EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 décembre 2004, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du projet de loi organique n° 69, modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001, relative aux lois de finances .

M. Jean Arthuis, président, rapporteur , a estimé, en premier lieu, que ce n'était que « d'une main tremblante » que des modifications à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) pouvaient être envisagées, alors même que l'ensemble de ses dispositions n'étaient pas encore entrées en vigueur, rappelant que, pour la première fois, le prochain projet de loi de finances, celui pour 2006, serait présenté, examiné et voté selon les nouvelles dispositions, dont l'objectif principal consistait à remplacer une culture de moyens par une culture de résultat.

M. Jean Arthuis, président , a exposé que le projet de loi organique n'avait pas pour objet de remettre en cause la nouvelle « Constitution financière », mais qu'il s'agissait de prévoir que la loi de finances de l'année arrêtait les modalités d'utilisation des éventuels surplus, par rapport à ses évaluations, du produit des impositions de toutes natures établies au profit de l'Etat, précisant que telle était l'unique disposition du texte initial.

Il a exposé que cette disposition, figurant désormais à l'article 1er du projet de loi organique, était motivée par la volonté du gouvernement, exprimée au printemps dernier, de prendre une initiative destinée à définir une norme de comportement budgétaire vertueuse en cas de surplus non anticipé de recettes et à éviter que les « embellies de recettes » ne soient affectées à des allègements de charges ou à des crédits supplémentaires, alors même que le déficit public avait atteint un niveau qui n'était pas acceptable.

M. Jean Arthuis, président , a observé que, lorsque les recettes fiscales étaient inférieures aux prévisions, il était rare que l'on compense les moindres rentrées par de nouvelles économies ou par une hausse des prélèvements obligatoires. En revanche, il a rappelé que, s'il existait des recettes imprévues, des allègements fiscaux de grande ampleur ou des majorations de crédits étaient fréquemment adoptés.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le dispositif proposé prévoyait que la première partie du projet de loi de finances de l'année arrêterait les modalités selon lesquelles seraient utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de ladite loi de finances, du produit des impositions de toutes natures établies au profit de l'Etat.

Il a observé que les questions portant sur l'affectation des surplus de recettes n'étaient pas étrangères à une préoccupation constante de la commission des finances, se référant à l'année 1999, où elle avait constaté un surplus de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, ce que le gouvernement de l'époque avait longtemps contesté, avant de l'admettre et de consentir, dans la loi de finances rectificative de fin d'année, aux correctifs nécessaires.

Il a rappelé qu'à l'occasion de cette affaire, improprement dite de la « cagnotte », puisque le budget était en déficit, le Sénat avait confié à la commission des finances les prérogatives d'une commission d'enquête pour étudier le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et leur exécution.

Il a ajouté que le rapport d'information publié par la commission des finances à l'issue de ses investigations avait, sans aucun doute, contribué à faire mûrir le débat sur les finances publiques, faisant valoir que la presse s'intéressait à l'évolution de la situation mensuelle budgétaire et que les commissions des finances des deux assemblées étaient, depuis lors, destinataires des situations hebdomadaires budgétaires de l'Etat. Il a considéré que, grâce au travail d'investigation de la commission des finances, la sincérité budgétaire avait accompli une première évolution positive.

M. Jean Arthuis, président , a souligné que le texte proposé entendait « aider » le gouvernement à maîtriser les déficits et qu'il convenait de limiter, voire de supprimer, les chances d'aboutir des demandes inévitablement amenées à s'exprimer en cas d'excédent par rapport aux prévisions, ajoutant que ces recettes imprévues apparaissaient, en effet, aux yeux des défenseurs d'intérêts catégoriels, comme une manne qui ne saurait être soumise aux mêmes contraintes que le budget initial, dès lors que leur affectation ne dégraderait pas le solde budgétaire initialement affiché par l'Etat.

Il a estimé qu'aussi longtemps que subsisterait un déficit de fonctionnement, l'intégralité du surplus devrait être affectée à sa réduction et que, lorsque le déficit de fonctionnement aurait disparu, les deux tiers des surplus de recettes devraient être dédiés à la réduction de la dette, le complément pouvant être concédé à des dépenses ou des diminutions de recettes exceptionnelles.

Il a précisé que le projet de loi organique ne fixait pas au gouvernement de règle contraignante en la matière et laissait une marge d'appréciation au législateur, qui devrait décider de l'utilisation des surplus éventuels, ce qui favoriserait le débat sur les évaluations de recettes fiscales et l'affectation des éventuels surplus constatés au cours de l'exercice.

M. Jean Arthuis, président , a ajouté que la loi de finances définirait les principes généraux d'affectation des surplus : proportion allouée à la réduction du déficit, éventuellement part utilisée sous forme d'allègements fiscaux ou pour des dépenses supplémentaires, avec la précision des grandes catégories susceptibles d'être majorées. Il a spécifié que le projet de loi organique ne traitait que des recettes fiscales, la non-prise en compte des recettes non fiscales s'expliquant par leur caractère volatil, dû à la volonté politique d'en faire une variable d'ajustement.

Il a annoncé que, concrètement, le calendrier de la gestion des surplus fiscaux pourrait être le suivant :

- détermination des modalités générales d'affectation d'un éventuel surplus de recettes fiscales de l'année n dans le projet de loi de finances afférent, donc à l'automne de l'année n - 1 ;

- constatation d'un éventuel surplus lors de l'examen de la loi de finances pour l'année n + 1, donc en automne de l'année n. Ce surplus résulterait de la différence entre les évaluations de la loi de finances initiale de l'année n et les évaluations révisées de la même année, associées au projet de loi de finances de l'année n + 1 ;

- le débat sur les modalités concrètes d'affectation de ce surplus pourrait être conduit dans le cadre du « collectif de fin d'année » de l'exercice n, donc en décembre de l'année n.

M. Jean Arthuis, président , a précisé que la qualité de la prévision des recettes fiscales déterminerait largement l'ampleur des éventuels surplus de recettes fiscales et qu'une prévision trop optimiste rendrait très improbable l'apparition de surplus de recettes, le texte laissant au gouvernement toute latitude pour estimer le taux de croissance de référence, et donc pour favoriser ou éviter l'éventuel surplus. Il a reconnu que, seule, une partie des surplus de recettes était concernée par le projet de loi organique, et considéré que ce texte devait être perçu, à son sens, comme un outil pédagogique utile, quelles que soient ses ambiguïtés ou insuffisances. Il a jugé qu'en tout état de cause, une telle norme ne saurait se substituer à une volonté politique insuffisante.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que rien ne s'opposait donc à l'adoption de l'article 1er du projet de loi organique, que la commission a adopté sans modification.

Il a indiqué que l'article 2 relatif aux réponses ministérielles aux questionnaires budgétaires ne soulevait aucune difficulté, précisant qu'il consistait à donner date fixe au délai de réponse aux questionnaires budgétaires, et que cette date, aujourd'hui fixée à huit jours francs après le premier mardi d'octobre, deviendrait, désormais, le 10 octobre.

Sur la proposition de M. Jean Arthuis, président , la commission a adopté sans modification l'article 2 du projet de loi organique.

Il a ensuite abordé les articles 3 et 4 relatifs à l'information, dans le projet de loi de finances initiale et dans le projet de loi de règlement, sur les emplois rémunérés par les organismes subventionnés.

Il a fait remarquer qu'avec la LOLF, l'autorisation parlementaire porterait, à partir du projet de loi de finances pour 2006, sur un plafond exprimé en masse salariale et en stock d'emplois, et que les plafonnements seraient spécialisés par ministères, d'une part pour les dépenses de personnel (titre II) et, d'autre part, en termes de nombre d'emplois autorisés.

M. Jean Arthuis, président , a exposé que chaque emploi serait calculé en équivalent temps plein, indépendamment de la catégorie (A, B ou C) à laquelle il se rattacherait ou des statuts (titulaires ou contractuels), et souligné que, seuls, les emplois juridiquement rémunérés par l'Etat seraient inclus dans le champ plafonné.

M. Jean Arthuis, président , a ajouté qu'en revanche, les personnels dont la rémunération était couverte par des subventions pour charges de service public n'étaient pas compris dans le plafond, précisant que les dépenses de subvention correspondantes figureraient au titre III (dépenses de fonctionnement). Il a indiqué que ceci concernait environ 200.000 agents au service de quelque 600 opérateurs (établissements publics ou associations subventionnées).

M. Jean Arthuis, président, a fait valoir que le risque serait que l'Etat encourage la mise en oeuvre de certaines politiques par des opérateurs extérieurs aux seules fins d'échapper à l'autorisation parlementaire, ajoutant que c'était pour cette raison que l'Assemblée nationale avait envisagé, dans un premier temps, de créer un nouveau plafond pour les emplois rémunérés par des organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public.

Il a souligné que cette suggestion s'était heurtée à l'objection selon laquelle la détermination des plafonds d'emplois des établissements publics relevait de leurs conseils d'administration et qu'en outre, ceux-ci bénéficiaient de ressources propres.

Il a ajouté que dans ces conditions, les députés avaient décidé, en accord avec le gouvernement, d'améliorer l'information du Parlement, sur ce point, à l'occasion de l'examen des lois de finances.

Il a précisé que l'article 3 du projet de loi organique prévoyait que le projet de loi de finances initiale comporterait une présentation indicative des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public, ainsi que la justification des variations par rapport à la situation existante et que symétriquement, l'article 4 ajouterait à la liste des documents joints au projet de loi de règlement la présentation des emplois effectivement rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que ces informations seraient utiles à l'information du Parlement. Sur sa proposition, la commission a décidé d'adopter sans modification les articles 3 et 4 du projet de loi organique.

Il a ensuite indiqué que l'article 5 du projet de loi organique concernait les pouvoirs de contrôle des membres de la commission des finances des assemblées, fixés essentiellement par l'article 57 de la LOLF. Il a précisé que l'initiative des députés, à l'origine de cet article, provenait de ce que la commission des finances de l'Assemblée nationale fonctionnait selon des méthodes différentes de celle du Sénat, les 72 commissaires des finances de l'Assemblée nationale ne pouvant pas tous, à l'évidence, avoir un rapport spécial. Il en a donc déduit que de nombreux commissaires des finances à l'Assemblée nationale ne disposaient pas des pouvoirs prévus à l'article 57 de la LOLF.

Il a souligné que le débat des députés à l'origine de l'article 5 avait porté, pour une large part, sur les droits de l'opposition, bien que, cependant, environ un quart des rapports spéciaux étaient, à l'Assemblée nationale, confiés à l'opposition.

M. Jean Arthuis, président, a cependant noté que la situation était différente au Sénat, où tous les commissaires des finances exerçaient des pouvoirs au titre de l'article 57, soit comme rapporteur spécial, soit, le cas échéant, comme président ou rapporteur général. Il a ajouté que, la composition des commissions étant établie selon la représentation proportionnelle de leurs effectifs, il s'ensuivait, d'une part, que majorité et minorité participaient au contrôle budgétaire de l'article 57 et, d'autre part, que la répartition numérique des rapports spéciaux entre les groupes s'effectuait inévitablement en proportion de l'effectif de chacun d'entre eux, qu'il appartienne ou non à la majorité sénatoriale.

Il a observé que, dans le cadre de la LOLF, les rapports budgétaires « non essentiels » seraient moins nombreux, ce qui devrait permettre, de fait, de réserver un rôle plus important à l'opposition.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que la répartition des secteurs de contrôle au sein de la commission des finances posait d'autant moins de problème qu'il existait en son sein une tradition de souplesse et de respect mutuel qui permettait une distribution harmonieuse des responsabilités, ceci étant favorisé par le travail méthodique, régulièrement poursuivi sous la forme de séminaires à l'occasion desquels les commissaires échangeaient librement sur leurs méthodes de contrôle. Il a rappelé que ces séminaires avaient abouti à l'adoption d'un guide des bonnes pratiques de contrôle budgétaire, à usage interne.

A propos de l'article 57, il a rappelé que sa rédaction actuelle n'avait nullement empêché de réaliser, ni des contrôles « bisectoriels », c'est-à-dire des contrôles conjoints de deux rapporteurs spéciaux sur des questions communes à leurs compétences, citant comme exemple celui récemment réalisé par MM. Joël Bourdin et Marc Massion sur la Société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires (SOPEXA), ni un contrôle transversal, c'est-à-dire ne portant pas sur un domaine propre à un ou deux rapporteurs spéciaux, comme celui qu'il avait lui-même conduit au premier semestre de cette année sur l'informatisation de l'Etat.

Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait donc décidé que chaque année les commissions des finances accorderaient les pouvoirs de contrôle de l'article 57 de la LOLF, pour un objet et une durée limités, à un ou plusieurs de ses membres obligatoirement désignés à cet effet, spécifiant que cette disposition ne modifierait rien aux pouvoirs de contrôle du président de la commission des finances, de son rapporteur général et de ses rapporteurs spéciaux et ne créerait pas plus un « rapporteur général bis » ou des « rapporteurs spéciaux bis ».

Il a souligné que l'article 5 accorderait un pouvoir d'investigation sur un sujet déterminé par la commission, qui pouvait coïncider ou ne pas coïncider avec le champ des rapports spéciaux, ce sujet pouvant être transversal et qu'il appartiendrait à la commission de fixer la durée de la mission et la composition de ses membres.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que cet article souhaité par l'Assemblée nationale renforçait, pour une large part, des pratiques déjà mises en oeuvre par le Sénat au sein de sa commission des finances, où le pluralisme était vécu comme une habitude et où contrôles bisectoriels et missions transversales n'étaient plus à inventer.

Sur sa proposition, la commission a adopté l'article 5 sans le modifier.

A l'article 6 autorisant l'organisation de débats parlementaires sur le rapport annuel de la Cour des comptes, ainsi que sur ses autres rapports publics, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que, selon l'Assemblée nationale à l'origine de cette disposition, l'organisation de ces débats serait destinée à favoriser la bonne suite des observations et recommandations de la Cour des comptes, et correspondait à un voeu parfois exprimé par les parlementaires. Il a précisé que, selon le texte proposé, ces débats n'auraient pas de caractère obligatoire.

Il a ajouté qu'en outre, l'article 6 prévoyait aussi que la mission d'assistance au Parlement de la Cour des comptes comprendrait la « préparation » de ces débats, que le terme « préparation » n'était pas défini ou précisé par le texte et qu'en tout état de cause, il ne convenait pas que le Premier président de la Cour des comptes participe à un débat parlementaire au même titre que les députés, les sénateurs et les ministres.

M. Jean Arthuis, président , a souligné que les dispositions en vigueur n'avaient pas empêché le dialogue entre la Cour des comptes et les assemblées, comme la commission des finances du Sénat l'avait pratiqué de façon très fructueuse pour la mise en place des modalités d'enquête et d'assistance de la Cour des comptes à la demande du Parlement, prévues par l'article 58 de la LOLF.

M. Jean Arthuis, président, a cependant observé que les dispositions de l'article 6 n'avaient aucun caractère normatif, puisqu'une loi organique n'était pas nécessaire pour l'organisation d'un débat parlementaire, le troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution permettant déjà, par exemple, aux assemblées d'inscrire une question de leur choix à leur ordre du jour. Il a ajouté qu'il n'était pas plus nécessaire de prévoir dans une loi organique la « préparation » par la Cour des comptes d'un débat parlementaire, alors même que la mission d'assistance de cette dernière au Parlement était déjà effective, citant en exemple l'organisation par la commission des finances du Sénat d'auditions contradictoires entre la Cour des comptes et les organismes contrôlés dans le cadre de l'article 58 de la LOLF.

M. Michel Charasse s'est interrogé sur la non-prise en compte des recettes non fiscales dans l'évaluation des plus-values fiscales. Il a exprimé son accord, avec M. Jean Arthuis, président , pour la suppression de l'article 6.

Un large débat s'est alors instauré sur le contenu du contrôle que la Cour des comptes exercerait dans le cadre de l'article 58 de la LOLF pour la certification des comptes de l'Etat, auquel ont participé MM. Philippe Marini, rapporteur général, Michel Charasse, Yves Fréville, Jean-Jacques Jégou et Yann Gaillard .

Sur la proposition de M. Jean Arthuis, président, la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 6 du projet de loi organique et a adopté l'ensemble du projet de loi organique ainsi modifié .

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