MISSION « JUSTICE » - M. Roland du Luart, rapporteur spécial

I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2006

A. LES DONNÉES GÉNÉRALES DE L'EXÉCUTION DE LA MISSION « JUSTICE »

B. UN TAUX DE CONSOMMATION DE PLUS DE 91,7 % POUR LES AE PAR RAPPORT AUX CRÉDITS VOTÉS EN LFI POUR 2006

C. UN TAUX DE CONSOMMATION DE 99,1 % POUR LES CP PAR RAPPORT AUX CRÉDITS OUVERTS POUR L'EXERCICE 2006

II. LES FAITS MARQUANTS DE L'EXERCICE BUDGÉTAIRE 2006

A. LES LACUNES DU RAPPORT ANNUEL DE PERFORMANCES (RAP) 2006 AU REGARD DU SUIVI DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE (LOPJ)

1. La LOPJ occupe une place essentielle pour la gestion de la mission « Justice » mais reste négligée par le RAP

2. La LOPJ a continué à prendre du retard en 2006

B. DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS DÉCRITS DANS LE RAP, MAIS SANS EXPLICATION

1. Un RAP très lapidaire sur les mouvements de crédits

2. Des mouvements de crédits conformes aux spécificités de la mission

C. UNE FAIBLE UTILISATION DE LA FONGIBILITÉ ASYMÉTRIQUE

1. L'intérêt de réserver à l'avenir au sein du RAP une partie dédiée à l'analyse de la fongibilité asymétrique

2. Des marges de manoeuvre budgétaires trop limitées pour permettre un large recours à la fongibilité asymétrique

D. DES FRAIS DE JUSTICE EN COURS DE MAÎTRISE

1. La nouvelle donne des frais de justice depuis 2006

2. Le pari de la maîtrise en passe d'être gagné sans remise en cause de l'indépendance des magistrats ni de la qualité de la justice rendue

3. Des baisses significatives sur les principaux postes

4. Un résultat encourageant obtenu grâce à une mobilisation de tous les acteurs de la dépense

5. Une baisse reposant toutefois également sur des retards de paiement et l'accroissement du contentieux en contestation des ordonnances de taxe

E. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE : LA DIFFICILE RÉSORPTION DES REPORTS DES CHARGES LIÉES AU SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ (SAH)

1. Le passif né de l'annulation des reports de crédits en 2005

2. L'absorption d'une partie de ce passif en 2006


III. UNE PERFORMANCE ENCORE DIFFICILE À CERNER MAIS QUI TEND GLOBALEMENT À S'AMÉLIORER

A. DES INDICATEURS DE PERFORMANCE PARTIELLEMENT RENSEIGNÉS

1. Des indicateurs présents dans le PAP 2006 mais rendus caducs dans le RAP 2006

2. Des problèmes de collecte d'information empêchant la mesure de la performance

B. UNE AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE À CONFIRMER

1. Des délais de jugement en baisse sans dégradation de la qualité des décisions rendues

2 .Un haut niveau de sécurité des établissements pénitentiaires

3. Une meilleure optimisation des ressources de la PJJ est nécessaire

4. Un allongement du délai de traitement des délais d'admission à l'aide juridictionnelle

La mission « Justice » comprend cinq programmes (« Justice judiciaire », « Administration pénitentiaire », « Protection judiciaire de la jeunesse », « Accès au droit et à la justice » et « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés ») et se caractérise par plusieurs défis à relever au premier rang desquels : la qualité de la justice rendue (délais, efficacité, effectivité de la réponse pénale), la maîtrise des frais de justice, l'amélioration des conditions de détention, le financement du secteur associatif habilité (SAH) sur lequel s'appuie la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), l'accès au droit et la soutenabilité du rythme de croissance des crédits d'aide juridictionnelle.

L'exercice 2006 a été marqué par le passage à la LOLF, dont les implications sont de taille pour la mission . Ainsi, notamment, la qualité d'ordonnateurs secondaires est désormais reconnue aux chefs de cours, et les frais de justice sont passés de crédits simplement évaluatifs à des crédits limitatifs.

En loi de finances initiale (LFI) pour 2006 , cette mission comportait, au total, 6.925,8 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 5.980,2 millions d'euros de crédits de paiement (CP), pour 71.475 emplois équivalent temps plein (ETPT).

Dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de règlement, votre rapporteur spécial examinera, tout d'abord, les principales caractéristiques de l'exécution budgétaire en 2006. Il s'attachera, ensuite, à mettre en évidence les événements marquants de la gestion, puis étudiera le niveau de performance de la mission.

I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2006

A. LES DONNÉES GÉNÉRALES DE L'EXÉCUTION DE LA MISSION « JUSTICE »

Les conditions générales d'exécution budgétaire de la mission « Sécurité » sont présentées dans le tableau suivant :

B. UN TAUX DE CONSOMMATION DE PLUS DE 91,7 % POUR LES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT (AE) PAR RAPPORT AUX CRÉDITS VOTÉS EN LFI POUR 2006

Les AE s'élevaient en LFI pour 2006 à 6.925,8 millions d'euros .

Le rapport annuel de performances (RAP) pour 2006 présente un écart entre les AE consommées qu'il contient (6.352,3 millions d'euros) et le montant des AE soumis à votre approbation dans le présent projet de loi de règlement (6.342,3 millions d'euros). Le montant figurant en loi de règlement retrace, en effet, le montant global des AE consommées en 2006, minoré des retraits d'engagement sur années antérieures. Le RAP 2006, pour sa part, détaille le montant des AE consommées par action et sous-action de la mission. Or, ce niveau d'exécution n'existait pas préalablement au 1 er janvier 2006, de sorte qu'il n'a pas été possible d'imputer rétrospectivement les retraits d'engagement sur années antérieures, que ce soit par destination (action et sous-action) ou par nature (titre et catégorie).

Le biais comptable introduit par la mise en oeuvre de la LOLF n'introduit, toutefois, qu'un écart marginal (10 millions d'euros) dans le niveau de consommation des AE.

Au total, au regard des crédits votés en LFI pour 2006, le taux de consommation des AE se situe à 91,7 % , soit un ratio qui pourrait être encore plus satisfaisant sans une sous-consommation marquée des AE du programme « Administration pénitentiaire » (86,9 % de taux de consommation).

C. UN TAUX DE CONSOMMATION DE 99,1 % POUR LES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) PAR RAPPORT AUX CRÉDITS OUVERTS POUR L'EXERCICE 2006

Les CP ouverts en LFI pour 2006 s'élevaient à 5.980,2 millions d'euros .

Leur niveau de consommation en 2006 se révèle très largement conforme aux prévisions : 99,1 % par rapport aux crédits votés en LFI pour 2006. Au total, 5.925,9 millions d'euros auront ainsi été consommés pour la mission en 2006.

Sur les cinq programmes, seul le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » présente un taux de consommation des CP votés en LFI pour 2006 supérieur à 100 % . En effet, ce programme enregistre un léger dépassement de l'autorisation de dépense accordée, avec un taux de consommation s'élevant à 100,7 %.

Ce dépassement sur le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » s'explique, notamment, par des dépenses de fonctionnement supérieures de 10,8 millions d'euros à la prévision effectuée en LFI pour 2006 (348 millions d'euros consommés contre 337,2 millions d'euros ouverts en LFI pour 2006). Il a été couvert au cours de l'exercice par des mouvements d'ouvertures et d'annulations de crédits hors titre 2, c'est-à-dire hors dépenses de personnel, pour un solde de 9,6 millions d'euros, ainsi que par une sous-consommation des crédits affectés aux dépenses de personnel (365,8 millions d'euros consommés pour une ouverture s'élevant en LFI pour 2006 à 372,7 millions d'euros, soit un écart de 6,9 millions d'euros).

II. LES FAITS MARQUANTS DE L'EXERCICE BUDGÉTAIRE 2006

Votre rapporteur spécial souhaite faire ressortir les principaux éléments de la gestion 2006. Il peut pour cela s'appuyer, désormais, sur le RAP de la mission, annexé au présent projet de loi de règlement et conformément à l'article 54-4° de la LOLF. En ce sens, l'examen de la mission repose sur une « première », certes encore perfectible, mais riche de promesses .

A. LES LACUNES DU RAPPORT ANNUEL DE PERFORMANCES (RAP) POUR 2006 AU REGARD DU SUIVI DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE (LOPJ)

1. La LOPJ occupe une place essentielle pour la gestion de la mission « Justice » mais reste négligée par le RAP

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) s'est fixée pour objectif, sur un horizon de cinq ans (2003-2007), de donner à la justice les moyens de faire face à l'accroissement de ses charges et au développement de ses missions.

Dès lors, votre rapporteur spécial s'étonne et déplore que le RAP pour 2006 n'accorde pas une place particulière à l'exécution de la LOPJ . Un exposé plus détaillé et mieux individualisé de l'état d'avancement de cette programmation pluriannuelle lui apparaît, en effet, nécessaire, dans la mesure où elle constitue la pierre angulaire de la gestion stratégique de la mission.

Aussi, votre rapporteur spécial souhaite-t-il que le RAP de la mission « Justice », dont l'année 2006 marque « l'An 1 », soit à l'avenir enrichi d'un tableau d'avancement de la LOPJ clairement individualisé et, autant que possible, commenté .

2. La LOPJ a continué à prendre du retard en 2006

En dépit du défaut d'information précédemment relevé, votre rapporteur spécial peut, néanmoins, porter une appréciation étayée de l'état d'avancement de la LOPJ au sein de la mission, et plus particulièrement dans le cadre du programme « Justice judiciaire ». A la suite de l'envoi d'un questionnaire budgétaire complémentaire, les services de la Chancellerie lui ont, en effet, adressé toutes informations utiles . Qu'ils en soient ici remerciés.

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2007 117 ( * ) , votre rapporteur spécial s'inquiétait des retards pris dans les créations d'emplois prévus par la LOPJ d'ici à la fin de l'année 2007 , notamment au regard de l'insuffisance des effectifs de greffiers en juridiction. Ces craintes sont malheureusement confirmées par le bilan tiré de l'exercice 2006.

L'avancement de l'exécution de la LOPJ au sein des programmes « Justice judicaire » et « Accès au droit et à la justice » est ainsi présenté dans le tableau suivant.

Les créations d'emploi prévues par la LOPJ

(Programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice »)

Objectifs LOPJ
(2003-2007)

2003

2004

2005

2006

2007

(prévision)

TOTAL

(2003-2007)

Taux d'exécution

Magistrats et fonctionnaires

4.450

700

696

351

537

555

2.839

63,8 %

Source : Chancellerie

L'exercice 2006 constitue un point de repère significatif, en ce qu'il représente une balise supplémentaire et objective pour estimer la capacité à atteindre finalement l'objectif arrêté par la LOPJ en matière de création d'emplois. A cet égard, le taux de réalisation sur la période 2003-2006 n'atteint que 51,3 %, avec un taux prévisible de 63,8 % d'ici à la fin 2007 .

B. DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS DÉCRITS DANS LE RAP, MAIS SANS EXPLICATION

1. Un RAP très lapidaire sur les mouvements de crédits

L'analyse des mouvements de crédits (décrets de transfert, décrets d'avance, décrets d'annulation, arrêtés de report, ouvertures par voie de fonds de concours et attributions de produit) au cours de l'exercice budgétaire permet non seulement de juger de la pertinence des prévisions réalisées en LFI mais aussi de mettre en évidence certaines difficultés survenues au cours de l'année écoulée.

De ce point de vue, votre rapporteur spécial regrette une information très lapidaire dans le RAP pour 2006 sur ces événements de gestion ayant un impact sur la qualité du pilotage de la dépense et sur l'appréciation qui peut en être donnée . Le RAP se contente, en effet, d'en faire mention en rappelant, d'une part, la date de publication au Journal officiel (JO) des textes afférents à ces mouvements de crédits et en reprenant, d'autre part, l'opération comptable, sans aucun commentaire explicatif.

Votre rapporteur spécial souhaite, pour l'avenir, que le RAP de la présente mission comprenne une analyse précise et argumentée de ces mouvements .

2. Des mouvements de crédits conformes aux spécificités de la mission

S'agissant des mises en réserve , la gestion 2006 a débuté par une mise en réserve correspondant à 0,1 % des AE et des CP ouverts au titre 2 visant les dépenses de personnel (soit 3,5 millions d'euros) et de 5 % des AE et des CP ouverts sur les autres titres (soit 125,3 millions d'euros en AE et 78 millions d'euros en CP).

Conformément aux instructions données par le Premier ministre, par courrier en date du 25 mai 2005, les mises en réserve n'ont pas concerné la Cour de cassation et ont recueilli l'accord préalable du Garde des sceaux pour les autres juridictions judiciaires . Ainsi ont été respectées les garanties apportées par le gouvernement aux juridictions judiciaires.

Au final, sur l'ensemble de l'exercice 2006, les crédits annulés en fin d'année se sont élevés à 4,5 millions d'euros (soit 128,6 % du montant initial de la réserve) en AE et CP pour le titre 2 et à 16 millions d'euros en AE (soit 12,8 % du montant initial de la réserve) et 35 millions d'euros (soit 44,9 % du montant initial de la réserve) en CP sur les autres titres.

C. UNE FAIBLE UTILISATION DE LA FONGIBILITÉ ASYMÉTRIQUE

1. L'intérêt de réserver à l'avenir au sein du RAP une partie dédiée à l'analyse de la fongibilité asymétrique

La fongibilité asymétrique constitue l'une des principales innovations de la LOLF, en lien avec la responsabilisation des gestionnaires . Dès lors, l'exercice 2006 représente la première occasion de mesurer l'impact de cette faculté offerte en vue de l'optimisation de l'utilisation des crédits au sein de la présente mission.

A cet égard, votre rapporteur spécial regrette que le RAP de la mission « Justice » ne comporte que très peu de développements sur cette question . Le premier exercice budgétaire « en version LOLF » aurait pourtant du être l'occasion de tirer un premier bilan du recours à cette technique de gestion. Un tel bilan aurait pu, en particulier, présenter le montant des crédits ayant fait l'objet d'une fongibilité asymétrique, les titres et les actions concernés, ainsi qu'un commentaire sur les leviers ou les freins relatifs au recours à ce procédé de gestion.

Votre rapporteur spécial souhaite qu'à l'avenir ce bilan figure dans le RAP soumis à votre commission des finances , de manière à lui permettre d'étayer son jugement quant aux conditions de mise en oeuvre de la LOLF par les gestionnaires.

2. Des marges de manoeuvre budgétaires trop limitées pour permettre un large recours à la fongibilité asymétrique

En dépit de ce défaut d'information dans le RAP, votre rapporteur spécial a pu, néanmoins, s'appuyer sur les réponses au questionnaire budgétaire complémentaire adressé à la Chancellerie (cf supra II.A.2) pour évaluer le montant des crédits ayant été concernés par la fongibilité asymétrique au sein de la mission « Justice » en 2006.

Sur l'ensemble de la présente mission, le montant des crédits « fongibilisés » s'élève à 19,5 millions d'euros en CP, soit un montant extrêmement faible au regard de l'ensemble des CP consommés au cours de l'exercice (5.980,2 millions d'euros) .

Il convient, en outre, de souligner que le programme « Justice judiciaire » n'a pas eu recours à la fongibilité asymétrique, du fait de l'étroitesse de ses marges sur le titre 2 (dépenses de personnel) .

Le programme « Administration pénitentiaire » a, pour sa part, utilisé cette faculté à hauteur de 9,5 millions d'euros (5 millions d'euros au niveau central et 4,5 millions d'euros au niveau déconcentré) pour financer des dépenses de santé de détenus, des dépenses de fonctionnement courant, des dépenses de communication, la rémunération de la main d'oeuvre pénitentiaire ainsi que des reports de charges.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » a eu recours, quant à lui, à la fongibilité asymétrique pour un montant de 5,8 millions d'euros afin d'apurer une partie du report de charges du secteur associatif associé (SAH) .

Enfin, si le programme « Conduite et pilotage de la justice et organismes rattachés » a mis à contribution la technique budgétaire de la fongibilité asymétrique pour un montant total de 4,7 millions d'euros, ce fut essentiellement pour répondre à une modification de l'imputation comptable des dépenses d'action sociale lors du passage à la LOLF.

D. DES FRAIS DE JUSTICE EN COURS DE MAÎTRISE

1. La nouvelle donne des frais de justice depuis 2006

L'année 2006 a marqué une étape importante dans la gestion des frais de justice et constituait donc un moment clef pour l'institution judiciaire .

D'un point de vue budgétaire, tout d'abord, ces dépenses ont fait l'objet, dans le cadre de la mise en application de la LOLF, d'un encadrement plus contraignant, ces crédits devenant limitatifs alors qu'ils étaient auparavant soumis à un régime simplement évaluatif.

D'un point de vue comptable, ensuite, les chefs de cour d'appel se sont vus attribuer la qualité d'ordonnateurs secondaires , les préfets exerçant auparavant cette compétence.

Du point de vue de la dynamique de la dépense, enfin, la LFI pour 2006 limitait ces frais dans une enveloppe de 370 millions d'euros, soit une diminution de 24 % par rapport au montant des crédits consommés en 2005 . La tendance ainsi imprimée à ces dépenses tranchait nettement avec leur augmentation massive au cours des dernières années, analysée par votre rapporteur spécial dans son rapport d'information « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 118 ( * ) . Entre 2002 et 2005, ces dépenses avaient, en effet, cru de 68 %.

2. Le pari de la maîtrise en passe d'être gagné sans remise en cause de l'indépendance des magistrats ni de la qualité de la justice rendue

Les efforts conjugués de l'administration centrale et des juridictions ont permis, en 2006, de relever le défi de la maîtrise de la dynamique des frais de justice. Leur consommation a, en effet, diminué de 22 % pour atteindre un montant de 379,4 millions d'euros , contre 487 millions d'euros en 2005.

Le dépassement de 9,4 millions d'euros au regard de l'autorisation de dépense accordée par la LFI pour 2006 a été couvert par le recours à la fongibilité sur les crédits de fonctionnement (titre 3). En outre, le programme « Justice judiciaire » a dégagé, hors dépenses de personnel (titre 2), un solde de 8,8 millions d'euros ayant fait l'objet d'une demande de report de crédits. Il n'a donc pas été fait recours à la réserve constituée en début d'exercice en vue du paiement des frais de justice (50 millions d'euros).

L'année 2006 a ainsi permis au ministère de la justice de « reprendre la main » sur des dépenses jusque là surtout subies , en exerçant et en développant des compétences de gestionnaire qui lui faisait auparavant cruellement défaut.

Cette nouvelle maîtrise, dont il convient de se féliciter et qui demandera à être confirmée sur les prochains exercices budgétaires, a pu être obtenue sans dégradation de la qualité des décisions rendues. Elle s'est, en outre, opérée dans le respect des pouvoirs et de l'indépendance des magistrats qui avaient pu craindre, à l'origine, de voir leurs investigations ou celles des officiers de police judiciaire (OPJ) limitées pour des raisons budgétaires.

3. Des baisses significatives sur les principaux postes

La baisse de 22 % des frais de justice sur 2006 s'explique par les efforts poursuivis pour maîtriser les principaux postes de dépense ce dont on ne peut que se féliciter.

Les frais de justice pénale demeurent la composante essentielle de ces frais avec 262,3 millions d'euros, soit 70 % de l'enveloppe totale. Ils enregistrent une baisse très substantielle de 28,6 %, soit 105 millions d'euros. Si la dépense postale est désormais imputée sur l'action « Soutien » du programme (15,4 millions d'euros), il reste, toutefois, que la baisse globale est bien la conséquence de la politique engagée par la Chancellerie et d'une plus grande responsabilisation des magistrats prescripteurs de la dépense.

En particulier, les frais de réquisitions des opérateurs de télécommunication ont été réduits de 44 % , passant de 69,1 millions d'euros à 38,3 millions d'euros, grâce à une révision des tarifs correspondant à une plus juste rémunération des opérateurs de téléphonie 119 ( * ) .

De même, l'année 2006 aura marqué une rupture dans l'évolution des frais de scellés . Après une hausse de 32 % en 2004 et de 35,7 % en 2005, cette dépense connaît une baisse de 32 % en 2006 et est ramenée à un montant de 18,3 millions d'euros. Une telle diminution de la dépense s'explique par les efforts des juridictions pour limiter la mise sous scellés aux seuls objets indispensables à la procédure, pour assurer un véritable suivi des scellés, pour statuer sur le sort des scellés devenus inutiles et pour exiger de la part des gardiens des demandes de paiement régulières.

Les frais de justice commerciale ont, pour leur part, enregistré un recul de 37,9 % et s'élèvent à 23,2 millions d'euros. Il faut probablement voir dans cette évolution à la baisse les effets bénéfiques du mandatement de ces dépenses désormais dévolu au service administratif régional (SAR) de la cour d'appel. Ce nouveau circuit s'accompagne, en effet, d'un contrôle accru de la dépense.

4. Un résultat encourageant obtenu grâce à une mobilisation de tous les acteurs de la dépense

La maîtrise en cours des frais de justice trouve son origine dans un plan d'action concerté impliquant l'ensemble des acteurs de la dépense .

Ce plan s'est, tout d'abord, appuyé sur la mise en place d' une « mission frais de justice » au sein du secrétariat général du ministère de la justice .

Par ailleurs, un réseau de « référents frais de justice » a été implanté dans toutes les cours d'appel et les tribunaux de grande instance, en s'appuyant largement sur l'intranet du ministère et sur la diffusion rapide des bonnes pratiques.

Enfin, les magistrats prescripteurs ont fait preuve d'une forte mobilisation autour de l'objectif assigné. Ainsi, les magistrats du parquet ont assuré un suivi plus étroit de l'activité des OPJ, exigeant l'accord express d'un magistrat pour tout engagement de dépense significatif. S'agissant des magistrats du siège, et en particulier des magistrats instructeurs, le recours à un devis préalable pour les dépenses significatives est devenu la règle et un contrôle plus strict des mémoires présentés s'est opéré.

5. Une baisse reposant toutefois également sur des retards de paiement et l'accroissement du contentieux en contestation des ordonnances de taxe

Les effets conjugués d'un début de gestion retardée de plusieurs mois, de la nécessaire assimilation des nouvelles dispositions induites par la LOLF ainsi que d'outils et de procédures informatiques parfois défaillants ont généré au cours du premier semestre des retards de paiement très importants. Ainsi, à la fin du mois de juin 2006, le taux de consommation des crédits dédiés aux frais de justice était de 28,9 %. Ces retards de paiement ont pu être résorbés, au moins partiellement, au second semestre, mais le stock de mémoires pouvant se trouver dans les régies ou dans les services du SAR et n'ayant pas encore fait l'objet d'un mandatement reste difficile à appréhender .

Par ailleurs, le contrôle accru des mémoires de frais de justice a généré un nombre important de recours contre les ordonnances de taxe rendues par les magistrats, notamment celles rendues à l'encontre des opérateurs de téléphonie en application de la notion de juste rémunération . Ce contentieux est actuellement pendant devant les chambres d'instruction et a tiré artificiellement à la baisse les frais de justice sur 2006.

E. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE : LA DIFFICILE RÉSORPTION DES REPORTS DES CHARGES LIÉES AU SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ (SAH)

1. Le passif né de l'annulation des reports de crédits en 2005

En 2005, faute de disposer des crédits de report en principe destinés à couvrir les charges du secteur associatif habilité (SAH), les directions régionales de la PJJ avaient été contraintes d'utiliser les crédits de l'exercice pour le financement des opérations engagées mais non mandatées en 2004. Ces difficultés financières créées par la régulation budgétaire en 2005 ont rendu délicat le dialogue de gestion avec les services déconcentrés, les prévisions d'actions ne pouvant être respectées.

Au total, la gestion 2006 devait relever le défi d'apurer le « passif des années écoulées » , le report de charges entre 2005 et 2006 s'élevant à 62 millions d'euros. Ce passif comprenait tant les reports de charge liés à l'action 1 du programme, « Mise en oeuvre des mesures judicaires : mineurs délinquants », qu'à l'action 2 « Mise en oeuvre des mesures judicaires : mineurs en danger et jeunes majeurs ».

2. L'absorption d'une partie de ce passif en 2006

En 2006, comme au cours des années précédentes, la PJJ a dû faire face à des contraintes qui lui sont largement extérieures mais qui ne sont pas sans conséquences sur sa gestion .

D'une part, l'indépendance de l'autorité judiciaire a des effets directs sur le pouvoir de prescription des mesures éducatives. Le juge, et lui seul, dans le respect des textes en vigueur, décide de la nature et de la durée des mesures éducatives qu'il prononce et peut également choisir le service chargé de les mettre en oeuvre.

Dans ces conditions, le levier d'action retenu par la PJJ passe par un dialogue périodique entre les services éducatifs et les juridictions .

D'autre part, le secteur associatif représente un « opérateur » majoritaire , voire « l'opérateur » exclusif dans certains départements, dans plusieurs domaines de l'action éducative, tels que la réparation pénale ou les dispositifs de placement.

Aussi, la PJJ a-t-elle amplifié le contrôle et le pilotage de ce secteur par le biais de procédures spécifiques (habilitation, tarification...) , faisant d'ailleurs souvent l'objet de décisions prises conjointement avec le conseil général.

Au-delà de ces dispositifs opérationnels, la stratégie budgétaire retenue en 2006 a été marquée par la volonté d'orienter les transferts de crédits, le dégel de la réserve de précaution, l'emploi des reports de crédits et l'exercice de la fongibilité asymétriques vers le comblement du « passif du SAH ».

Au total, la charge financée au titre du SAH en 2006 s'élève à 224,4 millions d'euros, un reliquat d'impayés demeurant à hauteur de 15 millions d'euros .

Le montant du report de charges entre 2006 et 2007 est, ainsi, estimé à 37 millions d'euros , résultat du reliquat de 15 millions d'euros et du décalage de charges habituel du mois de décembre (12 millions d'euros en décembre 2006).

III. UNE PERFORMANCE ENCORE DIFFICILE À CERNER MAIS QUI TEND GLOBALEMENT À S'AMÉLIORER

A. DES INDICATEURS DE PERFORMANCE PARTIELLEMENT RENSEIGNÉS

Le jugement porté sur la performance de la mission dépend bien évidemment de l'information fournie par les indicateurs présentés dans le RAP. De ce point de vue, le RAP pour 2006 souffre de « pêchés de jeunesse » qui devront être corrigés pour l'avenir . Trop d'indicateurs sont encore muets, en cours de construction ou tout simplement abandonnés d'une année sur l'autre.

Votre rapporteur spécial considère que la stabilisation des indicateurs doit être un objectif prioritaire lors des prochains exercices budgétaires , sous peine de rendre vain tout effort de comparaison et d'analyse dans le temps de la performance de la présente mission.

1. Des indicateurs présents dans le PAP 2006 mais rendus caducs dans le RAP 2006

L'appréciation de la performance de la mission doit pouvoir s'appuyer sur une certaine constance dans la batterie d'indicateurs mis à disposition . Or, cette constance n'est pas encore à l'ordre du jour, certains indicateurs ayant été supprimés en cours d'année.

Ainsi, au sein du programme « Administration pénitentiaire », l'indicateur 7.1 « Délai moyen entre la notification par le juge d'application des peines et la date du premier entretien avec un travailleur social » apparaissait utile pour évaluer l'efficacité du suivi du condamné en milieu ouvert. Toutefois, l'objectif auquel il était associé, « Améliorer le délai de mise en oeuvre du suivi du condamné en milieu ouvert » (Objectif 7), étant devenu caduc en cours d'année du fait de la généralisation des bureaux d'exécution des peines (BEX), l'indicateur n'a pas été renseigné. Pour 2007, cet objectif a été « retravaillé » et un nouvel indicateur retenu, fondé sur le respect des obligations par le justiciable dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (SME).

2. Des problèmes de collecte d'information empêchant la mesure de la performance

Le RAP pour 2006 souffre d'une information parfois défaillante souvent liée à des données non encore disponibles au moment de son établissement .

Certains sous-indicateurs non renseignés pour 2006 font l'objet d'une indication très lapidaire : « chiffres 2006 non encore disponibles ». Ainsi en va-t-il, au sein du programme « Justice judiciaire », de l'indicateur 1.1 « Délai de traitement des procédures, par type de juridiction » pour les tribunaux de commerce. Une explication complémentaire aurait probablement été utile, comme un commentaire sur le devenir de ce sous-indicateur dans le cadre des prochains RAP et PAP.

La même remarque est encore plus valable pour des indicateurs totalement muets , c'est-à-dire sans qu'aucune donnée sur la réalisation pour 2006 ne figure dans aucun sous-indicateur. Au sein du programme « Justice judiciaire », les indicateurs 4.1 « Améliorer l'exécution des décisions pénales » et 4.2 « Délai moyen de mise à exécution », par exemple, sont parfaitement silencieux, qu'il s'agisse des peines d'enfermement ferme, de travail d'intérêt général, de sursis avec mise à l'épreuve ou d'amende.

Votre rapporteur spécial souhaite que ces indicateurs et sous-indicateurs puissent être pleinement renseignés au cours des prochains exercices .

B. UNE AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE À CONFIRMER

Dans le tableau d'ensemble dressé par le RAP pour 2006 de la performance de la mission « Justice », votre rapporteur spécial souhaite insister sur quelques points essentiels caractérisant la gestion en 2006 des différents programmes de la présente mission.

1. Des délais de jugement en baisse sans dégradation de la qualité des décisions rendues

Les délais moyens de traitement des procédures devant les juridictions enregistrent pour 2006 une diminution d'ensemble sensible , à l'exception de la situation devant les conseils de prud'hommes (12,37 mois contre 10 mois en 2004 et 12,1 mois en 2005).

Ainsi, ces délais sont-ils de, respectivement, 6,58 mois devant les tribunaux de grande instance (pour une prévision de 7 mois et un délai de 6,7 mois en 2005), de 13,28 mois devant les cours d'appel (pour une prévision de 15 mois et un délai de 14,2 mois en 2005) et de 18,71 mois devant la Cour de cassation (pour une prévision de 18 mois et un délai de 20,48 mois en 2005).

Dans le même temps, la qualité rédactionnelle des décisions reste satisfaisante , comme en témoigne la tendance à la baisse du taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer (indicateur 1.5 du programme « Justice judiciaire ») : 2,07 % pour les décisions des tribunaux de grande instance (contre 3,3 % en 2005) et 2,46 % pour les décisions des cours d'appel (contre 2,7 % en 2005).

2. Un haut niveau de sécurité des établissements pénitentiaires

Dans le cadre du programme « Administration pénitentiaire », la politique conduite en 2006 de gestion des affectations des détenus et de sécurisation des établissements s'est traduite par un renforcement de la sécurité avec un nombre d'évasions en baisse.

Le ratio du nombre d'évasions au cours de l'année, pour 10.000 détenus, est, en effet, passé de 3,1 en 2005 à 1,88 en 2006 pour les « évasions sous garde pénitentiaire » . De même, ce ratio pour les évasions hors établissements est pour 2006 de 32,8 en milieu ouvert (contre 35,8 en 2004, données 2005 non disponibles), de 4,2 lors d'hospitalisations d'office (contre 8,8 en 2004, données 2005 non disponibles) et de 2,05 sous escorte 120 ( * ) (contre 2,05 en 2004, données 2005 non disponibles).

A titre de comparaison, le taux moyen d'évasion en Europe est de 6,42 évasions pour 10.000 détenus 121 ( * ) .

3. Une meilleure optimisation des ressources de la PJJ est nécessaire

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, votre rapporteur spécial avait souligné que les taux d'occupation des établissements gérés par le secteur public , dans le cadre du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », laissaient apparaître des marges de manoeuvre substantielles 122 ( * ) . Cette observation s'est confirmée au cours de l'année 2006.

Ainsi, le taux d'occupation des centres éducatifs fermés (CEF) relevant de la gestion exercée par le secteur public n'est-il que de 72,46 % , avec pour cible retenue par le PAP pour 2006 une prévision de 80 % à l'horizon 2009.

4. Un allongement du délai de traitement des délais d'admission à l'aide juridictionnelle

Alors qu'en 2005 le délai moyen de traitement des dossiers de demande d'admission à l'aide juridictionnelle était de 60 jours, ce délai est passé à 63 jours en 2006 (soit une hausse de 5 %) .

Cet allongement peut s'expliquer par la diversité ou la complexité des dossiers déposés. En revanche, elle ne peut être directement imputée à la croissance du nombre de demandes d'aide juridictionnelle, qui a connu une augmentation de 2,3 %. Dès lors, il a été demandé aux chefs de cour et aux présidents de bureaux d'aide juridictionnelle d'assurer un suivi trimestriel de ces dossiers et de mettre en place, pour tous les bureaux dépassant le délai cible (60 jours) de plus de 2 mois, des mesures pour s'en rapprocher : redéploiements internes de personnels et homogénéisation de l'enregistrement des demandes.

* 117 Rapport spécial n° 78, tome III - annexe 15 (2006-2007) « Justice ».

* 118 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 119 Ces tarifs ont été insérés dans l'arrêté NOR JUSB0610562A du 22 août 2006, pris en application de l'article R. 213-1 du code de procédure pénale.

* 120 Cas des extractions hospitalières ou judiciaires.

* 121 Statistique portant en 2004 sur les pays suivants : Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne et Pays-Bas. Source : Statistique pénale annuelle du Conseil de l'Europe.

* 122 Rapport spécial n° 78, tome III - annexe 15 (2006-2007) : « Justice ».

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