B. UN CONTEXTE JURIDIQUE ET JUDICIAIRE COMPLEXE ET INCERTAIN QUI MENACE L'EXISTENCE MÊME DU PARC NATUREL DE CAMARGUE

1. Une structure juridique initiale qui doit nécessairement évoluer

Le Parc naturel de Camargue, troisième dans la chronologie des parcs naturels, a été créé par le décret n° 70-873 du 25 septembre 1970 et il est géré par une Fondation dont le décret du 12 décembre 1972 porte reconnaissance d'utilité publique.

Avaient la qualité de membres fondateurs :

- l'Etat ;

- la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

- le département des Bouches-du-Rhône ;

- les communes d'Arles et des Saintes-Maries de la Mer ;

- la Société nationale de protection de la nature ;

- la Compagnie des salins du Midi et des Salines de l'Est ;

- le Comité des propriétaires camarguais et notamment la station biologique de la Tour du Valat ;

- le Comité de soutien du Parc naturel régional de Camargue.

Cette structure originale se justifiait par la spécificité du parc, à savoir un territoire caractérisé par sa structure latifundiaire. Ceci traduisait également la très forte mobilisation des grands propriétaires terriens et de l'ensemble des acteurs économiques concernés pour assurer la préservation de cet espace naturel exceptionnel, en réaction aux nombreux projets d'aménagement en cours, industriel à Fos-sur-Mer et touristique au Cap d'Agde notamment.

Il s'agissait également de favoriser le développement d'activités humaines, dans une recherche permanente d'équilibre entre le bien être des habitants et le respect du territoire.

Ceci a ainsi permis de privilégier un mode de gestion favorisant une participation active et majeure des acteurs camarguais, au-delà de l'Etat et des collectivités territoriales. Etaient ainsi parties prenantes dans la gestion du Parc, propriétaires, chasseurs, éleveurs, pêcheurs, riziculteurs, au sein d'une structure que d'aucuns appelaient « le Parlement de Camargue ».

Le décret n° 98-97 du 18 février 1998 a renouvelé, pour dix ans, le classement du parc naturel régional de Camargue et adopté la charte révisée sur la base des statuts de la Fondation de 1979 et approuvée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le 19 décembre 1996.

Mais la Fondation a été confrontée à des difficultés d'ordre juridique, administratif et comptable, qui ont nui à sa légitimité.

- En 1979, le conseil d'administration de la Fondation a modifié une première fois ses statuts pour porter le nombre des administrateurs de 38 à 41, afin de prévoir la représentation de la Région. Malgré un avis défavorable du Conseil d'Etat 9 ( * ) , le Premier ministre approuve cette modification par le décret du 8 octobre 1979.

Le conseil d'administration de la Fondation décide de modifier à nouveau ses statuts lors de ses réunions des 15 décembre 1997 et 16 février 1998 pour porter le nombre des administrateurs de 41 à 50 et les membres du Bureau de 9 à 12, afin d'assurer la représentation des associations d'habitants. Sans attendre l'approbation réglementaire, la Fondation applique les statuts ainsi modifiés à compter de novembre 1998.

Or, le Conseil d'Etat, consulté ultérieurement, émet un avis défavorable sur ce nouvel élargissement, pour les mêmes raisons que celles invoquées en 1979 et souligne en outre que cet élargissement remet en cause l'équilibre initial, en affaiblissant la représentation de l'Etat et des collectivités territoriales. Aucun décret ministériel autorisant ces nouveaux statuts n'ayant été signé, il faut considérer que les décisions adoptées par la Fondation depuis novembre 1998 sont irrégulières et susceptibles d'annulation.

Cependant, un arrêté préfectoral du 25 avril 2003 restaure une composition du conseil d'administration conforme aux statuts approuvés en 1979, mettant fin à la période de fonctionnement irrégulier de la Fondation.

- En outre, deux rapports de contrôle et de vérification 10 ( * ) établis en 2000 relèvent plusieurs dysfonctionnements comptables et font valoir surtout que le statut de Fondation est inadapté à la gestion d'un PNR. D'une part, la Fondation poursuit bien un but non lucratif d'intérêt général mais sans disposer d'une dotation initiale ni de ressources pérennes d'origine principalement privée permettant d'assurer un équilibre financier durable dans les conditions attendues pour ce type d'organisme. D'autre part, le rapport de vérification conclut que « eu égard à l'importance des financements publics mais également à la nature des objectifs assignés au Parc de Camargue, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence d'une structure de gestion associative pérenne ».

Au delà de ces dysfonctionnements internes, il convient également de faire valoir l'évolution du cadre législatif concernant les parcs naturels régionaux qui milite en faveur d'une modification de la structure gestionnaire du PNR de Camargue.

- l'article 46 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement insère un article L. 244-2 11 ( * ) dans le code rural qui dispose que l'aménagement et la gestion des parcs naturels régionaux, créés à compter de la publication de la loi du 2 février 1995, sont confiés à un syndicat mixte, regroupant les collectivités territoriales et leurs groupements ayant approuvé la charte.

- l'article 16 de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux modifie l'article L. 333-1 du code de l'environnement et notamment son paragraphe I pour indiquer que « l'aménagement et la gestion des parcs naturels régionaux sont confiés à un syndicat mixte au sens du titre II du livre VII de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales ».

* 9 Avis du Conseil d'Etat des 9 janvier et 25 septembre 1979 qui considère que « le nombre initial de 38 est déjà excessif pour un conseil d'administration de Fondation » et qu'une représentation de la Région pouvait être établie sans modifier l'effectif initial.

* 10 Rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du Conseil général des ponts et chaussées du 5 décembre 2000 ; rapport de vérification de la Trésorerie générale de PACA et du département des Bouches-du-Rhône du 27 juin 2000.

* 11 Cet article a été transféré à l'article L. 333-1 du code de l'environnement.

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