ARTICLE 40 undecies (nouveau)

Aménagement des règles d'assujettissement à la taxe professionnelle des biens mis à disposition d'une personne par une autre

Commentaire : le présent article tend à restreindre aux seuls biens « confiés en contrepartie de l'exécution d'un travail » la portée de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, selon lequel le redevable de la taxe professionnelle au titre d'immobilisations mises à disposition à titre gratuit est le détenteur juridique de ces immobilisations (c'est à dire leur propriétaire, locataire ou sous locataire) et non pas leur utilisateur.

Pour apprécier la portée du présent article, qui tend à revenir partiellement sur l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 précisant les règles d'assujettissement à la taxe professionnelle des biens mis à disposition à titre gratuit, il convient de rappeler le contexte et les fondements de ces dispositions.

I. LE DROIT EXISTANT AVANT LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003

Les mises à disposition d'équipements à titre gratuit dans le cadre de relations d'affaires sont fréquentes dans la vie économique.

Ainsi, les grands groupes industriels donneurs d'ordre mettent-ils souvent à disposition de leurs sous-traitants des outillages de pointe dont la valeur est relativement élevée. C'est notamment le cas des constructeurs automobiles, qui mettent à disposition de leurs sous-traitants les moules industriels permettant la fabrication des pièces spécifiques qu'ils leur commandent (par exemple le tableau de bord d'une automobile d'un type donné).

Mais la mise à disposition d'immobilisations corporelles par une entreprise à une autre déborde très largement le cadre de la sous-traitance industrielle , puisque cette situation concerne aussi, par exemple :

- les machines à bières pression mise à disposition des bars par les brasseurs de bière ;

- les machines à café mises à disposition des cafetiers par les importateurs de café ;

- les équipements de terrasse de café (chaises, tables, parasols) mis à disposition des cafetiers par les producteurs de boissons dont ils portent les marques publicitaires ;

- les distributeurs automatiques de boissons mis à disposition par des entreprises spécialisées ou bien par des producteurs des boissons vendues grâce à ces équipements ;

- les machines de jeux électroniques, les baby-foot et les flippers mis à disposition des bars ou de certaines salles de jeux par des entreprises spécialisées ;

- les présentoirs mis à disposition des détaillants ou des pharmacies par les producteurs de cosmétiques ;

- certains équipements d'analyse médicale mis à disposition des laboratoires.

En outre, certaines immobilisations corporelles, comme des véhicules de transport, des équipements informatiques ou bien, en tout ou en partie, des panneaux publicitaires ou des abribus 49 ( * ) , sont mises à disposition de collectivités publiques par des entreprises .

Se pose alors la question de savoir quel est le redevable de la taxe professionnelle au titre des immobilisations corporelles ainsi mises à disposition et, dans le cas particulier d'équipements mis à disposition de collectivités publiques, si ceux-ci doivent donner lieu à une imposition au titre de la taxe professionnelle.

En effet, le a du 1° de l'article 1467 du code général des impôts précise que, pour les contribuables autres que les titulaires de bénéfices non commerciaux et assimilés employant moins de cinq salariés et n'étant pas soumis à l'impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle a pour base la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle .

Or cette rédaction n'est pas très claire pour les immobilisations corporelles qui, sans être louées ou sous-louées, sont mises à la disposition d'une entreprise par une autre.

Cette question s'est tout d'abord posée, dès l'institution de la taxe professionnelle, pour les sous-traitants industriels.

En réponse, l'administration fiscale a forgé une doctrine , diffusée seulement au travers de réponses à des questions parlementaires, selon laquelle « les donneurs d'ordre doivent comprendre dans leurs bases imposables à la taxe professionnelle la valeur locative des matériels qu'ils fournissent aux sous-traitants. En effet, ces derniers ne doivent pas en principe être considérés comme disposant de ces matériels dès lors qu'ils peuvent en être privés à tout moment et qu'ils agissent comme simples prestataires de services » (Réponse Jargot, JO Sénat du 1 er mars 1979). Cette doctrine a d'ailleurs été continûment réaffirmée depuis 1979, en dernier lieu en mars 2003 en réponse à une question écrite de notre collègue député André Chassaigne (Réponse Chassaigne, JO AN du 10 mars 2003).

Cette doctrine a prospéré sans difficultés jusqu'au début des années 1990 , dès lors que le plafonnement, à partir de 1980, de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée rendait en pratique cette question sans enjeu pour les entreprises industrielles, qu'elles soient donneuses d'ordre ou sous-traitantes, puisqu'elles étaient quasiment toutes, de facto , assujetties à la taxe professionnelle au prorata de leur valeur ajoutée.

Cependant, des contentieux sont apparus au cours des années 1990 en raison de la complexification croissante de la vie des affaires, de la diversification des types de relations entre les groupes industriels et leurs fournisseurs, et surtout des différentes mesures prises successivement par les lois de finances pour 1994 et pour 1995 afin de réduire le coût pour l'Etat de la prise en charge du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, en particulier la non application de ce plafonnement aux augmentations de taux décidées par les collectivités territoriales et les établissements publics intercommunaux à fiscalité propre à partir de 1995.

Ces diverses mesures ont conduit des entreprises à contester leurs bases de taxe professionnelle.

Les contentieux relatifs à la prise en compte dans les bases de taxe professionnelle des immobilisations mises à disposition ont été par surcroît nourris :

- d'une part, par l'absence de doctrine claire de l'administration et par les pratiques divergentes des services fiscaux en matière d'assujettissement à la taxe professionnelle des immobilisations mises à disposition par d'autres personnes que des donneurs d'ordre ;

- d'autre part, par la rigueur croissante dont a fait preuve l'administration fiscale dans l'exercice de sa mission de recouvrement de la taxe professionnelle au profit des collectivités locales.

Certains de ces contentieux ont cheminé jusqu'au Conseil d'Etat qui, dans un premier arrêt Fabricauto-Essarauto du 19 avril 2000, a dégagé trois critères pour caractériser la notion de disposition d'utilisations corporelles : le contrôle exercé sur les biens, l'utilisation matérielle de ceux-ci et la finalité de l'opération que le redevable effectue.

Cette jurisprudence, forgée dans le cas particulier de la mise à disposition de presses à des garagistes par la SA Fabricauto-Essarauto afin d'assurer la vente des plaques minéralogiques fabriquées par cette société, fut appliquée avec pragmatisme à d'autres configurations comme la mise à disposition de mobiliers de terrasse et de matériels de brasserie à des débitants de boisson (CE 23 novembre 2001, SA Elidis Occitanie Distribution).

La portée et la hiérarchie de ces critères demeuraient toutefois relativement floues et ils n'avaient jamais été appliqués au cas de la sous-traitance industrielle avant cette année en avril 2003.

Dans cinq arrêts rendus le même jour, le 29 avril 2003, et portant tous sur des donneurs d'ordre et des sous-traitants industriels, le Conseil d'Etat a toutefois affirmé de manière extrêmement claire la prévalence de l'utilisation matérielle des immobilisations corporelles , ce qui l'a conduit à conclure que les biens mis à disposition dans le cadre de relations de sous-traitance devaient être assujettis à la taxe professionnelle au niveau du sous-traitant et non plus à celui du donneur d'ordre.

En d'autres termes, le Conseil d'Etat a très clairement invalidé dans le cas des donneurs d'ordre et des sous-traitants, la doctrine administrative et, dans le cas plus général des immobilisations corporelles mises à disposition, la pratique de l'administration.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003

Sensible aux risques de délocalisation des activités des sous-traitants plasturgistes de l'industrie automobile si ceux-ci venaient à supporter la charge de la taxe professionnelle au titre des moules et des outillages industriels mis à leur disposition par leurs donneurs d'ordre constructeurs automobiles, et estimant que la jurisprudence du Conseil d'Etat pouvait entraîner des conséquences substantiellement dommageables en termes d'emploi, de transferts de charges et de transferts de recettes entre collectivités locales, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003 un amendement tendant à modifier l'article 1469 du code général des impôts afin de valider la doctrine administrative « à compter des impositions établies au titre de 2004 ».

Cette date d'effet a toutefois été modifiée par un sous-amendement du gouvernement , adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable de sa commission des finances, afin que cette validation s'applique, « sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, pour le règlement des litiges en cours », en d'autres termes à titre rétroactif , mais ne s'applique plus à compter des impositions établies au titre de 2005, le gouvernement devant en contrepartie remettre au Parlement, avant le 30 juin 2004, « un rapport sur la notion de mise à disposition pour la taxe professionnelle et sur les solutions envisageables à compter des impositions établies au titre de 2005, notamment dans le cadre des relations de sous-traitance ».

Votre commission des finances, puis le Sénat, ont partagé le souhait de l'Assemblée nationale de maintenir un certain statu quo ante , tout en apportant au dispositif plusieurs précisions rédactionnelles et en revenant, pour l'avenir, à l'intention initiale de la commission des finances de l'Assemblée nationale consistant à retenir une solution a priori pérenne , afin :

- de favoriser une certaine stabilité de la norme juridique pour les redevables, comme pour les collectivités territoriales ;

- d'éviter des incertitudes économiques pour les donneurs d'ordre comme pour les sous-traitants, dont l'équilibre des contrats aurait été susceptible d'être remis en cause ;

- enfin, de préserver la constitutionnalité du dispositif , car le Conseil constitutionnel veille à ce que les lois de validation répondent strictement à des motifs d'intérêt général et on pouvait s'interroger sur la légitimité d'une mesure consistant à valider pour le passé une doctrine administrative, tout en affirmant que l'on ne savait pas si elle était conforme à l'intérêt général pour l'avenir.

A l'appui de sa décision consistant à valider la doctrine administrative, votre commission des finances avait développé l'argumentation suivante :

« La doctrine administrative , prévoyant que les immobilisations corporelles mises à disposition des sous-traitants devaient être rapportées aux bases de taxe professionnelle des donneurs d'ordre, n'était pas sans fondements économiques et juridiques , dès lors notamment que ces biens mis à disposition concourent à l'activité professionnelle du donneur d'ordre, comme c'est évidemment le cas des moules de pièces d'automobiles mis à disposition de sous-traitants.

« De même, la jurisprudence du Conseil d'Etat prévoyant que ces immobilisations corporelles doivent être rapportées aux bases des sous-traitants qui les utilisent, repose également sur de solides arguments juridiques et économiques, en particulier sur la fin de l'article 1448 du code général des impôts qui pose le principe selon lequel : « la taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné ». En d'autres termes, il n'est pas illogique que les immobilisations soient taxées là où elles sont utilisées, c'est-à-dire là où elles exercent éventuellement des nuisances et là où les collectivités territoriales doivent consentir des aménagements spécifiques (routes, réseaux, etc.) pour qu'elles puissent être utilisées de manière efficiente.

« Cela étant, quels sont les enjeux et les conséquences [pour l'avenir] de la solution proposée par le Conseil d'Etat et quels sont les arguments qui plaident en faveur de [la validation de la doctrine administrative] ?

« Tout d'abord, l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat conduirait à un transfert de recettes fiscales , au détriment des collectivités, souvent de grandes agglomérations, où sont établies les établissements principaux des donneurs d'ordre et en faveur des collectivités, souvent des villes moyennes, où sont implantés leurs sous-traitants. Ce transfert n'est pas, par lui-même, injustifié, mais il convient de souligner qu'il pourrait être extrêmement brutal pour certaines collectivités.

« Parallèlement, l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat conduirait à un transfert de charges fiscales des donneurs d'ordre vers leurs sous-traitants. De prime abord, ce transfert de charges devrait être neutre à long terme d'un point de vue économique, puisque la charge de la taxe professionnelle des équipements se répercute sur le prix de vente final des biens. Cela suppose toutefois que les taux effectifs d'imposition à la taxe professionnelle des équipements soient identiques selon qu'ils sont imposés chez le donneur d'ordre ou chez le sous-traitant. Or cela n'est évidemment pas le cas, en raison des écarts de taux entre collectivités, mais aussi des effets différenciés selon les entreprises du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.

« En outre, ce transfert de charges suppose, si les entreprises concernées n'ont pas anticipé sur la jurisprudence du Conseil d'Etat, une renégociation des contrats entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Or il est permis de penser que ces derniers sont économiquement plus faibles.

« [Par ailleurs], ce transfert de charges modifie les risques de délocalisation des activités. La doctrine administrative pouvait inciter les donneurs d'ordre à délocaliser leurs sièges sociaux, tandis que l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat pourrait conduire les donneurs d'ordre à privilégier des sous-traitants étrangers, puisque ceux-ci, non assujettis à la taxe professionnelle, bénéficient a priori d'un avantage comparatif...

«  [Or] , comme le reconnaissait ainsi un grand donneur d'ordre, la délocalisation éventuelle des activités des donneurs d'ordre est relativement lente, puisqu'elle s'effectue au rythme du renouvellement de leurs usines. En revanche, la délocalisation des activités des sous-traitants peut être rapide puisqu'il suffit au donneur d'ordre de changer de fournisseur .

«  [Enfin], la doctrine administrative « tourne » à peu près depuis près de trente ans. En revanche il semble que la mise en oeuvre de la jurisprudence du Conseil d'Etat soit en pratique malaisée , car les biens mis à disposition n'apparaissent pas au bilan de leur utilisateur et celui-ci, ne les ayant ni fabriqués, ni achetés, ne peut en connaître aisément la valeur locative. Certes, cela n'est sans doute pas le cas des équipements de pointe mis à disposition des sous-traitants industriels dans le cadre de contrats détaillés, et qui sont d'ailleurs le plus souvent assurés par les sous-traitants eux-mêmes, mais il pourrait s'agir là d'une difficulté réelle pour les petits équipements mis à disposition des cafetiers ou de certains commerçants. En outre, le contrôle par l'administration fiscale de la valeur locative d'un bien mis à disposition deviendrait beaucoup plus difficile, sinon impossible ».

In fine , l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 a ainsi introduit dans l'article 1469 du code général des impôts un alinéa 3° bis selon lequel « les biens utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire, ou à défaut de leur locataire, ou à défaut de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de taxe professionnelle ».

La loi de finances rectificative pour 2003 a ainsi précisé que le redevable de la taxe professionnelle au titre de biens mis à disposition à titre gratuit est le détenteur juridique des biens mis à disposition si celui-ci est passible de taxe professionnelle, et non pas leur utilisateur .

Cette solution s'applique à compter de l'imposition relative à l'année 2004 et, sous réserve des dispositions passées en force jugée, aux impositions relatives aux années antérieures .

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article résulte d'un amendement déposé par notre collègue député André Schneider, repris en séance par la commission des finances de l'Assemblée nationale et adopté avec un avis favorable du gouvernement, qui a levé le gage.

Cet article tend à réécrire le 3° bis précité de l'article 1469 du code général des impôts de la manière suivante : « les biens... utilisés par une personne passible de la taxe professionnelle qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire et confiés en contrepartie de l'exécution d'un travail par leur propriétaire, leur locataire ou leur sous-locataire sont imposés au nom de la personne qui les a confiés, dans le cas où celle-ci est passible de taxe professionnelle ».

Cette réécriture restreindrait doublement le champ d'application de la solution retenue par la loi de finances rectificative pour 2003 .

En premier lieu, cette solution serait restreinte aux seuls biens utilisés par une personne passible de taxe professionnelle .

Cette première restriction vise ainsi à écarter du champ d'application de la solution retenue l'an passé les biens mis à disposition de collectivités territoriales (comme des panneaux publicitaires), les biens mis à disposition de personnes physiques (par exemples des bouteilles de gaz mises à disposition par les butaniers et propaniers), ainsi que les biens mis à disposition d'entreprises exonérées temporairement ou définitivement de taxe professionnelle, notamment les biens mis à disposition d'entreprises implantées à l'étranger, qui ne sont évidemment pas imposées en application du principe de territorialité de l'impôt.

L'administration estime que cette restriction ne constitue pas une novation, mais une simple précision . Elle estime en effet que l'article 1469 du code général des impôts porte sur les bases et sur la désignation du redevable, et n'a donc pas vocation à traiter du champ et du fait générateur de l'impôt et que le non assujettissement à la taxe professionnelle de biens utilisés par des personnes non passibles de la taxe professionnelle découle des principes généraux de la taxe professionnelle, notamment de la fin de l'article 1448 du code général des impôts précité qui pose le principe selon lequel : « la taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné ».

On peut d'ailleurs observer que cette interprétation fut retenue par l'instruction n° 6 E-11-04 du 6 décembre 2004 d'application de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2004. En d'autres termes, la précision proposée par le présent article conforterait cette instruction administrative .

En second lieu, cette solution serait restreinte aux seuls biens « confiés en contrepartie de l'exécution d'un travail », c'est à dire, selon les informations transmises à votre commission des finances, aux seuls biens mis à disposition à titre gratuit par des donneurs d'ordre à des sous-traitants .

Cette première restriction vise ainsi à rapporter la solution retenue l'an passé pour des biens mis à disposition d'autres entreprises que des sous-traitants, c'est à dire, par exemple, pour les machines à bières pression mises à disposition des bars par les brasseurs.

Dans ces derniers cas, ce serait donc de nouveau la jurisprudence du Conseil d'Etat qui s'appliquerait , c'est à dire que le redevable de la taxe professionnelle serait déterminé par le recours aux trois critères du contrôle exercé sur les biens, de la finalité de l'opération que le redevable effectue et de l'utilisation matérielle de ces biens, ce dernier critère étant prépondérant.

Ces dispositions s'appliqueraient à compter des impositions établies au titre de 2005 et ne présenteraient donc aucune valeur rétroactive.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A titre liminaire, votre commission des finances rappelle qu'elle n'avait pas exclu, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003, que la solution de principe finalement retenue soit ultérieurement amodiée pour répondre à des situations particulières.

Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale présente d'ailleurs trois avantages :

- premièrement, il donnerait une base légale claire à l'exonération de biens mis à disposition de personnes non passibles de taxe professionnelle, confortant notamment la doctrine administrative relative aux bouteilles de gaz mises à disposition des particuliers ;

- deuxièmement, comme la jurisprudence du Conseil d'Etat qu'il reprendrait à son compte (sauf pour le cas particulier des sous-traitants industriels, qui relèvent en effet d'une situation de dépendance spécifique), il repose sur des fondements juridiques et économiques incontestables . Ainsi, il peut sembler illogique que les bases d'imposition à la taxe professionnelle des cafetiers diffèrent selon que leur mobilier de terrasse leur appartient ou est mis à leur disposition à titre gratuit par un producteur de boisson gazeuses, car la taxe professionnelle n'est pas un impôt sur la propriété, mais un impôt sur la production ;

- enfin, le dispositif proposé par l'Assemblée nationale conduirait à une meilleure répartition des bases de taxe professionnelle sur le territoire national, les bases de taxe professionnelle afférentes aux machines à café et aux machines à bière pression étant ainsi réparties entre l'ensemble des collectivités d'implantation des bars et non pas seulement entre les collectivités où sont établies les grandes entreprises qui brassent de la bière ou importent du café.

Au total, on peut donc estimer que le présent dispositif constitue une correction utile des « effets de bord » induits par la rédaction de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, qui n'avait pu être parfaite faute, alors, d'une définition satisfaisante de la notion de sous-traitance.

Cela étant, il n'est pas entièrement exact d'affirmer que l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 précité ne visait que les sous-traitants industriels, dès lors notamment que votre commission des finances avait souligné la diversité des configurations de mise à disposition à titre gratuit.

En outre, il convient de souligner que le dispositif proposé comporte aussi de graves inconvénients :

- en premier lieu, l'adoption de cet article pourrait donner « le tournis » aux redevables concernés . Il convient en effet de rappeler que cet article rapporterait une disposition législative introduite en décembre 2003, dont l'instruction d'application ne fut publiée que le 6 décembre 2004, et qui visait elle même à faire échec à des décisions du Conseil d'Etat remettant en cause la doctrine administrative antérieure. On peut ainsi considérer qu'une nouvelle modification de la norme fiscale est inopportune au moment où l'on entend par ailleurs conduire une réforme de la taxe professionnelle qui pourrait de toute façon « remettre à plat » les solutions retenues ;

- en second lieu, on peut se demander si ce revirement législatif ne serait pas de nature à remettre en cause a posteriori la légitimité de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003. Il apparaîtrait en effet paradoxal d'avoir validé rétroactivement en 2003 ce que l'on estimerait désormais inapproprié. Dans ces conditions, on peut craindre que les entreprises redevables au titre de 2004 et des années précédentes d'une cotisation que l'on ne jugerait plus fondé de leur demander en 2005 manquent d'empressement pour s'acquitter de leurs obligations, sans que les services fiscaux ne puissent en pratique leur en faire réellement grief ;

- en troisième lieu, le présent article renverrait en pratique de nouveau pour la détermination des redevables à une jurisprudence administrative qui n'était pas encore complètement stabilisée et qui reposait sur des distinguos relativement subtils, le Commissaire du gouvernement relevant notamment dans ses conclusions relatives au cinq arrêts du Conseil d'Etat du 29 avril 2003 relatifs aux sous-traitants et aux donneurs d'ordre industriels que « le critère du contrôle n'est guère aisé à saisir ». L'instruction du 6 décembre 2004, qui cherche en fait à concilier la rédaction de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 avec les principes généraux de la taxe professionnelle dégagés par la jurisprudence du Conseil d'Etat, n'est d'ailleurs de ce fait pas d'une absolue clarté pour les redevables. A titre d'exemple, on peut relever que cette instruction précise qu'à l'inverse par exemple des machines à bière pression, les appareils de jeux (flipper, jeux vidéo, billard, baby-foot) mis en dépôt par des sociétés spécialisées auprès des cafés, bars et restaurants peuvent être réintégrés dans les bases de taxe professionnelle de ces dernières sociétés, considérées comme utilisatrices, dès lors que les détenteurs de ces matériels sont purement passifs, car ils n'ont pas vocation à s'en servir pour leur activité professionnelle ;

- enfin, il convient de rappeler que le présent article conduirait à assujettir à la taxe professionnelle des redevables à raison de biens mis à disposition à titre gratuit dont ils ne connaissent pas la valeur locative et dont les entreprises qui mettent ces biens à leur disposition peuvent souhaiter ne pas leur communiquer la valeur locative pour des raisons commerciales. Dans ces conditions, la déclaration de l'impôt leur serait malaisée et il en serait de même du contrôle, malgré le droit de communication reconnu à l'administration .

Quoi qu'il en soit, il convient de rappeler que, du fait du flou de la doctrine administrative, comme de la jurisprudence, il est vraisemblable que la plupart des petits équipements mis à disposition à titre gratuit (notamment des bars) n'ont été sans doute pendant longtemps déclarés ni par leurs propriétaires, ni par leurs utilisateurs . En d'autres termes, ces biens mis à disposition à titre gratuit ont bénéficié d'une exonération de fait .

Cette exonération de fait a été remise en cause par la loi de finances rectificative pour 2003, qui a clarifié la situation en précisant que les propriétaires de ces biens étaient redevables de la taxe professionnelle. On peut juger que cette solution n'était pas appropriée à certains cas d'espèce, mais on ne peut nier qu'elle a en principe remédié à une situation anormale.

En conséquence, le présent article ne conduirait nullement à revenir au statu quo ante , car il affirmerait également avec clarté que les utilisateurs de ces biens seraient désormais redevables de la taxe professionnelle à compter de 2005.

En d'autres termes, le présent article se traduirait en 2005 :

- non seulement par d'importants transferts de charges entre redevables, en faveur notamment de quelques grands groupes des secteur agro-alimentaire, et au détriment notamment de dizaines de milliers de cafés et de bars ;

- mais aussi, en pratique, par l'assujettissement pour la première fois à la taxe professionnelle de certains utilisateurs à raison de biens mis à disposition qu'ils n'avaient, de bonne foi, jamais jusqu'ici déclarés, c'est à dire par un ressaut d'imposition pour des dizaines de milliers de contribuables.

Il paraît évident que ces transferts de charges et ces ressauts d'imposition sont totalement inopportuns au moment où l'on entend réformer la taxe professionnelle.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 49 Les abribus peuvent cependant parfois présenter une nature foncière. En ce cas, ils ne ressortent pas de la problématique du présent article.

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