ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 67

Modification du régime fiscal des organismes de logement social

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de modifier le régime fiscal applicable aux organismes de logement social de manière à élargir les organismes bénéficiaires de l'exonération d'impôt sur les sociétés tout en ciblant cette exonération sur les seules activités d'intérêt général définies comme la construction, l'acquisition, l'attribution et la gestion de logements locatifs destinés à des personnes dont les revenus sont inférieurs à des plafonds et certaines activités annexes.

I. L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT

A. UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS LIÉE AU STATUT ET NON AUX ACTIVITÉS DE LOGEMENT SOCIAL

Aujourd'hui, les divers organismes d'habitation à loyer modéré que sont les offices publics d'habitation à loyer modéré (OPHLM), les sociétés d'habitations à loyer modéré (sociétés anonymes et sociétés coopératives) et les offices publics d'aménagement et de construction (OPAC) sont exonérés d'impôt sur les sociétés en vertu des 4° et 4° bis du 1 de l'article 207du code général des impôts.

Cette exonération tient essentiellement à leur statut : en vertu du 4°du 1 de l'article 207 du code général des impôts, l'exonération des OPHLM, SA d'HLM et unions de ces offices et sociétés est de droit 87 ( * ) .

En application du 4° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts, l'exonération est liée, pour les seuls OPAC , aux opérations réalisées dans le cadre des dispositions du code de l'habitat et de la construction, c'est-à-dire essentiellement pour leurs opérations de gestion locative sociale et d'aménagement. Les services fiscaux peuvent donc soumettre à l'impôt toutes les opérations qui ne relèveraient pas de missions définies au code de l'habitat et de la construction.

Le coût fiscal des exonérations de l'ensemble des organismes sociaux est évalué à 290 millions d'euros pour 2004 dans le fascicule des voies et moyens.

La répartition par catégories d'organismes est la suivante :

- sociétés anonymes d'HLM : 162 millions d'euros (55 % de la dépense fiscale) ;

- OPAC et OPHLM : 97,5 millions d'euros (33 % de la dépense fiscale) ;

- coopératives d'HLM : 4 millions d'euros (1 % de la dépense fiscale) 88 ( * ) .

B. DES DISTORSIONS DE CONCURRENCE MISE EN ÉVIDENCE À PLUSIEURS REPRISES

1. Les difficultés posées par le régime fiscal actuel

Du fait d'un régime d'exonération mal défini, le secteur du logement social subit actuellement des distorsions de concurrence.

En effet, le régime actuel pose deux difficultés :

- d'une part, il exonère l'ensemble des activités de certains organismes de logement social, même lorsque ces activités ne ressortent pas d'une mission d'intérêt général , et entrent normalement dans le champ concurrentiel.

Par exemple, si un organisme HLM exonéré en raison de son statut, réalise des locaux à usage de commerce ou de bureau, il est totalement exonéré pour ces activités.

- d'autre part, certaines sociétés faisant des opérations locatives sociales en tous points identiques à celles réalisées par des organismes HLM, ne sont pas exonérées .

C'est le cas essentiellement des sociétés d'économie mixte (SEM).

Ainsi, le régime fiscal des organismes HLM en matière d'impôt sur les sociétés, marqué par son hétérogénéité, constitue un frein aux restructurations entre organismes lorsqu'une société d'économie mixte, non exonérée d'impôt sur les sociétés, veut transférer son patrimoine social à un organisme exonéré d'impôt sur les sociétés.

2. Un sujet déjà évoqué à plusieurs reprises au Sénat

Ce problème a été posé à plusieurs reprises par nos collègues :

- lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003 89 ( * ) , nos collègues Denis Badré et Philippe Richert ont présenté un amendement pour régler le cas de la restructuration des organismes de logement social par l'apport du patrimoine d'une société d'économie mixte (SEM) à un organisme de logement social. Le régime de faveur des fusions ne s'appliquant pas dès lors que l'organisme HLM est exonéré d'impôt sur les sociétés, le transfert du patrimoine locatif social était soumis au régime d'imposition des plus-values ;

Le ministre délégué au budget, M. Alain Lambert, a alors confirmé à votre rapporteur général, qu'il se préoccupait de cette question (« comme M. le rapporteur général l'a rappelé, les acteurs sont soumis à des régimes fiscaux différents et il est nécessaire de s'engager dans la voie de l'harmonisation ») et il avait ajouté que le gouvernement travaillait « à un régime fiscal aussi unifié que possible » ;

- lors de l'examen du projet de loi de programme pour l'outre-mer 90 ( * ) , notre collègue Rodolphe Désiré avait présenté un amendement exonérant les sociétés d'économie mixte (SEM) en outre-mer pour leur activité de construction ou de gestion de logements sociaux et pour les résultats provenant de leur activité de construction, de vente ou de gestion de logements sociaux ;

- lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine 91 ( * ) , nos collègues Jean-Pierre Schosteck, Paul Girod et Marcel-Pierre Cléach ont présenté un amendement visant à exonérer les sociétés d'économie mixte (SEM) de plus-values à l'occasion de cessions de logements locatifs sous réserve qu'ils soient réaffectés dans les quatre ans à des opérations de réhabilitation, construction, acquisition de logements locatifs sociaux.

Le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine avait alors expliqué que ce sujet méritait « un débat d'ensemble » et que « rendez-vous sera pris avec les partenaires pour traiter ce sujet majeur, sur lequel nous sommes en retard ».

C. UNE MODIFICATION DU RÉGIME FISCAL IRAIT DANS LE SENS D'UNE MISE EN COHÉRENCE AVEC LE DROIT EUROPÉEN

En vertu du premier alinéa de l'article 86 du traité sur l'Union européenne, les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité, notamment à celles prévues et aux articles 81 à 89 inclus, qui sont les articles définissant les règles de la concurrence.

En vertu du deuxième alinéa de l'article 86, les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général (SIEG) ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles de concurrence , dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie .

Enfin, l'article 87 prohibe les aides d'Etat : « sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats, ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Quatre critères cumulatifs sont examinés pour retenir la qualification d'aide :

- le caractère public de l'aide ;

- son caractère sélectif au profit d'une entreprise ou d'une production ;

- l'affectation de la concurrence ;

- et l'affectation des échanges intracommunautaires.

A noter qu'il faut comprendre par « aide d'Etat », des mesures positives, telles des dotations ou subventions, mais aussi des mesures négatives ou indirectes, telles des exonérations ou des allégements de charges fiscales ou sociales , qui, par leur nature même ont pour effet d'augmenter la capacité financière d'une entreprise par rapport à une autre.

Par ailleurs, la notion d'aide est étroitement associée à la définition de l'entreprise en droit communautaire : il s'agit de « toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de fonctionnement ». Dans cet esprit, il importe peu que cette entité ait ou non pour objet la recherche du profit. Il peut aussi bien s'agir d'une entreprise individuelle que d'une société commerciale, voire même d'un service purement administratif qui procède à des échanges de nature économique, c'est-à-dire une activité qui pourrait être exercée par un opérateur du marché.

S'il est légitime que les services d'intérêt économique général, au premier rang desquels le logement social, bénéficient d'un régime de faveur, il serait nécessaire que ce régime spécifique se justifie par une mission de service public, et n'ait pas d'incidence sur le champ concurrentiel.

Depuis plusieurs mois, il faut noter que la commission européenne a engagé une réflexion sur la notion de service d'intérêt économique général et son application dans l'Union européenne. La commission explique qu'elle vise essentiellement trois objectifs :

- assurer un fonctionnement efficace des services d'intérêt économique général ;

- veiller à ce que la qualification de SIEG ne soit pas donnée à des services qui se situent en fait dans la sphère concurrentielle hors SIEG et qui ne poursuivent pas un objectif d'intérêt général ;

- veiller à ce qu'il n'y ait pas d'interférences négatives sur les marchés ouverts à la concurrence en dehors du service public.

Ainsi, notre pays doit accompagner ce mouvement en redéfinissant au besoin les aides fiscales qu'il accorde à des secteurs ciblés afin de les faire coïncider avec des missions d'intérêt général .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE ADDITIONNEL

Le présent article additionnel vise à modifier l'article 207 du code général des impôts qui énumère les organismes et activités exonérés d'impôt sur les sociétés.

1. Les organismes visés : un élargissement

Seraient désormais exonérés les organismes d'HLM mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, les sociétés d'économie mixte (SEM) visées à l'article L. 481-1-1 du même code et les sociétés anonymes de coordination entre organismes d'HLM mentionnées à l'article L. 423-1-1 du même code, soit :

• Au titre de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation :

- les offices publics d'aménagement et de construction (OPAC) ;

- les offices publics d'habitations à loyer modéré (OPHLM) ;

- les sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré (SA d'HLM) ;

- les sociétés anonymes coopératives de production et les sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif d'habitations à loyer modéré ;

- les sociétés anonymes de crédit immobilier ;

- les fondations d'habitations à loyer modéré.

• Au titre de l'article L. 481-1-1 du code de la construction et de l'habitation :

- les sociétés d'économie mixte (SEM) exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux.

• Au titre de l'article 423-1-1 du code de la construction et de l'habitation :

- les sociétés anonymes créées par des organismes d'habitation à loyer modéré ayant pour objet d'assister, comme prestataires de services, ces organismes, de gérer des immeubles, de réaliser des interventions foncières ou des opérations d'aménagement pour leur compte.

2. Une exonération tenant aux activités des organismes et non à leur statut

Le présent article additionnel précise les activités des organismes précités qui seraient exonérées.

Il s'agirait :

1 - des opérations réalisées au titre du service d'intérêt général défini à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation.

Cet alinéa dispose que « au titre du service d'intérêt général que constituent la construction, l'acquisition, l'attribution et la gestion de logements locatifs destinés à des personnes dont les revenus sont inférieurs à des plafonds , les organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 bénéficient d'exonérations et d'aide spécifiques de l'Etat ».

2 - des produits engendrés par les locaux annexes et accessoires des ensembles d'habitations mentionnés à l'article L. 411-1 du même code, à la condition que ces locaux soient nécessaires à la vie économique et sociale de ces ensembles.

L'article L. 411-1 vise les habitations collectives ou individuelles, urbaines ou rurales, répondant aux caractéristiques techniques et de prix de revient déterminées par décision administrative et destinées aux personnes et aux familles de ressources modestes 92 ( * ) . Il vise également les dépendances, annexes et jardins privatifs ou collectifs, accolés ou non aux immeubles et les locaux à usage commun et toutes constructions nécessaires à la vie économique et sociale de ces ensembles. Sont également mentionnées les aires de stationnement.

3 - des produits financiers issus du placement de la trésorerie de ces organismes .

En conséquence, le 4° bis de l'article 207 du code général des impôts, qui visait l'exonération des seuls OPAC serait supprimé.

La fraction du bénéfice provenant d'activités autres que celles visées dans les nouvelles dispositions du 4° du 1 de l'article 207 du code général des impôts serait soumise à l'impôt sur les sociétés.

L'exonération prévue au 6 bis du 1 de l'article 207, s'agissant des établissements publics et sociétés d'économie mixte réalisant des opérations dans le cadre de procédures de zones d'aménagement concerté, de lotissements, de zones de restauration immobilière et de zones de résorption de l'habitat insalubre serait conservée.

Enfin, ces dispositions s'appliqueraient aux exercices clos à compter du 1 er janvier 2004, c'est-à-dire qu'elles rentreraient pleinement en vigueur en 2005.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

* 87 Le Conseil d'Etat a donné une interprétation large à cette exonération en considérant qu'elle n'était pas remise en cause par l'exercice à titre accessoire d'activités non prévues par l'objet statutaire de ces organismes (CE, 4 juillet 2001).

* 88 La dernière fraction de la dépense fiscale concerne les sociétés anonymes de crédit immobilier pour 27 millions d'euros (11 % de la dépense fiscale) qui sont exonérées en vertu du 4° ter du 1 de l'article 207 du code général des impôts.

* 89 Séance publique du 25 novembre 2002.

* 90 Séance publique du 22 mai 2003.

* 91 Séance publique du 23 juillet 2003.

* 92 En application de l'article R.411-1 du code de la construction et de l'habitation, les caractéristiques techniques et de prix de revient auxquelles, en application de l'article L. 411-1, doivent répondre les immeubles ou les logements sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation, du ministre chargé des finances, du ministre chargé de la santé et, en ce qui le concerne, du ministre chargé de l'agriculture. Les conditions dans lesquelles peuvent être adjoints aux habitations des jardins, dépendances ou annexes sont fixées par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation et du ministre chargé des finances.

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