3. Assurer la neutralité économique de la mesure

L'institution d'une journée de solidarité tient également le pari de préserver la compétitivité des entreprises en n'accroissant pas les charges qui pèsent sur le travail.

Ce pari est fondé sur l'hypothèse, élaborée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'un jour travaillé en plus se traduira à terme par un surcroît de valeur ajoutée dans le secteur marchand de l'ordre de 0,3 %.

Après déduction de la part permettant de compenser l'usure du capital, la recette dégagée par l'institution de la journée de solidarité pourrait s'élever à 0,3 % de la masse salariale - assiette équivalente à 80 % de l'assiette constituée par la valeur ajoutée.

A l'évidence, l'économie de ce dispositif repose sur l'espérance d'un ajustement dynamique du secteur productif marchand , lui permettant de tirer le meilleur parti d'une journée de travail supplémentaire. Si celle-ci ne se traduisait pas par une production rendue supplémentaire, il en résulterait en réalité une augmentation des charges de l'entreprise.

Dans ce cas, l'innovation proposée par le projet de loi serait réduite à une tentative intellectuelle séduisante, mais toutefois contradictoire dans son application, avec l'objectif poursuivi par le Gouvernement de diminuer le coût pesant sur le travail, et notamment le travail peu qualifié par le biais des allégements et exonérations de cotisations patronales.

L'assujettissement du secteur public pose bien évidemment une autre question, puisque celui-ci ne peut envisager de recettes supplémentaires, n'étant pas producteur de biens et services marchands .

L'augmentation des charges résultant du paiement de la cotisation prévue en contrepartie d'une journée supplémentaire de travail sollicitera évidemment le contribuable national ou local. Il serait toutefois inexact de limiter l'impact de la journée solidarité dans le secteur public à une augmentation d'impôt. Dès lors que le dispositif est appliqué avec suffisamment de souplesse, il peut permettre une amélioration du service rendu au public, voire limiter la création d'emplois publics ultérieurs. A titre d'exemple, une journée de travail supplémentaire à l'hôpital entraînera sans nul doute une amélioration des services rendus aux usagers du système de soins.

4. Réussir son insertion dans le droit social

En vérité, la souplesse est la première condition posée au succès d'une telle mesure, dont l'insertion dans le droit social s'avère néanmoins complexe.

Séduisante dès l'origine, l'idée de supprimer un jour férié se heurte à la grande diversité du chômage de ces jours fériés. En effet, le code du travail prévoit que seul le 1 er mai est obligatoirement férié et chômé.

De nombreuses entreprises font travailler leur personnel les autres jours fériés en échange de contreparties. Dès lors, la suppression du caractère férié du lundi de Pentecôte n'entraîne pas systématiquement pour ces sociétés une production supplémentaire. Cette difficulté atteint son paroxysme dans le cas des entreprises qui travaillent en continu : secteur de l'hôtellerie et de la restauration ou structures industrielles dont les chaînes de production fonctionnent en permanence.

Non seulement l'institution d'une journée solidarité n'accroîtra pas, ou seulement à la marge, la production de ces entreprises, mais elle risque en même temps de rendre plus difficiles certaines convergences en augmentant la durée du travail de salariés qui effectuent déjà un nombre d'heures bien supérieures à la durée légale.

Une solution alternative envisagée aurait pu constituer en la suppression d'une journée de RTT. Là encore, une telle mesure n'aurait pu revêtir un caractère simple et universel, ne serait-ce que parce que la réduction du temps de travail ne concerne que les deux tiers des salariés du secteur marchand.

Une autre série de difficultés est soulevée par la situation des salariés non mensualisés : ceux-ci bénéficient généralement du chômage des jours fériés, mais ces derniers ne leur sont pas rémunérés. Il est dans ce cas difficile de leur demander d'exécuter une journée supplémentaire de travail sans aucune contrepartie financière, une telle exigence pouvant être interprétée comme une sorte de « double peine » ou un retour à la « corvée ». Mais dans le même temps, si une rémunération leur est octroyée, elle correspond pour leurs employeurs au double paiement de cette journée - une première fois sous forme de salaire, une seconde fois au titre de la contribution - et lesdits salariés n'auront finalement pas contribué directement au financement de la solidarité.

Votre commission observera enfin que l'institution de cette journée pose une myriade de « microdifficultés », qu'il s'agisse de l'appliquer aux salariés en intérim, en contrat à durée déterminée ou relevant d'autres statuts particuliers. De manière plus anecdotique, elle s'interroge sur l'exécution ou la non-exécution de la journée par les personnes en situation de « portage salarial », c'est-à-dire celles indépendantes mais travaillant sous le statut de salarié. Cette interrogation demeure pour l'instant sans réponse.

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