B. UNE RÉVISION LIMITÉE

Le projet de loi constitutionnelle comporte deux volets juridiquement distincts ayant respectivement pour objet, d'une part, de permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, d'autre part, de rendre obligatoire la soumission au référendum de l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux Etats. Ces volets sont traités en quatre articles, qui comportent des dispositions transitoires et des dispositions permanentes.

1. Permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe

La réforme permettant la ratification du traité établissant une Constitution européenne serait opérée en deux temps .

Dans un premier temps, c'est-à-dire à compter de la promulgation de la loi constitutionnelle, l'article 88-1 de la Constitution serait complété afin de prévoir que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 » ( article premier ).

Par sa généralité, la rédaction proposée lève les obstacles juridiques à la ratification du traité relevés par le Conseil constitutionnel. En ouvrant une simple faculté, elle permet au Président de la République, en application de l'article 11 de la Constitution, de soumettre au référendum un projet de loi autorisant cette ratification sans préjuger les résultats ni du scrutin français ni des procédures de ratification engagées par les autres Etats membres de l'Union européenne .

Les dispositions proposées devraient être transitoires . Elles sont en effet insuffisantes pour permettre la mise en oeuvre de l'ensemble des clauses du traité, en particulier des prérogatives reconnues au Parlement pour s'opposer à une révision simplifiée du traité et à chacune des deux assemblées pour veiller au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union européenne.

Aussi le titre XV de la Constitution ferait-il l'objet, dans un second temps, c'est-à-dire à compter de l'entrée en vigueur éventuelle du traité, d'une réécriture complète portant le nombre de ses articles de quatre à sept ( article 3 ).

L' article 88-1 poserait le principe et définirait les modalités de la participation de la République française à l'Union européenne .

En faisant référence aux « conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 », la rédaction proposée assure la conformité à la Constitution de l'ensemble des clauses de ce texte. En revanche, les modifications qui lui seraient apportées ultérieurement pourraient être jugées contraires à la Constitution si le Conseil constitutionnel en était saisi, ce qui est exclu pour les modifications résultant de la mise en oeuvre des « clauses passerelles ».

Cette référence rend inutile le maintien des deux premiers alinéas de l'article 88-2 de la Constitution qui autorisent, sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues respectivement par le traité de Maastricht et celui d'Amsterdam, les transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne et à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. En effet, le traité établissant une Constitution pour l'Europe se substituerait aux traités antérieurs.

L' article 88-2 ne comprendrait plus qu'un alinéa, relatif à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen .

Il semble en effet nécessaire de maintenir une base constitutionnelle aux dispositions législatives prises pour l'application d'une décision-cadre du 13 juin 2002 dont le Conseil d'Etat a estimé qu'elle méconnaissait le principe à valeur constitutionnelle selon lequel l'Etat doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique.

La mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen pourrait à l'avenir, si elle ne disposait pas d'une base juridique suffisamment solide, s'avérer contraire à des dispositions expresses et spécifiques de la Constitution.

Enfin, le maintien de l'article 88-2 permettrait de disposer d'un support pour d'éventuelles révisions constitutionnelles nécessitées par la mise en oeuvre d'autres actes dérivés européens.

L' article 88-3 , relatif au droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union , serait modifié à la marge. La réserve de réciprocité serait supprimée puisqu'elle est dépourvue de portée juridique dans le cadre du droit de l'Union : l'entrée en vigueur des traités est subordonnée à leur ratification par l'ensemble des Etats membres et leur respect est garanti par la Cour de justice de Luxembourg.

L' article 88-4 , qui permet à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adopter des résolutions sur les textes européens qui leur sont soumis par le Gouvernement , ne devait initialement faire l'objet que de modifications rédactionnelles.

Toutefois, l' Assemblée nationale a souhaité étendre le champ des textes devant obligatoirement être soumis aux assemblées , qui engloberait désormais non seulement les projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi française mais également l'ensemble des projets d'actes législatifs européens .

Les actes législatifs européens sont la loi et la loi-cadre européenne. Aux termes de l'article 2 du protocole n° 1 annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe, « on entend par "projet d'acte législatif européen", les propositions de la Commission, les initiatives d'un groupe d'Etats membres, les initiatives du Parlement européen, les demandes de la Cour de justice, les recommandations de la Banque centrale européenne et les demandes de la Banque européenne `'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif européen. »

Alors que la définition de la loi française obéit à des critères matériels, établis par les articles 34 et 37 de la Constitution, celle de la loi européenne résulte d'un critère formel : l'exigence d'une loi ou d'une loi-cadre européenne par un article du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Un grand nombre de projets d'actes législatifs européens devrait ainsi concerner des domaines qui, en France, relèvent de la compétence du pouvoir exécutif.

Les députés ont jugé plus cohérent de permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat de se prononcer non seulement sur la conformité au principe de subsidiarité de ces textes mais également sur le bien fondé des mesures proposées.

Après avoir prévu l'obligation de soumettre au référendum tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne, en application de l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, l' article 88-5 , réécrit par l'Assemblée nationale dans un objectif de clarification, deviendrait la base constitutionnelle permettant à l'Assemblée nationale et au Sénat de veiller au respect du principe de subsidiarité .

Rendue destinataire des projets d'actes législatifs européens, chacune des assemblées composant le Parlement pourrait adopter un avis motivé par lequel elle porterait à la connaissance des institutions de l'Union européenne les raisons pour lesquelles elle estime que ce projet est susceptible, s'il était adopté, de méconnaître le principe de subsidiarité.

Elle pourrait également, si un acte législatif lui paraissant violer le principe de subsidiarité était adopté, demander son annulation à la Cour de justice de l'Union européenne. Les recours ainsi formés seraient transmis à la Cour par le Gouvernement, ce dernier ayant compétence liée.

Ces avis motivés et ces recours prendraient la forme de résolutions adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale permet, sans risque d'inconstitutionnalité, de prévoir des règles différentes selon les assemblées et selon l'objet des résolutions, d'encadrer les initiatives parlementaires et d'éviter un examen systématique des résolutions en séance plénière, inapproprié en raison des délais imposés à chaque assemblée par le protocole n° 2 annexé au traité pour émettre un avis motivé (six semaines) ou former un recours (huit semaines).

L' article 88-6 permettrait au Parlement dans son ensemble, et non plus à chaque assemblée, de s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne selon la procédure de révision simplifiée instituée par l'article IV-444 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, au moyen d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Les deux assemblées doivent être placées sur un pied d'égalité, comme en matière de révision constitutionnelle, puisque la modification du mode de décision des institutions de l'Union européenne peut se traduire par une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Les modalités d'examen de ces motions seraient déterminées par le règlement de chaque assemblée, même si cela n'est pas précisé. L'exigence d'un vote en termes identiques de l'Assemblée nationale et du Sénat semble nécessiter l'examen en séance plénière de la motion. Cette dernière consistant en un droit de veto, elle ne devrait pas être susceptible de faire l'objet d'amendements.

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