Rapport n° 10 (2003-2004) de M. Jean-Louis LORRAIN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 octobre 2003

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N° 10

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 octobre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi relatif à l' accueil et à la protection de l'enfance ,

Par M. Jean-Louis LORRAIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 434 (2002-2003)

Enfants.

-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'accueil et la protection de l'enfance constituent des préoccupations majeures des familles et plus largement, de l'ensemble de nos concitoyens soucieux de garantir, à la part la plus fragile de la société, la sécurité à laquelle elle peut légitimement prétendre. Le projet de loi soumis à notre examen se fait l'écho de ces préoccupations et propose, sur certains aspects particuliers de cette question, des réponses pratiques.

La démarche qu'il entreprend a choisi un angle volontairement pragmatique, considérant qu'une réponse n'est adaptée que si les réalités sont connues, les difficultés clairement identifiées et les solutions éventuelles expérimentées. Il faut, en effet, connaître avant d'agir, et c'est toute l'ambition de ce texte.

Les trois axes essentiels d'étude concernent la protection des mineurs en danger, l'accueil des jeunes enfants par une assistante maternelle et le financement des services tutélaires. Pour chacun d'entre eux, le texte propose les premières mesures nécessaires à une meilleure prise en compte des difficultés existantes et à la mise en oeuvre d'une réforme future de plus grande ampleur.

Ainsi, la création d'un observatoire de l'enfance maltraitée, mesure phare du texte, préfigurait dans le propos tenu par M. Christian Jacob, le 14 janvier dernier, devant le Groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée :

« L'objectif n'est pas de recenser pour le plaisir de compter. Mais au contraire, de recenser pour bien traiter.

« Cela suppose bien évidemment de reconsidérer les circuits de signalement, d'adopter des modes de traitement des informations qui permettent un recensement objectif.

« Mais il convient également de privilégier la recherche sur le phénomène de la maltraitance. Cette recherche est nécessaire pour améliorer la formation des professionnels, diffuser les expériences tant en matière de bientraitance que de bonnes pratiques.

Bref, un nouvel outil de pratique sociale au service non seulement des professionnels de l'enfance, mais aussi destiné à une meilleure prise en charge des situations les plus critiques et de l'enfance en général. »

Le présent projet de loi a donc choisi d'agir par étape et propose les premières mesures plus directement opérationnelles dans les différents domaines abordés. D'autres textes, plus ambitieux, suivront, puisque des réformes ont été d'ores et déjà annoncées, concernant notamment le statut des assistantes maternelles, envisagée pour 2004, ou les tutelles, prévue en 2005.

L'objectif est ici de se donner les moyens de trouver des solutions constructives, hors de toute précipitation, et qui seront définies à l'aulne des résultats des premières dispositions mises en oeuvre.

Enfin, à ceux qui estimeraient que ce projet n'affiche qu'une ambition modeste, notamment au regard des exemples tragiques de maltraitance que l'actualité vient une fois encore de mettre dramatiquement en lumière, votre commission répond que, loin de fermer les yeux, le Gouvernement a, tout au contraire, choisi d'ouvrir le débat et d'entreprendre une véritable croisade pour éradiquer ce fléau.

I. PROTECTION DE L'ENFANT : UNE PRIORITÉ ABSOLUE

L'objectif central du présent projet de loi se rapporte à la protection de l'enfant dans les différents cas de figure où il peut se trouver en situation de danger : la maltraitance, l'exploitation au travail et les carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire régulier.

A. LE PHÉNOMÈNE MÉCONNU DE L'ENFANCE EN DANGER

1. Le drame des enfants maltraités

a) Les différentes formes de maltraitance

On considère généralement qu'un mineur est maltraité dès lors qu'il est victime de négligences graves, de mauvais traitements, d'exploitation ou de violences sexuelles.

L'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), dont le rôle est de centraliser des données quantitatives et qualitatives sur le phénomène des enfants en grandes difficultés, distingue deux catégories d'enfants en danger :

- l' enfant dit à risque est le mineur qui « connaît des conditions d'existence risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation ou son entretien, mais qui n'est pas pour autant maltraité ». L'enfant attire l'attention des professionnels par son comportement, son état de santé, ses propos, mais ne présente pas de lésion corporelle ;

- l 'enfant maltraité est l'enfant victime de violences physiques, de cruautés mentales, de négligences lourdes et d'abus sexuels « ayant des conséquences graves sur son développement physique et psychologique ». Dans ce cas précis, l'enfant est victime, ce qui veut dire qu'il souffre de lésions corporelles (plaies, contusions, brûlures, fractures, hématomes...), de carences graves, notamment nutritionnelles, ou de troubles psychologiques.

En l'absence de données complètes et officielles, le problème de l'enfance maltraitée reste difficile à appréhender. Si l'on se réfère toutefois aux derniers chiffres publiés par l'ODAS pour l'année 2001, on relève :

- une légère augmentation des signalements, + 2 %, effectués par les conseils généraux, soit 1.700 signalements supplémentaires par rapport à 2000 1 ( * ) ;

- que 79 % des signalements concernent des enfants en danger et 21 % des enfants maltraités, sur un total de 85.500 signalements.

La typologie des maltraitances en 2001 confirme la tendance esquissée en 2000 : les signalements pour abus sexuels augmentent légèrement, tandis que les signalements pour violences physiques diminuent. Les abus sexuels et les maltraitances physiques sont les premières formes de maltraitance que subissent les enfants, suivies de très près par les négligences lourdes puis les violences psychologiques. Il faut cependant garder à l'esprit que les violences physiques sont plus « faciles » à identifier, du fait de leur visibilité. Les pédiatres s'accordent ainsi à dire qu'il existe deux formes de maltraitance : l'une est active, ce sont les violences physiques, l'autre est passive car d'ordre psychologique.

Types de maltraitance en 2001

Source : ODAS, 2002

Les filles sont plus souvent victimes de maltraitance que les garçons : elles représentent 58 % du total des enfants maltraités et semblent victimes d'un plus grand nombre d'abus sexuels. A contrario , les garçons ont plus de risques d'être maltraités physiquement que les filles. En effet 2 ( * ) :

- les violences sexuelles concernent 75 % des filles et 25 % de garçons ;

- les violences physiques et les négligences graves concernent respectivement 45 % des filles et 55 % des garçons ;

Répartition des enfants en danger selon le type de risque

Source : ODAS, 2002

Enfin, la tranche d'âge la plus touchée par la maltraitance est celle des 6-11 ans ; par ailleurs, on trouve plus d'adolescents que d'enfants de moins de cinq ans dans des situations de risque.

En avril 1999 3 ( * ) , une étude réalisée par l'ODAS montrait que la maltraitance était d'abord une « histoire de famille ». Dans la majorité des cas, ce sont ainsi les parents qui s'avèrent être les auteurs des mauvais traitements. On note également une surreprésentation des familles monoparentales, recomposées, ainsi que des parents inactifs puisque 36 % des enfants en danger relèvent de ces situations familiales. L'inactivité des mères serait un facteur lourd d'augmentation du risque : en effet, huit mères maltraitantes sur dix seraient sans emploi.

Maltraitance : une histoire de famille ?

Source : ODAS, 2002

Concernant les chiffres connus en termes de conséquences de la maltraitance, on admet que 3 à 5 % des enfants maltraités décèdent à la suite de ces actes. Le nombre de décès d'enfants par sévices corporels oscille entre 400 et 700 par an, soit pratiquement deux par jour. Les décès de nourrissons consécutifs à des sévices représentent désormais, en France, la deuxième cause de mortalité infantile, passée la première semaine de vie.

De nombreux enfants qui ont été maltraités conserveront en outre des séquelles définitives, indélébiles graves d'un point de vue neurologique, orthopédique, psychoaffectif ou psychomoteur. Leur épanouissement psychologique et affectif peut être compromis à long terme et il apparaît probable que la maltraitance entraîne des difficultés de socialisation chez certains enfants.

b) Une appréhension partielle de l'ampleur du phénomène

Le dispositif français de protection de l'enfance est particulièrement riche : il constitue le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements auquel il faut ajouter les crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire et au fonctionnement des tribunaux pour enfants. Il souffre cependant de lacunes concernant la connaissance des mauvais traitements subis par les mineurs et l'évaluation de la qualité du dispositif de protection mis en place pour les protéger.

En effet, si le problème de la maltraitance des enfants est bien une réalité comme le montrent ces quelques chiffres, il n'existe pas pour autant de données exhaustives sur cette question. Or, cette mauvaise connaissance du phénomène peut nuire à la mise en oeuvre d'une politique ciblée de lutte contre la maltraitance des mineurs.

Les rapports conjoints des Inspections générales des affaires sociales et des services judiciaires de mars 1995 et juin 2000 et le rapport de l'IGAS de mai 2000, concernant le contrôle de quatre services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, font apparaître les manquements et les insuffisances du dispositif statistique concernant l'enfance maltraitée .

Chaque administration ou service utilise des indicateurs et critères particuliers, et met en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui sont spécifiques. Au niveau local, faute de système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'est pas connu. Les conseils généraux recueillent les informations signalant un mineur en danger et transmettent une partie des signalements au procureur de la République. Cependant, les circuits et les méthodes de recueil, d'évaluation et de transmission au Parquet varient considérablement d'un département à un autre. Les échanges de statistiques entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux restent peu développés sur le territoire national, exception faite de quelques départements pilotes.

Ainsi, si l'ODAS recense, pour l'année 2001, 85.500 enfants qui ont bénéficié d'un signalement aux conseils généraux, et qui se répartissent entre 18.000 enfants maltraités et 67.500 enfants en risque de l'être, on ne connaît toutefois pas précisément le nombre total d'enfants signalés par tous les services et professionnels qui contribuent à la protection de l'enfance en plus des services du département : médecins, hôpitaux, police, gendarmerie, éducation nationale, etc.

De son côté, le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (SNATEM), qui répond à tout moment aux demandes d'informations et de conseils concernant les situations des mineurs maltraités, a reçu près de deux millions d'appels en 2001. Il a transmis aux conseils généraux 5.415 comptes-rendus d'appels concernant des situations de mauvais traitements, présumés ou avérés.

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère chargé des affaires sociales évalue, pour 2001, à 141.000 le nombre de jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance départementale dans le cadre d'une mesure de placement, et à 129.000 ceux qui bénéficient d'une action éducative. On le voit, les chiffres, s'ils montrent tous l'ampleur du problème, sont loin d'être identiques.

En outre, on manque d'éléments sur les enfants qui subissent des violences, sans être signalés ni protégés : à ce jour, il n'existe pas d'enquête sur les violences subies par les enfants, effectuée sur l'ensemble de la population, comparable à celle dont on dispose sur les violences subies par les femmes, ni d'étude de suivi du devenir des enfants qui ont fait l'objet d'un signalement. Or, pour prévenir les récidives de maltraitance, il faut se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

L'amélioration du système d'information et d'évaluation en ce domaine constitue donc un chantier prioritaire. En termes de connaissances, de mise en cohérence des concepts et des statistiques établies à partir de définitions partagées, il apparaît donc nécessaire d'organiser la collaboration entre les organismes concernés.

C'est l'objectif du présent projet de loi qui prévoit la mise en place d'un observatoire national de l'enfance maltraitée chargé de cette mission, afin que les différents acteurs, mieux informés de la situation au niveau national, puissent agir plus efficacement sur le terrain.

2. La réalité des enfants au travail

Mais la maltraitance peut également prendre un visage moins reconnaissable ; c'est notamment le cas de certaines formes de travail des mineurs.

a) Une législation variable

La convention 138 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), qui demeure l'instrument de référence, fixe la norme de base à quinze ans pour l'âge d'admission au travail. Elle prévoit néanmoins un assouplissement à quatorze ans lorsque les institutions scolaires ne sont pas suffisamment développées, et introduit la notion de travaux dangereux pour exiger des limites d'âge supérieures.

En outre, la Charte communautaire de 1989 aligne l'âge minimum d'admission à l'emploi sur l'âge de fin de scolarité obligatoire, qui ne peut en tout cas être inférieur à quinze ans. C'est également l'âge retenu par la directive européenne 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, qui n'a d'ailleurs été transposée dans le droit français qu'en février 2001, après une condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes.

Si le travail des enfants en France est interdit en deçà de seize ans, des dérogations viennent atténuer ce principe, en limitant néanmoins le travail des enfants à des catégories spécifiques ou à des moments pris en dehors du temps scolaire. Ces dérogations correspondent à des objectifs bien déterminés :

- un objectif d'insertion professionnelle ou de découverte du monde du travail : sont concernés les apprentis, les jeunes suivant un enseignement en alternance, les adolescents de plus de quatorze ans effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires ;

- un objectif d'entraide familiale dans les établissements où ne sont employés que des membres de la famille, pour l'essentiel dans le commerce, l'artisanat ou l'agriculture ;

- en outre, sous certaines conditions, le travail des enfants dans les métiers du spectacle et de la publicité est autorisé.

Ces différentes situations expliquent qu'en France, des enfants puissent légalement travailler en deçà de l'âge minimum d'admission à l'emploi de seize ans. Elles relèvent d'un cadre juridique précis, dont le non-respect est passible de sanctions pénales.

b) Des abus certains

Si la législation française offre, en principe, aux enfants en situation de travail une protection réelle, des failles subsistent dans le dispositif.

Hors des cas cités précédemment, les activités impliquant des enfants relèvent de deux catégories :

- leur participation à une activité organisée en marge de la légalité, voire franchement illégale ;

- leur participation à une « activité-source de gains » dont le jeune a la libre disposition ou, au contraire, à une activité dont les revenus sont reversés aux parents, voire à des tiers.

Dans le cas de mineurs de moins de seize ans employés illégalement, le danger provient notamment du travail dissimulé. Si le phénomène est par définition difficile à appréhender, les constats opérés par les services concernés mettent en évidence d'incontestables situations d'exploitation, notamment dans certains ateliers, établissement d'hôtellerie et de restauration, dans le domaine agricole ou encore dans le cadre de l'économie parallèle.

Il peut donc bien s'agir, dans les cas extrêmes, d'enfants en danger, de la même manière que ceux en situation de grave manquement à l'obligation scolaire, les deux phénomènes étant liés dans certains cas.

3. L'aggravation inquiétante de l'absentéisme scolaire

a) Une réalité multiple

L'assiduité scolaire est un devoir, qui s'impose aux enfants scolarisés comme à leurs parents ou tuteurs, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 28 mars 1882 relative à l'obligation de l'instruction, dite « loi Ferry ».

Pour autant, le phénomène de l'absentéisme scolaire est une réalité qui atteint aujourd'hui des proportions inquiétantes. C'est pourquoi différents dispositifs ont été récemment mis en place pour étudier ce problème et y remédier, dans le but de favoriser la resocialisation et la réinsertion des jeunes en rupture avec le système scolaire, à l'instar du programme Nouvelles Chances ou des dispositifs relais.

La typologie des jeunes déscolarisés montre qu'il peut s'agir :

- d'élèves nouvellement arrivés de l'étranger en France, non identifiés ou en situation irrégulière ;

- d'enfants d'origine étrangère scolarisés un temps, puis retirés des établissements scolaires vers 12-13 ans pour travailler en famille ou dans des ateliers clandestins ;

- d'enfants du voyage ;

- d'élèves poly-exclus par décisions de conseils de discipline ;

- d'élèves qui ont fait l'objet d'orientations, notamment dans le cadre de l'adaptation ou de l'intégration scolaire (AIS), et dont la durée de certaines procédures d'affectation ou l'inadéquation des solutions proposées par rapport aux besoins réels ou ressentis (refus des parents, manque de places disponibles, etc.) peut conduire à une déscolarisation de fait ;

- d'élèves qui se sentent en danger en raison de la présence de bandes ou d'élèves de communautés rivales, et sont parfois sujets à une véritable phobie scolaire ;

- de jeunes délinquants en grande rupture sociale ou d'élèves « difficiles » que l'éducation nationale ne peut pas traiter.

Les jeunes les plus fragilisés socialement, psychologiquement et culturellement sont donc aussi les plus touchés par l'absentéisme scolaire. Il apparaît ainsi un lien incontestable entre ce phénomène et l'échec scolaire, qu'il en soit la cause ou la conséquence (85 % des élèves en situation d'absentéisme lourd sont également en échec scolaire), la délinquance et le travail illégal des mineurs de moins de seize ans.

Il semble en outre que le risque de rupture soit plus fréquent lors du passage de la maternelle à l'école primaire, de l'entrée en sixième ou entre le collège et le lycée, ainsi qu'au lycée professionnel.

Il apparaît enfin que le non-respect de l'obligation scolaire est un phénomène complexe, très souvent signe d'un mal-être de l'élève et de souffrances qui peuvent être d'origine scolaire, personnelle ou familiale.

En termes d'évolution, l'enquête nationale sur la santé des adolescents réalisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a révélé une évolution différenciée de l'absentéisme selon le sexe au cours des années 1990 : alors que celui des garçons a faiblement diminué, celui des filles a augmenté, ce qui s'inscrit dans le cadre du constat du développement des troubles du comportement chez les jeunes filles au cours de la décennie (hausse de 10 % du suicide féminin, dépression, etc.).

L'absentéisme scolaire constitue donc un danger pour les jeunes concernés , notamment lorsqu'il est la conséquence de violences scolaires, d'une action délibérée des adultes responsables de l'enfant ou encore d'un emploi illégal. Ainsi, le manquement à l'obligation scolaire peut-il être sanctionné comme une carence éducative de la part des parents au sens du code pénal. En ce sens, c'est aussi une forme de maltraitance et la lutte contre l'absentéisme et le travail des enfants a, à ce titre, toute sa place dans le présent projet de loi.

b) Une augmentation certaine malgré des approches variées

Si son développement est évident, le phénomène n'est pas toutefois connu avec précision, tant les approches et les mesures de l'absentéisme sont diverses. Deux enquêtes récentes présentent une synthèse intéressante sur cette réalité complexe.

D'une part, une enquête menée auprès des chefs d'établissement du second degré sur le dernier trimestre de 1999 recense 0,8 % d'élèves concernés par les absences trimestrielles non justifiées comprises entre douze et quarante demi-journées (le seuil légal est de quatre demi-journées par mois) et 0,1 % d'élèves qui dépassent quarante demi-journées d'absence (absentéisme lourd). Les résultats de cette enquête soulignent par ailleurs la grande variabilité des politiques de signalement des établissements : 60 % des établissements totalisent l'ensemble des signalements d'absentéisme et 30 % d'entre eux signalent de l'absentéisme lourd. L'absentéisme est enfin lui-même concentré puisque 2,5 % des établissements déclarent au moins 1 % d'absentéisme lourd, l'exposition étant supérieure dans les grands établissements et les lycées professionnels. Dans certains lycées de zones sensibles, le taux d'élèves absents plus de quatre demi-journées par mois peut atteindre 20 % des effectifs.

L'extension de ces données est toutefois problématique en raison de la répartition inégale du phénomène, qui s'accroît en général au fur et à mesure de l'année scolaire.

Une seconde enquête, dite ABVI (absentéisme et violence), a été réalisée en octobre dernier par la direction de l'évaluation et de la prospective auprès des inspections académiques pour les années scolaires 2000-2001 et 2001-2002. Elle porte sur l'évaluation des dispositifs législatifs existants et concerne l'ensemble des élèves de six à seize ans.

Il en ressort que :

- 81.700 signalements à l'inspection académique, sur une population totale de sept millions d'élèves, ont été dénombrés en 2001-2002 (soit pour la population collégienne 1,9 à 2,5 % des élèves). L'enquête a notamment révélé des situations et des politiques départementales très diverses. Ainsi, treize départements, tous à dominante rurale, ont-ils déclaré moins de cent élèves alors que, a contrario , les onze départements qui ont déclaré plus de 2.000 signalements concentrent la moitié du nombre total d'élèves signalés. Au demeurant, toute comparaison doit être interprétée prudemment, dans la mesure où les politiques locales diffèrent grandement, du signalement systématique après quatre demi-journées d'absence non justifiées, à la déconcentration des avertissements aux familles, seuls les « réfractaires » étant signalés à l'inspection académique.

Sur les quatre-vingt-douze inspections ayant participé à cette enquête, la hausse des signalements en 2001-2002 par rapport à l'année précédente est de près de 10 % en moyenne. Cette augmentation, qui affecte les deux tiers des départements, est toutefois ambiguë puisqu'elle peut refléter soit un développement de l'absentéisme, soit une attention plus soutenue portée à ce problème par les établissements.

- Les avertissements adressés par l'inspection académique aux familles recensées sont au nombre de 58.300 en 2001-2002 (47.500 en 2000-2001), soit un taux d'avertissement de 70 % après signalement.

Le taux de reprise de scolarité après avertissement s'élève à 65 %. Ce chiffre est cependant difficilement interprétable, du fait de la diversité des pratiques départementales, du faible retour d'information relative à ces reprises en direction des inspections académiques, et du lien de causalité incertain entre l'avertissement et la reprise de la scolarité.

- Le taux de transmission des dossiers à la caisse d'allocations familiales (CAF) ou à la mutualité sociale agricole (MSA) atteint près de 20 % des signalements . Par ailleurs, environ 9.000 suspensions d'allocations familiales par les CAF ou la MSA ont été dénombrées en 2001-2002, dont le tiers dans le seul département de la Seine-Saint-Denis. Il est à noter, à cet égard, que ces données convergent avec celles transmises par la CNAF à votre commission.

- Enfin, le taux de signalement à la justice, rapporté au nombre de signalements à l'inspection académique, est de l'ordre de 5 % , taux quasi stable sur les deux années, alors que les seconds ont parallèlement augmenté de près de 10 %.

L'ampleur atteinte aujourd'hui par le phénomène fait donc douter de l'efficacité des moyens mis en oeuvre jusqu'alors. Le présent projet de loi a pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions mieux adaptées .

B. DES MOYENS DE LUTTE RENFORCÉS POUR ÊTRE PLUS EFFICACES

Ces différentes formes de maltraitance de l'enfant appellent des réponses adaptées de la part des pouvoirs publics : le présent projet de loi, prenant en considération certains aspects de ce phénomène, tente d'y remédier par plusieurs mesures phares.

1. « Repérer pour mieux traiter »

Le texte prévoit, en premier lieu, la mise en place d'un observatoire de l'enfance maltraitée. Cet observatoire sera compétent en matière de recueil et d'analyse des données chiffrées et des études concernant la maltraitance envers les mineurs en provenance des autorités publiques, des établissements publics et des fondations et associations oeuvrant en ce domaine. Il contribuera à une mise en cohérence de ses différentes données et informations et aura pour finalité d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance, d'éclairer les débats et d'aider à la prise de décision dans le but de développer les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance.

L'observatoire constituera, en outre, un appui technique aux observatoires locaux existants et occupera des fonctions d'interface dans le domaine international, notamment en participant aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance. A ce titre, il convient de saluer les initiatives prises par certains départements précurseurs dans la création d'observatoire locaux de l'enfance, qui jouent un rôle essentiel en matière des connaissance des phénomènes de maltraitance sur un terrain et une population donnés.

L'observatoire est donc bien un service d'étude du phénomène à partir des données recueillies auprès des différents acteurs du terrain. Il n'a pas vocation, en revanche, à conduire lui-même des actions, y compris de prévention de la maltraitance.

2. Étendre le rôle des associations

Pour améliorer le dispositif de protection de l'enfant maltraité, le présent projet de loi prévoit d'ouvrir, sous certaines conditions, la possibilité offerte aux associations de se constituer partie civile lors de poursuites engagées contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur un mineur .

Dans cet objectif, il est proposé de modifier le code de procédure pénale au profit de certaines associations dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou victime de toute forme de maltraitance, et de compléter la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir.

3. Redonner toute sa place à l'école

a) Mieux combattre l'absentéisme scolaire

Il est incontestable que l'absentéisme peut parfois être synonyme de maltraitance, ou pour le moins d'une absence de « bientraitance » par indifférence. Or, les diverses ripostes envisagées, et notamment l'instauration d'un dispositif de suspension des prestations familiales en 1966, n'ont pas permis d'obtenir les améliorations escomptées.

C'est pourquoi M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a souhaité mettre en place, en octobre dernier, un groupe de travail composé des représentants des départements ministériels concernés (Education nationale, Famille, Intérieur, Santé), des partenaires sociaux, des associations familiales et de parents d'élèves, ainsi que de représentants des collectivités locales. Ce groupe était chargé d'étudier l'efficacité des mesures existantes et d'examiner les moyens de responsabiliser les familles afin de remédier aux manquements à l'obligation scolaire. Il a formulé les deux observations suivantes :

- Le droit en vigueur en la matière, notamment le décret n° 66-104 du 18 février 1966 relatif au contrôle de la fréquentation et de l'assiduité scolaires et aux sanctions que comportent, au regard du versement des prestations familiales et en matière pénale, les manquements à l'obligation scolaire, se caractérise par une complexité, et parfois une incohérence telles, que son application peut se révéler inefficace ou inéquitable ;

- Le dispositif de suspension des prestations familiales a pu notamment se révéler injuste car celles-ci n'ont pas pour seul objet de financer la scolarité de l'enfant. En outre, toutes les familles ne sont pas touchées de manière identique par cette sanction puisque celles qui n'ont qu'un seul à enfant ne sont pas éligibles aux allocations familiales, qui constituent une part importante des prestations. Enfin, les bénéficiaires du RMI ne sont pas concernés puisque ce dernier augmente en proportion de la baisse des prestations familiales.

C'est pourquoi ce dispositif, mal compris par les parents, est rarement appliqué , en raison notamment des réticences du corps enseignant à signaler certains cas d'absentéisme pour ne pas pénaliser les familles.

Face à un tel constat, le Gouvernement a décidé de donner une impulsion nouvelle à la lutte contre l'absentéisme scolaire avec la mise en oeuvre d'un plan d'action gouvernemental en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles , présenté en conseil des ministres le 26 mars dernier.

Ce plan, dont l'article 3 du présent projet de loi constitue l'un des éléments, s'articule autour de trois axes majeurs :

La clarification des responsabilités

Il s'agit de moderniser les textes et d'assurer la gestion des cas au niveau le mieux adapté à la situation :

l'établissement scolaire reste le lieu privilégié du traitement des absences, du dialogue avec les familles, d'une relation de confiance et de coopération qui assure l'assiduité de l'élève.

Le niveau départemental est le lieu de coordination des différents acteurs et d'harmonisation des pratiques d'établissement ; lorsqu'au bout d'un mois à compter de la première absence non justifiée, l'assiduité de l'enfant n'a pu être rétablie, des solutions adaptées doivent être proposées aux jeunes et à leurs familles (solutions scolaires ou solutions de soutien à la parentalité).

Au niveau judiciaire, le Parquet peut être saisi en dernier recours, si les étapes préalables ont été assurées et que tout a été fait pour trouver des solutions efficaces, en vain.

Il est ainsi prévu une modification du décret n° 66-104 du 18 février 1966 qui permettra de préciser les modalités de contrôle de l'assiduité des élèves soumis à l'obligation scolaire, de privilégier le dialogue avec les parents et de sanctionner plus sévèrement les familles lorsque l'absentéisme perdure malgré les mesures prises.

La mise en oeuvre d'une instance partenariale au niveau départemental

Les préfets de département ont été chargés de constituer cette instance dès septembre 2003 en y associant étroitement les services concernés, notamment l'inspection académique. Cette instance a pour objet d'élaborer des actions de prévention et de promotion des actions de soutien à la responsabilité parentale, notamment par la création d'un « module de soutien à la responsabilité parentale », destiné aux parents dont les enfants ne remplissent pas les obligations d'assiduité, malgré la concertation et le dialogue menés dans l'établissement. Il s'agit d'une pratique sociale nouvelle, tournée vers les familles, afin de les aider à mieux assurer leurs fonctions éducatives.


Les modules de soutien à la responsabilité parentale

La mise en place de modules de soutien à la responsabilité parentale contribue à créer une nouvelle pratique sociale qui s'inscrit délibérément dans le cadre des actions portées par les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP) .

La mise en place des modules de soutien à la responsabilité parentale s'inscrit dans une politique de soutien à la parentalité mettant en oeuvre un partenariat local renforcé. Il est destiné aux parents dont les enfants ne remplissent pas les conditions d'assiduité en dépit de la concertation et du dialogue menés dans l'établissement.

Ces modules seront élaborés sous l'autorité du préfet après concertation avec les acteurs impliqués dans le soutien à la parentalité que sont notamment les CAF, les UDAF ou les associations de parents d'élèves.

Le recours au module de soutien à la responsabilité parentale sera décidé par l'inspecteur d'académie . Il doit s'inscrire le plus tôt possible dans l'histoire scolaire de l'enfant et de sa famille afin que la déscolarisation soit prévenue le plus précocement et qu'il soit remédié aux manquements de l'obligation scolaire relevés par l'établissement avant toute mise en oeuvre d'une procédure judiciaire pouvant aboutir à une sanction.

Le Gouvernement a situé le suivi du module dans une logique de total volontariat des familles , de sorte que le refuser ne saurait, à lui seul, entraîner une sanction immédiate ni être constitutif d'une infraction.

L'inspecteur d'académie garde parallèlement au recours à un module, toute latitude pour saisir le Procureur de la République face aux manquements répétés à l'assiduité scolaire et à l'inertie des parents.

Ainsi, chaque acteur est-il bien conforté sans ambiguïté dans son rôle et sa compétence.

Source : ministère délégué à la Famille

La définition de sanctions plus justes et efficaces

Compte tenu des observations précédentes, il est proposé ici d'abroger le dispositif de sanction fondé sur la suspension des prestations familiales, en raison de son caractère injuste et peu efficace.

Cette mesure est l'un des éléments importants du présent projet de loi. Dans cette perspective, M. Christian Jacob a donné instruction à ses services de ne plus mettre en oeuvre de procédure de suspension des prestations familiales à l'égard des parents dès la rentrée 2003.

En contrepartie, la sanction pénale, applicable aux familles dont l'enfant est en situation d'absentéisme scolaire lourd et qui n'ont pas réagit aux avertissements préalables, sera renforcée. Il s'agit d'une amende d'un montant maximum de 750 euros (création d'une contravention de quatrième classe). En outre, les peines encourues par les employeurs qui font appel au travail illégal des enfants soumis à l'obligation scolaire seront aggravées.

b) Réaffirmer l'interdiction du travail des enfants

Dès 1998, un rapport du ministère de l'emploi relatif au travail des enfants en France 4 ( * ) avait pris la mesure du phénomène et s'était prononcé pour la mise en oeuvre de plusieurs mesures visant à éviter plus efficacement toute forme d'abus de la part d'employeurs peu scrupuleux. Il proposait notamment de veiller au respect du dispositif existant par le renforcement de l'information sur les règles qui encadrent le travail des enfants et par la mise en oeuvre effective des sanctions.

Le présent projet de loi, reprenant certaines propositions de ce rapport, tend à améliorer la législation applicable en matière de sanctions à l'encontre des employeurs illégaux d'enfants, même si les avancées paraissent toutefois timides.

II. ASSISTANTES MATERNELLES : MIEUX ADAPTER L'ACCUEIL À L'ÉVOLUTION DES BESOINS

Le deuxième objectif du présent projet de loi consiste à assouplir les conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles.

A. UN MODE DE GARDE APPRÉCIÉ PAR LES FAMILLES ET ENCOURAGÉ PAR LES POUVOIRS PUBLICS

1. Un compromis privilégié entre la crèche et la garde à domicile

Les estimations dont fait état le récent rapport de Mme Frédérique Leprince réalisé à la demande du Haut conseil de la population et de la famille 5 ( * ) , reprises dans les conclusions du groupe de travail « Prestation d'accueil du jeune enfant » 6 ( * ) mis en place par M. Christian Jacob en vue de la préparation de la dernière conférence de la Famille, indiquent que, sur les 2,27 millions d'enfants de moins de trois ans vivant en France métropolitaine :

- 256.000 sont scolarisés en école maternelle, soit un tiers de la tranche des 2-3 ans ;

- 30.600 sont gardés à leur domicile par une employée familiale, avec le bénéfice de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) ;

- 457.200, soit environ 20 %, sont accueillis par une assistante maternelle, grâce à l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) ;

- 243.600 sont inscrits en crèche, soit 11 % des enfants ;

- 30.000 sont placés à l'aide sociale à l'enfance ;

- enfin, 1,13 million d'enfants sont gardés par l'un des parents, majoritairement la mère, dont 556.000 avec le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation (APE) et 400.000 grâce à l'allocation pour jeune enfant (APJE) ;

- le solde, environ 180.000 enfants, est pris en charge par l'entourage, majoritairement par les grands-parents.

Ainsi, il convient de souligner que l'accueil des jeunes enfants se partage très exactement par moitié entre la garde au foyer par l'un des parents et l'accueil assuré par des personnes extérieures.

Dans ce second cas, il apparaît par ailleurs que l'accueil par une assistante maternelle s'avère être le mode de prise en charge privilégié, choisi par 20 % des parents , devant l'école maternelle, la crèche et la garde à domicile assurée par une employée.

Selon une récente étude menée par les services du ministère des Affaires sociales 7 ( * ) , les familles bénéficiaires de l'AFEAMA sont le plus souvent composées de deux actifs occupés, puisque la bi-activité des parents est observée dans plus de neuf cas sur dix. Deux facteurs jouent sur le choix des prestations : le revenu du foyer et la composition de la famille. Ainsi les bénéficiaires de l'APE sont davantage présents dans les tranches de revenus les plus faibles lorsque plusieurs enfants vivent au foyer et ceux de l'AGED se trouvent plutôt dans les tranches les plus élevées. L'AFEAMA concerne, pour sa part, une majorité de familles comportant un ou deux enfants et ayant une position de revenus intermédiaire, soit une proportion importante des familles.

Le choix du mode de garde par une assistante maternelle apparaît donc constituer une solution intermédiaire attractive, notamment en termes de coût et de facilitation d'accès, entre la crèche et la garde à domicile.

Le recours accru à ce mode de garde s'est d'ailleurs confirmé au cours des dernières années, accompagné de la revalorisation régulière de l'AFEAMA, qui s'établit aujourd'hui entre 66 et 203 euros par mois selon les revenus du ménage.

2. Une solution budgétairement encouragée

Le montant des prestations en faveur de la petite enfance a globalement augmenté, en moyenne de près de 5 % par an depuis 2000, notamment en raison de la hausse considérable des crédits de la branche famille alloués à l'AFEAMA : + 10,4 % en 2000 et 2001, + 10,3 % en 2002 et une prévision de + 7,5 % en 2003.

Un choix politique et budgétaire a donc été clairement opéré au profit de l'AFEAMA , au détriment de l'AGED. En conséquence, le nombre de familles optant pour la garde par une assistante maternelle a augmenté de manière non négligeable. Dans le même temps, la garde à domicile par une employée est devenue désormais quasi impossible pour nombre de familles aux revenus modestes et médians. On peut à cet égard regretter une évolution aussi tranchée de la politique menée dans le domaine de la petite enfance.

Il convient toutefois de noter que l'augmentation du nombre de familles bénéficiaires de l'AFEAMA n'a été que peu affectée par la réforme de cette prestation opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 : celle-ci facilitait l'accès des familles modestes à la garde par une assistante maternelle, par un rapprochement des taux d'effort avec ceux observés en crèche, grâce à la mise en place de trois compléments d'allocations versés sous condition de ressources.

Ainsi, le système de garde par une assistante maternelle est aujourd'hui financièrement intéressant pour de nombreuses familles : pour les plus aisées (à partir de trois SMIC), comme pour les ménages ayant un revenu inférieur à 1,8 SMIC grâce aux compléments. C'est aussi le moins coûteux pour la collectivité.

Le choix du mode de garde par une assistante maternelle a par conséquent été adopté par de nombreux ménages, tant pour des raisons de coût que de confort de l'enfant, qui bénéficie souvent d'une meilleure qualité d'accueil que dans les structures collectives. En outre, les heures d'ouverture de ces dernières apparaissent insuffisantes, notamment le soir, pour beaucoup de parents exerçant une activité professionnelle aux horaires tardifs ou irréguliers.

B. PLUS DE SOUPLESSE POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DES FAMILLES

1. L'apparition de nouveaux rythmes professionnels

Malgré la relative souplesse du mode de garde par une assistante maternelle, en comparaison de la rigidité de fonctionnement de la grande majorité des crèches, le système semble aujourd'hui inadapté à l'évolution des rythmes professionnels des parents qui, pour beaucoup, exercent chacun une activité à temps complet ou partiel.

En effet, depuis dix ans, les temps et les rythmes de travail des familles ont sensiblement évolué et le temps partiel, la semaine de quatre jours, les horaires atypiques se sont développés. Cette évolution s'est accélérée ces dernières années avec la mise en place de la réduction du temps de travail, qui a introduit une flexibilité plus importante de la vie professionnelle pour de nombreux actifs.

En conséquence, les besoins des familles en matière de garde de leurs jeunes enfants ne sont plus désormais systématiquement synonymes d'un accueil pendant l'intégralité de la journée et cinq jours par semaine, rythme qui constituait auparavant la norme de référence.

2. Une demande de garde accrue

Outre la question des horaires de garde, se pose le problème de l'insuffisance de l'offre, due notamment à l'embellie démographique que connaît la France depuis 1995. Depuis cette date, le nombre de naissances est supérieur à 730.000 par an, alors qu'il avait chuté à 711.000 en 1993 et 1994. Cette « performance » est d'autant plus remarquable que le nombre de femmes en âge de procréer diminue depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, comme le confirme l'Institut national d'études démographiques (INED) 8 ( * ) . En conséquence, avec une moyenne de 1,9 enfant par femme (1,79 en 1999), la France se place au deuxième rang de l'Union européenne, derrière l'Irlande.

La demande des ménages en matière de garde d'enfant a donc sensiblement augmenté. Elle se tourne souvent, en cas d'activité professionnelle des parents, vers les assistantes maternelles, la garde à domicile se révélant, on l'a vu, trop coûteuse pour beaucoup de familles et les places en crèches restant trop rares, malgré les récents efforts budgétaires entrepris en ce domaine.

La demande risque encore de croître avec la mise en place de la future prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Annoncée lors de la conférence de la Famille du 29 avril dernier, la PAJE regroupera en une seule allocation les cinq prestations principales existant dans le domaine de la petite enfance et allégera le coût actuel, pour les familles, de la garde de leurs enfants.

Part du revenu consacré à la garde d'un enfant
selon le niveau de revenu et le mode de garde

Revenu mensuel des parents

1 Smic
(912 €)

1,5 Smic
(1.370 €)

2 Smic
(1.830 €)

% du revenu consacré aujourd'hui à la garde par une assistante maternelle

28 %

18,8 %

14 %

% du revenu consacré à la garde par une assistante maternelle avec la Paje

12 %

7,8 %

5 %

Source : ministère délégué à la Famille

On attend donc de cette nouvelle prestation une augmentation probable du nombre d'enfants gardés par une assistante maternelle, du fait d'une meilleure solvabilisation des familles, alors même que les capacités d'accueil sont déjà limitées dans certaines régions, notamment le Sud-Est et la région parisienne.

En effet, beaucoup d'assistantes maternelles ne peuvent répondre à la demande des parents, en raison de la rigidité de leur agrément qui ne les autorise actuellement à garder qu'un maximum de trois enfants, quelle que soit la durée de l'accueil.

C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi prévoit l'augmentation des capacités d'accueil des assistantes maternelles à trois enfants à temps plein, ce qui autorisera l'accueil en temps partiel d'un nombre plus important d'enfants .

En outre, les assistantes maternelles pourront bénéficier d'un rythme de travail plus régulier , puisque la limite de trois enfants pris en charge ne s'appliquera plus que lorsqu'ils seront gardés simultanément. Ainsi, certains parents pourront ne laisser leur enfant en garde que quelques heures par semaine sans que le revenu de l'assistante maternelle en pâtisse.

III. SERVICES TUTÉLAIRES : EXPÉRIMENTER POUR MIEUX RÉFORMER

Le troisième et dernier axe du présent projet de loi s'attache non pas aux mineurs proprement dits, mais à une autre catégorie de personnes fragiles. Il vise l'expérimentation d'une nouvelle forme de financement des services assurant la prise en charge des majeurs sous sauvegarde de justice, sous tutelle, sous curatelle ou sous mesure de tutelle aux prestations sociales. Cette mesure doit être ici considérée dans l'attente d'une réforme ambitieuse des tutelles et curatelles, attendue en 2005.

A. UN DISPOSITIF DE FINANCEMENT À RÉFORMER

1. Le principe du financement « à la mesure »

Près de 600.000 personnes, soit plus de 1 % de la population majeure, se trouvent aujourd'hui sous un régime de protection juridique (mesures civiles, hors tutelle aux prestations sociales adultes). Au 31 décembre 2002, 153.200 d'entre elles étaient sous tutelle ou curatelle d'Etat (TE-CE), 65.000 sous tutelle aux prestations sociales adultes (TPSE) et près de 70.000 étaient prises en charge par des gérants de tutelle hospitaliers.

Le dispositif actuel de financement de ces mesures de protection juridique par les associations tutélaires est constitué, pour l'essentiel, de prélèvements sur les ressources des majeurs protégés, de la tutelle aux prestations sociales financées par les caisses d'allocations familiales (CAF) et d'un complément financier versé par l'Etat. Il s'agit d'un financement par mesure judiciaire qui entraîne, par conséquent, une différenciation des coûts en fonction de la nature de la mesure décidée.

2. Une réforme nécessaire

Ce dispositif de financement a fait l'objet de nombreuses critiques. C'est pourquoi la nécessité d'une réforme d'ensemble du dispositif de protection juridique, réclamée par un certain nombre d'associations tutélaires, a été mise en lumière à la suite notamment des conclusions du rapport des inspections générales (affaires sociales, services judiciaires, finances) publié en juillet 1998 et du rapport Favard 9 ( * ) rendu public en mai 2000.


Les principales propositions du rapport Favard

Renforcer la protection de la personne

Ce renforcement passe par la participation de la personne à la mise en oeuvre de sa protection, dans la mesure de ses facultés.

Réaffirmer les principes de nécessité et de subsidiarité de la mesure

Le rapport propose de supprimer ou de rendre exceptionnelle, la saisine d'office du juge et d'organiser en amont une évaluation médico-sociale des situations individuelles, par une équipe pluridisciplinaire. Une meilleure connaissance du terrain serait favorisée par la déconcentration au niveau local de ces équipes.

Il propose également la création d'une « mesure de gestion budgétaire et sociale » , afin d'assurer un accompagnement social aux personnes en difficulté mais qui ne présentent pas d'altération de leurs facultés personnelles, les empêchant de pourvoir seules à leurs intérêts.

Assurer un meilleur contrôle des comptes rendus par les tuteurs

Cette amélioration passe d'abord par une meilleure formation des tuteurs et par une aide fournie aux tuteurs familiaux pour formaliser ces comptes.

Le rapport propose d'autre part d'améliorer les outils de contrôle à la disposition des juges (inventaire initial du patrimoine, interdiction des « comptes pivots », moyens d'expertise supplémentaires).

Revoir le financement des mesures de protection

Il s'agit surtout d'harmoniser les rémunérations des gérants de tutelle et les prélèvements sur les revenus des majeurs protégés et de mettre en place un financement par dotation globale calculée en fonction de la réalité et de la qualité du service rendu.

Un axe important de la réforme devra concerner le dispositif de financement qui, du fait de ses imperfections, engendre des dérives et des dysfonctionnements. Les disparités et l'inégalité des financements actuellement en vigueur sont ainsi préjudiciables à la fois aux personnes protégées (régime de prélèvement inéquitable), aux opérateurs (allocation inadaptée des ressources) et aux financeurs publics (absence de maîtrise de la dépense).

L'une des imperfections les plus préjudiciables est le financement au « mois mesure ». En effet, ce système de financement ne permet pas d'allouer les ressources en fonction de l'activité réelle des services de tutelle. Il ne prend en compte ni la nature de la mesure, ni sa durée, ni le public concerné. Il a de plus un caractère inflationniste puisqu'il conduit à allouer des ressources en fonction du seul volume de mesures gérées et non de l'activité réelle du service.

B. L'EXPÉRIMENTATION D'UN FINANCEMENT AU SERVICE

Afin de réformer le financement de l'ensemble des mesures de protection juridique, un groupe de travail a été mis en place le 12 novembre 2002. L'une de ses recommandations est la mise en place d'une dotation globale de fonctionnement, de manière à rémunérer la réalité d'un service de protection juridique des majeurs plus que les mesures elles-mêmes.

L'objectif assigné à la mise en place d'une dotation globale de fonctionnement pour le financement des mesures de protection juridique est de pouvoir apprécier, de manière plus précise, dans le cadre d'une procédure budgétaire contradictoire, les besoins réels des prestataires et d'allouer ainsi les ressources de façon plus équitable sur le territoire. Cet objectif ne peut être atteint que si le financeur dispose d'éléments d'appréciation suffisamment nombreux et pertinents.

Or, actuellement, le seul indicateur élaboré par le groupe de travail en matière de financement est une grille de cotation des mesures. Cette grille repose sur un référentiel de prise en charge des mesures élaborées en fonction des trois paramètres considérés comme étant les plus représentatifs d'un niveau de ressources devant être affecté à la gestion de la mesure : la catégorie de la mesure, la durée de la mesure et son lieu d'exercice. Des indicateurs supplémentaires sont nécessaires pour conduire au mieux cet exercice, et notamment, des données relatives à l'activité des associations et à la structuration des charges doivent être disponibles. Ceci suppose que les systèmes d'information des opérateurs soient en mesure de délivrer ces données, ce qui n'est actuellement pas le cas.

La mise en place d'un système de dotation globale requiert donc une préparation technique à la fois des associations et des services déconcentrés de l'Etat. C'est la raison pour laquelle une expérimentation de deux ans est proposée dans l'article 12 du présent projet de loi.

Cette expérimentation a pour objectif de permettre que la première dotation globale reflète les besoins réels des associations au regard des caractéristiques de leur activité. Cela suppose une analyse détaillée de cette activité et sa traduction précise pour chacun des postes de dépense des budgets afférents. A cette occasion, les ressources des associations dont la structure des charges se révélerait non conforme à leur activité devront être adaptées.

L'expérimentation permettra ainsi de disposer d'une base de référence sur laquelle la dotation sera ajustée les années suivantes, en fonction de l'activité des associations.

*

* *

Le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance est donc un texte d'appel, dont les propositions constructives constituent les prémices de réformes plus ambitieuses.

Il s'agit donc de juger cette première étape à l'aulne de ce qu'elle annonce pour l'avenir.

Tel est le voeu que votre commission formule à la veille de l'examen de ce texte en séance publique.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
DISPOSITIONS RELATIVES À L'AGRÉMENT DES ASSISTANTS MATERNELS

Article premier
(art. L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles)
Modification de l'agrément des assistantes maternelles

Objet : Cet article a pour objet d'assouplir les dispositions relatives à la capacité d'accueil des assistantes maternelles.

I - Le dispositif proposé

A. Une profession strictement encadrée

La loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 portant réforme du statut des assistantes maternelles prévoit que l'agrément auquel sont soumises ces dernières pour l'exercice de leur profession précise le nombre et l'âge des enfants qu'elles sont autorisées à accueillir, le caractère permanent ou non de l'accueil ainsi que, le cas échéant, les horaires d'accueil.

Cet agrément est délivré pour une durée de cinq ans par le président du conseil général du département de résidence de l'assistante maternelle. Il est accordé « si les conditions d'accueil garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs accueillis » (article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles).

Ce même article dispose que « le nombre de mineurs accueillis ne peut être supérieur à trois, sauf dérogation accordée par le président du conseil général ». Cette disposition s'applique de manière identique, qu'il s'agisse d'assistantes maternelles permanentes , c'est-à-dire de familles d'accueil qui assurent une mission de service public dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, ou non permanentes , c'est-à-dire de personnes responsables de la surveillance d'enfants pendant les heures de travail de leurs parents.

Dans le cas des assistantes maternelles non permanentes qui prennent en charge des enfants à la journée à leur domicile, cette limite est particulièrement contraignante. En effet, quelle que soit la durée de son accueil, un enfant compte pour une unité. En conséquence, même lorsqu'elles accueillent des enfants à temps partiel, les assistantes maternelles non permanentes doivent respecter la limite de trois enfants accueillis.

On rappellera que le nombre d'assistantes maternelles non permanentes agréées s'élevait à 368.000 au 1 er janvier 2002 sur un total de 420.000 agréments. Le nombre d'enfants accueillis atteint aujourd'hui près de 460.000, soit 20 % des enfants âgés de moins de trois ans.

B. Un assouplissement nécessaire

Cette limitation de l'agrément à un maximum de trois enfants, quel que soit le mode et la durée de l'accueil, apparaît aujourd'hui trop rigide dans le cas des assistantes maternelles à titre non permanent, qui peinent parfois à faire face à la demande des familles.

En effet, celles-ci apprécient ce mode de garde intermédiaire entre la crèche collective et la garde à domicile par une employée et dont le coût peut désormais être plus facilement assumé par des ménages aux revenus modestes grâce à l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) .

La demande est également forte en raison d'une évolution démographique favorable aux naissances depuis 1995 et d'une proportion importante de mères de famille exerçant une activité professionnelle. La proportion de femmes au sein de la population active occupée représente désormais 46,2 %, contre 43,4 % en 1990, et le taux d'activité des mères ayant un jeune enfant à charge n'a cessé de progresser.

Or, la limite de trois enfants apparaît trop rigide pour faire face à une éventuelle augmentation de la demande, en particulier dans les régions où les assistantes maternelles sont déjà en nombre insuffisant. En effet, de nombreux enfants ne sont gardés que quelques heures par semaine, notamment en raison du travail à temps partiel exercé par leurs parents, de la réduction du temps de travail ou encore parce qu'ils commencent à fréquenter l'école maternelle. Ainsi, le temps partiel, contraint ou non, est utilisé par près de 30 % des mères de jeunes enfants.

Types d'horaires des femmes actives occupées vivant en couple
selon l'âge du plus jeune enfant

Type d'horaire

< 3 ans

de 3 à 5 ans

< 6 ans

en % ensemble

Temps complet

62,4

59,3

61,0

62,3

Temps partiel non contraint

30,6

30,8

30,7

28,3

Temps partiel contraint (1)

7,0

9,9

8,3

9,4

Ensemble

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : enquête emploi janvier 1999 INSEE

(1) Le temps partiel contraint se définit par le fait que les femmes travaillent à temps partiel, mais souhaitent travailler davantage et sont disponibles pour le faire.

Dans les régions dans lesquelles l'offre de garde est la plus tendue, certaines familles se voient refuser la prise en charge à temps partiel de leur enfant par une assistante maternelle, pour qui il est plus simple et plus rémunérateur d'accueillir des enfants pour des temps pleins et à un rythme régulier.

En outre, cette situation s'avère pénalisante pour les assistantes maternelles elles-mêmes, dont beaucoup souhaiteraient travailler plus, et qui voient leur revenu diminuer en cas de garde partielle d'un enfant, en se trouvant dans l'incapacité d'en accueillir plus de trois.

Certes, il est déjà prévu une faculté de dérogation accordée par les présidents de conseils généraux, mais en pratique, celle-ci est trop insuffisante pour permettre l'adaptation aux besoins.

C'est pour répondre à une situation qui ne satisfait ni les familles ni les professionnelles que le présent article prévoit l'assouplissement de l'agrément. Il est ainsi proposé de modifier l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles afin que, dans le cadre de l'accueil à titre non permanent, la limite de trois enfants porte sur le nombre de mineurs accueillis simultanément par l'assistante maternelle et ne soit plus conçue comme un nombre total absolu.

Par exemple, elle pourra accueillir - dans la limite d'un maximum de trois enfants simultanément - nominativement six enfants à mi-temps au lieu de trois actuellement. En revanche, lorsque l'accueil à un caractère permanent, la limite de trois mineurs continue à s'appliquer strictement.

Dans les deux cas, le recours à une dérogation du président du conseil général restera toujours possible.

C. Les avantages attendus de la réforme

L'article premier du projet de loi a pour objectif une meilleure prise en compte des besoins des familles, dont les rythmes de travail et, partant, les besoins de garde évoluent. Il anticipe ainsi sur la mise en oeuvre et sur l'évolution possible de la demande.

L'offre de garde par une assistante maternelle sera, en effet, augmentée potentiellement de 15 %, soit un gain escompté de 135.000 places supplémentaires. Les tensions entre l'offre et la demande pourraient, de ce fait, s'atténuer dans certaines régions.

Les répercussions positives de cette réforme sur le niveau d'activité des assistantes maternelles agréées auront, en outre, pour conséquence d'améliorer leur rémunération, sachant que le salaire mensuel net moyen s'élevait, en 2002, à 542 euros, avec de fortes disparités entre les régions.

II - La position de votre commission

Consciente des difficultés rencontrées par nombre de familles pour faire garder leurs enfants et de la précarité de revenu de certaines assistantes maternelles travaillant à temps partiel, votre commission est favorable à l'assouplissement de l'agrément ainsi proposé.

Elle souhaite d'ailleurs rappeler que la profession d'assistante maternelle nécessiterait une réforme de grande ampleur en vue de professionnaliser et de valoriser ce métier, qui constitue, qui plus est, un gisement important d'emplois d'ici à 2010.

Il serait utile, en effet, de mettre en place un statut attractif pour les assistantes maternelles non permanentes, prévoyant notamment un alignement sur le droit commun du travail, un développement des perspectives de carrière par une formation initiale et continue de qualité et une distinction plus claire entre ces deux professions différentes que sont les assistantes maternelles permanentes et non permanentes.

Votre commission appelle donc de ses voeux une réforme rapide des conditions d'exercice de la profession, conformément à l'annonce faite en ce sens lors de la conférence de la famille du 29 avril dernier.

Dans l'attente de cette réforme, votre commission approuve le principe de l'accueil simultané de trois enfants, autorisant la juxtaposition de plusieurs gardes à temps partiel. Elle considère toutefois regrettable, à l'inverse, qu'il ne soit pas prévu de nombre maximum d'enfants pouvant être gardés par une même assistante maternelle.

En effet, une relation privilégiée s'installe normalement entre l'enfant et l'assistante maternelle qui en a la charge, ce qui constitue d'ailleurs, aux yeux des familles, l'un des avantages qualitatifs de ce mode de garde, plus individuel que collectif.

Le fait de permettre qu'un nombre potentiellement illimité d'enfants puissent être accueillis pour quelques heures, même s'ils ne sont que trois en garde simultanément, risque donc d'amoindrir la connaissance qu'a l'assistante maternelle de chacun, d'affaiblir l'attention qu'elle lui porte et d'avoir pour conséquence un accueil de moindre qualité.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à limiter à six le nombre d'enfants pouvant être accueillis par une assistante maternelle non permanente.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 2
Dispositions transitoires relatives à la réforme de l'agrément
des assistantes maternelles non permanentes

Objet : Cet article a pour objet de faciliter la mise en oeuvre de la réforme de l'agrément pour les départements.

I - Le dispositif proposé

A. Les règles applicables à l'agrément des assistantes maternelles

Selon les termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, l'agrément est accordé - ou refusé sur décision motivée - par le président du conseil général.

L'obtention de l'agrément est un préalable obligatoire au fait d'accueillir à son domicile des mineurs moyennant rémunération (article L. 421-8), sauf si l'assistante maternelle entretient, avec ces enfants, un lien de parenté ou d'alliance jusqu'au sixième degré inclus et dans le cas d'un placement par une personne morale de droit public ou privé (article L. 421-11).

La décision du président du conseil général est notifiée à l'assistante maternelle à l'origine de la demande d'agrément, dans un délai de trois mois à compter de cette demande lorsque l'accueil des mineurs n'est pas permanent. Dans le cadre d'un accueil permanent, ce délai est porté à six mois. A défaut de notification de la décision au terme légal, l'agrément est réputé acquis (article L. 421-2).

Ce même article précise que « si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait » . L'agrément peut aussi être suspendu en cas d'urgence. Dans tous les cas, la décision s'appliquant à l'agrément doit être dûment motivée.

Enfin, tous les cinq ans, l'agrément doit être renouvelé et ne peut l'être que si le demandeur a suivi la formation définie à l'article L. 2112-3 du code de la santé publique ou à l'article L. 773-17 du code du travail. En effet, toute assistante maternelle agréée non permanente doit participer, durant au moins soixante heures, dont vingt au cours des deux dernières années de validité de l'agrément, à des actions de formation destinées à l'aider dans sa tâche éducative. Cette formation obligatoire est dispensée par le service départemental de protection maternelle et infantile (PMI).

B. Une transition simplifiée

L'article 2 propose de simplifier la mise en place de la réforme de l'agrément des assistantes maternelles à titre non permanent.

Ainsi, le premier alinéa prévoit que les assistantes maternelles agréées avant la publication de la présente loi pourront demander au président du conseil général la modification de leur agrément. Cette demande est obligatoire pour toute transformation d'un agrément en cours de validité. La modification portera sur le nombre d'enfants pouvant être accueillis simultanément et vaudra pour la durée de validité restant à courir.

En outre, si l'assistante maternelle qui demande la modification de son agrément a suivi la formation prévue à l'article L. 2112-3 du code de la santé publique ou en a été dispensée, le président du conseil général pourra décider que cette modification vaut renouvellement de l'agrément. Le nouvel agrément ainsi modifié sera en conséquence valable pour une durée de cinq années.

Le second alinéa précise que, durant une période d'un an à compter de la publication de la présente loi, la demande de modification d'agrément de l'assistante maternelle sera réputée acceptée, à défaut de notification d'une décision dans un délai de six mois à compter de la réception de cette demande, et non pas trois comme c'est actuellement le cas.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve le principe de ces dispositions transitoires, qui permettront une mise en oeuvre rapide de la réforme de l'agrément sur le terrain.

Les assistantes maternelles qui le souhaiteront, et elles seront nombreuses du fait des contraintes de travail évoquées précédemment, pourront ainsi bénéficier de la possibilité d'accueillir plus de trois enfants à temps partiel sans attendre le renouvellement quinquennal de leur agrément.

Elle s'est interrogée sur l'utilité d'accorder un délai de réponse plus long pour les délivrances d'agrément, à titre transitoire. On pourrait en effet estimer que cette disposition retarderait d'autant l'entrée en application du texte. Elle a considéré, toutefois, que ce délai permettrait de faire face au surcroît de travail qui résultera de cette réforme pour les départements et qu'il était pertinent de laisser le temps nécessaire à l'examen approfondi des demandes pour éviter des refus trop sommairement motivés et dictés par l'urgence.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II
-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE L'ABSENTÉISME SCOLAIRE

Article 3
(art. L. 552-3 du code de la sécurité sociale)
Abrogation de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale

Objet : Cet article a pour objet d'abroger le dispositif administratif de suppression ou de suspension des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

L'article L. 131-1 du code de l'éducation dispose que « l'instruction scolaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans » . Cette obligation s'applique aux enfants, à l'Etat, qui doit assurer les moyens de scolarisation nécessaires, et aux parents ou tuteurs, qui sont responsables du respect de cette disposition, conformément à l'article L. 131-4. Ces derniers doivent notamment faire connaître sans délai, au directeur d'établissement scolaire, les justificatifs de toute absence de l'enfant.

Le manquement à l'obligation scolaire est défini à l'article L. 131-8 du code de l'éducation qui énumère notamment les motifs d'absence réputés légitimes : « maladie de l'enfant, maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications, absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent. Les autres motifs sont appréciés par l'inspecteur d'académie ».

En cas de manquement à l'obligation scolaire, plusieurs sanctions sont applicables :

- au regard du versement des prestations familiales : l'établissement peut signaler l'absence de l'élève à l'inspecteur d'académie qui, après un avertissement à la famille et si les raisons de l'absence ne sont toujours pas connues, peut prévenir l'organisme débiteur des prestations familiales, c'est-à-dire la caisse d'allocations familiales (CAF).

Aux termes de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, les prestations familiales afférentes à l'enfant non assidu peuvent être suspendues à compter du mois de signalement par l'inspecteur. Elles sont rétablies lorsque l'enfant fréquente à nouveau l'établissement pendant un mois.

Lorsque l'absentéisme s'étend, au cours de l'année scolaire, durant quatre demi-journées mensuelles et ce pendant trois mois, consécutifs ou non, ou lorsqu'il s'étend sur plus de dix jours consécutifs dans le mois, les prestations familiales peuvent être supprimées . La reprise des droits s'effectuera après signalement du directeur d'établissement ou avis de l'inspecteur d'académie.

Ce dispositif de suspension ou de suppression des prestations familiales n'est donc pas systématique et dépend des décisions prises par le directeur d'établissement, l'inspecteur d'académie et la CAF concernés. Il est à noter que, dans la pratique, les signalements d'enfants non assidus ont conduit à la suppression des prestations, dans trois cas sur quatre, et à la suspension dans le quart restant.

- en matière pénale : en cas d'échec, malgré la mise en oeuvre de toutes les solutions préalables, dont celle évoquée précédemment, le Parquet peut être saisi en dernier recours par l'inspecteur d'académie. Le non-respect de l'obligation scolaire peut en effet être assimilé à une carence éducative de la part des adultes responsables de l'enfant.

L'article L. 227-17 du code pénal sanctionne ainsi, pour les cas les plus graves, une carence éducative, dont l'absentéisme scolaire n'est qu'un élément : « Le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende ».

B. La modernisation du dispositif de lutte contre l'absentéisme scolaire

Le dispositif fondé sur la suspension ou la suppression des prestations familiales par simple mesure administrative s'est toutefois révélé inefficace, comme l'a déploré le groupe de travail mis en place en octobre dernier sur la question de l'absentéisme scolaire.

D'abord, toutes les familles ne sont pas touchées de manière identique par cette disposition : une grande partie des prestations familiales est constituée des allocations familiales auxquelles ne sont pas éligibles 1,3 million de familles à enfant unique. Par ailleurs, on peut trouver injuste que toute une fratrie se trouve pénalisée par le comportement d'un seul de ses membres. En outre, les conséquences de la mesure sont limitées puisque les prestations sont rétablies dès lors que les enfants sont en vacances scolaires d'été. Enfin, ce dispositif ne peut concerner les bénéficiaires du RMI, puisque celui-ci augmente en proportion de la baisse des prestations familiales. Le lien entre les absences et la sanction est devenu, pour ces motifs, illisible pour beaucoup de familles.

C'est pourquoi le présent article propose d'abroger ce dispositif administratif en supprimant l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.

Cette mesure prend place dans la mise en oeuvre d'un plan ambitieux de lutte contre l'absentéisme scolaire, orienté notamment vers la responsabilisation des familles. Il est prévu l'instauration d'une contravention de quatrième classe, qui sanctionnera par une amende de 750 euros, les familles refusant tout dialogue et qui n'auront pas pris les mesures nécessaires pour que leur enfant de moins de seize ans suive normalement l'enseignement scolaire. L'article L. 227-17 du code pénal est par ailleurs maintenu dans sa rédaction, telle qu'évoquée précédemment.

L'abrogation des retenues sur prestations familiales va donc dans le sens d'une simplification administrative et d'une meilleure compréhension de la sanction par les parents.

Il faut également noter que la disparition de cette sanction administrative n'entraînera pas la démobilisation des caisses d'allocations familiales sur cette question : celles-ci auront un rôle important dans le nouveau dispositif de lutte contre les manquements à l'obligation scolaire, notamment au sein des modules de soutien à la responsabilité parentale.

II - La position de votre commission

Votre commission n'est pas hostile à l'abandon d'une mesure dont la pratique a montré le caractère inéquitable, la faible utilisation et l'efficacité douteuse.

Elle rappelle toutefois que la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs 10 ( * ) avait émis le constat suivant :

« La Caisse nationale d'allocations familiales défend l'idée que la suspension des prestations familiales peut constituer une réponse à l'absentéisme scolaire lorsque des partenariats sont conclus entre l'école et les caisses, comme c'est le cas à Dunkerque, à Douai ou dans les Hauts-de-Seine, et que la mesure revêt un caractère essentiellement préventif, la simple menace se révélant souvent efficace.

« Sans doute peut-on souscrire à cette analyse. Il conviendrait toutefois que de telles actions soient généralisées dès lors que la loi prévoit explicitement la mise en oeuvre de la mesure de suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire.

« Dès lors que la Caisse nationale d'allocations familiales reconnaît que la menace fait plus que la sanction, il conviendrait sans doute de reconnaître au chef d'établissement la possibilité d'envoyer le premier courrier aux parents et d'aviser la caisse d'allocations familiales au cas où celui-ci resterait lettre morte. »

Le choix du Gouvernement diffère certes de cette proposition, mais l'incertitude pesant sur l'étendue de la collaboration de chaque chef d'établissement ne permettait pas d'en assurer le résultat.

Considérant pour autant que la lutte contre l'absentéisme doit être renforcée, votre commission attend donc la mise en place du plan d'action gouvernemental annoncé en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles. Prévu à l'origine pour la rentrée 2003, celle-ci est subordonnée à l'entrée en vigueur de la modification du décret modifiant le décret n° 66-104 du 18 février 1966 relatif au contrôle de la fréquentation et de l'assiduité scolaire et aux sanctions que comportent, au regard du versement des prestations familiales et en matière pénale, les manquements à l'obligation scolaire.

Elle veut toutefois voir, dans l'envoi récent aux recteurs d'académie, préfets et inspecteurs d'académie, d'une directive nationale d'orientation relative aux dispositions du nouveau plan d'action, un signal positif. Elle souhaite, en effet, une mise en oeuvre rapide et uniforme de ces mesures sur l'ensemble du territoire, afin que le présent article ne crée pas une situation d'impunité de fait des familles en cas d'absentéisme scolaire répété.

Sous cette réserve, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel avant l'article 4
(art. L. 211-6 du code du travail)
Prise en compte de l'avis exprimé par le mineur de plus de treize ans
sur l'emploi proposé par une entreprise de spectacles ou de mannequinat

Objet : Cet article additionnel a pour objet de prévoir la prise en compte de l'avis du mineur de plus de treize ans sur la proposition d'emploi qui lui est faite.

Lorsqu'une entreprise de spectacles ou une agence de mannequins souhaite employer des mineurs, elle doit obtenir, au préalable, une autorisation individuelle accordée par le préfet, sur avis conforme d'une commission constituée au sein du conseil départemental de protection de l'enfance, à laquelle est adjoint le directeur départemental du travail et de l'emploi. Cette autorisation n'est toutefois pas requise pour les agences de mannequins titulaires d'une licence et qui ont obtenu un agrément, délivré par le préfet, en vue d'engager des enfants (articles L. 211-6 et L. 211-7 du code du travail).

Votre commission observe que, dans la procédure d'autorisation individuelle préalable, ou d'agrément, il n'est pas prévu de s'assurer du choix de l'enfant lui-même : en l'état actuel de la législation, nul n'est tenu de prendre en compte son opinion, même s'il est en âge de l'exprimer sans ambiguïté.

Or, il n'est pas rare, en droit civil, que l'avis de l'enfant sur des dispositions le concernant doive être recueilli et, le cas échéant, suivi : c'est le cas, par exemple, lors des procédures d'adoption ou de changement de nom, au-delà d'un certain âge, en général treize ans.

Il apparaît de ce fait logique à votre commission d'exiger que l'avis favorable de l'enfant âgé d'au moins treize ans accompagne la demande présentée par l'employeur au préfet et à la commission délivrant l'autorisation et l'agrément.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 4 complétant les dispositions de l'article L. 211-6 du code du travail. Les sanctions prévues par l'article 4 ci-dessous s'appliqueront alors en cas de non-respect de cette disposition.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article additionnel avant l'article 4
(art. L. 211-11 du code du travail)
Application des dispositions relatives à l'exercice, par un mineur, de l'activité de mannequin à l'emploi dans une entreprise de spectacles

Objet : Cet article additionnel vise à compléter les dispositions de l'article L. 211-11 du code du travail afin de les rendre applicables aux enfants employés dans une entreprise de spectacles.

L'article L. 211-11 du code du travail, qui limite le temps de travail des enfants hors périodes scolaires, ne s'applique qu'à ceux exerçant l'activité de mannequin ou y postulant, et non pas aux enfants engagés dans une entreprise de spectacles . Dans les faits, certains peuvent pourtant être amenés, en particulier pendant les mois d'été, à travailler pendant la quasi-totalité de leurs congés.

Or, votre commission considère que ce type d'activité doit aussi être limité en termes de jours travaillés, afin que tout enfant puisse bénéficier de périodes de loisirs et de repos nécessaires à son épanouissement physique et psychologique.

Par conséquent, elle vous propose d'adopter, par voie d' amendement, un article additionnel avant l'article 4 afin de modifier la rédaction de l'article L. 211-11 du code du travail en ce sens. Ainsi, les sanctions prévues et renforcées par l'article 4 ci-dessous s'appliqueront également en cas de non-respect de cette disposition.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 4
(art. L. 261-2 du code du travail)
Renforcement des sanctions pénales en cas d'infraction aux règles régissant le travail des enfants dans les professions ambulantes
et la durée du travail dans le mannequinat

Objet : Cet article vise à aggraver les sanctions pénales applicables aux personnes qui emploient illégalement des enfants soumis à l'obligation scolaire dans le mannequinat ou les professions ambulantes.

I - Le dispositif proposé

A. La législation s'appliquant aux enfants employés comme mannequins ou dans des professions ambulantes

Aux termes de l'article L. 211-7-1 du code du travail, « durant les périodes scolaires, l'emploi d'un enfant scolarisé exerçant l'activité de mannequin et la sélection préalable en vue de cette activité ne peuvent être autorisés que les jours de repos hebdomadaire autres que le dimanche » , sans pouvoir excéder deux jours par semaine. Durant les vacances scolaires, un enfant ne peut exercer le métier de mannequin pendant plus de la moitié de la durée des congés (article L. 211-11).

Dans le domaine des professions ambulantes, notamment celles du cirque, la législation encadre également tout particulièrement l'emploi d'enfants de moins de seize ans.

Ainsi, il est interdit aux parents exerçant un métier du cirque ou d'attraction foraine d'employer leur enfant de moins de douze ans dans une représentation. L'âge minimum est de seize ans lorsque l'employeur n'est pas le père ou la mère (article L. 211-11 précité).

Il est aussi interdit de faire exécuter par un enfant des exercices périlleux ou de lui confier des emplois dangereux pour sa vie, sa santé ou sa moralité.

Est également punissable le fait, pour tout responsable légal d'un enfant de moins de seize ans, de livrer ce dernier à une personne exerçant une profession ambulante telle que acrobate saltimbanque, montreur d'animaux, directeur de cirque ou d'attraction foraine ou de le placer sous la conduite de vagabonds faisant métier de la mendicité, conformément à l'article L. 211-12.

B. Des peines renforcées

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 261-2 du code du travail sanctionne les infractions aux dispositions des articles L. 211-7-1, L. 211-11 et L. 211-12 susmentionnées par une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 3.750 euros.

Il est également précisé que le non-respect de l'article L. 211-12 entraîne, de plein droit, la destitution de la tutelle ou la privation de l'autorité parentale, selon le statut de l'adulte fautif responsable du mineur concerné de moins de seize ans.

Le présent article propose de modifier le premier alinéa de l'article L. 261-2 relatif aux sanctions pénales applicables, en les portant à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende .

Cette modification rapproche la législation applicable au travail illégal d'enfants dans les professions ambulantes et le mannequinat de celle relative aux mannequins majeurs (article L. 796-3) pour la protection de leurs droits (licence d'agence de mannequin obligatoire, contrat de travail, garantie financière en cas de défaillance de l'agence), qui punit les infractions d'une amende identique de 75.000 euros. Toutefois, la peine de prison n'est, dans ce cas, que de six mois puisqu'il s'agit de personnes majeures, donc moins vulnérables.

Ce rapprochement de législation avait déjà été proposé dans le cadre d'un rapport de la direction des relations du travail relatif au travail des enfants 11 ( * ) , publié en 1998 et qui estimait souhaitable que les sanctions pénales prévues dans les domaines de la publicité et du spectacle pour les personnes majeures puissent servir de norme pour le travail illégal des enfants.

III - La position de votre commission

Votre commission est sensible à la nécessité de mieux lutter contre le travail illégal dont peuvent être victimes certains mineurs de moins de seize ans. Il lui apparaît notamment nécessaire d'encadrer tout particulièrement certaines professions dans le domaine du mannequinat et des professions ambulantes, qui peuvent parfois s'avérer à risque pour la santé ou la moralité de l'enfant. Elle approuve donc le renforcement des sanctions pénales applicables aux personnes employant illégalement des mineurs à ce titre et vous demande d'adopter l'article 4 sans modification .

Article 5
(art. L. 261-4 du code du travail)
Renforcement des sanctions pénales en cas d'emploi non autorisé
d'un enfant dans une entreprise de spectacles ou de mannequinat
et d'infraction à la législation sur la répartition de la rémunération de l'enfant

Objet : Cet article a pour objet d'aggraver les sanctions pénales applicables aux personnes employant illégalement des mineurs de moins de seize ans dans le domaine du spectacle ou usant d'une méthode de répartition des fonds correspondant au travail d'un enfant non conforme à la législation en vigueur.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant en matière de travail des mineurs dans une entreprise de spectacles

L'article L. 211-6 du code du travail précise que les mineurs de moins de seize ans ne peuvent être engagés ou produits dans une entreprise de spectacles, de cinéma, de radiophonie ou de télévision, sans avoir fait l'objet d'une autorisation individuelle préalable accordée par le préfet aux conditions définies à l'article L. 211-7.

Cette autorisation individuelle est également obligatoire dans le cadre du mannequinat, sauf si l'agence est titulaire d'une licence et a obtenu un agrément lui permettant de travailler avec des enfants. La licence est accordée pour trois années renouvelables par l'autorité administrative et sa délivrance est surbordonnée à un contrôle de la moralité des dirigeants et de l'activité de l'agence (article L. 763-3).

En outre, aux termes de l'article L. 211-8 de ce même code, une commission constituée au sein du conseil départemental de protection de l'enfance « fixe la part de la rémunération perçue par l'enfant dont le montant peut être laissé à disposition des représentants légaux » . Le surplus est affecté à la constitution d'un pécule géré par la caisse des dépôts et consignations jusqu'à la majorité de l'enfant, sur lequel le président de la commission susmentionnée peut autoriser des prélèvements, en cas d'urgence et à titre exceptionnel.

Toutefois, lorsque, en application des dispositions de l'article L. 211-6 du code du travail, l'emploi d'un enfant n'est pas soumis à une autorisation individuelle, les règles de répartition de la rémunération du mineur sont définies par la décision d'agrément de l'agence de mannequins qui est employeur.

B. Des sanctions renforcées

Dans le dispositif existant, l'article L. 261-4 du code du travail punit les infractions aux dispositions de l'article L. 211-6 relatives à l'obligation de l'autorisation personnelle ou de l'agrément avant l'emploi d'un mineur dans une entreprise de spectacle ou une agence de mannequins, d'une amende de 3.750 euros. En cas de récidive, la peine est portée à quatre mois d'emprisonnement et à une amende de 7.500 euros.

Ces sanctions sont également applicables aux personnes remettant, directement ou indirectement, aux mineurs ou à leurs représentants légaux des fonds dépassant la part fixée selon la procédure de répartition de l'article L. 211-8.

Le présent article modifie l'article L. 261-4 afin de renforcer les sanctions encourues.

Le premier alinéa prévoit ainsi que toute infraction aux dispositions de l'article L. 211-6 (autorisation individuelle ou agrément obligatoires) est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende. Ce faisant, les peines sont alignées sur celles encourues pour la violation d'autres dispositions du droit du travail s'appliquant aux mineurs, proposées précédemment par l'article 4.

En revanche, le second alinéa du nouvel article L. 261-4 ainsi modifié conserve les mêmes sanctions pénales que dans sa précédente rédaction pour ce qui concerne la répartition délictueuse des fonds représentant la rémunération de la prestation du mineur. En effet, si une mauvaise répartition des salaires peut s'avérer malhonnête, elle ne crée pas un réel danger pour l'enfant, à la différence des risques liés au non-respect des autres dispositions réglementant les conditions d'emploi.

II - La position de votre commission

De la même manière que pour le renforcement des peines applicables en cas de travail abusif des enfants dans le domaine du mannequinat et des professions ambulantes, votre commission approuve pleinement l'aggravation des sanctions à l'encontre des personnes employant illégalement des mineurs dans une entreprise de spectacles ou faisant une répartition frauduleuse de leur rémunération.

Elle considère, en outre, que l'harmonisation des sanctions pénales dans ce secteur, par la lisibilité qui en découlera, permettra de faciliter la tâche de l'ensemble des administrations de poursuite et de jugement.

Votre commission vous demande d'adopter l'article 5 sans modification .

Article 6
(art. L. 362-3 du code du travail)
Renforcement des sanctions pénales en cas d'emploi dissimulé
d'un mineur de moins de seize ans et application dans la collectivité territoriale de Mayotte

Objet : Cet article renforce les sanctions pénales à l'encontre des personnes employant clandestinement un mineur soumis à l'obligation scolaire et les rend applicables dans la collectivité départementale de Mayotte.

I - Le dispositif proposé

A. La définition du travail dissimulé

Selon l'article L. 324-10 du code du travail, l'emploi dissimulé peut recouvrir plusieurs réalités. Il peut ainsi s'agir de :

- l'exercice, à but lucratif, d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale ne figurant pas au registre des entreprises ou à celui du commerce et des sociétés (répertoire des métiers en Alsace et Moselle), lorsque cette inscription est obligatoire. Le défaut de déclaration aux organismes sociaux et fiscaux est assimilé à une dissimulation de l'activité ;

- l'absence de déclaration, intentionnelle ou non, de l'embauche d'un travailleur auprès des organismes de protection sociale, mais aussi l'absence de remise d'un bulletin de paie à un employé ;

- la mention, sur le bulletin de paie, d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Le travail dissimulé, totalement ou partiellement, est interdit par la loi (article L. 324-9 du code du travail), de même que le fait d'avoir recours sciemment aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé. Toute infraction à cette législation est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, en application de l'article L. 362-3 du code du travail.

Il s'agit toutefois d'une sanction générale à l'encontre des employeurs coupables de dissimulation de travail, sans qu'il soit prévu de dispositions particulières en cas d'emploi dissimulé d'un mineur de moins de seize ans.

B. Des sanctions renforcées dans le cas d'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire

Le présent article a donc pour objet de mieux protéger les mineurs de moins de seize ans, exerçant un emploi dissimulé, par l'instauration d'une sanction plus sévère à l'encontre de l'employeur.

Ainsi, le paragraphe I de cet article complète l'article L. 362-3 du code du travail par un second alinéa qui prévoit que, en cas d'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, les peines encourues seront alors de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

Outre une protection renforcée des mineurs concernés, ce texte permet d'harmoniser les sanctions pénales encourues en cas de travail illégal des enfants, de la même manière que dans les précédents articles 4 et 5 du présent projet de loi.

Le paragraphe II du présent article rend applicables ces mêmes sanctions dans la collectivité départementale de Mayotte, en complétant en ce sens l'article L. 34-1 du code du travail spécifique à cette collectivité territoriale.

En effet, si le principe de l'assimilation législative concerne les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, où les lois métropolitaines sont applicables de plein droit même si elles peuvent faire l'objet d'adaptations locales, les territoires d'outre-mer, Nouvelle Calédonie et Mayotte sont régis par le principe de spécialité législative.

Ce principe applique à Mayotte, en vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1976. Certes, la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 a fait de Mayotte une « collectivité départementale », qui doit accéder au statut départemental plein et entier à l'horizon 2010, mais elle reste soumise au principe de spécialité législative dans certaines matières, dont le droit du travail.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve le principe d'un renforcement des sanctions pénales encourues par toute personne employant de manière dissimulée un mineur soumis à l'obligation scolaire. On peut, en effet, espérer que la plus grande sévérité de ces mesures leur confèrera un aspect réellement dissuasif et permettra une protection plus efficace des mineurs face à un employeur peu scrupuleux.

En outre, dans la logique des articles 4 et 5, votre commission approuve l'alignement du régime des peines applicables aux infractions dans le domaine du travail des enfants.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III
-
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OBSERVATOIRE
NATIONAL DE L'ENFANCE MALTRAITÉE

Article 7
(art. L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles)
Création d'un observatoire de l'enfance maltraitée

Objet : Cet article a pour objet la création d'un observatoire de l'enfance maltraitée et la définition de ses missions.

I - Le dispositif proposé

A. Une réponse à un réel besoin de connaissance de la maltraitance

Pour éclairer les débats et prendre les décisions qui s'imposent afin d'agir efficacement contre les situations de maltraitance de l'enfant, il apparaît indispensable que les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs concernés soient assurés de disposer de données fiables sur l'ampleur et la nature du phénomène.

Or, on l'a vu, tel n'est pas le cas, malgré l'existence de nombreuses sources d'information qui recueillent et élaborent des données, parmi lesquelles l'observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS), le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (SNATEM), les services de la justice, de la police et de la gendarmerie, les institutions scolaires, hospitalières et médico-sociales. En effet, ces différentes sources ne fournissent pas toujours des éléments cohérents entre eux car ils peuvent obéir à des concepts ou à des finalités différents.

En outre, la France ne dispose pas en l'état actuel d'un dispositif qui lui permettrait de participer de façon fructueuse aux travaux du réseau européen des observatoires nationaux de l'enfance, récemment mis en place par plusieurs Etats membres de l'Union européenne.

La mise en place d'un observatoire de l'enfance maltraitée est ainsi apparue nécessaire dans le but de simplifier et d'homogénéiser les circuits de signalement, d'harmoniser les concepts et les statistiques et de lancer les études et recherches nécessaires à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation d'une politique de prévention et de traitement de la maltraitance envers les mineurs, menée par les acteurs de terrain.

B. Aspects institutionnels et missions du nouvel observatoire

Le présent article propose de créer un observatoire de l'enfance maltraitée et de la mentionner dans l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles relatif au service téléphonique d'assistance (SNATEM).


Les missions du « 119 » - Allo enfance maltraitée (SNATEM)

Quatre missions sont confiées à Allo enfance maltraitée :

1. accueillir les appels d'enfants victimes de mauvais traitements et de toute personne confrontée à des situations de maltraitance pour :

- aider au dépistage des situations de maltraitance à enfant ;

- faciliter la protection de mineurs en danger.

2. Transmettre les informations concernant des enfants maltraités ou présumés l'être aux services des conseils généraux compétents en la matière. Signaler directement au Parquet lorsque l'information recueillie le justifie.

3. Conduire une étude épidémiologique sur l'évolution de ce phénomène.

4. Agir au titre de la prévention des mauvais traitements à enfant.

Le président du conseil général est responsable des mesures à prendre à l'échelon départemental dès réception de l'information transmise par le 119.

Réception des informations : un professionnel est désigné dans chaque département par le président du conseil général pour être le correspondant du SNATEM. Après réception des informations, le correspondant mobilise les services sociaux à des fins d'évaluation des situations, selon le dispositif mis en place par le président du conseil général.

Evaluation des situations : l'évaluation est généralement pluridisciplinaire ; travailleurs sociaux, médecins de PME, puéricultrices et psychologues procèdent à l'établissement d'un diagnostic et cherchent les réponses les plus adaptées.

Mesure de prise en charge : l'évaluation de la situation permet de définir la nature de l'aide à apporter à la famille. Deux types de mesures peuvent être mis en oeuvre après validation par les autorités départementales :

- une prise en charge administrative : intervention éducative à domicile, accompagnement psychologique ;

- une prise en charge judiciaire : assistance éducative en milieu ouvert, tutelle aux prestations sociales, ordonnance de placement provisoire...

Le recours à l'autorité judiciaire est déterminé par la gravité de la situation ou par le refus de collaboration de la famille.

Les services sociaux départementaux sont tenus d'informer le 119 des suites données à chacune des situations révélées. Ces données seront analysées et permettront au service de mener à bien sa mission d'étude.

Source : SNATEM

Le paragraphe I modifie tout d'abord la rédaction du premier alinéa de l'article L. 226-6 afin de préciser que le SNATEM et l'observatoire sont les deux éléments d'un seul et même groupement d'intérêt public (GIP) constitué par l'Etat, les départements et des personnes morales de droit public ou privé.

L'intégration de l'observatoire dans un GIP existant permet ainsi de profiter des partenariats déjà établis avec les principaux acteurs et services concernés par la lutte contre la maltraitance envers les enfants, mais aussi de réaliser des économies d'échelle et de ne pas créer de nouvelles structures, dans un souci légitime de rationalisation de l'action publique.

C'était d'ailleurs la solution préconisée par une note de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) du 14 mars dernier relative à la simplification des procédures et à la suppression de structures.

Il est en outre précisé que le GIP ainsi complété exercera, à l'échelon national, les missions d'observation, d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs maltraités. Toutefois, si les trois premières missions sont bien communes à l'observatoire et au SNATEM, du fait de l'obligation pour ce dernier d'établir une étude épidémiologique annuelle sur les appels reçus, la mission de protection des mineurs maltraités ne concerne que le seul SNATEM, à qui il appartient, le cas échéant, de faire un signalement aux services départementaux de protection de l'enfance.

Ensuite, le paragraphe II du présent article vise à préciser que le second alinéa de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles concerne uniquement les missions dévolues au SNATEM.

Il s'agit ici de faire en sorte que la législation distingue clairement les fonctions « service d'accueil téléphonique » et « observatoire de l'enfance maltraitée » du GIP. Ces fonctions seront en effet assurées par des entités spécifiques aux ressources distinctes.

Enfin, le paragraphe III du présent article traite des missions dévolues au nouvel observatoire qui font l'objet d'un troisième alinéa complétant l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles.

Ce texte accorderait à l'observatoire un rôle de recueil, d'analyse et de mise en cohérence des données chiffrées et des études concernant la maltraitance des mineurs, en provenance des administrations, des collectivités territoriales (y compris, le cas échéant, des observatoires de l'enfance mis en place dans certains départements), des établissements publics et des fondations et associations oeuvrant dans ce domaine. Il contribuerait de ce fait à l'amélioration de la connaissance des phénomènes de maltraitance et au développement des pratiques permettant sa prévention, son dépistage et sa prise en charge.


Les fonctions de l'observatoire de l'enfance maltraitée

Une fonction statistique :

- identification des partenaires produisant des données statistiques concernant l'enfance maltraitée et rassemblement de leurs données chiffrées ;

- mise en cohérence des concepts et des définitions ; échanges sur les procédures de production en vue de leur amélioration ;

- analyse et mise en perspective des données des différentes sources dans un objectif de compatibilité ;

- identification des secteurs non couverts par les producteurs de statistiques.

Une fonction d'études, d'évaluation et de prospective :

- recensement et évaluation des procédures de recueil et de traitement des signalements suivies par les institutions et professionnels en charge de la protection des enfants ;

- identification d'études à réaliser (celles-ci étant menées non par l'observatoire lui-même mais tantôt par des organismes prestataires, tantôt à l'instigation de tel ou tel membre de l'observatoire) ;

- recensement des actions innovantes concernant la lutte contre la maltraitance qui ont fait l'objet d'une évaluation.

Une fonction de documentation :

- recensement des références de travaux d'études et de recherche : publications françaises et étrangères, mémoires et thèses, travaux financés par l'Etat, les collectivités publiques, les fondations et associations ;

- création d'un site web destiné à favoriser l'accès aux statistiques et aux études pour les professionnels, les chercheurs et le public.

Il aura aussi pour mission d'être un appui technique aux observatoires locaux et une interface dans le domaine international, notamment par sa participation aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance.

Source : ministère délégué à la Famille

II - La position de votre commission

Votre commission approuve vivement la mise en place de l'observatoire de l'enfance maltraitée, dont la création est réclamée de longue date par les différents acteurs concernés et qui est indispensable à la mise en oeuvre d'actions cohérentes et efficaces contre la maltraitance envers les mineurs.

Elle considère toutefois que la mise en place de cet observatoire ne saurait suffire à une politique publique ambitieuse de lutte contre l'enfance en danger. Elle appelle ainsi de ses voeux un effort particulier des pouvoirs publics, au niveau national, mais surtout à l'échelle locale, pour améliorer l'action menée par les acteurs concernés et les structures déjà existantes. Il s'agit ainsi de mettre en place un plan national de lutte contre l'enfance en danger incluant des mesures fortes dans le domaine de l'action sociale des départements, de la formation des professionnels et, plus largement, en termes de coordination entre les différents acteurs.

Votre commission se félicite donc du premier pas accompli par la création de l'observatoire et ne doute pas de la volonté politique forte du Gouvernement dans ce domaine. Elle sera néanmoins attentive à ce que le problème soit pris en charge en profondeur dans un délai proche.

Elle vous propose, en outre, d'adopter deux amendements :

- concernant l'intitulé choisi, il lui semble regrettable de restreindre l'objet d'étude attribué à l'observatoire à « l'enfance maltraitée » dans la mesure où il travaillera de manière plus globale sur le phénomène de « l'enfance en danger ». En effet, au-delà de la définition de la maltraitance, les données et statistiques dont disposent de nombreux services amenés à collaborer avec l'observatoire, notamment l'ODAS et les services départementaux de protection de l'enfance, concernent plus globalement l'enfance en danger.

Par ailleurs, il serait plus constructif, si l'on veut d'analyser le phénomène de la maltraitance en profondeur, d'en appréhender les signes précurseurs.

C'est pourquoi votre commission souhaite que ce service soit dénommé plus justement « observatoire de l'enfance en danger » ;

- elle estime que la rédaction du paragraphe III relatif aux missions de l'observatoire doit être précisée, afin qu'il soit clairement établi que ce dernier n'a pas vocation à mettre en oeuvre des pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance. Sa mission consiste seulement à recenser les bonnes pratiques existantes et à les faire connaître à l'ensemble des acteurs concernés sur le terrain.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 8
(art. L. 226-9 et L. 226-10 du code de l'action sociale et des familles)
Application à l'observatoire des dispositions relatives au secret professionnel et au financement du SNATEM

Objet : Cet article étend à l'observatoire les dispositions relatives au secret professionnel et au mode de financement applicables au SNATEM.

I - Le dispositif proposé

A. La législation applicable au SNATEM en matière de secret professionnel et de mode de financement

1. Les conditions d'application du secret professionnel aux agents du SNATEM

Aux termes de l'article L. 226-9 du code de l'action sociale et des familles, le secret professionnel est applicable aux agents du service d'accueil téléphonique dans les conditions prévues par les articles L. 226-13 et L. 226-14 du code pénal. Ainsi :

- la révélation d'une information à caractère secret, est punie d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (article L. 226-13) ;

- en revanche, le secret professionnel ne s'applique pas en cas d'information des autorités judiciaires, médicales ou administratives d'une situation de maltraitance d'un mineur de moins de quinze ans ou d'un majeur qui n'est pas en mesure de se protéger (article L. 226-14). En conséquence, lorsqu'un agent du service d'accueil téléphonique signale le cas d'un enfant maltraité aux services départementaux, il n'est pas tenu au secret professionnel.

Par ailleurs, la collecte, la conservation et l'utilisation des informations recueillies par le service d'accueil téléphonique ne sont autorisées que pour mener des actions de prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et de protection de ces derniers en cas de maltraitance.

2. Le financement du GIP SNATEM

En matière de financement, l'article L. 226-10 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : « outre les moyens mis à la disposition du service par les autres membres constituant le groupement, sa prise en charge financière est assurée à parts égales par l'Etat et les départements ». En outre, « la participation financière de chaque département est fixée par voie réglementaire en fonction de l'importance de la population » .

Le GIP est donc financé par trois sources correspondant à ses différents types de membres : l'Etat, les départements et les fondations et associations oeuvrant directement ou non dans le domaine de l'enfance.

B. L'extension de ces dispositions au GIP élargi à l'observatoire

Le I du présent article étend les dispositions relatives au secret professionnel aux futurs agents de l'observatoire, dans les conditions applicables aux personnels du service d'accueil téléphonique.

Le II étend le mode de financement tripartite du SNATEM à l'ensemble du GIP : l'observatoire sera donc financé à parts égales par l'Etat et les départements et une partie de son budget pourra être assurée grâce à la mise à disposition par les membres associés (fondations et associations).

Le budget prévisionnel de l'observatoire est de l'ordre de 700.000 euros avec la répartition indicative suivante par type de dépenses :

- frais de personnel : une enveloppe de 300.000 euros serait affectée à la rémunération d'une demi-douzaine d'agents, pour partie embauchés à durée indéterminée afin d'assurer la permanence et la continuité du fonctionnement de l'observatoire, les autres personnels étant recrutés à durée déterminée, pour assurer les travaux statistiques, les études et la communication ;

- prestations extérieures : un montant de 300.000 euros serait destiné au financement des études et des recherches ;

- frais généraux de fonctionnement : un budget de 100.000 euros permettrait de couvrir les charges d'assurance, d'entretien, fournitures, d'affranchissement, de téléphone, de loyer, de déplacements et de frais de mission.

II - La position de votre commission

Partageant ce souci de cohérence et d'efficacité, votre commission approuve l'extension, à l'ensemble du GIP élargi à l'observatoire, des dispositions applicables au SNATEM en matière de secret professionnel et de financement.

Il convient de noter que, en conséquence des modifications proposées pour l'article 7, l'article 8 doit être modifié pour tenir compte du changement du nom de l'observatoire en « observatoire de l'enfance en danger ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE IV
-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA CONSTITUTION
DE PARTIE CIVILE DES ASSOCIATIONS OEUVRANT
DANS LE DOMAINE DE L'ENFANCE MALTRAITÉE

Article 9
(art. 2-2 du code de procédure pénale)
Constitution de partie civile par des associations
dans les cas de violence exercée contre des victimes majeures

Objet : Cet article modifie l'article 2-2 du code de procédure pénale afin d'en réserver les dispositions aux constitutions de partie civile des associations luttant en faveur des majeurs victimes de violences sexuelles ou familiales.

I - Le dispositif proposé

A. Les dispositions actuelles de l'article 2-2

Aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale, « l'action civile en réparation d'un dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction » . Toutefois, pour certaines infractions, des associations peuvent exercer les droits reconnus aux victimes en se constituant partie civile.

L'article 2-2 du code de procédure pénale précise les conditions de mise en oeuvre de ce droit dans les cas où l'infraction est assimilée à une violence sexuelle ou à une violence exercée sur un membre de la famille, quel que soit l'âge de la victime.

Pour pouvoir se porter partie civile, l'association doit remplir deux conditions préalables : être régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de survenance des faits et comporter dans son objet statutaire, la lutte contre les violences sexuelles ou les violences exercées contre un membre de la famille.

L'association qui répond à ces critères peut ensuite agir en qualité de partie civile si l'infraction dont il est question concerne « les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne, les agressions et autres atteintes sexuelles, l'enlèvement et la séquestration et la violation de domicile ».

L'article 2-2 du code de procédure pénal impose, en outre, aux associations souhaitant se porter partie civile une troisième condition puisque l'accord express de la victime est un préalable obligatoire. Si la victime est mineure, cet accord doit être donné par le titulaire de l'autorité parentale, son représentant légal ou, à défaut, par le juge des tutelles.

Cette dernière condition n'est toutefois pas exigée lorsque les faits se sont déroulés à l'étranger et qu'il est fait application des articles du code pénal concernant le tourisme sexuel (articles 222-22 et 227-27-1).

B. Les modifications prévues

Le présent article modifie la rédaction de l'article 2-2 du code de procédure pénale pour ne plus désormais concerner que les victimes majeures à la date des faits.

On notera que le choix d'une limitation de ces dispositions aux victimes majeures est cohérent avec l'objet premier de leur mise en place : il s'agissait en effet à l'origine de permettre aux associations, ayant pour objet statutaire la lutte contre le proxénétisme et la défense des droits de femmes, de se constituer partie civile pour aider les victimes d'agressions sexuelles. Dans la mesure où la loi prévoit des dispositions spécifiques pour les violences sexuelles sur mineurs, il est légitime de « réserver » aux associations agissant pour le compte de victimes majeures les dispositions de l'article 2-2 du code de procédure pénale.

En conséquence, la rédaction proposée pour l'article 2-2 ne fait plus état des infractions ou conditions de saisine qui concernaient l'hypothèse où la victime était mineure.

Cette disposition aura néanmoins pour conséquence d'obliger les associations qui souhaiteront agir en matière de violences sexuelles sur mineurs, à modifier leur objet statutaire pour y intégrer spécifiquement la défense ou l'assistance de l'enfant en danger.

La seconde innovation est la prise en compte des cas particuliers où la victime est un majeur protégé : l'accord donné à l'association pour lui permettre de se constituer partie civile émane du représentant légal de la victime.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve la spécialisation des dispositions de l'article 2-2 du code de procédure pénale aux associations souhaitant se porter partie civile en soutien d'une victime majeure.

Toutefois, s'il apparaît effectivement nécessaire de prendre en compte le cas particulier des majeurs protégés en prévoyant que c'est alors à son représentant légal d'autoriser l'association à agir, le problème demeure si c'est ce dernier qui est présumé fautif des violences ou s'il ne peut ou ne veut intervenir.

Ce point avait notamment été souligné par la commission d'enquête sénatoriale sur la maltraitance des personnes handicapées :

« La famille de la personne handicapée peut (...) ne pas être en mesure de l'assister au cours de la procédure, soit parce que celle-ci a disparu - les situations de ce type risquant d'être de plus en plus fréquentes, du fait du vieillissement de la population handicapée -, soit parce que, du fait de pressions extérieures ou d'intérêts divergents, elle ne défend pas complètement les intérêts de la victime. »

Forte de ce constat, votre commission vous propose donc d'adopter un amendement permettant aux associations concernées de se porter partie civile lorsque la victime est un majeur protégé et que son représentant légal n'est pas en mesure de donner son accord. L'autorisation pourrait être alors donnée par le juge des tutelles, ainsi que l'article 2-2 du code de procédure pénale le prévoit aujourd'hui pour les mineurs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 10
(art. 2-3 du code de procédure pénale)
Constitution de partie civile par des associations dans les cas de violences exercées contre des victimes mineures

Objet : Cet article a pour objet d'élargir les conditions de constitution de partie civile des associations lorsque la victime est mineure.

I - Le dispositif proposé

A. Des conditions strictes encadrent aujourd'hui l'action des associations

L'article 2-3 du code de procédure pénale fixe les conditions qui s'appliquent aux associations souhaitant se porter partie civile dans les cas où la victime de l'infraction est mineure.

De la même manière que pour l'article 2-2, l'association doit d'abord être régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits litigieux.

Ensuite, son statut doit préciser qu'elle a pour objet de défendre ou d'assister les enfants martyrisés ou les mineurs victimes d'atteintes sexuelles.

Enfin, elle ne peut se porter partie civile que pour des infractions limitativement énumérées par la législation, soit « les tortures et actes de barbarie, les violences et agressions sexuelles commis sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs ». Ce dernier type d'infractions peut notamment concerner le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur (article 227-22 du code pénal).

Si l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal de la victime n'est pas un préalable nécessaire à sa constitution de partie civile, l'association ne peut que se joindre à une l'action publique déjà engagée par la partie lésée ou le ministère public, et non la déclencher.

B. Une adaptation nécessaire du droit existant aux nouveaux types d'infractions

Or, au regard du type d'infractions commises à l'heure actuelle à l'encontre de mineurs, le dispositif de l'article 2-3 du code de procédure pénale est apparu incomplet, puisqu'il ne permet notamment pas aux associations de se constituer partie civile pour :

- des infractions pour lesquelles la victime n'est pas identifiée tels la fixation, l'enregistrement ou transmission en vue de la diffusion de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique ;

- des faits d'infanticide, d'homicide, d'enlèvement et de séquestration, et d'exhibition sexuelle sur des personnes mineures.

Le présent article propose en conséquence de modifier les dispositions de l'article 2-3 du code de procédure pénale afin d'élargir le type d'infractions pour lesquelles une association peut se porter partie civile.

Le deuxième aliéna du présent article ouvre tout d'abord cette possibilité aux associations dont l'objet statutaire comporte « la défense ou l'assistance de l'enfance en danger et victime de toutes formes de maltraitance » , soit bien au-delà de la seule défense des enfants martyrisés ou victimes de violences sexuelles comme actuellement.

Les infractions qui peuvent faire l'objet d'une constitution de partie civile sont également plus nombreuses puisqu'elles concernent désormais « les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur » , dont la liste est ensuite strictement énumérée. Ont ainsi été intégrées par le présent article les infractions suivantes : les atteintes volontaires à la vie, dont l'empoisonnement (article 221-5 du code pénal) ; les appels téléphoniques malveillants ; la menace de commettre un crime ou un délit contre la personne ; l'exhibition sexuelle ; le harcèlement sexuel ; l'enlèvement et la séquestration ; la fixation, l'enregistrement et la transmission, en vue de sa diffusion, de l'image ou de la représentation à caractère pornographique d'un mineur ; le transport, la fabrication et la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique lorsqu'il est susceptible d'être vu par un mineur.

Le troisième alinéa prévoit en revanche une condition supplémentaire à la constitution de partie civile d'une association en exigeant que celle-ci obtienne au préalable l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal, sauf quand il est fait application des dispositions relatives au tourisme sexuel (articles 222-22 et 227-27-1 du code pénal).

Cette condition est le pendant à la possibilité désormais accordée aux associations de se porter partie civile sans action préalable du ministère public ou de la partie lésée.

II - La position de votre commission

Les questions soulevées par cette modification du code de procédure pénale sont complexes.

En effet, l'évolution proposée constitue une nouvelle étape dans la privatisation de l'action publique. Actuellement, les cas dans lesquels les associations peuvent elles-mêmes mettre en mouvement l'action publique, sans que le Parquet ou la partie lésée agissent, sont peu nombreux. En outre, ces dernières années, le législateur a plutôt essayé de faire en sorte que les associations se joignent au procès plutôt que de le provoquer elles-mêmes.

Toutefois, plusieurs affaires récentes relatives à des infractions à l'encontre de mineurs amènent aujourd'hui le législateur à constater que l'action propre des associations peut être utile, notamment lorsque la victime n'est pas identifiée. Il s'agit par exemple de la production ou de la diffusion d'images pédopornographiques.

En conséquence, la modification proposée pour la procédure de l'article 2-3 se justifie mais elle mérite toutefois d'être mieux encadrée et précisée.

C'est pourquoi votre commission vous propose quatre amendements destinés à :

- compléter la liste limitative d'infractions pour lesquelles une association peut se porter partie civile en y intégrant la mise en danger de la personne, les atteintes à la dignité de la personne (recours à la prostitution de mineurs, exploitation de la mendicité...) ou encore le délaissement de mineurs. En revanche, les atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique d'un mineur ne sauraient ici être prises en compte.

Cet amendement permettra ainsi de prendre en compte l'ensemble des infractions désignées par le texte du présent article comme « les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs ».

- encadrer davantage cette procédure en en réservant l'accès aux associations ayant fait la preuve de leur sérieux et de leur professionnalisme.

Ainsi, en plus des critères requis d'ancienneté et d'objet statutaire, votre commission propose que les associations soient inscrites auprès du ministère de la justice, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Cette condition permettra ainsi d'éviter qu'une association aux intentions douteuses, notamment à caractère sectaire, puisse agir en justice dans le domaine de la protection de l'enfance sur le seul fondement de son objet statutaire.

En outre, cette régulation par le biais d'une inscription préalable permettra de limiter le risque d'encombrement des prétoires par des constitutions de partie civile, par des associations plus ou moins sérieuses ;

- prendre en compte l'impossibilité d'un accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal de la victime mineure à la constitution de partie civile de l'association. Dans ce cas, l'association pourra s'adresser à l'administrateur ad hoc , nommé par le juge des tutelles, lorsque les représentants du mineur font défaut ;

- enfin, préciser que l'intégrité dont il est question dans le présent article est bien l'intégrité physique du mineur.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11
(art. 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale)
Extension des mesures à certains territoires ultra-marins

Objet : Cet article vise à rendre applicables les dispositions des articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna.

I - Le dispositif proposé

Le principe de spécialité législative qui s'applique dans certaines collectivités territoriales exige que des mesures d'extension du droit métropolitain soient expressément prévues pour certaines dispositions.

C'est pourquoi, le présent article prévoit l'extension expresse des mesures des articles 9 et 10 du présent projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, afin que les nouvelles dispositions des articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale relatives à la constitution de partie civile des associations puissent s'appliquer automatiquement à ces territoires.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve l'extension des dispositions des articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale aux territoires concernés, dans le souci de voir appliqué un droit identique dans l'ensemble du territoire français.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE V
-
DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXPÉRIMENTATION
DE DOTATIONS GLOBALES DE FINANCEMENT
DANS LES SERVICES TUTÉLAIRES

Article 12
Expérimentation de dotations globales de financement
dans les services tutélaires

Objet : Cet article vise à permettre l'expérimentation, pour une durée de deux ans, d'un mode de financement des services tutélaires fondé sur une dotation globale de financement.

I - Le dispositif proposé

Le financement actuel des mesures de protection des majeurs : une « nébuleuse de dispositions financières »

La multiplicité des dispositions financières relatives à la gestion des mesures de protection des majeurs s'explique par l'élaboration progressive des différents régimes de protection et par le contexte juridique et psychologique dont chacun d'entre eux bénéficiait.

Ainsi, le financement de la tutelle aux prestations sociales pour les adultes par les organismes sociaux s'est naturellement imposé à la suite du précédent que constituait la tutelle aux prestations familiales. En revanche, la curatelle ou le mandat spécial, créations de la loi de 1968, reposaient à l'origine sur le bénévolat de la famille et c'est la raison pour laquelle aucune disposition financière n'avait été retenue.


Les mesures de protection des majeurs incapables

1. Les mesures de protection prévues par le code civil

Ces mesures reposent sur quatre principes :

- une altération des facultés personnelles (mettant la personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts) doit être constatée par un médecin ;

- la mesure doit être nécessaire et subsidiaire compte tenu de l'incapacité civile qu'elle entraîne et de sa légitimité au regard des libertés individuelles ;

- un rôle central est dévolu à la famille et la priorité doit lui être conférée dans l'attribution de la tutelle ;

- l'objet de la mesure doit être la protection de la personne et des biens de l'incapable.
Trois régimes de protection sont prévus par la loi du 3 janvier 1968 12 ( * ) :

- la sauvegarde de justice : il s'agit d'une mesure temporaire, médicale ou judiciaire, dont l'objectif est préventif. Elle permet à la personne de conserver l'exercice de ses droits mais les actes qu'elle passe sont susceptibles de révision a posteriori ;

- la curatelle : elle concerne les personnes qui, sans être hors d'état d'agir par elles-mêmes, ont besoin d'être conseillées ou contrôlées dans les actes de la vie civile. La personne sous curatelle peut accomplir seule les actes d'administration mais ne pourra effectuer d'acte qui engage son patrimoine sans l'assistance de son curateur. La curatelle peut, sur décision du juge des tutelles, être allégée ou aggravée ;

- la tutelle : elle est ouverte lorsque la personne a besoin d'être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile . La personne sous tutelle est déchargée de l'exercice de ses droits (y compris le droit de vote) et ne peut plus passer aucun acte seule.

2. La tutelle aux prestations sociales

Il ne s'agit pas, sur le plan juridique, d'un régime d'incapacité. Cette mesure temporaire a un caractère éducatif et social : son objectif est l'amélioration, via un accompagnement social adapté, des conditions de vie du majeur.

Cette mesure permet au juge des tutelles d'ordonner qu'une personne qualifiée perçoive elle-même, au lieu et place des bénéficiaires, tout ou partie des allocations qui leur sont dues, lorsqu'ils ne les utilisent pas eux-mêmes dans leur intérêt ou vivent dans des conditions d'alimentation, de logement ou d'hygiène précaires en raison de leur état mental ou d'une déficience physique.

Au total, la charge des frais de gestion des mesures de protection dépend de la nature de la mesure prise par le juge et, pour une même mesure, de la personne désignée pour sa gestion :

- lorsque la tutelle (ou la curatelle) est confiée à un proche, ces fonctions sont gratuites, sauf décision contraire du conseil de famille ;

- lorsque la tutelle est confiée à un gérant, la loi prévoit des « émoluments » fixés en pourcentage des revenus de la personne protégée. Si le gérant est préposé de l'établissement (public ou privé) dans lequel le majeur protégé est accueilli, ces émoluments sont versés directement à l'établissement qui en rétrocède une partie aux personnels concernés ;

- lorsqu'il s'agit d'une curatelle ou si la mesure est confiée, aux termes de l' article 499 du code civil , à un mandataire spécial, le juge, en l'absence de règle expresse, fixe la rémunération au cas par cas ou en raisonnant par analogie ;

- lorsqu'il s'agit d'une tutelle ou d'une curatelle d'Etat dont la gestion est déléguée à une association tutélaire, la DDASS fixe un plafond de rémunération. La rémunération de l'organisme tutélaire est financée par un prélèvement progressif sur les ressources du majeur et par une dotation de l'Etat qui verse la différence entre le prix plafond et le prélèvement sur les ressources ;

- enfin, lorsqu'il s'agit d'une mesure de tutelle aux prestations sociales, la prise en charge des frais de gestion incombe aux organismes sociaux débiteurs des prestations concernées ou, dans le cas d'une pluralité d'organismes, à celui qui verse la prestation dont le montant est le plus élevé 13 ( * ) . L'absence de prélèvement sur les ressources du majeur explique son caractère particulièrement attractif, d'autant plus qu'il est possible d'en obtenir le cumul avec une autre mesure de protection.

Le rapport Favard 14 ( * ) conclut ainsi l'analyse du système actuel de financement du dispositif de protection des majeurs : « [Il] se caractérise par un assemblage disparate de réglementations prévoyant des financements tantôt trop restreints, tantôt inégalitaires, tantôt d'une générosité incontrôlée, à moins qu'elles n'omettent au contraire tout financement. »

L'analyse du rapport Favard : un système de financement peu cohérent et souvent inéquitable

Le financement des associations tutélaires à la mesure fait l'objet de nombreuses critiques.

Le système s'avère tout d'abord largement inflationniste , dans la mesure où le seul moyen, pour les associations, d'équilibrer leur budget est de rechercher un nombre croissant de mesures. Or, celles-ci ne correspondent pas nécessairement aux besoins de la personne protégée : on constate notamment un biais en faveur des mesures de tutelle aux prestations sociales, dont le financement est particulièrement avantageux et qui, en « doublon » avec une autre mesure de protection relevant du code civil, permettent en même temps de supprimer tout prélèvement sur les ressources de la personne.

La différenciation des coûts en fonction de la nature de la mesure apparaît par ailleurs peu pertinente , dans la mesure où l'importance du travail demandé dépend moins de la nature de la mesure que des besoins de chaque personne concernée, notamment en termes d'accompagnement.

Du point de vue de l'association elle-même, on constate que les besoins de financement sont, pour une large part, indépendants du nombre de mesures à une date donnée. En revanche, le coût d'une mesure est variable dans le temps, les premiers mois de mise en place représentant la charge de travail la plus importante.

Le système actuel de financement des associations tutélaires est enfin dénoncé comme inéquitable et opaque pour la personne protégée , dans la mesure où, pour une même mesure ou une mesure très proche, sa contribution peut varier de zéro à plus de 8 % de son revenu.

Il en est de même pour la rémunération des tuteurs, comme en témoigne le tableau suivant :

(en francs)

Revenu annuel du majeur protégé

Rémunération annuelle d'une tutelle d'Etat

Rémunération annuelle d'une tutelle en gérance

Ecart de rémunération

0

8.466

0

8.466

50.000

8.466

1.100

7.366

75.000

8.466

1.350

7.116

100.000

8.466

1.600

6.866

125.000

8.466

1.850

6.616

150.000

8.466

2.100

6.366

786.600

8.466

8.466

0

Source : Rapport d'enquête sur le fonctionnement

du dispositif de protection des majeurs, IGF - IGSJ - IGAS, juillet 1998

Ces critiques ont conduit le groupe de travail interministériel présidé par M. Favard à proposer la mise en place d'un mode de financement des associations tutélaires par dotation globale : « Cette réforme globale du système de financement favoriserait la prise en charge sociale, patrimoniale et juridique des personnes protégées, quelle que soit la nature de la mesure décidée (...) Un avantage décisif du financement global des services gestionnaires des mesures de protection serait de permettre de revenir aux critères légaux de décision : le choix de la mesure par le juge des tutelles serait à nouveau déterminé par les besoins réels de protection du majeur, et non plus, comme actuellement, au moins pour partie, par les modalités de financement de cette mesure. »

Le dispositif proposé : expérimenter une dotation globale, pour financer un service

Le présent article vise à permettre, conformément aux voeux formulés par le rapport Favard, l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des services de tutelle, sous la forme d'une dotation globale de financement.

Cette dotation globale a vocation à financer la prise en charge de l'ensemble des mesures de protection des majeurs, qu'elles soient civiles - tutelles, curatelles ou sauvegardes de justice - ou sociales - tutelles aux prestations sociales des adultes -, lorsqu'elles sont confiées :

- à une personne morale publique ou privée : les gérants de tutelle à titre individuel sont donc exclus de cette expérimentation ;

- à un préposé de l'établissement de soins ou de l'établissement social ou médico-social qui accueille la personne protégée : dans ce cas, la dotation est versée à l'établissement.

Elle serait composée de deux parties :

- la première, à la charge de l'Etat, aurait pour vocation de financer les mesures de protection relevant du code civil (tutelle, curatelle et sauvegarde de justice) ;

- la seconde supporterait les frais liés aux mesures de tutelle aux prestations sociales. Elle serait à la charge de l' « organisme auquel incombe dans le département le règlement des frais du plus grand nombre de mesures » , c'est-à-dire, selon les cas, de la caisse d'allocations familiales, de l'organisme débiteur de l'avantage vieillesse, voire des départements ou de l'Etat - même si le terme « organisme » retenu par le présent article paraît peu adapté à ces derniers.

Cette expérimentation a pour objectif de permettre un ajustement de la première dotation globale aux besoins réels des associations, compte tenu de la réalité de leur activité.

Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, la mise en oeuvre définitive du nouveau mode de financement « suppose une analyse détaillée de cette activité et sa traduction précise pour chacun des postes de dépense des budgets afférents (...) L'expérimentation permettra de disposer d'une base de référence sur laquelle la dotation sera ajustée les années suivantes, en fonction de l'activité des associations. »

Or, y compris dans le cadre d'une cotation rénovée prenant mieux en compte le coût réel de gestion de chaque catégorie de mesures, un financement par dotation globale n'est viable que dans la mesure où celle-ci prend en compte d'autres données relatives à l'activité et à la structuration des charges de l'association. Par conséquent, le système d'information des services tutélaires doit être adapté, afin de pouvoir fournir ce type de données.

C'est la raison pour laquelle la durée de l'expérimentation est portée à deux ans. La liste des associations participant à l'expérimentation sera fixée par arrêté.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut que se réjouit de ce qu'un premier pas soit fait en direction d'une réforme du dispositif de protection des majeurs qu'elle appelle de ses voeux depuis de nombreuses années.

Il lui semble toutefois nécessaire de faire quatre observations.

1) Une expérimentation dont la portée ne doit pas être exagérée :

Votre commission observe tout d'abord que la portée de l'expérimentation proposée en matière de financement des associations tutélaires est nécessairement limitée, et ce pour deux raisons principales :

- l'introduction d'une dotation globale ne constitue qu'un des aspects de la réforme du financement des tutelles :

Le groupe de travail sur le financement de la réforme du dispositif de protection juridique des majeurs 15 ( * ) insiste en effet sur deux autres axes : l'harmonisation des financements publics qui suppose une réforme de la cotation des mesures et la généralisation des prélèvements sur les ressources des personnes protégées. En l'absence d'avancées dans ces deux domaines, les informations financières recueillies ne peuvent, en aucun cas, servir de base à la fixation des dotations globales « en régime de croisière ».

Votre commission souligne d'ailleurs la nécessité d'harmoniser au plus vite les règles de cotation des mesures, sous peine - malgré la dotation globale - d'observer une poursuite du dévoiement de la tutelle aux prestations sociales.

- la nature et le contenu même des différentes mesures existantes devraient évoluer, dans le cadre plus global de la réforme des tutelles :

Il est notamment envisagé de substituer à l'actuelle tutelle aux prestations sociales une mesure d'accompagnement budgétaire et social (MABS), sans que le champ de ces deux mesures ne puisse intégralement se recouper : le nombre de MABS à terme et la proportion des transferts entre les actuelles mesures de tutelle aux prestations sociales et les autres dispositifs de protection des majeurs sont difficilement évaluables.

L'expérimentation proposée prend donc un caractère essentiellement technique , visant à apprécier la capacité d'adaptation des associations - en termes de comptabilité analytique en particulier - à la logique d'un mode de financement par dotation globale.

2) Des transferts de charges qui devront à terme être neutralisés :

Votre commission s'est par ailleurs interrogée sur les inévitables transferts de charges qui résulteront de l'application des règles de financement en matière de tutelle aux prestations sociales et qui pèseront, une fois encore, dans une large mesure, sur la branche famille.

Il convient en effet de rappeler que l'interprétation actuelle des articles L. 167-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles conduit à apprécier de façon très large les charges imputables aux caisses d'allocations familiales :

- lorsque la tutelle aux prestations sociales des adultes concernait à l'origine les seuls avantages vieillesse ainsi que quelques prestations nommément désignées 16 ( * ) , les juges des tutelles l'ont progressivement étendue à l'ensemble des prestations familiales. Cette extension, au demeurant légitime au regard des objectifs éducatifs poursuivis par une mesure de tutelle aux prestations sociales, constitue, pour la branche famille une charge qui représentait, en 2001, selon le rapport définitif du groupe de travail précité, 9 millions d'euros ;

- plus encore, alors que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est une prestation versée par les caisses d'allocations familiales pour le compte de l'Etat, c'est la branche famille qui est considérée comme débitrice de la prestation et qui, par conséquent, se voit chargée de financer les frais de tutelle afférents à cette prestation.

Au total, la caisse nationale des allocations familiales est le premier financeur de la tutelle aux prestations sociales, pour un montant de 105 millions d'euros, dont 96 millions au titre de la seule AAH, en 2001 .


La répartition du financement des frais de tutelle aux prestations sociales :
la branche famille en première ligne

Plusieurs organismes interviennent pour le financement des tutelles aux prestations sociales adultes aujourd'hui. Ils interviennent en tant que débiteurs de prestations sociales (derniers chiffres disponibles) :

- les CAF : 105 millions d'euros en 2001 dont 96 millions d'euros au titre de la seule AAH ;

- la caisse centrale de mutualité sociale agricole : pour les tutelles aux prestations sociales enfants et tutelles aux prestations sociales adultes : 5,5 millions d'euros en 1998 et 8,5 millions d'euros en 2002 ;

- la CNAV : 6 millions d'euros en 1999; nombre de personnes concernées : 3.640 ;

- la CDC : - allocation spéciale vieillesse : 1,9 million d'euros en 1999 ;

- pour les fonctionnaires des collectivités territoriales : 0,02 million d'euros ;

- les conseils généraux , pour la PSD et l'APA, et après décentralisation, le RMI : montant non connu ;

- la CNAMTS : 3,9 millions d'euros en 1999.

Sources : rapport définitif du groupe de travail sur le financement
de la réforme du dispositif de protection juridique des majeurs, juin 2003

L'application des règles prévues par le deuxième alinéa du présent article pour désigner l'organisme débiteur de la dotation globale en matière de tutelle aux prestations sociales ne peut, dès lors, que conduire à mettre à la charge de la branche famille l'ensemble du financement de ces mesures.

Votre commission estime qu'à l'occasion de cette expérimentation - et, en tout état de cause, avant toute généralisation du dispositif - une remise à plat de la participation des différents financeurs devra être menée à bien . Il s'agit non seulement de clarifier les relations financières entre l'Etat et la branche famille mais aussi de réfléchir à la mise en place d'un mécanisme de régularisation ex post des charges incombant aux différents organismes sociaux.

3) L'impératif d'une prise en compte d'objectifs « qualité » :

Votre commission rappelle qu'une des principales critiques faite à l'égard des dispositifs de dotation globale est que ceux-ci ont tendance à être conservateurs et à figer l'activité des services concernés.

Elle ne peut donc que rejoindre la proposition de rapport Favard selon laquelle « des financements incitatifs permettant de prendre en compte l'évolution de la qualité et du dynamisme du service rendu doivent être (...) prévus. » Cela suppose, notamment, une évaluation des associations gestionnaires, qui ne se limite pas à des rendez-vous budgétaires annuels.

Même si la durée de l'expérimentation prévue est trop courte pour qu'on puisse observer un véritable déphasage des budgets alloués aux associations, votre commission estime que ces deux ans doivent être mis à profit pour développer des indicateurs qualitatifs pertinents . Ces indicateurs devront figurer dans le décret fixant les modalités de calcul des dotations globales.

4) L'évaluation, une exigence constitutionnelle tout autant que pratique :

Le recours à l'expérimentation, qui a reçu une consécration constitutionnelle à l'occasion du vote de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, est néanmoins strictement encadré, tant par la Constitution que par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.


Les règles constitutionnelles régissant le recours à l'expérimentation

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 93-322 du 28 juillet 1993, a fixé les conditions de la constitutionnalité du recours à l'expérimentation :

- elle doit être limitée dans le temps ;

- elle doit avoir pour objectif la généralisation, à terme, du dispositif ;

- le législateur doit définir « les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification ou à leur abandon. » .

L'article 37-1 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, réaffirme deux d'entre elles : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »

Si l'objet et la durée de l'expérimentation prévue par le présent article paraissent suffisamment précis, aucune mention n'est faite, en revanche, de son évaluation et de son éventuelle généralisation.

Au demeurant, plus qu'une exigence constitutionnelle, l'évaluation de cette expérimentation est une nécessité pratique : il importe en effet de pouvoir disposer d'un bilan de l'effet des dotations globales sur le financement des services de tutelle, de l'adaptation du système d'information des opérateurs, des éventuelles difficultés rencontrées, afin d'adapter le dispositif définitif.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose d'adopter deux amendements : le premier tend à prévoir, à l'issue des deux ans d'expérimentation, un rapport au Parlement sur les conditions de mise en oeuvre de la dotation globale de financement et sur les perspectives de généralisation de ce dispositif. Le second est un amendement rédactionnel .

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 8 octobre 2003 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l' examen du rapport de M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 434 (2002-2003) relatif à l' accueil et à la protection de l'enfance .

A titre liminaire, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a indiqué que le projet de loi n° 434 (2002-2003) relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance abordait divers problèmes distincts auxquels il apportait des solutions d'une utilité certaine, bien qu'on puisse les juger modestes. Il a considéré qu'il s'agissait d'un texte d'appel, dont il convenait de saluer les avancées, tout en souhaitant qu'elles ne soient que les prémices de réformes plus ambitieuses.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a souligné que l'objectif central du projet de loi se rapportait à la protection de l'enfant dans les différents cas de figure où il pouvait se trouver en situation de danger : la maltraitance, l'exploitation au travail et les carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire régulier.

Constatant la difficile appréhension du problème de l'enfance en danger en raison de l'absence de données complètes et officielles, il a signalé que les derniers chiffres publiés par l'observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS) pour 2001, faisaient état de 85.500 signalements, dont 20 % concernaient des enfants maltraités.

Il a précisé que les abus sexuels et les violences physiques étaient les premières formes de maltraitance que subissaient les enfants, suivies de près par les négligences lourdes, puis les violences psychologiques, plus difficiles à identifier car moins visibles. Il a ajouté que les filles étaient plus souvent victimes de maltraitance que les garçons puisqu'elles représentaient 58 % des cas et subissaient un plus grand nombre d'abus sexuels, les garçons ayant davantage de risques d'être maltraités physiquement que les filles.

Il a rappelé que, dans la majorité des cas, les parents s'avéraient être les auteurs des mauvais traitements, les déséquilibres familiaux et l'inactivité, notamment des mères, semblant en outre être des facteurs d'augmentation du risque.

Il a dénoncé les conséquences particulièrement dramatiques de la maltraitance dont l'actualité récente venait de donner deux exemples tragiques. A cet égard, il a précisé que 3 à 5 % des enfants maltraités en mourraient, les sévices corporels tuant ainsi entre 400 et 700 enfants par an, soit pratiquement deux par jour et représentant désormais, en France, la deuxième cause de mortalité infantile, passée la première semaine de vie. Il a ajouté que de nombreux enfants qui avaient été maltraités en conservaient des séquelles définitives, indélébiles, graves d'un point de vue neurologique, orthopédique, psychoaffectif ou psychomoteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a rappelé que le dispositif français de protection de l'enfance était pourtant particulièrement riche puisqu'il constituait le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convenait d'ajouter les crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire et au fonctionnement des tribunaux pour enfants. Dans le même temps, le phénomène de la maltraitance demeurait très mal connu.

Face à ce constat contradictoire, il a expliqué que, en pratique, chaque administration ou service utilisait des indicateurs et critères particuliers, mettait en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui étaient spécifiques et que, faute de système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'était pas connu.

Il a en outre observé que de nombreux enfants subissaient des violences, sans être signalés, ni protégés puisqu'à ce jour, il n'existait pas d'enquête sur les violences subies par les enfants, effectuée sur l'ensemble de la population, comparable à celle dont on disposait en matière de violences sur les femmes, ni d'étude de suivi du devenir des enfants qui avaient fait l'objet d'un signalement. Il a estimé que, pour prévenir les récidives de maltraitance, il fallait se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

Il a alors indiqué qu'il s'agissait du premier objectif du projet de loi, qui prévoyait de confier cette mission à un observatoire de l'enfance maltraitée, afin que les différents acteurs, mieux informés de la situation au niveau national, puissent agir plus efficacement sur le terrain.

Il a précisé que cet observatoire serait compétent en matière de recueil et d'analyse des données chiffrées et des études concernant la maltraitance envers les mineurs, en provenance des autorités publiques, des établissements publics, ainsi que des fondations et associations spécialisées, et qu'il aurait pour mission d'harmoniser ces informations afin d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance en vue d'une prise en charge effective des enfants.

Il a ajouté que l'observatoire serait le partenaire privilégié des structures locales et internationales, notamment en participant aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance. A cet égard, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a émis le souhait que chaque département puisse mettre en place un observatoire local afin que l'observatoire national dispose de relais implantés sur l'ensemble du territoire.

Il a indiqué que, concernant l'observatoire, deux amendements seraient proposés dont l'un avait pour objectif de préciser son nom.

Il a ajouté que, dans le souci d'améliorer le dispositif de protection de l'enfant maltraité, le présent projet de loi prévoyait d'élargir le droit des associations de se constituer partie civile aux procès engagés contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur mineur, en inscrivant cette faculté dans le code de procédure pénale, au profit des associations dont l'objet statutaire comportait la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou maltraité. Il a précisé par ailleurs que le projet de loi complétait la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir des associations.

Il a toutefois estimé nécessaire d'encadrer plus strictement cette procédure par plusieurs amendements.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a précisé ensuite que la maltraitance ne saurait être réduite à la violence physique car elle pouvait prendre un visage moins reconnaissable, comme certaines formes de travail des mineurs.

Il a rappelé que le travail des enfants était interdit en France avant l'âge de seize ans, même si des dérogations venaient atténuer ce principe, lorsqu'il s'agissait d'insertion professionnelle, de découverte du monde du travail, d'entraide familiale ou d'engagements dans les métiers du spectacle et de la publicité.

En dépit de ce dispositif, il a constaté que les cas d'emploi illégal, voire d'exploitation, de mineurs étaient une réalité constatée par les services concernés et qu'il s'agissait bien, dans les cas extrêmes, d'enfants en danger.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a indiqué que le présent projet de loi prévoyait donc de renforcer les sanctions à l'encontre des employeurs illégaux d'enfants, précisant que deux articles additionnels seraient proposés à la commission pour accroître la protection des enfants au travail.

Abordant ensuite le troisième volet du projet de loi sur l'assiduité scolaire, il a rappelé que cette obligation s'imposait aux enfants scolarisés comme à leurs parents ou tuteurs, depuis l'entrée en vigueur de la « loi Ferry » du 28 mars 1882 relative à l'obligation de l'instruction.

Il a observé que le phénomène de l'absentéisme scolaire atteignait pourtant aujourd'hui des proportions inquiétantes puisque 81.700 cas avaient été signalés aux inspecteurs d'académie, sur une population totale de sept millions d'élèves, et qu'environ 9.000 suspensions d'allocations familiales par les caisses d'allocations familiales (CAF) ou la mutuelle sociale agricole (MSA) avaient été prononcées au cours de l'année scolaire 2001-2002.

Il a constaté que les jeunes les plus fragilisés socialement, psychologiquement et culturellement étaient aussi les plus touchés par l'absentéisme scolaire, et donc par l'échec scolaire, et que l'absentéisme n'était pas dépourvu de lien avec la délinquance et le travail illégal des mineurs de moins de seize ans.

Partant de ce constat, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a estimé que l'absentéisme scolaire constituait un danger pour les jeunes concernés, notamment lorsqu'il était la conséquence de violences en milieu scolaire, d'une action délibérée des adultes responsables de l'enfant ou encore d'un emploi illégal, rappelant à cet égard que le manquement à l'obligation scolaire pouvait être sanctionné comme une carence éducative de la part des parents au sens du code pénal.

Il a indiqué que le projet de loi avait pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions mieux adaptées, à la suite des conclusions rendues par le groupe de travail mis en place par M. Christian Jacob en octobre dernier pour expertiser les mesures existantes et examiner les moyens de mieux responsabiliser les familles.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a déclaré que ce groupe de travail avait conclu que le dispositif de suspension des prestations familiales s'était révélé particulièrement injuste et inefficace car les prestations familiales n'avaient pas pour seul objet de financer la scolarité de l'enfant et que cette sanction ne touchait ni les familles à enfant unique, qui ne percevaient pas d'allocations familiales, ni celles attributaires du RMI, puisque ce dernier augmentait en proportion de la baisse de ces prestations.

Il a fait valoir que ce dispositif, mal compris par les parents, était rarement appliqué, en raison notamment des réticences du corps enseignant à signaler certains cas d'absentéisme pour ne pas pénaliser les familles.

Il a rappelé que, face à un tel constat, le Gouvernement avait décidé de donner une impulsion nouvelle à la lutte contre l'absentéisme scolaire avec la mise en oeuvre d'un plan d'action gouvernemental en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles, présenté en Conseil des ministres le 26 mars dernier. L'article 3 du projet de loi en constituait un élément majeur, puisqu'il abrogeait le dispositif de sanction fondé sur la suspension ou la suppression des prestations familiales.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a expliqué qu'en contrepartie, il était envisagé de fixer l'amende applicable en cas de non-respect de l'obligation scolaire à 750 euros. Il a souhaité que ce plan d'action gouvernemental, opérationnel depuis la rentrée de septembre 2003, porte rapidement ses fruits.

Il a ensuite indiqué que la deuxième grande priorité du projet de loi portait sur les conditions de garde des jeunes enfants par les assistantes maternelles. Il a rappelé que l'accueil des 2,27 millions d'enfants de moins de trois ans se partageait très exactement par moitié entre la garde au foyer par l'un des parents et l'accueil assuré par des personnes extérieures.

Dans ce dernier cas, il a souligné que le choix d'une assistante maternelle s'avérait être le mode de prise en charge privilégié par 20 % des parents, car il constituait une solution intermédiaire, en termes de coût, de souplesse des horaires et de facilité d'accès, entre la crèche et la garde à domicile par une employée.

Il a noté que cette tendance s'était confirmée au cours des dernières années, notamment grâce à la revalorisation régulière de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), les pouvoirs publics ayant clairement favorisé cette prestation, au détriment de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED). En conséquence, le système de garde par une assistante maternelle était aujourd'hui financièrement intéressant pour de nombreuses familles, mais aussi le moins coûteux pour la collectivité.

Il a toutefois déploré l'insuffisance de l'offre de garde, du fait de l'embellie démographique que connaissait la France depuis 1995, et a indiqué que la demande risquait encore de croître avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Or, dans le même temps, les nouveaux rythmes de travail conduisaient certains parents à ne plus faire garder leur enfant qu'à temps partiel, modifiant ainsi la nature de leur demande de service.

Face à ces évolutions, il a constaté que beaucoup d'assistantes maternelles ne pouvaient répondre à la demande des parents, en raison de la rigidité de leur agrément qui ne les autorisait actuellement à garder qu'un maximum de trois enfants.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a alors indiqué que le texte proposait d'assouplir ces conditions d'accueil en autorisant la garde de plus de trois enfants dès lors que les horaires choisis par les familles conduisaient à la présence simultanée de trois enfants au maximum. Ce faisant, les capacités d'accueil des assistantes maternelles seraient augmentées, celles-ci pourraient bénéficier d'un rythme de travail plus régulier, et certains parents pourraient alors ne laisser leur enfant en garde que quelques heures par semaine sans que le revenu de l'assistante maternelle en pâtisse.

Il a toutefois estimé qu'il semblait nécessaire de fixer, par un amendement, un plafond maximal d'enfants pouvant être accueillis.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a enfin abordé le troisième axe du projet de loi qui concernait la réforme du financement du dispositif de protection juridique des majeurs.

Il a rappelé, à cet égard, que le mode de financement actuel était fondé, pour l'essentiel, sur la règle du « mois mesure », c'est-à-dire que la prise en charge des frais de gestion dépendait de la nature de la mesure de placement (tutelle, curatelle...) et même de la personne désignée pour en assurer la gestion. Il a considéré que cette conception était peu pertinente car l'importance du travail demandé dépendait moins de la nature de la mesure que des besoins de chaque personne concernée, notamment en termes d'accompagnement. Il a rappelé, de surcroît, qu'il existait des écarts de rémunération des tuteurs de l'ordre de 8.000 euros par an, selon qu'il s'agissait d'une tutelle d'Etat ou d'une tutelle en gérance privée.

Pour les majeurs protégés, il a souligné que le système de prélèvement sur ressources était particulièrement inéquitable puisque les taux de prélèvement variaient de zéro à plus de 8 % du revenu de la personne et étaient, selon les cas, progressifs (pour les tutelles et curatelles d'Etat), dégressifs (pour les tutelles en gérance) ou simplement inexistants (pour les mesures de tutelle aux prestations sociales).

Enfin pour les financeurs publics, il a indiqué que le système du « mois mesure » avait des effets inflationnistes car le seul moyen, pour les associations, d'équilibrer leur budget était de rechercher un nombre toujours croissant de mesures, sans toujours se soucier de leur adaptation aux besoins de la personne concernée.

Fort de ce constat, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a considéré qu'il fallait envisager un autre mode de financement et s'est félicité de ce que le projet de loi autorisait le Gouvernement à expérimenter, pendant deux ans, un mode de financement des associations tutélaires par dotation globale.

Il a expliqué que cette expérimentation ne concernerait, à ce stade, que les mesures confiées à une personne morale et aurait pour objectif de permettre un ajustement de la première dotation globale « en rythme de croisière » aux besoins réels des associations, afin de donner le temps à ces dernières d'adapter leur système d'information, et de développer les indicateurs quantitatifs et qualitatifs nécessaires à l'appréciation de leur activité et de son évolution dans le temps.

Il a indiqué que la dotation globale serait financée par l'Etat pour ce qui concernait les mesures de protection civile et, pour ce qui concernait les mesures de tutelle aux prestations sociales, par l'organisme qui, à ce jour, prenait en charge le volume de mesures le plus important dans le département concerné.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a alors précisé que cette expérimentation appelait, à son sens, un certain nombre de remarques. Il a tout d'abord constaté qu'elle n'était que partielle car elle n'entreprenait pas une réforme complète du financement des tutelles, ce qui ne permettrait pas d'utiliser les seules informations financières recueillies au cours de l'expérimentation à la fixation définitive des dotations globales.

Il a ensuite indiqué que les transferts de charges entre les différents financeurs publics devraient, à terme, être neutralisés puisque le financement des frais de tutelle incombait aujourd'hui, à près de 80 %, à la branche famille, du fait notamment des frais liés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui était pourtant une prestation versée pour le compte de l'Etat, alors que les règles prévues pour le financement de la dotation globale revenaient, de fait, à en transférer la charge à la seule caisse nationale d'allocations familiales.

Il a estimé qu'à l'occasion de cette expérimentation -et, en tout état de cause, avant toute généralisation du dispositif- une remise à plat de la participation des différents financeurs devrait être menée à bien.

Puis, il a déclaré que le dynamisme des dotations globales devrait, en « régime de croisière », être assuré par la prise en compte d'indicateurs qualitatifs pertinents, les deux ans d'expérimentation devant être mis à profit pour développer ces indicateurs.

Enfin, il a ajouté qu'il proposerait par amendement la présentation d'un bilan de cette expérimentation avant la généralisation de ce nouveau mode de financement des associations tutélaires puisqu'il s'agissait d'une exigence constitutionnelle.

En conclusion, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a considéré que les propositions du projet de loi étaient constructives car elles constituaient un premier pas vers des réformes à venir de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes maternelles et celle des tutelles. Il a toutefois indiqué qu'il souhaitait proposer plusieurs amendements à la commission pour préciser la portée des mesures présentées et en renforcer l'efficacité.

Sous cette réserve, il a invité la commission à approuver le projet de loi.

M. Francis Giraud a estimé que le chiffre de 85.500 signalements d'enfants en danger ne représentait sans doute qu'une petite partie de la réalité mais que cela était dû à la prudence dont devaient faire preuve les professionnels, avant d'émettre un signalement pour maltraitance. Il a estimé que les médecins hésitaient souvent à signaler les cas diagnostiqués, par peur de l'erreur, mais aussi en raison de la quasi-absence de retour d'information après le traitement du dossier par les instances concernées. Il a indiqué que le problème se posait de la même manière pour les enseignants et a plaidé pour l'indulgence envers les acteurs de terrain qui portaient une lourde responsabilité dans ces dossiers difficiles. Il a ensuite demandé au rapporteur si des structures équivalentes à l'observatoire existaient déjà dans d'autres pays européens.

Mme Annick Bocandé a estimé qu'il fallait analyser la maltraitance de manière qualitative car elle ne se limitait pas à des conséquences physiques. Elle a rappelé que ce phénomène existait dans tous les milieux sociaux même s'il était moins visible dans les familles plus favorisées. A ce titre, elle a émis le souhait que l'observatoire s'intéresse d'une manière approfondie à l'ensemble des phénomènes de maltraitance.

Abordant la question de l'accueil des enfants par une assistante maternelle, elle a soulevé le problème de l'accueil des enfants scolarisés en dehors des horaires de classe par les assistantes maternelles ayant en garde leurs cadets. Elle a considéré que la limite maintenue à trois enfants simultanément ne permettait pas de régler cette difficulté que connaissent toutes les familles à la naissance d'un deuxième enfant.

M. Gilbert Chabroux a considéré qu'il s'agissait d'un texte d'appel, aux intentions louables mais aux propositions insuffisantes. Il s'est interrogé sur le contenu et la date prévue pour la réforme du statut des assistantes maternelles et il a fait valoir qu'il ne fallait pas privilégier ce type de garde au détriment des crèches, qui devaient continuer à être financées. Il a ensuite demandé au rapporteur quelles étaient les mesures prévues en cas de manquement à l'obligation scolaire, en remplacement du dispositif de suppression des allocations familiales.

Mme Michèle San Vincente s'est étonnée de l'existence de mesures en faveur des assistantes maternelles dans le projet de loi alors même qu'une réforme de leur statut était prévue en 2004. Elle a, par ailleurs, estimé que le délai de trois mois dont disposaient les départements pour traiter les demandes d'agrément des assistantes maternelles s'avérait beaucoup trop court.

Elle a considéré que l'activité d'assistante maternelle correspondait à une vocation plutôt qu'à une recherche de professionnalisation et de rentabilité. Elle s'est étonnée des statistiques produites par l'ODAS, établissant un lien entre l'inactivité des mères et la maltraitance des enfants, alors qu'autrefois on avait plutôt tendance à attribuer à l'activité des mères le délaissement des enfants. Elle s'est déclarée favorable à la création d'observatoires départementaux avec lesquels les maires pourraient collaborer dans le domaine de l'enfance en danger.

Concernant l'absentéisme scolaire, elle a émis le souhait qu'il soit fait état de « responsabilisation » et non pas de « responsabilité » des familles et a souhaité que les sanctions à leur égard privilégient l'éducation plutôt que l'amende.

M. André Lardeux a estimé que, s'il fallait certes assouplir les conditions d'accueil par les assistantes maternelles, les départements ne souhaitaient souvent pas le faire eux-mêmes en raison des risques encourus, ce qui occasionnait de nombreux refus d'agrément par peur d'un contentieux entraînant leur responsabilité.

Il a déclaré que, à son sens, la création d'un observatoire était inutile, d'autres organisations déjà existantes pouvant exercer des missions d'inspection sérieuses et ciblées. En outre, il a souligné que la maltraitance était plus un problème de comportement social que de moyens mis en oeuvre puisqu'un nombre important de dispositifs existaient en faveur des enfants en danger. Pour mieux prendre en compte ce phénomène, il a estimé que la responsabilité de chacun devait être engagée, notamment pour éviter la propagation d'images violentes sur internet et à la télévision qui avaient des conséquences très néfastes sur certaines familles. Il a parlé, à cet égard, d'une dérive de civilisation et d'une absence de références morales de la société.

Sur le thème de l'absentéisme scolaire, il a souhaité que les allocations familiales soient réorientées afin d'être réellement affectées à la prise en charge de l'enfant et s'est déclaré favorable à la mise en place d'une amende, si toutefois la justice avait le temps de se prononcer. A cet égard, il a indiqué qu'il fallait responsabiliser les enseignants pour les inciter à mieux signaler les cas d'absentéisme.

Mme Gisèle Printz s'est déclarée choquée des situations de maltraitance dont sont encore victimes aujourd'hui certains enfants. Elle a dénoncé le faible taux de retour d'information aux associations après qu'elles ont signalé des enfants en danger. Elle s'est également interrogée sur le rôle de l'observatoire par rapport à celui du défenseur des enfants et elle a souhaité que l'ensemble des départements développe des unités médico-judiciaires afin de traiter globalement le phénomène de la maltraitance au niveau local.

M. Alain Gournac a convenu que le texte était une étape vers des réformes plus importantes. Il s'est toutefois déclaré dubitatif quant à la mise en place d'une amende en cas d'absentéisme scolaire, estimant que les enseignants ne seraient pas davantage disposés à signaler les absences que dans la situation actuelle.

Concernant les assistantes maternelles, il a déploré le manque de logements sociaux en leur faveur et souhaité que ce problème soit évoqué avec les sociétés d'habitations à loyer modéré (HLM). En outre, il a considéré que certaines normes de sécurité s'appliquant à l'accueil par les assistantes maternelles étaient parfois dépassées et rendaient les agréments particulièrement rigides. Il a estimé qu'il fallait parallèlement aider les maires à mettre en place un accueil spécifique, pour quelques jours ou quelques heures par semaine, qui soit adapté au nouveau rythme des parents, compte tenu de la mise en place de la réduction du temps de travail.

Abordant enfin la création de l'observatoire, il a souhaité une approche qualitative du phénomène de la maltraitance afin de mieux en prendre la mesure.

M. André Geoffroy a soulevé le problème particulier de la mort subite du nourrisson, demandant que l'on prévoie une autopsie obligatoire par le médecin légiste afin de mieux en connaître les causes et de déculpabiliser les familles, cruellement ébranlées par cette épreuve.

Mme Janine Rozier a déploré la complexité et la lenteur du système de signalement, de l'assistante sociale à l'inspecteur d'académie, qui rendaient difficile l'action d'un maire souhaitant qu'un enfant repéré soit pris en charge.

Elle a estimé, par ailleurs, que la formation des assistantes maternelles était indispensable, ne serait-ce que parce qu'elle leur permettait de se rencontrer et de confronter leurs expériences. Elle a enfin appelé de ses voeux un retour à « l'ordre moral » au sein de la société, estimant que certaines formes de maltraitance avaient leur origine dans le développement de la violence sociale.

M. Michel Esneu a considéré que le maire n'était pas très présent dans la procédure de dépistage et de prise en charge de la maltraitance et qu'il n'était souvent pas averti des décisions prises pour un enfant résidant dans sa commune, déplorant qu'on ne fasse appel à lui que lorsqu'une erreur est apparue. Il a estimé à cet égard que son rôle devait être mieux précisé, notamment afin de lui permettre de faire aboutir plus facilement un signalement.

Il a, en revanche, regretté la suppression du dispositif de suspension des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire, estimant qu'il était particulièrement efficace pour les gens du voyage, souvent sensibles aux questions d'argent, et dont les enfants ne fréquentaient pas assidûment l'école.

Répondant à cette remarque, M. Nicolas About, président , a indiqué qu'il faisait lui-même partie de la commission consultative des gens du voyage et que la scolarisation des enfants était l'un des thèmes de travail qu'elle allait prochainement aborder.

Concernant la création de l'observatoire, M. Jean Chérioux a indiqué qu'il devait être moins question d'observer que d'évaluer la maltraitance.

Il s'est ensuite félicité de la mise en oeuvre d'une réforme à venir des tutelles, dont le mauvais fonctionnement était une réalité, en particulier à Paris où il était devenu extrêmement difficile de trouver des tuteurs volontaires.

Il a enfin estimé que l'un des problèmes de recrutement des assistantes maternelles était lié au manque de logements et a déclaré que les normes de sécurité qui s'appliquaient à ce mode de garde étaient souvent excessives et suscitaient un développement inquiétant des contentieux.

Mme Michelle Demessine a approuvé la prudence du rapporteur quant au contenu du texte. Elle a estimé qu'on ne pouvait pas aborder le sujet de la maltraitance sans avoir à l'esprit plus largement les problèmes de société, notamment l'érosion des repères et les situations de grande pauvreté, qui créent de nombreuses carences éducatives et un désert culturel inquiétant.

Elle s'est montrée dubitative quant à la création de l'observatoire, estimant que les réponses curatives n'étaient pas suffisantes puisque c'est l'ensemble de la société qui avait changé et, par là même, les modes d'éducation des enfants.

Abordant la question de l'absentéisme scolaire, elle s'est félicitée de l'abandon du dispositif de suppression des allocations familiales mais a estimé qu'une amende constituait une autre mauvaise réponse. Elle a interrogé sur ce sujet le rapporteur sur les autres mesures proposées par le Gouvernement pour remédier à ce problème et sur la réalité du lien entre l'absentéisme et l'échec scolaire.

Concernant les assistantes maternelles, elle a insisté sur la nécessité de conserver la diversité de l'offre et, donc la spécificité des assistantes maternelles, et a ajouté qu'il ne fallait pas s'appuyer uniquement sur ce mode de garde. Elle a estimé, à cet égard, que l'élargissement de l'accueil proposé par le projet de loi était une dérive vers une forme d'accueil collectif et posait le risque de l'apparition de « haltes garderies sauvages », alors même que les assistantes maternelles étaient formées pour fournir un accueil individualisé.

Elle a estimé indispensable qu'il soit fait état de la façon dont était exercée la tutelle sur les majeurs protégés qui souffraient du regard que l'on portait trop souvent sur eux et qui souhaitaient que leurs attentes soient mieux prises en compte, au-delà du problème de financement des régimes.

Au regard des mesures proposées par le texte, elle a enfin estimé que son intitulé, « accueil et protection de l'enfance », affichait une ambition non traduite dans les faits.

M. Alain Vasselle a souhaité souligner quatre points. Concernant les assistantes maternelles, il a évoqué la question récurrente de l'accueil des enfants hors de la commune de résidence, rappelant qu'un dispositif obligeait cette dernière à rembourser les frais afférents à la commune d'accueil. Il a estimé, à ce titre, que ce remboursement devait également être mis en place dans le cas d'un accueil par une assistante maternelle. Il s'est ensuite indigné de ce qu'un tuteur ne bénéficie pas, à l'heure actuelle, d'une indemnité identique à celle dont disposaient les associations qui avaient cette charge. Il a indiqué, en outre, partager le point de vue évoqué par M. Michel Esneu sur la scolarisation des enfants du voyage. Il a enfin émis un doute sur l'efficacité de la mise en place d'une amende en cas de manquement à l'obligation scolaire.

M. Louis Souvet s'est déclaré mal à l'aise face à un texte qui abordait des problèmes aussi différents que ceux de l'accueil de l'enfant et de sa protection, soulignant que cette dernière faisait l'objet d'un contexte médiatique tel que la question de l'accueil risquait d'être oubliée. S'intéressant ensuite au dépistage de la maltraitance, il a estimé que les travailleurs sociaux avaient une lourde responsabilité en matière de signalements. Il s'est prononcé contre la possibilité donnée aux présidents de conseils généraux d'accorder des dérogations pour les agréments des assistantes maternelles, reconnaissant toutefois l'insuffisance actuelle de l'offre de garde. Il a enfin déploré l'abrogation du dispositif de suppression des allocations familiales et fait valoir que la protection de l'enfance ne concernait pas que les familles désavantagées.

M. Claude Domeizel s'est étonné que le texte proposé ne soit pas plus ambitieux eu égard aux problèmes essentiels qu'il soulevait. Il a souligné que la protection de l'enfance était un domaine plus difficile à aborder que celui de l'accueil, parce qu'il concernait des questions internes aux familles et qu'il était difficile de donner une définition exacte de la maltraitance. Il a constaté que, dans ce domaine, le texte n'abordait que quelques questions, qu'il laissait notamment de côté le rôle de l'école en matière de signalements des cas de maltraitance et il a appelé de ses voeux une meilleure formation des enseignants dans ce domaine.

Mme Sylvie Desmarescaux a estimé que les travailleurs sociaux ne travaillaient actuellement pas suffisamment en collaboration les uns avec les autres, ce qui nuisait à une protection efficace des enfants.

Répondant aux différents intervenants, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a indiqué que les médecins devaient rester un élément moteur de la lutte contre la maltraitance, qu'ils soient médecins légistes, médecins de famille ou urgentistes.

Il a ensuite estimé qu'il fallait donner des outils efficaces, par le biais de l'observatoire, aux différents partenaires du secteur social et aux magistrats afin de remédier aux inégalités existant entre les départements dans le domaine de la prise en charge des enfants en danger.

Reconnaissant que le texte restait d'ampleur modeste, il a indiqué qu'il proposait toutefois de nombreuses mesures positives, anticipant sur des réformes plus importantes à venir, et qu'il avait le mérite d'ouvrir le débat sur des questions difficiles.

Il a rappelé, à cet égard, qu'une réforme était en cours de préparation sur le statut des assistantes maternelles, leur formation, leurs perspectives de carrière et leurs modes de rémunération, et qu'il serait effectivement utile, à cette occasion, d'aborder la question de leur logement.

Concernant l'absentéisme scolaire, il a indiqué que, avant qu'il ne soit question d'amendes, existaient des modules de soutien à la responsabilité parentale, gérés par les CAF et les unions des associations familiales (UDAF), pour venir en aide aux familles.

Il a ensuite estimé qu'il n'était pas question de culpabiliser les acteurs de la lutte contre l'enfance en danger, mais de les responsabiliser et d'organiser, à leur intention, un retour efficace de l'information après traitement des dossiers.

Il a rappelé que l'observatoire était nécessaire à une action efficace de coordination et de partenariat des différents intervenants afin de mieux connaître le phénomène de la maltraitance. Il a considéré pour autant que la structure proposée était suffisamment légère pour ne pas craindre d'éventuelles difficultés de fonctionnement.

Il a également reconnu que la question de l'autopsie en cas de mort subite du nourrisson méritait d'être posée prochainement, à l'occasion du prochain débat sur la loi de santé publique, mais qu'il y avait également une réelle insuffisance des moyens en matière de médecins légistes.

Abordant la question des gens du voyage, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a indiqué que les schémas départementaux les concernant devaient prendre en compte le problème dans sa globalité, notamment la question de l'obligation scolaire, et a proposé que soient créé un nombre plus important d'écoles pouvant accueillir ces enfants. Il a rappelé que la question des enfants issus de l'immigration clandestine devait également rapidement être prise en compte par les pouvoirs publics.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l' article premier (modification de l'agrément des assistantes maternelles), à l'issue d'un large débat au cours duquel sont intervenus Mmes Michelle Demessine, Sylvie Desmarescaux, Annick Bocandé, Françoise Henneron et M. André Lardeux , la commission a adopté un amendement limitant à six le nombre global d'enfants pouvant être accueillis par une assistante maternelle.

Elle a adopté sans modification les articles 2 (dispositions transitoires relatives à la réforme de l'agrément des assistantes maternelles non permanentes) et 3 (abrogation de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale).

Avant l'article 4 , elle a adopté deux articles additionnels afin de renforcer les règles protectrices s'appliquant au travail des enfants dans certaines professions de la mode et du spectacle.

Elle a ensuite adopté sans modification les articles 4 (renforcement des sanctions pénales en cas d'infraction aux règles régissant le travail des enfants dans les professions ambulantes et la durée du travail dans le mannequinat), 5 (renforcement des sanctions pénales en cas d'emploi non autorisé d'un enfant dans une entreprise de spectacles ou de mannequinat et d'infraction à la législation sur la répartition de la rémunération de l'enfant) et 6 (renforcement des sanctions pénales en cas d'emploi dissimulé d'un mineur de moins de seize ans et application dans la collectivité territoriale de Mayotte).

A l' article 7 (création d'un observatoire de l'enfance maltraitée), elle a précisé par deux amendements le nom et les missions de l'observatoire.

Elle a adopté l' article 8 (application à l'observatoire des dispositions relatives au secret professionnel et au financement du service national d'accueil téléphonique de l'enfance maltraitée (SNATEM) sans modification.

A l' article 9 (constitution de partie civile par des associations dans les cas de violences exercées contre des victimes majeures), elle a adopté un amendement de précision.

A l' article 10 (constitution de partie civile par des associations dans les cas de violences exercées contre des victimes mineures), elle a souhaité encadrer plus strictement la procédure de constitution de partie civile des associations au travers de quatre amendements.

Elle a adopté l' article 11 (extension des mesures à certains territoires ultra-marins) sans modification.

Enfin, elle a adopté deux amendements de précision à l' article 12 (expérimentation de dotations globales de financement dans les services tutélaires).

La commission a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

Mardi 30 septembre 2003

Mme Anne Tursz, chercheur INSERM

Mme Chantal Lebatard , administrateur de l'UNAF

Mme Dominique Papin , vice-présidente des parents d'élèves de l'enseignement privé (PEEP)

Mme Martine Brousse , responsable de « la voix de l'enfant » et M e Coralie Capillon , juriste de l'association

Mme Irène Kahn-Bensaud , Conseil national de l'ordre des médecins

M e Yves Crespin , avocat de l'association « l'enfant bleu »

M. François Delalande , chef du bureau enfance et famille, et M. Bertrand Lory , chargé du dossier enfance maltraitée

Mercredi 1 er octobre 2003

M. Philippe Nogrix , président, et Mme Annie Gaudière , directrice générale du SNATEM

M. Christian Gautier , président et M e Rodolphe Costantino , de l'association « Enfance et partage »

ANNEXE
-
LE TRAVAIL DES ENFANTS EN FRANCE


Les propositions du rapport sur le travail des enfants en France

1. Améliorer la connaissance de la réalité du travail des enfants

Afin d'intervenir pour mettre un terme à des situations mettant en cause l'intégrité des enfants, il est nécessaire, en premier lieu, de mieux cerner et mieux centraliser les constats établis par les différents services compétents.

Sur un plan plus large, une action pourrait être engagée sous l'égide de la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, avec un mandat explicite pour la détermination et l'appréhension des formes illégales de travail des enfants. Dans le même esprit, une étude confiée à une équipe de chercheurs permettrait, sur une série de thèmes à déterminer de mieux définir les actions et les moyens à requérir pour cerner des formes particulières de travail des enfants, notamment celles qui sont aujourd'hui le moins bien appréhendées.

2. Veiller au respect des dispositifs existants

Par le renforcement de l'information sur les règles qui encadrent le travail des enfants

La connaissance et la compréhension du cadre législatif sont les conditions premières de son effectivité, ce qui suppose d'améliorer l'information des intéressés, jeunes et employeurs.

Par l'effectivité des sanctions

Sensibiliser les magistrats à l'effectivité et à la mise en oeuvre des sanctions pénales prononcées pour des infractions à la législation relative à l'emploi des mineurs.

L'attention des parquets doit être appelée sur le suivi judiciaire de ces procédures. Il est nécessaire également que des relations suivies et régulières entre les services déconcentrés de l'inspection du travail et les procureurs de la République soient nouées en ce domaine.

Renforcer les sanctions pénales dans les domaines de la publicité et du spectacle

La législation actuelle, bien que très protectrice, recèle des faiblesses, liées au caractère peu dissuasif de certaines sanctions pénales. Ces sanctions doivent ainsi être renforcées et pourraient être alignées sur celles prévues à l'article L. 796-3 concernant les infractions aux dispositions fondamentales de la législation relative aux mannequins.

Elargir les sanctions administratives

Il pourrait être envisagé, le cas échéant, une procédure de retrait du bénéfice des aides de l'Etat (primes, exonérations de charges sociales), dans le cas où l'employeur manque à ses obligations.

3. Mieux protéger les enfants du spectacle et de la publicité

S'assurer du consentement des intéressés

L'article L. 211-6 pose le principe de l'autorisation individuelle préalable à l'embauche d'un mineur dans une entreprise de spectacles ou comme mannequin (excepté par des agences de mannequins titulaires d'un agrément), accordée par la commission spécialisée prévue à l'article L. 211-7. Or, en l'état actuel des textes, cette commission n'est pas tenue de s'assurer du consentement de l'enfant dès lors qu'il est en mesure de le donner sans ambiguïté.

Limiter les périodes d'activité pendant les vacances scolaires

La possibilité d'employer un enfant à une activité de mannequin durant une période de vacances scolaires est limitée à la moitié de la durée de ces vacances, ce qui lui permet de bénéficier de périodes de repos et de loisirs nécessaires à son épanouissement physique et psychologique. Mais cette disposition ne s'applique pas aux enfants du spectacle.

Actualiser les conditions de la publicité des offres d'emploi d'enfants mannequins

La répression pénale de la publicité des offres d'emploi d'enfants mannequins ne porte que sur la presse écrite. Un élargissement du champ des dispositions à toutes les formes de publicité pourrait donc être envisagé.

Source : Le travail des enfants en France. Rapport du ministère de l'emploi -
Direction des relations du travail. Novembre 1998.

* 1 Evolution des signalements d'enfants en danger 200., La lettre de l'ODAS. Novembre 2002.

* 2 Enfance en danger. Ouvrage collectif, Michel Manciaux, Marceline Gabel. 1999.

* 3 Protection de l'enfance : mieux comprendre les circuits, mieux connaître les dangers. Eric Bellemy, Marceline Gabel, Hélène Padieu. Avril 1999.

* 4 Cf. Le travail des enfants en France - Rapport du ministère de l'emploi - Direction des relations du travail (DRT) - Novembre 1998 - Cf. Infra annexe p. 97.

* 5 Frédérique Leprince. L'accueil des jeunes enfants en France, état des lieux et pistes d'amélioration. Février 2003.

* 6 Rapport de propositions du groupe de travail « Prestation d'accueil du jeune enfant ». Février 2003.

* 7 Etudes et résultats de la DREES, n° 217, février 2003.

* 8 La situation démographique de la France - INED - rapport 2001.

* 9 Rapport définitif du groupe de travail interministériel sur le dispositif de protection des majeurs, présidé par M. Favard. Avril 2000.

* 10 Délinquance des mineurs - La République en quête de respect - Commission d'enquête - Rapport n° 340 (2001-2002).

* 11 Cf. Le travail des enfants en France - Rapport du ministère de l'emploi - Direction des relations du travail (DRT) - Novembre 1998 - Cf. Infra annexe p. 97.

* 12 Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs.

* 13 Cette disposition, prévue initialement au 2° de l'article L. 167-3 du code de la sécurité sociale pour les avantages vieillesse, s'applique, du fait d'une interprétation extensive de cet alinéa, à l'ensemble des prestations (familiales, vieillesse et de solidarité) versées à la personne protégée.

* 14 Rapport définitif du groupe de travail interministériel sur le dispositif de protection des majeurs, présidé par M. Favard, avril 2000.

* 15 Ce groupe de travail, mis en place à la demande de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a remis son rapport au ministre en juin 2003.

* 16 Il s'agit de l'allocation aux adultes handicapés (article L. 821-5 du code de la sécurité sociale), du revenu minimum d'insertion (article L. 262-45 du code de l'action sociale et des familles), de l'allocation compensatrice pour tierce personne (article L. 245-7 du code de l'action sociale et des familles) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (article L. 232-26 du code de l'action sociales et des familles).

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