EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mercredi 8 janvier 2003.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Xavier de Villepin a exprimé son adhésion aux conclusions du rapporteur. Il a considéré que l'objectif principal du projet de loi était davantage un rattrapage de capacités qu'une transformation radicale des choix. Il a observé qu'une annuité complète de crédits avait fait défaut en exécution de la précédente loi de programmation et qu'il était marquant d'observer le dépassement de la France par le Royaume-Uni en matière d'équipements militaires.

Il a remarqué que l'importance des crédits dévolus à notre capacité de dissuasion, qui représente 20 % du titre V, avait été soulignée par certains. Il a, pour sa part, réaffirmé son attachement à la configuration actuelle de notre capacité en ce domaine fondée sur deux composantes et une capacité de simulation.

S'interrogeant sur les modifications à apporter au modèle 2015, s'agissant notamment de la lutte contre le terrorisme, il a estimé que la France présentait un bilan positif pour ce qui est du renseignement humain. Il a ensuite noté que la défense européenne manquait encore de la clarté nécessaire quant à son articulation avec l'OTAN et a fait part de ses inquiétudes à ce sujet. Il a jugé opportun que la commission continue à éclaircir ces questions en s'informant notamment sur les positions britanniques.

Sur les conséquences de la régulation budgétaire annoncée par le gouvernement, il a observé que le non-respect de la loi de programmation obérerait définitivement les possibilités d'un rattrapage de capacité.

Il a souhaité obtenir des précisions quant aux évolutions récentes ayant affecté les choix de l'armée britannique, notamment en matière d'externalisation et de renforcement de la dimension interarmées de certaines fonctions. Il a enfin considéré que les évolutions de GIAT et de DCN ne se faisaient pas à un rythme suffisamment soutenu.

M. Jean-Pierre Masseret a considéré que la dévolution aux armées, par le projet de loi de programmation, de moyens budgétaires plus importants était utile et nécessaire mais a regretté que les concepts qui sont au coeur du processus de programmation n'aient pas été plus radicalement rénovés. Il a estimé que le modèle 2015, dont le maintien avait permis la préservation d'un consensus nécessaire dans la conjoncture politique particulière de la cohabitation, aurait dû faire l'objet d'aménagements plus substantiels, consécutifs à un débat parlementaire sur les grands choix stratégiques. La notion d'esprit de défense devait, par ailleurs, être placée au coeur du débat national, alors que plus de vingt départements français ne connaissent pas de présence militaire autre que celle de la gendarmerie.

Il a souligné que l'Europe de la défense était une question centrale qui concernait la base de notre politique de défense et ne devait pas faire l'économie d'une réflexion sur le rôle de notre dissuasion nucléaire et la possibilité de son extension à la défense de l'Europe. Le rôle de l'OTAN et les choix britanniques rendent également nécessaire un débat sur les grands choix stratégiques, les comparaisons avec l'armée britannique étant inopérantes en l'absence de l'examen attentif des choix importants qu'elle a effectués, notamment quant à son format.

Il a enfin considéré que la loi de programmation n'était pas contrainte par une urgence particulière et a par ailleurs déploré que les menaces bactériologiques et chimiques à l'égard des populations n'aient pas été mieux prises en compte par le projet.

M. Louis Mermaz a fait part de ses inquiétudes sur l'évolution des orientations de la diplomatie française dont il a considéré qu'elle prenait un tour moins volontariste et plus suiviste dans l'attitude adoptée face aux Etats soupçonnés de mener des politiques de développement d'armes de destruction massive. Il a souhaité que la commission puisse entendre à brève échéance le ministre des affaires étrangères sur ces questions.

M. Christian de La Malène a constaté que le modèle 2015 traduisait les fortes ambitions de la France pour ses armées, dans la mesure où ce modèle a été enrichi sans que des choix aient été opérés au détriment de certains programmes et ce, dans un contexte de ralentissement de la croissance économique. L'Allemagne, a-t-il observé, avait revu ses ambitions à la baisse et le Royaume-Uni, tout en dépensant plus que la France pour ses équipements, s'appuyait en outre sur une étroite coopération avec les Etats-Unis. Le choix de la France de l'indépendance imposait un effort financier important sur le long terme, sauf à risquer l'effondrement de notre outil de défense si les tensions sur les crédits s'avéraient trop importantes. Il a considéré que la France était bien isolée dans ses positions en faveur d'une politique européenne de défense indépendante des Etats-Unis et a estimé que l'Europe de la défense semblait assez largement illusoire.

M. Didier Boulaud a fait part de ses inquiétudes sur la position de l'armée française en Côte d'Ivoire à la suite des récentes actions conduites contre nos soldats. Il s'est ensuite interrogé sur l'opportunité d'adopter sans modification le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il a considéré que l'examen au Sénat devait constituer l'occasion de développer des analyses actualisées sur les orientations tracées par le rapport annexé et permettre l'actualisation du Livre Blanc sur la défense.

Mme Hélène Luc a souligné l'attachement du groupe communiste républicain et citoyen à la défense de la France et aux personnels qui la servent et a reconnu la nécessité d'y consacrer les moyens nécessaires. Elle a néanmoins considéré que le projet de loi, qui privilégie la dissuasion et la projection, ne constituait pas une réponse adaptée à la question du terrorisme, qui appelle une politique de développement ambitieuse. Elle a considéré que, dans le monde actuel, les inégalités et l'absence de démocratie constituaient les vrais défis à relever pour garantir la paix et la stabilité. Les missions de service public des armées devraient par ailleurs être mieux prises en compte et elle a indiqué que son groupe préconisait à cet égard la mise en place d'un service civilo-militaire. Elle a estimé que la France avait besoin d'une industrie de défense indépendante et qu'il était essentiel de la conserver. Elle a regretté que des pays européens consacrent leurs crédits de recherche au profit de matériels américains.

Estimant que le projet de loi de programmation militaire ne correspondait pas aux choix de la France pour la paix, elle a indiqué, en conclusion, que le groupe communiste républicain et citoyen voterait contre le projet de loi.

M. Serge Vinçon, rapporteur , a alors apporté les précisions suivantes :

- la construction d'une défense européenne suscite effectivement de nombreuses interrogations et on est loin de l'idéal capacitaire et industriel que l'on pourrait espérer, compte tenu notamment d'expériences décevantes dans la réalisation de certains programmes en coopération, qui ne doivent cependant pas occulter les succès déjà obtenus. Il reste que la France semble parfois bien seule à s'impliquer en faveur d'une défense européenne ;

- les crédits du ministère de la défense devraient normalement être protégés des mesures de régulations budgétaires. Le Chef de l'Etat s'est engagé en ce sens, la mise en oeuvre des crédits prévus étant indispensable au maintien de la cohérence de notre outil de défense ;

- les coopérations interarmées doivent être accentuées pour permettre des économies supplémentaires. Il est par ailleurs nécessaire d'aller plus loin en matière d'externalisation et de confier les tâches sans spécificité militaire à des sociétés civiles ;

- la France doit préserver une industrie de l'armement terrestre. L'Etat a toujours eu vis-à-vis de GIAT une responsabilité particulière en tant qu'actionnaire et principal client, en étant appelé souvent à recapitaliser l'entreprise. Des consultations sont en cours sur les mesures à prendre pour en assurer la pérennité. GIAT Industries doit être une entreprise viable mais, à la différence de DCN, souffre de la faiblesse de son carnet de commandes ;

- le principe d'un débat régulier sur les questions de défense et les grandes orientations stratégiques, comme d'ailleurs sur la politique étrangère, est en effet important ;

- l'engagement professionnel dans les armées est d'une nature spécifique et ne peut être assimilé à la simple intégration dans la fonction publique. Cette différence doit être préservée ;

- comme l'a exposé le Président de la République le 8 juin 2001, notre dissuasion nucléaire contribue aussi à la sécurité de l'Europe et une atteinte portée à nos intérêts vitaux tiendrait compte de la solidarité croissante des pays de l'Union ;

- il y avait urgence à procéder à l'examen du projet de loi de programmation pour assurer le relais de la loi précédente, achevée en 2002, et donner aux militaires et aux industriels une visibilité pour l'avenir ;

- le projet de loi prend en compte la protection face aux menaces bactériologiques et chimiques, notamment pour les troupes déployées ;

- le modèle d'armée 2015 reste ambitieux, c'est pourquoi les échéances fixées par le présent projet de loi de programmation devront être respectées pour préserver la cohérence et la crédibilité de notre outil de défense ;

- le projet de loi de programmation permettra de rattraper certains retards mais ne palliera pas les insuffisances en matière d'aéromobilité, de transport aérien ni le retard pris dans le domaine de la recherche et développement ;

- les orientations générales et les moyens financiers prévus par le projet de loi sont conformes aux attentes. Par ailleurs, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont apporté des précisions utiles. La proposition d'un vote conforme prend en compte cette appréciation ;

- la mission des forces françaises est de préserver et de restaurer la paix. Leur engagement sur des théâtres éloignés s'inscrit dans cette ambition ;

- des moyens supplémentaires au profit des forces spéciales et du renseignement sont développés dans le projet de loi pour assurer la partie militaire de la lutte contre le terrorisme ;

- le statut des entreprises publiques d'armement doit évoluer pour leur permettre des alliances capitalistiques avec des partenaires étrangers.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Le rapporteur a indiqué que l'article premier portait sur l'approbation du rapport annexé au projet de loi, qui décrit les grandes orientations de notre politique de défense et détaille les moyens consacrés à l'effort d'équipement au cours des années 2003-2008, en précisant les cibles retenues et les échéances de commandes et de livraisons.

La commission a adopté l'article premier sans modification.

L'article 2 détermine le montant de chacune des six annuités d'équipement. Les deux premières années, 2003 et 2004, verront des augmentations importantes. La hausse sera plus modérée à partir de 2005. Les crédits d'équipement atteindront 15,08 milliards d'euros en 2008. Ces montants exprimés en euros 2003 seront réactualisés chaque année en fonction de l'indice des prix hors tabac. Les crédits prévus pour la gendarmerie par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure s'ajoutent à cette enveloppe.

La commission a adopté sans modification l'article 2.

Présentant l'article 3, M. Serge Vinçon, rapporteur , a précisé qu'il fixait l'évolution des effectifs civils et militaires du ministère de la défense entre 2003 et 2008. Ceux-ci seront portés de 436 221 en 2002 à 446 653 en 2008, l'article ne précisant pas la répartition des effectifs par armée.

La commission a adopté sans modification l'article 3.

L'article 4 crée le fonds de consolidation de la professionnalisation doté de 572,58 millions d'euros et regroupe les moyens permettant de favoriser la fidélisation, le recrutement et la reconversion du personnel militaire.

La commission a adopté sans modification l'article 4.

L'article 5 permet la prorogation pour la durée de la loi des dispositifs d'aide au départ des officiers et sous-officiers, dits « loi 70-2 » permettant à d'anciens militaires d'intégrer la fonction publique et « loi 75-1000 » permettant aux officiers supérieurs de partir en retraite avec une pension calculée sur l'échelon de solde du grade supérieur.

La commission a adopté sans modification l'article 5.

Le rapporteur a indiqué que l'article 6 autorise le gouvernement à régler, par ordonnances, trois domaines techniques : la régularisation de la situation des jeunes gens qui étaient assujettis au service national et qui n'ont pas été incorporés du fait de sa suspension anticipée ; l'officialisation d'une position de détachement pour continuer de permettre à certains fonctionnaires d'exercer dans les armées (services postaux et trésoreries) ; la pérennisation des commissions de réforme qui continuent de fonctionner pour contrôler les inaptitudes des militaires professionnels. Le gouvernement déposera un projet de ratification dans un délai maximal de neuf mois après la promulgation du projet de loi.

La commission a adopté sans modification l'article 6.

L'article 6bis (nouveau), introduit par l'Assemblée nationale, permet d'étendre à l'ensemble du ministère de la défense un dispositif voté dans le cadre de la LOPSI, visant à améliorer la réalisation de programmes immobiliers, en recourant notamment à la formule du crédit-bail.

La commission a adopté sans modification l'article 6bis (nouveau).

L'article 7 prévoit l'organisation, tous les deux ans, d'un débat au Parlement sur les orientations de la politique de défense et leur mise en oeuvre.

La commission a adopté sans modification l'article 7.

L'article 8 (nouveau), ajouté lors du débat à l'Assemblée nationale, prévoit la présentation au parlement d'un rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation militaire, déposé en même temps que le projet de loi de finances. Il fera l'objet d'un débat.

La commission a adopté sans modification l'article 8 (nouveau).

La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, le groupe socialiste s'abstenant et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre.

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