N° 260

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 mars 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive modifiant la directive visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l' exercice d' activités de radiodiffusion télévisuelle (E 3038),

Par M. Louis de BROISSIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir le numéro :

Sénat : 179 (2005-2006)

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors qu'un débat intense a précédé le référendum sur la Constitution européenne, force est de constater que c'est dans un silence assourdissant que s'est déroulé le processus de révision de la directive 89-552 dite « Télévision sans Frontières ».

Ce texte est pourtant d'une importance capitale pour au moins deux raisons : il définit, depuis son adoption en 1989, le socle réglementaire commun aux pays membres de l'Union européenne en matière d'audiovisuel ; il constitue ensuite l'une des principales armes de défense de la « diversité culturelle » pour laquelle la France s'est toujours battue à l'échelle internationale.

Estimant que l'importance des évolutions envisagées par la Commission européenne justifiait une intervention parlementaire, la Délégation pour l'Union européenne a pris l'heureuse initiative de déposer, en application de l'article 73 bis du Règlement du Sénat, une proposition de résolution.

Alors que les enjeux culturels et économiques du développement du secteur audiovisuel croissent parallèlement aux bouleversements des techniques de communication, il appartient à votre commission de participer à ce débat majeur et de définir, entre fermeté et réalisme, les priorités qu'elle souhaite voir prises en compte tant par le Gouvernement que par nos partenaires européens.

I. LA DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES »

La directive n° 89/552/CEE dite « Télévision sans Frontières » du 3 octobre 1989 établit le cadre réglementaire relatif à l'exercice des activités de radiodiffusion télévisuelle dans l'Union européenne. Elle a été modifiée en 1997 par la directive 97/36/CE, adoptée selon la procédure de co-décision du Conseil et du Parlement européen, avec une majorité qualifiée au Conseil.

Cette directive, fondée sur les articles 47 § 2 et 55 du Traité CE relatif à la libre circulation des services, tend à concilier la notion de diversité culturelle et la mise en oeuvre du marché intérieur.

Votre rapporteur tient à rappeler qu'elle ne s'applique pour l'heure qu'aux « services de radiodiffusion télévisuelle » entendus comme « tout service consistant en l'émission primaire, avec ou sans fil, terrestre ou par satellite, codée ou non, de programmes télévisés, destinés au public » 1 ( * ) . Sont ainsi exclus du champ d'application de la directive tant les services de radio que les « nouveaux services » audiovisuels 2 ( * ) (services en ligne, vidéo à la demande...).

A. LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES »

La directive « Télévision sans Frontières » opère une harmonisation minimale des législations des États membres en posant huit principes cardinaux.


• Un radiodiffuseur ne relève de la compétence que d'un seul État membre

Le principe du pays d'origine est au coeur de la directive « Télévision sans Frontières ». Ce principe peut être résumé de la manière suivante : tous les radiodiffuseurs sont soumis à la réglementation d'un État membre au moins, mais un État membre seulement. L'application du principe du pays d'origine a toujours été considérée comme une condition nécessaire à la création du marché intérieur des émissions de radiodiffusion télévisuelle et a permis la multiplication des services audiovisuels en Europe.

Les critères d'établissement 3 ( * ) énoncés à l'article 2 de la directive tendent ainsi à permettre de déterminer l'État membre dont relève un radiodiffuseur.

La directive « Télévision sans Frontières » définit en outre des critères subsidiaires permettant de déterminer la juridiction compétente pour les radiodiffuseurs n'étant pas établis dans un des États membres de l'Union européenne.


Les États ne peuvent empêcher la réception sur leur territoire des programmes émis par les diffuseurs relevant de la compétence d'un autre État membre

La directive pose le principe selon lequel les États membres ne peuvent entraver les diffusions effectuées par des radiodiffuseurs placés sous la juridiction d'un autre État membre 4 ( * ) .

Ce principe peut toutefois faire l'objet d'une exception lorsque le programme enfreint d'une manière manifeste, sérieuse et grave les règles relatives à la protection des mineurs et/ou au respect de l'ordre public. En l'état actuel de la législation communautaire, l'État de réception pourra alors suspendre provisoirement la diffusion du programme incriminé sous réserve du respect d'une procédure très encadrée.


Les événements jugés d'importance majeure pour la société doivent être diffusés sur des chaînes en clair gratuites

Le paragraphe 1 er de l'article 3 bis de la directive autorise les États membres à prendre des mesures visant à assurer la diffusion gratuite et en clair des événements considérés comme étant d'importance majeure pour la société.

Pour reprendre l'expression du CSA : « L'article 3 bis de la directive constitue une heureuse initiative en favorisant l'accès du plus grand nombre à des événements fédérateurs. » 5 ( * )


L'existence d'obligations de diffusion pour les oeuvres européennes et indépendantes

Les articles 4 et 5 de la directive chargent les États membres de veiller à ce que les radiodiffuseurs relevant de leur compétence consacrent une proportion majoritaire de leur temps de diffusion à des oeuvres européennes et au moins 10 % de leur temps de diffusion ou 10 % de leur budget de programmation à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants.


La mise en oeuvre de règles relatives à la publicité, au téléachat et au parrainage

La directive soumet la publicité télévisée, le parrainage et le télé-achat à des règles « qualitatives » minimales permettant de garantir le respect d'un certain nombre d'objectifs d'intérêt général.

Ces règles encadrent ainsi les modalités et le temps de diffusion des communications commerciales, la publicité relative à l'alcool et aux médicaments et prohibent toute publicité pour le tabac.


• La définition de mesures de protection envers les mineurs

Aux termes de l'article 22 de la directive, les États membres prennent les mesures appropriées afin que les émissions des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence ne comportent pas de programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite.

Les programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, quant à eux, ne peuvent être diffusés qu'à condition que, par le choix de l'heure ou par toutes mesures techniques, les mineurs se trouvant dans le champ de diffusion ne soient pas en mesure de voir ou d'écouter les émissions concernées.

Votre rapporteur tient à préciser que la directive est complétée depuis 1998 dans ce domaine par la « recommandation concernant le développement de la compétitivité de l'industrie européenne des services audiovisuels et d'information par la promotion de cadres nationaux visant à assurer un niveau comparable et efficace de protection des mineurs et de la dignité humaine » 6 ( * ) du 30 avril 2004 qui couvre tous les services audiovisuels et d'information, y compris les services en ligne.


• Incitation à la haine

En vertu de l'article 22 bis de la directive, les États membres veillent à ce que les émissions télévisées ne contiennent aucune incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité.

C'est par conséquent aux États membres que revient la responsabilité de définir cette notion conformément à leur législation nationale et à leurs valeurs morales.


• L'instauration d'un droit de réponse

En vertu de l'article 23 de l'actuelle directive, toute personne physique ou morale, sans considération de nationalité, dont les droits légitimes ont été lésés à la suite d'une allégation incorrecte faite au cours d'un programme télévisé, doit pouvoir bénéficier d'un droit de réponse ou de mesures équivalentes.

Votre rapporteur tient à rappeler que les règles énoncées ci-dessus ne sont que des minima applicables à l'ensemble des États membres. Les États restent donc libres de prévoir des mesures plus strictes ou plus détaillées. Le droit français comporte pour sa part des dispositions plus contraignantes que la directive dans la majorité des domaines.

* 1 CJCE, Mediakabel BV contre Commissariaat voor de Media (C-89/04) du 2 juin 2005, cons. 18.

* 2 Lors de la révision de 1997, il avait été question d'y intégrer les « nouveaux services » (services en ligne, vidéo à la demande, etc.), mais cette proposition a finalement été rejetée.

* 3 Ces critères sont la localisation du siège social effectif, le lieu où sont prises les décisions en matière de programmation, le lieu d'activité d'une partie importante des effectifs employés.

* 4 Ils sont toutefois libres de prendre des mesures plus strictes que celles prévues par la directive à l'égard des radiodiffuseurs relevant de leur juridiction.

* 5 La France a définit sa liste d'événements majeurs par le décret du 22 décembre 2004. Cette liste comporte en tout et pour tout 21 événements sportifs.

* 6 COM (2004) 341 final - Non publié au Journal officiel.

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