même année, proche de l'équilibre).

Un an plus tard, la réalité des comptes de la sécurité sociale est beaucoup plus sombre : encore excédentaire en 2001, le régime général devient lourdement déficitaire les années suivantes, en raison de la dégradation des comptes de l'assurance maladie.

Un tel écart entre prévisions et réalisations ne saurait, à l'évidence, s'expliquer par le seul ralentissement de l'activité économique. En fait, et comme l'avait affirmé votre commission dès la fin de l'année dernière, le précédent gouvernement a voulu voir les comptes de la sécurité sociale tels qu'ils devraient être, et non tels qu'ils sont .

1. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 : un exercice sans signification ?

Dès lors, on est en droit de se demander si la loi de financement de la sécurité sociale adoptée par le Parlement pour 2002 ne fut pas un exercice sans véritable signification.

Avant d'analyser la situation financière actuelle de la sécurité sociale, il paraît donc nécessaire, sinon indispensable, de faire le point sur les comptes actualisés des exercices 2001 et 2002.

a) Les comptes 2001 : une correction de grande ampleur, en dehors de toute saisine parlementaire

A l'occasion de l'examen en nouvelle lecture, au Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, Mme Elizabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, contestant les évaluations chiffrées de la commission des Affaires sociales, annonçait, de manière sibylline, une « bonne surprise » sur les recettes au titre de cet exercice. Elle laissait également entendre que cette « bonne surprise » se traduirait par une augmentation significative de l'excédent prévu en 2001, sans toutefois estimer nécessaire, et alors qu'il en était encore temps, de modifier l'agrégat de recettes correspondant 1 ( * ) .

De ce fait, une révision importante des comptes 2001, tels qu'adoptés par le Parlement, fut effectuée, au début de l'année 2002, et selon une procédure pour le moins inhabituelle .

En janvier 2002, Mme Elizabeth Guigou demande à M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, d'actualiser les comptes prévisionnels de la sécurité sociale pour 2001. Cette actualisation (cf. tableau ci-après) fait passer le solde excédentaire de l'exercice de 0,6 milliard d'euros (3,7 milliards de francs), après adoption de la loi de financement, à 3,9 milliards d'euros (25,5 milliards de francs).

Révision des comptes 2001 du régime général

(extrait du rapport de M. Monier - janvier 2002)

(en milliards de francs)

Droits constatés -2001-
(données provisoires)

CNAMTS

CNAM-AT

CNAVTS

CNAF

Régime général

Résultat net - CCSS 09/2001

- 6,8

2,2

4,7

8,2

8,3

Résultat net LFSS 2002

- 13,3

1,4

6,4

9,2

3,7

Prévisions résultat net - janvier 2002-

- 3,2

2,5

13,1

13,1

25,2

Révisions des recettes (1)

11,6

1,6

7,1

4,1

24,3

Révisions des dépenses (1)

1,5

0,5

0,4

0,2

2,5

(en milliards d'euros)

Droits constatés -2001-
(données provisoires)

CNAMTS

CNAM-AT

CNAVTS

CNAF

Régime général

Résultat net - CCSS 09/2001

- 1,0

0,3

0,7

1,3

1,3

Résultat net LFSS 2002

- 2,0

0,2

1,0

1,4

0,6

Prévisions résultat net - janvier 2002-

- 0,5

0,4

2,0

2,0

3,9

Révisions des recettes (1)

1,8

0,2

1,1

0,6

3,7

Révisions des dépenses (1)

0,2

0,1

0,1

0,0

0,4

(1) Par rapport aux comptes intégrant les mesures inscrites dans la LFSS.

Cette confirmation de la « bonne surprise » annoncée par Mme Guigou s'explique, essentiellement, par 3,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires dont :

- 1,5 milliard d'euros de recettes « effectives » (en raison d'une croissance de la masse salariale de + 6,3 %, au lieu des + 5,9 % prévus initialement) ;

- et 2,2 milliards d'euros de « recettes fictives » résultant de la régularisation comptable , sur 2001, d'une erreur d'évaluation, en comptabilité de droits constatés, des produits restant à recevoir au titre de l'exercice 2000.

Mais la révision des comptes 2001, après leur adoption définitive par le Parlement, ne s'est pas arrêtée là.

En effet, parallèlement, le Conseil constitutionnel, saisi par le Sénat, avait censuré la disposition de la loi de financement pour 2002 visant à annuler, purement et simplement, la dette contractée par l'Etat, à l'égard de la sécurité sociale, au titre du déficit 2000 du FOREC, soit un total de 2,4 milliards d'euros. Constatant l'excédent, fort opportun, de recettes du régime général, le secrétaire général de la Commission des comptes émit, dans le cadre de son rapport précité, l'idée de provisionner la créance de la sécurité sociale dans les comptes 2001 des différentes branches ou régimes concernés . Ainsi fut fait, en février 2002, et hors de toute base législative, sur instruction conjointe du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien entendu, l'inscription de cette provision se traduisit par une diminution, à due concurrence, de l'excédent du régime général. Au terme de ces péripéties, qui furent gérées par le précédent gouvernement en dehors de toute saisine parlementaire, l'excédent actualisé du régime général pour 2001 devrait finalement s'établir à + 1,1 milliard d'euros .

b) Les comptes 2002 : des prévisions irréalistes, dénoncées comme telles par le Sénat, et démenties par les faits

Mais le caractère « virtuel » de la loi de financement de la sécurité sociale adoptée, l'année dernière, par le Parlement, concerne également les comptes 2002 de la sécurité sociale.

En effet, et comme l'avait dénoncé votre commission, les comptes prévisionnels soumis au Parlement par le précédent gouvernement étaient difficilement crédibles, car fondés sur des hypothèses irréalistes :

Comparaison des principales hypothèses retenues pour l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avec les dernières données disponibles (novembre 2002)

Principaux indicateurs pour l'année 2002

Hypothèses PJLFSS 2002

Valeurs actualisées (novembre 2002)

PIB en volume

+ 2,5 %

+ 1 %*

Masse salariale

+ 5 %

+ 3,7 %

ONDAM

+ 3,9 %

+ 7,2 %

* Source : INSEE

Or, si la prévision de l'évolution de l'activité économique (et de la masse salariale) demeure, toujours, un exercice difficile et imprécis, particulièrement en période de retournement de conjoncture, l'irréalisme des hypothèses retenues par le précédent gouvernement est patente et avérée en ce qui concerne la progression de l'ONDAM, compte tenu du rythme de progression des dépenses d'assurance maladie déjà constaté les années précédentes (cf. tableau ci-après).

Evolution des dépenses d'assurance maladie (1999-2002)

Taux d'augmentation en pourcentage

2000

2001

2002 (p)(*)

2003 (p)(*)

Dépenses du champ de l'ONDAM (nettes de la remise conventionnelle)

5,6 %

5,7 %

7,2 %

5,3 % (1)

Dont : Soins de ville

7,8 %

7,2 %

8,3 %

Etablissements

3,5 %

4,3 %

6,1 %

Charges du régime général sur le champ de l'ONDAM

5,9 % (3)

5,9 % (3)

7,4 %

5,9 % (2)

(1) Hors transferts de charges du budget de l'Etat sur l'assurance maladie
(2) , y compris les transferts de charges de l'Etat
(3) évolutions corrigées, les séries comptables étant perturbées par les problèmes d'estimation des provisions pour prestations en 1999.
* : comptes prévisionnels
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

En effet, et comme l'a constaté la Commission des comptes de la sécurité sociale dès l'été dernier, l'aggravation du déficit du régime général prévu pour cette année s'explique, principalement, par la dégradation de sa branche maladie. Les hypothèses irréalistes retenues par le précédent gouvernement expliquent donc que les comptes 2002, tels que soumis à l'examen du Parlement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, s'avèrent très différents de ceux adoptés l'année dernière. Mme Elizabeth Guigou avait alors accusé le Sénat d'avoir « volontairement et grossièrement travesti (la) réalité, peut-être (sic) par esprit partisan » , se rendant coupable d'une « présentation trompeuse des comptes sociaux » 2 ( * ) .

Malheureusement, l'examen des chiffres démontre que, s'agissant des comptes 2002, les craintes de votre commission étaient justifiées (cf. tableau ci-après) .

Révision des comptes 2002 du régime général

(en milliards d'euros)

CNAMTS-AM

CNAMTS-AT

CNAVTS

CNAF

TOTAL

PJLFSS 2002

- 2,00

0,67

0,67

1,64

0,94

LFSS 2002

- 2,12

0,50

1,00

1,00

0,64

CCSS septembre 2002

- 6,08

0,07

1,60

1,08

- 3,27

Or, « l'effet de ciseaux » (ralentissement de la croissance des recettes et dérive des dépenses d'assurance maladie) dont ont souffert les comptes 2002 devrait être amplifié l'année prochaine.

2. Un « effet de ciseaux », dont les effets négatifs sont amplifiés par les errements passés

a) Le retournement de la conjoncture et l'envolée des dépenses d'assurance maladie : deux défis que doit affronter une sécurité sociale exsangue

Dans son rapport de septembre dernier, la Commission des comptes de la sécurité sociale a exposé, en détail, les éléments de la crise financière à laquelle la sécurité sociale est désormais confrontée. Ses principaux paramètres sont les suivants :

- le ralentissement de la croissance de la masse salariale . En effet, « les excédents financiers des trois années 1999-2001 ont été rendus possibles par une dynamique de l'emploi et des salaires inconnue depuis dix ans. Cette situation conjoncturelle exceptionnelle a connu son retournement courant 2001 pour faire pleinement sentir ses effets en 2002. Les prévisions de croissance de la masse salariale pour 2003 (soit + 4,1 %) sont donc en net retrait sur les évolutions des deux années précédentes. Mais elles ne sont pas particulièrement basses. Elles (...) correspondent à peu près à la tendance de long terme de l'économie française. » 3 ( * ) ;

- un léger ralentissement du rythme de progression des charges du régime général en 2003 si l'ONDAM est respecté . « Les charges augmenteraient de 4,7 % en 2003, soit un rythme inférieur d'un point à celui de 2002 les dépenses d'assurance maladie verraient leur rythme ralentir en liaison avec l'objectif de 5,3 % retenu par le Gouvernement. Ce taux d'augmentation est voisin de ceux constatés en 2000 et 2001 (5,6 % pour les deux années), mais sensiblement inférieur à celui de 2002 (+ 7,1 %) » 4 ( * ) ;

- des besoins de financement importants pour le FOREC et le FSV . « Le FOREC devrait connaître un léger excédent en 2002. En 2003, avant toute mesure nouvelle, il dégagerait un déficit de près d'un milliard d'euros. Les prévisions de dépenses prennent en compte le nouveau mode de calcul des allégements à partir du 1 er juillet 2003. Le montant des exonérations de cotisations prises en charge par le FOREC serait de 15,6 milliards d'euros en 2002 (+ 7,9 % par rapport à 2001) et de 16,6 milliards d'euros en 2003 (+ 6,4 %). »

« La situation du FSV est très dégradée . Les pertes de recettes subies depuis 2000 ainsi que l'élargissement du périmètre de ses charges l'ont fragilisé. Le Fonds se retrouverait sans aucune réserve dès la fin de l'année 2002. La conjoncture contribue aussi à cette dégradation : les rentrées de CSG sont moins dynamiques que par le passé et les cotisations vieillesse prises en charge par les chômeurs se sont remises à augmenter. A législation inchangée, le FSV serait déficitaire de 1,4 milliard d'euros en 2002 et de 0,9 milliard en 2003. »

Or, cette situation financière dégradée est amplifiée par les effets néfastes des errements du gouvernement précédent.

Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, votre commission avait analysé avec précision les détournements de recettes et les transferts de charges dont a été victime, ces dernières années, la sécurité sociale afin d'assurer le financement du FOREC.

Sans qu'il soit besoin d'exposer à nouveau, et en détail, cette analyse, il est néanmoins utile de souligner que les effets défavorables de ces circuits financiers accentuent, aujourd'hui, la dégradation des comptes de la sécurité sociale .

En effet, si l'on restitue, à chacune des branches du régime général, pour les années 2000 à 2003, les recettes qu'elles ont perdues, ainsi que les charges qui leur ont été transférées, directement ou indirectement, au titre du financement du FOREC, il apparaît que (cf. graphique ci-après) :

- le solde global du régime général serait encore excédentaire en 2002 et 2003 ;

- compte tenu des évolutions structurelles en cause, le déficit de la branche maladie se creuserait, mais dans des proportions moindres, puisqu'il n'aurait atteint, dans cette hypothèse, « que » - 5,6 milliards d'euros en 2003 (au lieu des - 7,8 milliards d'euros prévus) ;

- les excédents de la branche famille seraient quasiment triplés par rapport à leurs niveaux actuels.

Encore convient-il de préciser que cette évaluation a été réalisée « à minima » , c'est-à-dire sans prendre en compte la non-compensation intégrale, par le FOREC, des exonérations supportées par les caisses en 2000 et, d'autre part, sur la base du montant initial des recettes ou des dépenses transférées. Néanmoins, même dans ce cas, l'ampleur du pouvoir de « nuisance financière » du FOREC sur les comptes de la sécurité sociale est largement démontrée.

Évaluation de l'impact du FOREC sur les soldes du régime général
(2000-2003)

(en millions d'euros)

b) La reconstitution rapide de la dette de la sécurité sociale

La dégradation de la situation financière de la sécurité sociale se traduit par un autre symptôme préoccupant, à savoir la reconstitution rapide de sa dette.

On aurait pu espérer que ce problème soit réglé depuis les réformes mises en oeuvre, en ce domaine, en 1996.

En raison de l'importance de la dette accumulée par la sécurité sociale au titre de ses déficits intervenus depuis le début des années 1990, le Gouvernement de l'époque avait confié le refinancement de cette dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Bénéficiaire d'une recette affectée qui lui est propre, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), la mission initiale de la CADES était :

- d'apurer, sur une durée de treize ans et un mois, la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale, correspondant au financement des déficits des exercices 1994 et 1995 à hauteur de 18,3 milliards d'euros et au financement du déficit prévisionnel pour 1996 à hauteur de 2,6 milliards d'euros ;

- d'effectuer, sur la même période, un versement annuel de 1,9 milliard à l'Etat, au titre de la prise en charge, par ce dernier, de la dette du régime général antérieure à 1994.

En contrepartie de l'allégement de la charge de la dette de la sécurité sociale, et afin d'empêcher sa reconstitution ultérieure, diverses réformes fondamentales avaient été parallèlement engagées en 1996.

La nouvelle majorité élue en 1997 ayant décidé de ne pas persévérer dans cette voie et les comptes du régime général continuant de se dégrader, le gouvernement de l'époque décidait, en 1998, d'étendre la mission de la CADES au refinancement de la dette cumulée par l'ACOSS depuis le 1 er janvier 1996 (11,4 milliards d'euros s'ajoutant aux 2,6 milliards d'euros déjà financés par la CADES en 1996) et au préfinancement du déficit prévisionnel de l'exercice 1998 (1,8 milliard d'euros). En conséquence, la durée de vie de la CADES a été rallongée de cinq ans et le terme de la perception de la CRDS, initialement fixé à janvier 2009, fut reporté à janvier 2014.

Par ailleurs, le versement annuel de la CADES à l'Etat a été réduit, dans la loi de finances pour 2001, à 12,15 milliards de francs (1,85 milliard d'euros) afin de compenser, partiellement, les mesures d'exonération de CRDS sur les indemnités des chômeurs non imposables.

En revanche, la loi de finances pour 2002, en son article 38, a raccourci le calendrier des versements de la CADES à l'Etat, afin d'améliorer, à court terme, la situation budgétaire de ce dernier. La fin de ce versement fut ramenée au 31 décembre 2005, et le montant de chaque échéance annuelle portée de 1,85 milliard à 3 milliards d'euros.

Or, aujourd'hui, et compte tenu de la dégradation rapide des comptes du régime général, et plus particulièrement de sa branche maladie, on constate la reconstitution rapide d'une dette « hors CADES » qui ne laisse pas d'inquiéter. En effet, si on analyse l'évolution, au cours de ces dernières années, des charges et des produits financiers de chaque branche (cf. tableau ci-après) , il apparaît que les charges financières croissantes de la seule branche maladie (qui doublent en quatre ans) « consomment » inexorablement les produits financiers dégagés par les autres branches excédentaires et traduisent, ainsi, la reconstitution d'une nouvelle dette du régime général.

Evolution des charges et des produits financiers du régime général (2000-2003)

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

CNAMTS maladie

charges

204,8

261,1

340

400

produits

6,8

0,9

0

0

CNAMTS AT

charges

-

-

-

-

produits

34,1

56,9

70

55

CNAVTS

charges

3,1

19,3

9

9

produits

67,1

34,6

65,2

65,2

CNAF

charges

0,2

0

0

0

produits

16,7

75,9

110

140

Régime général

charges

208,1

280,4

349

409

produits

124,7

168,3

245,2

260,2

(Les comptes 2002 et 2003 sont prévisionnels)
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Dès lors, les modalités de traitement de cette dette seront l'une des questions essentielles, et incontournables, de ces prochaines années.

c) Le triplement du plafond d'avances de trésorerie autorisées pour 2003

Enfin, l'augmentation de 4 à 12 milliards d'euros (soit un triplement en un an) du plafond des avances de trésorerie autorisées en loi de financement reflète l'acuité de la crise financière de la sécurité sociale.

Au cours de ces dernières années, votre commission s'était constamment étonnée du maintien, à un niveau élevé, de ce plafond d'avances, qui semblait contredire l'optimisme du précédent gouvernement selon lequel « le redressement des comptes est assuré » 5 ( * ) . En 2001, encore, ce plafond fut maintenu à 4,4 milliards d'euros, alors que le « point le plus bas » de la trésorerie du régime, atteint le 1 er octobre, s'est établi à - 1,9 milliard d'euros.

Le plafond d'avances de trésorerie étant la seule disposition normative et contraignante de la loi de financement de la sécurité sociale, peut-être faut-il voir, dans son maintien à un niveau élevé un demi-aveu, de la part du gouvernement précédent, qu'il ne croyait pas totalement, lui-même, à ses propres affirmations concernant le rétablissement de la santé financière de la sécurité sociale...

Quoi qu'il en soit, la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale nécessite, déjà, de réviser à la hausse ce plafond d'avances. En effet, le « point le plus bas » de la trésorerie du régime général, qui fut de - 4 milliards d'euros en octobre dernier, devrait atteindre, selon les estimations de l'ACOSS, - 10,5 milliards d'euros à l'automne 2003, d'où le triplement dudit plafond dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

* 1 En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, faisant également office de loi de financement rectificative pour 2001, elle comportait des agrégats de dépenses et de recettes révisés au titre de cet exercice.

* 2 Débats Assemblée nationale - compte rendu analytique, 1 ère séance du 21 novembre 2001.

* 3 Commission des comptes de la sécurité sociale - rapport de septembre 2002 - page 16.

* 4 Idem p 23.

* 5 Elisabeth Guigou, intervention au Sénat dans le cadre de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, séance du 13 novembre 2002.

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