N° 104

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 décembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ,

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1499 , 1660 et T.A. 306

Sénat : 356 (2003-2004)

Rapatriés.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'indépendance de l'Algérie en 1962 a entraîné l'arrivée sur le territoire métropolitain, dans des conditions souvent dramatiques, d'environ un million de rapatriés, dont quelques dizaines de milliers de harkis. Quarante-deux ans plus tard, le Gouvernement présente au Parlement une loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Ce texte poursuit deux objectifs :

- l'objectif moral de témoigner aux rapatriés la reconnaissance de la Nation pour l'oeuvre accomplie dans les anciennes possessions françaises d'outre mer ;

- l'objectif financier de corriger des situations inéquitables nées de la succession des différentes lois d'indemnisation en faveur des rapatriés et de prolonger l'effort de solidarité envers les harkis.

La mesure la plus importante destinée aux harkis consiste en la revalorisation de l'allocation de reconnaissance dont ils bénéficient depuis le 1 er janvier 2003. Cette allocation s'est substituée à la rente viagère, instaurée par le gouvernement précédent, qui était versée sous condition de ressources et ne concernait, pour cette raison, que la moitié de la population harkie. Répondant à une revendication ancienne, le Gouvernement propose, en outre, que les titulaires de l'allocation de reconnaissance puissent opter pour le versement d'un capital, en lieu et place de la poursuite du versement trimestriel de l'allocation. Le choix du versement d'un capital pourrait être privilégié par les harkis qui souhaitent réaliser un investissement ou engager une dépense importante.

La mesure la plus significative proposée au profit des rapatriés d'origine européenne réside dans la restitution des sommes prélevées sur les indemnisations versées dans les années 1970 au titre du remboursement des prêts de réinstallation. Ces prêts avaient été accordés par l'État aux rapatriés qui souhaitaient démarrer une activité non salariée après leur arrivée sur le territoire métropolitain. Or, si certains rapatriés ont bénéficié de mesures d'effacement de dettes après 1982, d'autres ont entièrement remboursé leurs emprunts par récupération sur le montant de leurs indemnités. Cette inégalité de traitement a été, à juste titre, mal ressentie et le présent projet de loi vise à y porter remède.

Au total, l'enveloppe budgétaire prévue pour financer les mesures contenues dans ce projet de loi est de l'ordre d'un milliard d'euros. Cet effort financier significatif, consenti dans une période difficile sur le plan économique, traduit bien la volonté du Gouvernement de parachever l'oeuvre d'indemnisation et d'aider nos concitoyens harkis, qui connaissent, pour la grande majorité d'entre eux, des conditions de vie très modestes.

Votre commission a cependant constaté, lors des auditions auxquelles elle a procédé, à quel point les souvenirs et les souffrances endurées pendant la guerre d'Algérie étaient encore présents dans les esprits. Les mesures financières ne suffiront jamais à compenser les sacrifices des rapatriés. Elles expriment néanmoins la solidarité et la reconnaissance de la Nation à leur endroit.

I. LE DRAME DES RAPATRIÉS ET L'EFFORT DE RÉPARATION DE LA NATION

La France compte sur son sol près d'un million et demi de rapatriés parmi lesquels les rapatriés d'Afrique du Nord occupent une place prépondérante (95 % du total, dont près d'un million originaires d'Algérie). Passées les mesures d'urgence, insuffisantes, consenties lors de l'arrivée de ces populations, il fallut attendre 1970 pour que la France s'engage dans une politique d'indemnisation des rapatriés. Parmi les rapatriés, les harkis, anciens membres des forces supplétives de l'armée française en Algérie, ont fait l'objet de dispositions particulières qui n'ont cependant pas permis, jusqu'ici, de compenser la relégation sociale dont ils ont été victimes dans les années qui ont suivi leur arrivée en métropole.

A. LE DRAME DES RAPATRIÉS

Un récit circonstancié des épisodes dramatiques vécus par les rapatriés nécessiterait de longs développements qui dépassent le cadre de ce rapport. Il est cependant souhaitable de rappeler ici quelques données factuelles, relatives principalement aux rapatriés d'Algérie.

La loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer a défini les rapatriés comme des « Français ayant dû quitter ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ».

Les deux tiers des rapatriés français sont originaires d'Algérie, ce pays ayant constitué, avant l'indépendance, la première colonie de peuplement français.

Territoires d'origine des rapatriés français

Algérie

969.466

Maroc

263.643

Tunisie

180.223

Afrique noire et Madagascar

15.747

Indochine

44.164

Égypte

7.307

Autres (Djibouti, Comores, Vanuatu)

2.771

Total

1.483.321

Source : rapport Diefenbacher (chiffres au 31 décembre 2002)

La très grande majorité des rapatriés d'Algérie ont gagné le territoire métropolitain dans les mois qui ont suivi la signature des accords d'Evian, le 18 mars 1962. Ils ont été victimes des violences commises pendant la guerre d'Algérie, mais aussi après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 19 mars 1962. En plus du déchirement causé par le départ de leur terre natale, la soudaineté du rapatriement a conduit à ce que la plupart des Français résidant en Algérie abandonnent sur place l'essentiel de leurs biens.

Les harkis, membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, ont connu un sort plus douloureux encore. Ceux qui ont échappé aux nombreuses exactions, qui ont causé la mort d'au moins 60.000 à 80.000 personnes après l'indépendance de l'Algérie, et qui ont regagné la France, ont généralement été installés, de façon sommaire, dans des camps militaires, puis dans des « hameaux de forestage » ou des « cités urbaines ». Le nombre de harkis arrivés en France après 1962 est mal connu ; une étude du service central des rapatriés en 1965 faisait état de 66.000 personnes. Une étude démographique a estimé, en 1997, à 154.000 le nombre de harkis de la première et de la seconde génération.

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