N° 313

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 mai 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la solidarité pour l' autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ,

Par M. André LARDEUX,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Georges Ginoux, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12 ème législ.) : 1350 , 1540 et T.A. 287

Sénat : 299 et 315 (2003-2004)

Politique sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le drame humain des 15.000 décès provoqués par la canicule de l'été 2003 a rappelé à notre société le prix de son indifférence et ce qu'il en coûte de laisser se diluer les solidarités les plus essentielles. C'est davantage de notre désintérêt que des conditions climatiques qu'ont été victimes les plus fragiles de nos concitoyens.

Face à cette situation, le Gouvernement avait le devoir d'agir résolument. Sa détermination a trouvé sa traduction dans le plan de solidarité pour l'autonomie présenté par le Premier ministre dès l'automne dernier.

A l'évidence, l'impasse de laquelle le Gouvernement doit tirer notre système de protection sociale n'a pas contribué à rendre l'action facile. En arrivant aux affaires, il s'est trouvé confronté aux problèmes posés par des droits nouveaux imparfaitement financés, des régimes de retraite et d'assurance maladie dont la réforme avait été ajournée et une situation des personnes handicapées laissée en l'état de friche.

La multitude de ces sujets et les circonstances présentes rendent indispensable ce projet de loi qui s'inscrit dans un processus législatif global plus complexe. Néanmoins, il garantit un cadre financier réaliste au plan de solidarité et n'hypothèque pas la poursuite de la concertation qui permettra de doter l'organisation de la prise en charge de la dépendance d'un socle durable.

Les débats suscités par ce projet de loi ont soulevé bien des craintes, souvent infondées d'ailleurs, en raison d'une confusion entre le texte lui-même et le contenu du rapport d'étape de deux hauts fonctionnaires, MM. Raoul Briet et Pierre Jamet, chargés de formuler des propositions sur le statut juridique de la future caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Ces craintes traduisent toutefois l'urgence d'organiser de manière pérenne la prise en charge de la dépendance.

Sans mettre en cause l'universalité de l'assurance maladie, ni créer « une cinquième branche » pour répondre à un « cinquième risque », le projet de loi pose aujourd'hui, de manière pragmatique, les premiers jalons d'une réforme ambitieuse.

Il ne résout évidemment pas de manière définitive les problèmes que pose à notre société la détérioration du rapport démographique à laquelle elle se trouve confrontée. Nul texte ne pourrait à lui seul assurer la prise en charge durable des quatre millions d'octogénaires que comptera la France dans quinze ans.

D'autres mesures doivent ou devront être prises pour préparer cet avenir. Dans cet esprit, la proposition de loi déposée par M. Alain Vasselle et plusieurs de ses collègues tend à illustrer le rôle fondamental que pourrait jouer la prévoyance individuelle ou collective si les pouvoirs publics savaient intelligemment la stimuler. C'est la raison pour laquelle votre commission a souhaité examiner cette proposition parallèlement au présent projet de loi qui apporte déjà des solutions adaptées au problème difficile de la dépendance.

Comment comprendre alors qu'à peine publié, ce texte ait subi un tir de barrage de critiques acerbes contestant l'adéquation des réponses qu'il présente ?

« Fit-il pas mieux que de se plaindre ? » . Ces critiques ne traduiraient-elles pas en réalité le dépit et l'impuissance de ceux qui, faute d'avoir su par eux-mêmes régler le coût de l'autonomie de nos aînés et des personnes handicapées, ne trouvent aujourd'hui aucun mérite aux solutions qui leurs sont proposées ?


Synthèse des mesures du plan gouvernemental de solidarité pour l'autonomie

Annoncé le 26 août 2003, puis présenté le 6 novembre, le plan vieillissement et solidarité constitue un programme pluriannuel destiné à améliorer d'ici 2008 la situation des personnes âgées et des personnes handicapées.

Ce plan prévoit d'organiser la prise en charge de la dépendance à travers la création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie . Les mesures prévues dans ce plan sont financées par une contribution de 0,3 % assise sur la masse salariale et versée par les employeurs publics (0,4 milliard d'euros) et les employeurs privés (1,2 milliard d'euros), ainsi que par une taxe sur les revenus du capital (0,3 milliard d'euros). Cette charge nouvelle est compensée par le travail d'un jour férié ne donnant pas lieu à rémunération supplémentaire.

Les mesures en faveur des personnes âgées

- pérennisation et consolidation financière de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ;

- renforcement de la médicalisation des établissements pour personnes âgées par l'augmentation de 20 % du taux d'encadrement et la création de 10.000 places nouvelles ;

- accentuation de l'effort en faveur de la vie à domicile par la création de 17.000 places nouvelles de soins infirmiers à domicile (SIAD) et de 13.000 places d'hébergement temporaire et d'accueil de jour ;

- amélioration des filières de soins gériatriques et de l'évaluation des besoins des personnes âgées ;

- professionnalisation des métiers de l'aide à la dépendance et renforcement de leur attractivité ;

- mesures d'animation et de prévention.

Les mesures en faveur des personnes handicapées

- création d'une prestation de compensation personnalisée dans le cadre de la loi relative aux droits et à l'égalité des chances des personnes handicapées ;

- amélioration du maintien à domicile par l'augmentation du nombre d'auxiliaires de vie sociale, la réduction du coût des aides techniques ainsi que des mesures d'incitation à l'adaptation des logements ;

- mesures en faveur de l'accessibilité de l'habitat, des lieux publics et des transports ;

- mesures en faveur de l'insertion professionnelle ;

- développement des services aux personnes handicapées et élaboration de programmes spécifiques en fonction des différents handicaps.

En outre, au regard de l'expérience dramatique de la canicule de l'été 2003, ce programme prévoit la mise en place d'un plan d'alerte visant les personnes très âgées, atteintes d'une polypathologie, d'une incapacité ou qui sont en situation d'isolement afin de les prémunir contre un risque climatique ou sanitaire.

I. LE PROJET DE LOI TENTE DE CONCILIER PÉDAGOGIE ET PRAGMATISME

Les dispositions du projet de loi participent de la mise en oeuvre du plan de solidarité pour l'autonomie. Elles comportent essentiellement trois titres qui prévoient successivement :

- la constitution d'un plan de veille et d'alerte ;

- l'instauration d'une journée de solidarité ;

- la création de la cotisation correspondant à cette journée et l'institution de la Caisse nationale de solidarité.

Votre commission présente ici les considérations que l'institution de la journée de solidarité lui inspire, dans ses aspects sociaux et financiers, puis une analyse des questions soulevées par la création de la CNSA.

A. LES QUATRE DÉFIS DE LA JOURNÉE DE SOLIDARITÉ

1. Financer la protection sociale par l'augmentation du temps de travail

Suivant l'exemple de l'Allemagne, qui finance depuis plusieurs années l'autonomie des personnes âgées par la suppression d'un jour férié, le Gouvernement a retenu cette option originale qui consiste à solliciter des salariés français le sacrifice d'un peu de leurs loisirs pour permettre à leurs aînés, et aux personnes souffrant d'un handicap, de vivre dans des conditions plus dignes et de bénéficier d'un confort qu'ils souhaiteront demain pour eux-mêmes.

Ce choix symbolique - renoncer à l'un des onze jours fériés existants - ouvre toutefois la porte à une réflexion plus large sur le rapport des Français au travail. En effet, le présent projet de loi aboutit pour la première fois depuis plus de vingt ans à ce que la durée du temps de travail en France soit majorée en application d'une décision législative .

Bien que la tendance à la diminution du temps de travail soit un phénomène constaté dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE, la France occupe dans ce classement une place particulière.

Alors qu'au début des années 1970, le nombre annuel d'heures travaillées par actif occupé était dans notre pays sensiblement équivalent à celui observé à l'étranger, il est aujourd'hui inférieur d'environ 15 % à la moyenne. La France est à la fois l'un des pays où l'on travaille le moins, et où travaillent le moins de personnes. Les conclusions de la mission d'information de l'Assemblée nationale 1 ( * ) sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail rappellent fort à propos que « sur la période 1980-2000, le nombre total d'heures travaillées rapporté à la population en âge de travailler a baissé de 16 % » .

Cette situation, que traduit le niveau élevé du chômage en France, n'est d'ailleurs pas compensée par une augmentation corrélée de la productivité. Celle-ci évolue désormais moins vite que dans d'autres pays comme le Japon ou le Royaume-Uni, et même les Etats-Unis.

Dans ce contexte, le caractère symbolique de la mesure n'est en lui-même pas exorbitant : il ne remet pas en cause une tendance longue de diminution du temps de travail et n'exige des salariés qu'une présence annuelle supplémentaire de 0,4 %. Il rappelle toutefois à juste titre que l'extension, voire la préservation, d'un système de protection sociale généreux ne pourra être financée à long terme que par l'accroissement de la production de richesse permis par le travail .

* 1 Rapport n° 1544 de MM. Patrick Ollier et Hervé Novelli.

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