ARTICLE 18

Suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC)

Commentaire : le présent article vise à supprimer le FOREC et transfère en conséquence ses biens, droits et obligations à l'Etat.

I. LA MONTÉE EN PUISSANCE DU FOREC JUSQU'EN 2003

A. LE CADRE JURIDIQUE


Le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) a pour mission de compenser auprès des régimes de base de sécurité sociale les pertes de cotisations engendrées par les mesures générales d'allègements de charges portant sur les bas salaires et la réduction du temps de travail.

Créé par l'article 5 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, inséré aux articles L. 131-8 à L. 131-11 du code de la sécurité sociale, le FOREC est un établissement public de l'Etat à caractère administratif. Il est doté d'un conseil de surveillance comprenant notamment des représentants du Parlement et des partenaires sociaux.

En 2000, le fonds n'ayant finalement pas encore été mis en place, ses recettes ont été enregistrées et suivies par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour le compte de l'établissement public, ce qui a permis d'assurer la trésorerie du régime général de sécurité sociale.

Le décret n° 2001-968 du 25 octobre 2001 a fixé les conditions d'organisation, de fonctionnement et de gestion du FOREC. Ce texte prévoit notamment que le fonds est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé du budget.

Le FOREC est géré par le fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont il a reçu en partage, pour les mêmes fonctions, le président du conseil d'administration, le directeur et l'agent comptable.

B. LA PROGRESSION DES DÉPENSES DU FOREC

La progression des dépenses du FOREC résulte d'une stratification des dispositifs d'exonération pris en charge , et de transferts d'effectifs vers les plus coûteux de ces dispositifs , d'abord en raison de la réduction du temps de travail, puis, depuis 2003, en conséquence de la mise en place de l'allègement « Fillon ».

• Lors de sa création, le 1 er janvier 2000, le FOREC a pris en charge :

- la réduction dégressive sur les bas salaires (RBS), volontiers dénommée « ristourne Juppé », résultant de la loi n° 95-882 du 4 août 1995. Ce dispositif accordait à l'employeur une réduction sur les cotisations patronales de sécurité sociale dégressive jusqu'à 1,3 fois le SMIC 129( * ) ;

- l'aide incitative à la réduction du temps de travail mise en place par la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, dite allègement « Aubry I ». Cette aide consiste en un allègement forfaitaire de cotisations patronales par salarié, dont le montant est dégressif dans le temps 130( * ) ;

- les allègements ayant été accordés dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail, dite « loi Aubry II ». Le volume de ces allègements a augmenté avec le nombre d'entreprises réduisant leurs horaires collectifs.

• A partir du 1 er janvier 2001, ont été également pris en charge par le FOREC :

- l'allègement en faveur de l'incitation à la réduction collective du temps de travail institué par la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, dite « loi de Robien » ;

- les exonérations de cotisations d'allocations familiales en faveur de certains régimes spéciaux (depuis le 1 er janvier 1994) et des salariés agricoles (depuis le 1 er janvier 1996).

• En 2002, les dépenses du FOREC devaient enregistrer l'incidence des mesures suivantes :

- la mise en place d'une majoration de l'allègement lié aux 35 heures pour les entreprises situées en zone de redynamisation urbaine (ZRU) ;

- la mise en place d'une majoration de l'allègement lié aux 35 heures pour les entreprises de transport routier de marchandises ;

- l'ouverture du bénéfice de l'allègement lié aux 35 heures lors de l'embauche d'un premier salarié ;

- l'élargissement du champ de l'allègement lié aux 35 heures et de celui de la ristourne dégressive aux bénéficiaires des primes des contrats initiative-emploi (CIE) et des contrats de qualification-adultes ;

- la mise en place d'une « majoration zone franche de Corse » pour les entreprises y bénéficiant de l'allègement lié aux 35 heures.

• A compter du 1 er juillet 2003, les dépenses du FOREC ont principalement évolué en conséquence de l'application de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, dite « loi Fillon » :

- pour les entreprises organisées sur une base supérieure à 35 heures, qui bénéficiaient donc de la « ristourne Juppé », le dispositif est entré dans la première année d'une phase transitoire qui doit mener à son terme, le 1 er juillet 2005, à une prise en charge de 26 % du coût du travail au niveau du SMIC. Ainsi, la nouvelle réduction dégressive sur les bas salaires permet une prise en charge de 20,8 % du coût du travail au niveau du SMIC contre 18,2 % avant le 1 er juillet 2003, et elle s'annule pour les rémunérations supérieures ou égales à 1,5 fois le SMIC, contre 1,3 fois le SMIC avant le 1 er juillet 2003. Le nouveau dispositif procurant donc un montant d'exonération plus important que la ristourne sur les bas salaires quel que soit le niveau de rémunération, son coût est supérieur ;

- le régime définitif s'applique aux entreprises qui, au 30 juin 2003, ont réduit leur durée collective de travail en application de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail et qui bénéficient, à ce titre, de l'allègement « Aubry II ». Dans leur cas, la nouvelle réduction dégressive sur les bas salaires permettant une prise en charge de 26 % est obtenue pour un salaire égal à la « GMR 2 131( * ) », et elle s'annule pour cette GMR majorée de 70 % ; le niveau d'allègement est alors supérieur à celui du dispositif « Aubry II » pour des rémunérations inférieures à environ 1,4 fois la rémunération minimale ; il est d'un montant moindre au-delà.

Le tableau suivant permet de suivre l'augmentation des dépenses du FOREC consécutives à ces dernières évolutions.

Evolution des dépenses du FOREC

(en millions d'euros)

Catégories de dépenses

2002
Droits constatés

2003
Droits constatés

 
 
 

« Ristourne Juppé »

4 615

2 138

« Aubry I »

2 218

2 073

« Aubry II » (jusqu'au 1er juillet 2003)

8 249

4 190

ARTT « de Robien »

478

530

Allègement unique (à compter du 1er juillet 2003)

 

6 969

Charges diverses

 

9

TOTAL

15 560

15 909

Source : PLFSS pour 2004 - Annexe f

• A terme, la pleine application de la loi « Fillon » devait amener à un nouvel accroissement des dépenses du FOREC

Concernant les entreprises qui bénéficiaient de la « ristourne Juppé » lors de sa « transformation », le 1 er juillet 2003, en allègement « Fillon », le dispositif transitoire menant à une prise en charge de 26 % du coût du travail au niveau du SMIC doit suivre son cours selon le calendrier suivant.

Dispositif transitoire d'exonération de charges mis en place par la loi « Fillon » concernant les entreprises organisées sur une base supérieure à 35 heures

 

A compter du
1er juillet 2003

A compter du
1er juillet 2004

A compter du
1er juillet 2005

Niveau maximal d'exonération

20,8 %

23,4 %

26,0 %

Seuil d'éligibilité

1,5 SMIC

1,6 SMIC

1,7 SMIC

En conséquence, dès 2004, le coût des exonérations générales de cotisations est appelé à connaître une augmentation substantielle qu'entraîne, d'une part, l'effet report de l'entrée en vigueur du dispositif transitoire au 1 er juillet 2003, et la poursuite, au 1 er janvier 2004, de la montée en puissance de l'allègement « Fillon » programmée par ce dispositif.

Le tableau suivant rend compte de l'évolution des dépenses se situant dans le périmètre du FOREC pour 2004.

Evolution des exonérations de cotisations se situant dans le périmètre 2003 du FOREC

(en milliers d'euros)

2003

2004

évolution

2004 / 2003

Ristourne bas salaires 1,3 SMIC (jusqu'au 1 er juillet 2003)

2 138 000

0

-100 %

Allègement "Aubry I"

2 073 000

890 000

-57,07 %

Allègement "Aubry II" (jusqu'au 1 er juillet 2003)

4 190 000

0

-100 %

ARTT "de Robien"

530 000

408 000

-23,02 %

Allègement unique "Fillon" (à compter du 1 er juillet 2003)

6 969 000

15 792 000

126,60 %

ALLÈGEMENTS GÉNÉRAUX : exonérations se situant dans le périmètre 2003 du FOREC

15 900 000

17 090 000

7,48 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire pour 2004 du ministère du travail

C. LA COMPLEXIFICATION DU FINANCEMENT DU FOREC


L'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale dresse la liste des recettes du fonds. En conséquence, notamment, de la croissance de ses besoins, le FOREC est aujourd'hui financé par une stratification de huit impôts qui lui sont affectés intégralement ou pour partie :

• recettes affectées depuis l'exercice 2000 :
droits de consommation sur les tabacs : 97 % en 2001, 90,7 % en 2002, puis 84,4 % en 2003 ;

droits de consommation sur les alcools et boissons : 55 %, puis intégralité pour 2001 ;

contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB) : intégralité ;

taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) : intégralité.
• recettes affectées depuis l'exercice 2001 :
taxe sur les véhicules des sociétés (TVS) : intégralité ;

taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TCA) : 24,7 % en 2001, puis 30,56 % en 2002, enfin 44,07 % à compter du 1 er janvier 2003 ;
• recettes affectées depuis l'exercice 2002 :
prélèvements sur les véhicules terrestres à moteur (TVM) : intégralité ;

taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement  des prestations sociales de prévoyance (taxe prévoyance) : intégralité.
L'année 2003 marque une pause dans cette « escalade de la complexité » : il n'y a pas d'impôts nouveaux, et seuls leurs produits et la proportion de ces produits affectés au FOREC connaissent des évolutions.

Le tableau suivant rend compte de l'évolution des parts respectives des différentes ressources du FOREC participant à son financement.


Evolution des parts respectives des différentes ressources du FOREC

Recettes du FOREC

2000

2001

2002

2003

Droits de consommation sur le tabac

65%

58%

50%

47%

Droits de consommation
sur les alcools et les boissons

19%

19%

17%

16%

CSB

5%

7%

6%

5%

TGAP

4%

4%

4%

3%

Taxe sur les véhicules des sociétés

5%

5%

5%

Taxe spéciale sur les conventions d'assurance

7%

9%

14%

Taxe sur les véhicules terrestres à moteur

6%

6%

Taxe prévoyance

4%

3%

Contributions publiques

7%

Total

100%

100%

100%

100%

L'année 2000 est présentée pour information, le FOREC n'étant pas constitué à cette date.

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003

Il est prévu que les recettes du fonds peuvent être majorées des produits non consommés de l'exercice antérieur et d'une contribution de l'Etat (recettes mentionnées aux 6 e et 7 e de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Il est proposé de supprimer le FOREC.

En conséquence, les articles L. 131-8 à L. 131-11 du code de la sécurité sociale, qui régissent le FOREC, sont abrogés. Par ailleurs, les biens, droits et obligations du FOREC doivent être transférés à l'Etat le 1 er janvier 2004. Il est attendu du reversement du fonds de roulement du FOREC une recette non fiscale de 328 millions d'euros .

En outre, il est prévu à l'article 24 du présent projet de loi de finances que les ressources affectées au FOREC seront, à l'exception des droits tabac, intégralement affectées au budget général.

Désormais, les charges de compensation des mécanismes généraux d'exonération de charges sociales devront être supportées par le budget de l'Etat, au sein du budget du travail.

III. LA SUPPRESSION DU FOREC CONSTITUAIT UN OBJECTIF À ATTEINDRE

Le Sénat a toujours vivement critiqué le système de compensation d'exonérations de charges sociales que représentait le FOREC, qui entraînait une débudgétisation massive de ces compensations qui incombent normalement à l'Etat, et l'illisibilité tant de leur coût global que de leurs financements.

A. LA FIN D'UNE DÉBUDGÉTISATION ABUSIVE

1. Une décision naturelle et attendue

Il était déconcertant que l'élément central de la politique du travail relevât de la loi de financement de la sécurité sociale.


Il convient de rappeler que le coût prévisionnel des allègements de charges financés par le FOREC en 2003 s'élève à 16,56 milliards d'euros, soit un montant (pour la première fois) supérieur à celui prévu pour le budget du travail, qui ressort à 15,72 milliards d'euros.

Que les charges de compensation des mécanismes généraux d'exonération de charges sociales soient désormais supportées par le budget du travail est conforme à sa vocation, et constitue un retour opportun à la configuration budgétaire antérieure.

Un retour à la configuration budgétaire antérieure

La politique d'allègement général des charges sociales, qui vise en particulier celles pesant sur les emplois peu qualifiés, a connu une montée en charge progressive à partir de la mise en place, en 1993 et en 1995, de la ristourne dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé ».

Dans un premier temps, la compensation par le budget de l'Etat de ces exonérations de cotisations sociales a été à l'origine de la croissance du budget du travail, passé de 12,87 milliards d'euros en 1993 à 22,93 milliards d'euros en 1997, soit une progression de 78,2 % en quatre ans. Au cours de la même période, en effet, le montant des exonérations de cotisations sociales compensées est passé de 1,84 milliard d'euros à 10,17 milliards d'euros.

Puis la politique de réduction du temps de travail suivie par le précédent gouvernement à partir de 1997 l'a conduit à procéder à certaines modifier le périmètre du budget du travail.

A compter de 2000, la création du FOREC s'est traduite par une débudgétisation massive, le budget du travail se voyant amputé, au profit de l'établissement public, des crédits destinés à compenser les exonérations de cotisations sociales.

Le droit rejoint d'ailleurs le bon sens , car selon les termes de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, résultant de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite « loi Veil » : « Toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ». Cette prescription devrait donc se trouver, enfin, strictement observée.

2. Une décision cependant courageuse

Sous l'impact de la loi « Fillon », les dépenses résultant des exonérations de charges sur les bas salaires sont appelées à être très évolutives jusqu'en 2006.
Ainsi, dès 2004, c'est une dépense supplémentaire de 1,2 milliard d'euros, avec la montée en puissance de l'allègement « Fillon », qui pèse sur le budget du travail. Au total, le coût de ce dispositif est évalué à 6 milliards d'euros à l'horizon 2006 .

Ces évolutions pèseront dorénavant sur le budget de l'Etat , dont la progression se trouve normée : ainsi, il a été décidé que la croissance du budget de l'Etat n'excéderait pas 1,5 % pour 2004, soit le taux attendu de l'inflation. Dans ce cadre, le montant des économies devant être pratiquées par ailleurs s'en trouve forcément accru.

B. DES RESPONSABILITÉS À NOUVEAU IDENTIFIABLES

Le mode de financement du FOREC est à l'origine d'une dilution des responsabilités.
L'Etat doit normalement assumer le coût de sa politique de soutien à l'emploi, et bénéficier, d'une façon générale, de recettes distinctes de celles de la sécurité sociale. Seule une telle configuration permet de distinguer les situations financières respectives de l'Etat et de la sécurité sociale.

Or, comme la Cour des comptes l'a noté dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, le FOREC est structurellement confronté à des difficultés pour équilibrer ses dépenses et ses ressources : « La différence entre les dynamiques qui gouvernent les dépenses et les ressources, a de fortes chances de perdurer. L'équilibre annuel du FOREC nécessitera de ce fait des ajustements permanents des ressources affectées qui risquent de rendre l'évolution d'une année sur l'autre peu lisible ».

Ainsi, les excédents cumulés sur la gestion des années 2001 et 2002 se sont élevés à 488,7 millions d'euros, mais l'année 2003 devrait faire apparaître un déficit de 221,8 millions d'euros.

C. UNE RECETTE NON FISCALE NON NÉGLIGEABLE

Une recette non fiscale est attendue du reversement du fonds de roulement du FOREC. Elle s'élève à 328 millions d'euros, soit 0,14 % des ressources nettes du budget général.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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