ARTICLE 63 - Instauration d'un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt de prêts contractés par des étudiants en vue de financer leurs études supérieures

Commentaire : le présent article propose de créer un crédit d'impôt sur le revenu à raison des intérêts des emprunts contractés par les étudiants en vue de financer leurs études.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'insérer un nouvel article 200 terdecies dans le code général des impôts, c'est-à-dire à la suite de toute une série d'articles organisant différents crédits d'impôts.

A. LES BÉNÉFICIAIRES DU CRÉDIT D'IMPÔT

Le crédit d'impôt s'adresse :

- aux personnes âgées de 25 ans au plus ;

- inscrites dans un cycle d'enseignement supérieur.

La limité d'âge correspond à la limite du rattachement fiscal des enfants majeurs poursuivant leurs études au foyer fiscal de leurs parents.

La notion d'enseignement supérieur est d'ores et déjà utilisée dans notre droit fiscal au titre des réductions d'impôts pour frais de scolarité des enfants à charge . Ainsi cette réduction concerne les enfants majeurs célibataires, mariés, pacsés ou chargés de famille, qui ont demandé à être rattachés au foyer fiscal pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

Pour être retenu, l'enseignement doit présenter les caractéristiques suivantes :

- être organisé en un ou plusieurs cycles annuels, conduisant à la délivrance d'un diplôme (formation générale, technologique, professionnelle ou universitaire à l'exclusion des stages de qualification de la formation continue) ;

- être assuré collectivement à plein temps dans un établissement (avec, le cas échéant, formation alternée en milieu professionnel) Sont exclus du bénéfice de cette réduction d'impôt les enfants en apprentissage, en congé formation, en contrat d'études avec leur employeur ou qui suivent des cours par correspondance, sauf lorsque ces cours sont suivis par l'intermédiaire du centre national d'enseignement à distance (CNED) et en formation initiale ;

En outre, les études supérieures sont celles qui sont poursuivies dans un établissement, public ou privé, qui dispense des formations au delà de l'enseignement secondaire et aboutissant à la délivrance d'un diplôme de l'enseignement supérieur : BTS, DEUG, licence, maîtrise, DEA, DESS, doctorat, ingénieur...

Il est également précisé que ces élèves ne doivent pas, dans le cadre de leur formation :

- être liés par un contrat de travail et être engagés pendant et à la fin de leurs études ;

- être rémunérés. Sont admis toutefois les élèves qui ont perçu des indemnités au cours d'un stage effectué en complément obligatoire d'une formation initiale, secondaire ou supérieure.

B. L'OBJET DU CRÉDIT D'IMPÔT

1. Un prêt « en vue du financement de [leurs] études »

a) L'objectif du prêt

Afin de pouvoir bénéficier du crédit d'impôt, les jeunes étudiants doivent avoir souscrit un prêt « en vue de financer leurs études », expression relativement large.

Se pose la question de la justification des sommes empruntées . Actuellement, les banques ne demandent pas de justificatifs pour l'utilisation d'un crédit d'étudiant, or ceux-ci ont généralement des taux très avantageux. Le présent article n'aborde pas davantage de la question.

Toutefois, on peut remarquer que depuis 1997, le bénéfice de la réduction d'impôt, au titre des dépenses de scolarité des enfants à charge, n'est plus subordonné à la production d'un justificatif (certificat de scolarité établi par le chef de l'établissement fréquenté durant l'année scolaire en cours au 31 décembre de l'année d'imposition).

b) La définition du prêt

Le prêt concerné par le présent article relève de la catégorie des prêts à la consommation et plus précisément des prêts auxquels font référence les articles L. 311-1, L. 331-2 et L. 311-3 du code de la consommation.

L'article L. 311-2 du code précité dispose que « les dispositions du présent chapitre [du code de la consommation] s'appliquent à toute opération de crédit, ainsi qu'à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit. »

Toutefois un certain nombre d'opérations sont exclues du champ d'application des crédits à la consommation. Ainsi selon l'article L. 311-3 du code précité, sont exclus :

« 1° Les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique ;
2° Ceux qui sont consentis pour une durée totale inférieure ou égale à trois mois, ainsi que ceux dont le montant est supérieur à une somme qui sera fixée par décret ;
3° Ceux qui sont destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, ainsi que les prêts aux personnes morales de droit public ;
4° Les opérations de crédit portant sur des immeubles, notamment les opérations de crédit-bail immobilier et celles qui sont liées »
.

En outre sont exclues les opérations mentionnées au second alinéa de l'article L. 311-2 précité et repris par le présent article, à savoir : les ventes ou prestations de services dont le paiement est échelonné, différé ou fractionné et les locations-vente et les locations avec option d'achat

Enfin, selon le 7 e alinéa du présent article, ne sont pas pris en compte, dans le cadre du présent dispositif, les découverts en compte et les ouvertures de crédits mentionnées à l'article L. 311-9 du code la consommation.

c) La prise en compte des étudiants poursuivant des études à l'étranger

Certaines personnes, domiciliées fiscalement en France, poursuivent des études à l'étranger, notamment au sein de la CEE, et sont amenées à souscrire des prêts dans ces pays.

Afin de ne pas les pénaliser, les dispositions relatives à la définition des prêts par référence au code de la consommation s'appliqueraient, selon le dernier alinéa du I du présent article « dans les mêmes conditions aux prêts qui, souscrits dans un autre État membre de la Communauté européenne, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, satisfont à une réglementation équivalente. »

Les prêts souscrits à l'étranger (Union européenne, Islande et Norvège, le Lichtenstein, membre de l'EEE, étant exclu) soumis à des règles équivalentes que l'administration appréciera au cas par cas, pourraient donc ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt

2. Un dispositif limité dans le temps

Selon le I du nouvel article 200 undecies du code général des impôts, seuls les prêts souscrits entre le 1 er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 seraient éligibles au dispositif.

C. LE CALCUL DU CRÉDIT D'IMPÔT

La base du crédit d'impôt serait constituée des intérêts d'emprunt payés au titre des cinq premières années de remboursement.

Selon le II du nouvel article 200 terdecies du code général des impôts, le crédit d'impôt serait « égal à 25 % du montant des intérêts annuels effectivement payés, retenus dans la limite de 1.000 euros . »

Concrètement, la réduction maximale d'impôt serait égale à 250 euros chaque année.

Toutefois, le jeune étudiant ne bénéficie de cette réduction que s'il constitue un foyer fiscal distinct .

Afin de ne pas pénaliser les étudiants -souscripteurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents , le second alinéa du II du présent article prévoit que les intérêts éventuellement payés au cours de l'année durant lesquelles ils étaient rattachés au foyer fiscal de leurs parents, ouvrent droit au crédit d'impôt à compter de l'année où ils deviennent contribuable .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du gouvernement :

- un amendement de coordination, changeant la référence du nouvel article au sein du code général des impôts ;

- deux amendements de précision ;

- un amendement tendant à préciser que les étudiants orphelins recueillis dans un foyer auquel ils ont rattachés sont également visés dans les dispositions relatives à la prise en compte des intérêts versés lorsque l'étudiant ne constitue pas un foyer distinct de celui de ses parents.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Tout d'abord, on peut s'étonner que cette mesure ait été prise à la seule initiative de ministère des finances. Suite à une question de votre rapporteur général concernant l'absence de précision relative à cette dépense fiscale dans les réponses aux questionnaires parlementaires au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la personne responsable a fait la réponse suivante : « Selon les infos obtenues par le chef du bureau du budget du supérieur, cette initiative a été annoncée par le MINEFI. Je vous invite à prendre contact avec ce ministère. »

Votre rapporteur général estime qu'il aurait été opportun que cette question soit traitée à un niveau interminis tériel à l'heure où l'on s'interroge sur le financement de l'enseignement supérieur et sur la contribution financière des étudiants à leurs études.

Le coût de la mesure s'élèverait à 80 millions d'euros par an en rythme de croisière et à environ 15 millions d'euros en 2006. Ce chiffrage a été fait sur la base d'un montant moyen de prêt de 15.000 euros empruntés sur 5 ans, avec un taux moyen de 4,5 % pour un total de 200.000 étudiants concernés, soit 10 % des étudiants.

Cependant il convient de remarquer que ces évaluations ont été faites sur la base d'hypothèses larges , les prêts étudiants ne faisant pas l'objet de statistiques précises, ce que regrette votre rapporteur général.

Par ailleurs , votre rapporteur général n'est pas particulièrement favorable à la technique des crédits d'impôts, qui, s'ajoutant aux dispositifs existants, complexifient la lecture de la politique de redistribution .

Toutefois, il convient de souligner que la France connaît un certain retard en matière de prêt aux étudiants alors que de nombreux pays ont mis en place des dispositifs publics spécifiques de prêts contingents aux revenus futurs.

Certes, il existe des prêts d'honneur, prêts sans intérêts accordés par le ministère de l'éducation nationale à des étudiants qui s'engagent à commencer le remboursement dix ans après l'emprunt. Seuls 2.600 étudiants étaient concernés par ces prêts en 2004.

Le système français d'aides financières aux étudiants est davantage assis sur les bourses , qui ont représenté un budget de 1,3 milliard d'euros en 2004 pour le ministère de l'éducation nationale et concerné 516.000 étudiants.

Or ce système ne répond pas à l'ensemble des besoins. Lors de la dernière rentrée universitaire, les organisations étudiantes ont dénoncé l'augmentation du coût des études supérieures liée à l'augmentation des droits d'inscription mais également, et surtout, à l'augmentation des loyers . La proportion d'étudiants ayant une activité rémunérée durant l'année universitaire serait en outre passée de 40 % en 1997 à 49 % en 2003 selon l'Observatoire de la vie étudiante.

Dans cette perspective, le présent article, bien qu'il ne mette pas en place politique de prêts étudiant d'une grande ampleur, peut contribuer à alléger certaines contraintes financières .

La somme de 250 euros (montant maximal du crédit d'impôt) n'est pas négligeable. Si l'on prend l'exemple d'un étudiant logé dans une cité universitaire rénovée, il paie 98 euros de loyer par mois (200 euros moins 102 euros au titre de l'allocation de logement à caractère social). Si cet étudiant contracte un prêt dans les conditions prévues par le présent article et bénéficient du montant maximal du crédit d'impôt, cette somme représentera 2 mois et demi de loyers.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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