EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 28 octobre 2003 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen des crédits du travail, de la santé et de la solidarité : I.- Travail et article 80 rattaché, sur le rapport de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président , a indiqué aux commissaires que le début de la réunion de commission avait été décalé afin de leur permettre d'assister à l'éloge funèbre, en séance publique, de leur ancien collègue, M. Patrick Lassourd.

Il a salué la présence de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis du budget du travail et de l'emploi , au nom de la commission des affaires sociales, et a rappelé que la commission procèderait à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Après avoir indiqué que les crédits du ministère du travail s'élevaient à plus de 32 milliards d'euros pour 2004, contre moins de 16 milliards d'euros en 2003, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a d'abord expliqué que ce doublement résultait de la suppression du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) à compter du 1er janvier 2004. En effet, la compensation des allègements généraux de charges auprès de la sécurité sociale, qui avait été prise en charge par le FOREC depuis 2000, allait être à nouveau assumée par le budget du travail. Puis il a rappelé que les crédits du ministère étaient surtout destinés aux dépenses d'intervention, qui atteignaient 95 % de son budget, avant d'en venir à ses observations.

En premier lieu, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a indiqué que la hausse du chômage en France se poursuivait, son taux étant passé de 8,7 % au printemps 2001 à 9,5 % aujourd'hui, contre 8,1 % dans l'Union européenne. Si la dégradation observée en France était d'un niveau comparable à celle qui avait pu être observée en Europe, la France souffrait néanmoins d'un niveau de chômage structurel très élevé, qui appelait des réformes profondes afin que la croissance, dont le retour était attendu, profitât davantage à l'emploi.

En second lieu, il s'est félicité que le projet de budget 2004 s'inscrive opportunément dans le cadre d'une réforme structurelle du marché du travail. Ainsi, le gouvernement souhaitait d'abord diminuer le coût du travail dans le secteur marchand, avec d'une part la poursuite de la politique d'exonérations générales sur les bas salaires sans référence à la durée du travail, et d'autre part la réorientation des politiques ciblées vers le secteur marchand. Ainsi, la préférence était donnée aux contrats « jeunes en entreprise » et au « contrat d'insertion dans la vie sociale » sur les « emplois jeunes », et aux « contrats initiative emploi » sur les « contrats emploi-solidarité », les « contrats emploi-consolidé » et les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE).

Il a ensuite exposé le deuxième axe de lutte contre le chômage structurel : l'amélioration de l'offre de travail. D'une part, cette amélioration était qualitative, avec le maintien de l'effort en direction d'une formation professionnelle qui allait être rénovée dans le cadre du projet de loi « emploi-formation », et l'appui aux dispositifs de validation de l'expérience et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. D'autre part l'amélioration était quantitative, avec la diminution des crédits de pré retraite, le renforcement de la prime pour l'emploi et la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Il a enfin indiqué que la hausse des moyens dévolus à la création d'entreprise, les aménagements apportés aux 35 heures par la loi « Fillon », ainsi que l'assouplissement de la loi de modernisation sociale participaient également de cet effort indispensable de réforme structurelle.

Au total, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a constaté que l'axe majeur de la politique du travail était désormais constitué par la baisse des charges. En effet, en 2004, les moyens dévolus aux différents dispositifs d'exonération de charges sociales se trouvaient en augmentation de 7 %, dépassant pour 2004 le seuil de 60 % des moyens dévolus au budget du travail, et il s'est par ailleurs félicité que la budgétisation du FOREC pour 2004 permette, ainsi, de recouvrer une vision satisfaisante de la politique du travail. Il a alors mentionné que, dans son nouveau périmètre, le budget du travail n'augmentait que de 2,9 %, les moyens destinés aux dispositifs destinés aux publics prioritaires relevant du secteur non marchand se trouvant logiquement en baisse.

Puis M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a déploré que l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fût encore insuffisamment tangible dans certains domaines. Si la poursuite de la démarche de globalisation des crédits, notamment avec la région Centre, était de bon augure, les indicateurs de résultats mis en place au niveau des agrégats, quoique bien conçus, recouvraient très insuffisamment le champ de la politique de l'emploi, et étaient de surcroît mal renseignés. En revanche, la définition des futurs « programmes » était, selon lui, satisfaisante, dans la mesure où elle procédait d'une vraie réflexion sur les actions du ministère, sans reprendre la définition des agrégats existants, mais elle décevait par la définition extensive du « programme support », qui comprenait l'ensemble du personnel des services, dont les crédits correspondants étaient heureusement contenus à 1,5 % des moyens dévolus au ministère. En outre, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial a indiqué que, la pratique des reports, toujours trop générale, diminuait la portée du consentement parlementaire, l'application de la loi organique précitée du 1er août 2001 devant opportunément conduire à « plus de mesure ».

Enfin, il a souligné que le budget du travail évoluait en cohérence avec la décentralisation de la formation professionnelle au profit des régions mise en place dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales actuellement en cours d'examen par le Sénat. Il a rappelé que de 1983 à 2002, de nombreux crédits avaient été transférés : la formation professionnelle continue des actifs, l'apprentissage, et la formation des jeunes chômeurs, enfin l'indemnité compensatrice des contrats d'apprentissage. En conséquence du projet de loi précité sur les responsabilités locales, qui prévoyait un nouvel élargissement concernant la formation des demandeurs d'emploi adultes afin de parachever la décentralisation de la formation professionnelle, de nouveaux transferts de crédits devaient avoir lieu.

Par ailleurs, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a présenté l'article 80 rattaché pour son examen au budget du travail. Cet article visait à mettre fin, à compter du 1er janvier 2004, au cumul de l'aide incitative « Aubry I », qui s'adressait aux entreprises qui avaient anticipé le passage aux 35 heures dès 1998, avec tout autre dispositif d'exonération de charges sur les bas salaires, en l'occurrence, depuis le 1er juillet 2003, l'allègement « Fillon ». Il a précisé que, pour 2004, une économie de 500 millions d'euros était attendue de cette disposition.

Partant du constat de la complexité, du foisonnement et du coût des dispositifs existant en matière d'aide à l'emploi en comparaison des résultats obtenus par la France en matière de lutte contre le chômage, il a évoqué l'espoir que portait l'engagement de réformes structurelles mises en oeuvre par le gouvernement.

Un débat s'est alors instauré.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis du budget du travail et de l'emploi au nom de la commission des affaires sociales , s'est interrogé sur les modalités du financement de 80.000 nouvelles entrées en contrat intiative-emploi (CIE), compte tenu de la baisse des crédits.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , lui a indiqué que cette baisse s'expliquait par la suppression de l'exonération de charges concernant les contrats conclus après le 1er janvier 2002.

M. Joël Bourdin s'est ensuite enquis de la fiabilité de l'estimation du nombre de contrats emploi solidarité (CES).

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , lui a rappelé qu'il avait lui-même souligné, à l'occasion de l'examen des crédits du travail pour 2003, le problème de la sous-évaluation du nombre des CES, qui correspondaient pourtant à un vrai besoin. Puis il a indiqué que les prévisions pour 2004 étaient plus réalistes, puisqu'il était attendu pour l'année prochaine 170.000 CES contre 80.000 CES en 2003, alors que 240.000 CES étaient en passe d'être réalisés avant la fin de l'année.

M. Gérard Braun , évoquant la situation particulière des salariés ayant commencé à travailler tôt, s'est interrogé sur l'évolution de l'allocation équivalent retraite (AER), en cohérence avec celle des autres dispositifs d'indemnisation du chômage et de retraite, ce qui nécessiterait vraisemblablement, selon lui, une expertise approfondie.

Puis M. Jean Arthuis, président , a interrogé le rapporteur spécial sur les gisements d'économie que pouvait receler le budget du travail, sur l'impact des 35 heures sur ce budget, et sur les enjeux financiers induits par la réforme de l'allocation spécifique de solidarité (ASS).

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , lui a alors indiqué que des marges de productivité existaient certainement dans les services déconcentrés, les économies réalisées dans le cadre de l'expérience de globalisation des crédits dans la région Centre en constituant à ce titre un sérieux indice. Concernant le coût des 35 heures, il a précisé que si l'impact global de leur mise en oeuvre pouvait être évalué à 11 milliards pour l'État, dont 70 % au titre des allègements de charges relevant du ministère du travail, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail au sein du ministère s'était faite, elle, à effectifs constants. Enfin, concernant le resserrement des conditions d'attribution de l'ASS, il a constaté que les enjeux collectifs et individuels étaient fortement différenciés. En, effet, si, pour les allocataires, le « décrochage », en termes de revenus, se situait davantage lors du passage de l'assurance chômage au versement de l'ASS ou du RMI, au niveau collectif, le transfert d'allocataires de l'UNEDIC vers l'ASS cette dernière prestation relevant du budget du travail puis vers le RMI, qui était appelé à relever du département, n'était évidemment pas neutre.

En réponse à M. Roland du Luart , il a précisé qu'il était difficile d'obtenir un chiffrage fiable des conséquences de la réforme de l'ASS sur les finances des départements, tant en raison des incertitudes tenant aux modifications de comportement de recherche d'emploi qu'elle était susceptible d'induire, qu'en raison de l'évolution de la conjoncture. Il a cependant indiqué que ce chiffrage était nécessaire. Enfin, M. Jean Arthuis, président , a tenu à souligner que cette mesure s'inscrivait d'abord dans une logique d'incitation au retour à l'emploi, et non d'économie.

Après que M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , eut exprimé un avis favorable à l'adoption des crédits du travail, la commission a décidé de réserver sa position sur ce budget jusqu'à l'audition par la commission de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui devait avoir lieu le 6 novembre 2003 à 11 heures 30. Elle a également décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'article 80 rattaché .

De nouveau réunie le jeudi 20 novembre 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé son adoption du budget du travail, tel qu'amendé par l'Assemblée nationale, confirmé l'adoption de l'article 80 rattaché et adopté l'article 80 bis (nouveau) rattaché .

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