ARTICLE 17 bis (nouveau) - Exonération partielle d'ISF des parts détenues dans leur entreprise par les salariés et les anciens salariés à la retraite

Commentaire : le présent article tend à prévoir que les parts ou actions nominatives d'une société ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce ou a exercé son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social.

I. LE CONTEXTE ACTUEL

Alors que certains cadres exercent des fonctions dirigeantes proches de celles exigées pour bénéficier du régime des biens professionnels au titre de l'ISF, et des exonérations afférentes, le recensement systématique par le code général des impôts des fonctions 117 ( * ) ouvrant droit à exonération entraîne des distorsions entre des situations professionnelles proches si l'on prend en considération leur rôle au sein de l'entreprise et leur intérêt économique.

Étudiant le régime des biens professionnels susceptibles d'être exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune, le rapporteur du volet fiscal du projet de loi pour l'initiative économique au nom de la commission spéciale du Sénat, notre ancien collègue René Trégouët, avait écrit dans son rapport 118 ( * ) : « la conception restrictive de ce qu'est un dirigeant, aujourd'hui binaire, entre un certain nombre de fonctions reconnues et toutes les autres, exclues du dispositif, engendre des distorsions dans le traitement fiscal de personnes placées pourtant dans une situation proche. Enfin, l'ignorance d'une « zone grise » autour du régime des biens professionnels, qui concerne l'ensemble des personnes détenant collectivement le contrôle d'une entreprise sans y exercer de fonction dirigeante, et l'absence d'un régime intermédiaire, qui permet au dirigeant de cesser son activité sans perdre un avantage fiscal essentiel pour pérenniser sa participation de l'entreprise, empêchent la transmission de l'entreprise, aujourd'hui enjeu essentiel pour une population de dirigeants vieillissante, de s'opérer dans des conditions satisfaisantes ».

De même, n'est pas reconnue la place occupée par l'actionnariat salarié au regard de l'ISF, malgré le rôle qu'il joue pour stabiliser le capital des entreprises en croissance et pour apporter des capitaux en période de pénurie d'investisseurs individuels et institutionnels sur les marchés financiers. Les modalités complexes de reprise d'une entreprise par des salariés, par le biais notamment des véhicules de l'épargne salariale, ne sont pas prises en compte par l'article 885 O bis du code général des impôts qui ne considère comme biens professionnels que « dans la limite de 150.000 euros, les parts ou actions acquises par un salarié lors de la constitution d'une société créée pour le rachat de tout ou partie du capital d'une entreprise ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A l'initiative de nos collègues députés Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et Hervé Novelli, au nom de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, a été adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement portant article additionnel, prévoyant que les parts ou actions nominatives d'une société ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social. Le bénéfice de cette mesure s'étend aux anciens salariés en retraite.

Le I du présent article insère, après l'article 885 I ter du code général des impôts, un article 885 I quater . Cet article s'insère au sein du chapitre relatif aux « biens exonérés » d'ISF, et non au sein de celui relatif aux « biens professionnels ».

Il crée, en matière d'ISF, un abattement de 75 % sur les parts ou actions nominatives d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale pour ceux qui exercent au sein de cette société leur activité principale comme salarié ou mandataire social . Lorsque la société est une société de personnes soumise à l'impôt sur le revenu visée aux articles 8 à 8 ter du code général des impôts, le détenteur des parts doit y exercer son activité principale.

La notion d'activité principale n'est pas précisée 119 ( * ) . Elle fera vraisemblablement l'objet d'indications au moment de la publication de l'instruction fiscale.

L'exonération partielle d'ISF est subordonnée à la condition que les parts ou actions restent la propriété du contribuable pendant une durée minimale de six ans courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l'exonération a été demandée. Le fait générateur en matière d'impôt de solidarité sur la fortune est le 1 er janvier de l'année d'imposition.

Le I du présent article prévoit les conditions dans lesquelles les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés peuvent bénéficier du régime de faveur. Le redevable doit exercer une activité principale éligible dans chaque société. Les sociétés doivent avoir des activités, soit similaires, soit connexes et complémentaires.

Afin d'inclure dans le champ du régime de faveur les salariés des filiales, le I du présent article prévoit que l'exonération partielle s'applique dans les mêmes conditions aux titres détenus dans une société possédant une participation majoritaire dans la ou les sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités.

De la même manière, les parts ou actions de sociétés détenues par le redevable depuis au moins trois ans au moment de son départ en retraite bénéficieraient du même abattement, sous réserve du respect de la durée minimale de conservation des titres de six ans courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l'exonération a été demandée.

En l'absence de précision apportée par le I du présent article, le non-respect de l'engagement de conservation de six ans, obligerait le redevable à rembourser l'exonération dont il aurait bénéficié, augmentée des intérêts de retard.

Le II du présent article prévoit par cohérence de porter l'exonération partielle applicable aux titres et parts faisant l'objet d'un engagement collectif de conservation de six ans, en application de l'article 885 I bis du code général des impôts, de 50 % à 75 %.

Le III du présent article prévoit que les dispositions des I et II sont applicables pour la détermination de l'impôt sur la fortune dû à compter du 1 er janvier 2006.

Le coût de cette mesure serait d'environ 70 millions d'euros.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général se félicite de cette mesure en ce qu'elle est susceptible de relancer la dynamique de l'actionnariat salarié et de contribuer à la stabilité du capital des entreprises cotées et non cotées.

La disposition est de nature à resserrer le lien entre l'entreprise et ses salariés par la reconnaissance, non seulement de leur travail, mais aussi de leur participation au capital de la société.

Votre rapporteur général souhaite toutefois apporter à ce dispositif trois amendements de précision .

Le premier vise à inclure dans le champ de l'exonération les titres détenus par le biais des véhicules de l'épargne salariée . L'exonération prévue au I du présent article s'appliquerait dans les mêmes conditions aux parts de fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) ou de SICAV d'actionnariat salarié (SICAVAS). Ces FCPE ou SICAVAS devraient évidemment être composée d'un pourcentage minimal de titres de la société dans laquelle le redevable exerce son activité principale comme salarié ou mandataire social. Seule la quote-part des titres investie dans l'entreprise concernée bénéficierait évidemment de l'exonération.

Le deuxième prévoit de mieux appréhender la notion économique de groupe, composé de filiales et de sous-filiales , en ouvrant l'exonération aux salariés des sociétés contrôlées, au sens de l'article 233-3 du code de commerce, par l'entreprise dont ils détiennent les titres. L'ouverture de l'exonération aux seules filiales détenues à plus de 50 % par la société mère paraît aujourd'hui trop stricte pour appréhender correctement le champ de l'actionnariat salarié au sein d'un groupe.

Le troisième prévoit, sur le modèle de ce qui est prévu à l'article 885 I bis du code général des impôts en ce qui concerne les engagements collectifs de conservation auxquels peuvent souscrire les actionnaires minoritaires, les conditions dans lesquelles le régime de faveur n'est pas remis en cause pour le passé , prévoyant les cas de fusion, scission, offre publique d'échange de titres, ou de liquidation judiciaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 117 Gérant d'une SARL ou d'une société en commandite par actions, associé d'une société de personnes, président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions aux termes de l'article 885 O bis du code général des impôts.

* 118 Rapport n° 217 (2002-2003).

* 119 Dans le régime des biens professionnels prévu à l'article 885 O bis du code général des impôts, les fonctions doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, des BIC, des BA, des BNC ou des revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 du code général des impôts.

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