C. LES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE

L'article premier de la directive précise l'objet et le champ d'application de la directive, qui met en place « des mesures de coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives, des codes de pratiques ou autres dispositions des Etats membres (...) , concernant les offres publiques d'acquisition ». Ces offres sont celles portant sur les titres d'une société relevant du droit d'un Etat membre et cotée (partiellement ou totalement) sur un ou plusieurs marchés réglementés européen.

L'article 2 de la directive définit plusieurs termes, tels que ceux d' « offre publique d'acquisition » 10 ( * ) , de « société visée », d' « offrant » ou de « personnes agissant de concert » 11 ( * ) . L'article 3 suivant prévoit des principes généraux , parmi lesquels le fait que tous les détenteurs de titres de la cible qui appartiennent à la même catégorie doivent bénéficier d'un traitement équivalent, la nécessité pour les actionnaires de la société cible de disposer de suffisamment de temps et d'informations pour prendre une décision sur l'offre en toute connaissance de cause, et le fait que l'organe de direction de la cible doive agir dans l'intérêt de la société sans refuser aux détenteurs de titres de décider des mérites de l'offre. Cet article précise également que la directive n'est pas d'harmonisation maximale , dans la mesure où les Etats membres peuvent prévoir des dispositions supplémentaires ou plus strictes.

L'article 4 de la directive définit l'autorité de contrôle compétente, le droit applicable et les obligations de coopération entre autorités potentiellement concernées. Il apparaît en particulier que si les titres de la société visée ont été admis à la négociation simultanément sur les marchés réglementés de plusieurs Etats membres, la société visée détermine quelle est l'autorité compétente, parmi celles de ces Etats membres, pour le contrôle de l'offre. Le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers est ainsi défini à l'article premier du présent projet de loi.

Afin de prévenir les pratiques de « ramassage » et de protéger les actionnaires minoritaires, et ainsi que le prévoit déjà la réglementation française, l'article 5 de la directive pose le principe de l'offre publique obligatoire 12 ( * ) sur la totalité des titres en cas de dépassement d'un seuil de contrôle (fonction des droits de vote détenus 13 ( * ) ), défini par l'Etat membre du siège social de la cible. Ces dispositions ne s'appliquent donc pas aux offres volontaires , initiées par les sociétés qui ne détiendraient aucun titre de la cible ou une participation inférieure au seuil de déclenchement de l'offre obligatoire.

L'offre obligatoire doit être réalisée à un prix équitable , notion introduite dans la dernière proposition de la directive, transposée à l'article 2 du présent projet de loi et définie comme « le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l'offrant , par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période, déterminée par les Etats membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum ». Les titres antérieurement acquis par l'offrant peuvent avoir été négociés hors marché 14 ( * ) ; néanmoins le cours du marché pourra le plus souvent constituer un critère de référence pour déterminer ce prix équitable.

L'autorité de contrôle peut néanmoins modifier ce prix (à la hausse ou à la baisse) selon des circonstances et des critères clairement déterminés , et l'article fait également référence à « d'autres critères objectifs d'évaluation généralement utilisés en analyse financière » comme éléments de fixation du prix équitable, qui permettent donc de préserver, dans certaines situations seulement 15 ( * ) , la pratique de l'analyse multi-critères.

L'article 6 de la directive fixe les obligations d'information sur l'offre , qui doit être « rendue publique sans délai » et transmise à l'autorité de contrôle, le cas échéant avant même sa publication. Le document public d'offre peut être soumis à l'approbation préalable de l'autorité de contrôle, qui est alors valable dans tout Etat membre sur le marché duquel les titres de la société visée sont cotés. Il est également transmis par les organes d'administration ou de direction de la société visée et de l'offrant aux représentants de leur personnel ou, s'ils n'existent pas, au personnel lui-même.

Ce document d'offre doit comporter un certain nombre d'informations minimales , parmi lesquelles figurent logiquement l'identité de l'offrant, les titres faisant l'objet de l'offre et la contrepartie offerte (ou la méthode employée pour la déterminer), l'indemnisation proposée pour compenser la perte de droits née de l'application des restrictions prévues à l'article 11 (cf. infra ), les conditions auxquelles l'offre est subordonnée, ou le détail des participations que l'offrant ou les personnes agissant de concert avec lui détiennent déjà dans la société visée.

Aux termes de l'article 7 de la directive, la période d'acceptation de l'offre doit en principe être comprise entre deux et dix semaines 16 ( * ) à compter de la publication du document d'offre, sous réserve d'aménagements légaux pour des cas spécifiques ou de dérogations accordées par l'autorité de contrôle. L'article 8 suivant détaille les raisons 17 ( * ) et modalités de la publicité de l'offre , afin que ses destinataires sur les marchés concernés puissent en disposer « facilement et rapidement ».

L'article 9, qui figure avec les articles 5, 11, 12 et 15 parmi les plus importants de la directive, prévoit que, pendant la période d'offre, l'organe d'administration ou de direction de la société cible obtienne l'autorisation préalable de l'assemblée générale avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre (en particulier l'émission d'actions de nature à empêcher durablement toute prise de contrôle par l'offrant), à l'exception de la recherche d'autres offres. Il doit également publier son avis motivé sur l'offre , qui doit porter notamment sur les répercussions de l'offre sur l'emploi et les sites d'activité de la société. L'assemblée générale doit, en outre, confirmer toute décision, prise avant le lancement de l'offre, susceptible de la faire échouer et qui ne s'inscrit pas dans le cours normal de l'activité de la société.

L'article 10, transposé par l'article 6 du présent projet de loi, innove en prévoyant que toutes les sociétés susceptibles de faire l'objet d'une OPA publient des informations détaillées dans le rapport de gestion sur onze caractéristiques de la société de nature à entraver la prise et l'exercice du contrôle par un offrant .

L'article 11 de la directive pose le principe de la neutralisation (inopposabilité ou nullité des effets) des restrictions statutaires et contractuelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote, pendant la période d'acceptation de l'offre et jusqu'à ce que l'offrant parvienne à détenir 75 % du capital assorti des droits de vote à l'issue de l'offre, c'est-à-dire à l'issue d'une offre réussie.

La directive est inspirée par la volonté d'établir une stricte proportionnalité entre participation au contrôle et au capital des sociétés à l'occasion des assemblées générales tenues en cours d'offre publique, et prévoit donc que les titres à droits de vote multiples ne confèrent qu'un droit de vote lors des assemblées .

Les actions à droit de vote double , que prévoient nombre de grandes sociétés françaises et qui permettent de fidéliser et de stabiliser l'actionnariat, ne devraient toutefois pas être affectées par ces dispositions , dans la mesure où elles ne constituent pas, ainsi que le précise le rapport du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit, une catégorie séparée et distincte d'actions mais sont attachées au détenteur et non au titre lui-même.

L'article 12 de la directive, relatif aux « arrangements facultatifs », nuance la portée des articles 9 et 11 puisqu'il prévoit une double option exercée par les Etats et éventuellement les sociétés , relative au choix ( réversible s'agissant de ces dernières) d'appliquer ou non les dispositions de ces deux articles. Elles sont assorties d'une exception de réciprocité marquant la volonté d'établir une « égalité des conditions de jeu » entre l'initiateur et la cible de l'offre, permettant aux Etats membres de décider que les sociétés cibles qui appliquent les règles des articles 9 et 11 puissent en être exemptées si l'offrant ne les applique pas.

Le présent projet de loi propose que les sociétés cibles relevant de la réglementation française puissent opposer cette réserve pour les dispositions de l'article 9 relatives à l'approbation de mesures de défense par l'assemblée générale.

Les règles afférentes à l'information et à la consultation des représentants du personnel sont plutôt de pure forme, dans la mesure où l'article 14 rappelle l'application des directives propres aux travailleurs 18 ( * ) .

Les articles 15 et 16 de la directive prévoient respectivement les obligations afférentes au retrait 19 ( * ) squeeze out ») et au rachat obligatoires sell out ») effectués « en séquence », c'est-à-dire consécutifs à une offre publique d'achat obligatoire ou volontaire.

Ces deux procédures sont inverses mais procèdent de la même logique , le rachat obligatoire étant le droit pour un détenteur de titres restants d'exiger de l'offrant qu'il rachète ses titres, tandis que le retrait constitue un droit exercé par l'offrant. L'un et l'autre répondent aux mêmes conditions et interviennent dans deux cas alternatifs :

- lorsque l'offrant détient des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote et 90 % des droits de vote de la société cible. Ce seuil peut être relevé par les Etats membres, sans dépasser 95 % du capital assorti de droits de vote et 95 % des droits de vote, ce qui constitue le seuil fixé par le droit français ;

- ou lorsque l'offrant détient ou s'est contractuellement engagé à acquérir des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote et 90 % des droits de vote de la société visée, constituant le « flottant ».

Le droit de recourir au retrait obligatoire doit être exercé par l'offrant dans un délai de trois mois à compter de la fin de la période d'acceptation de l'offre, telle que définie par l'article 7 de la directive.

Pour le retrait comme pour le rachat, les Etats membres doivent veiller à ce qu'un « juste prix » soit garanti, en titres ou en espèces . La sémantique a son importance et cette notion de « juste prix » (traduction du « fair price » de la version anglaise de la directive) doit être confrontée à celle de « prix équitable » (traduction de l' « equitable price ») prévue par l'article 5 de la directive pour les offres d'achat obligatoires.

L'article 17 de la directive prévoit le principe de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives », conformément aux règles communautaires, déterminées par les Etats membres et transmises à la Commission européenne au plus tard le 20 mai 2006, date limite de transposition de la directive.

L'article 19 institue un comité de contact , qui a pour missions de faciliter une application harmonisée et concertée de la directive et de conseiller la Commission sur toute modification qui serait rendue nécessaire. L'article 20 prévoit enfin, à l'instar d'autres importants textes du Plan d'action pour les services financiers, que la Commission procédera en mai 2011, soit cinq ans après la date limite de transposition de la directive, à un examen de l'application pratique de la directive et proposera si nécessaire sa révision.

* 10 « Une offre publique (à l'exclusion d'une offre faite par la société visée elle-même) faite aux détenteurs des titres d'une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l'offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu'elle suive ou ait pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national » .

* 11 « Les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre ».

* 12 Principe que ne connaissent pas tous les Etats membres.

* 13 De 33,33 % en droit français.

* 14 Par exemple de gré à gré, auprès d'actionnaires familiaux de la société cible.

* 15 Dont l'article 5 de la directive donne une liste indicative : en cas d'accord entre l'acheteur et un vendeur, de manipulation de cours, d'événements exceptionnels affectant la pertinence des prix de marché, ou pour permettre le sauvetage d'une entreprise en détresse.

* 16 La période de dix semaines peut toutefois être prolongée, à condition que l'offrant notifie au moins deux semaines à l'avance son intention de clôturer l'offre.

* 17 Il s'agit d' « assurer la transparence et l'intégrité du marché des titres de la société visée, de l'offrant ou de toute autre société concernée par l'offre, afin d'éviter notamment la publication ou la diffusion d'informations fausses ou trompeuses » , qui constitue un des abus de marché dont la prévention et la répression sont visées par la directive-cadre 2003/6/CE du 28 janvier 2003 concernant les opérations d'initié et les manipulations de marché.

* 18 Directives 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ; directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs,directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs, et directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne..

* 19 Défini comme le droit pour un offrant d' « exiger de tous les détenteurs de titres restants qu'ils lui vendent ces titres pour un juste prix » .

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