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Rapport n° 72 (2007-2008) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2007

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N° 72

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome V :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 e législ . ) : 284 , 295, 303 et T.A. 48

Sénat : 67 et 73 (2007-2008)


Les observations et recommandations de la commission des affaires sociales
pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles en 2008


• Sur la situation financière de la branche

La prévision, avancée l'an dernier, d'un retour à l'équilibre dès 2007 ne s'est pas vérifiée, en raison notamment d'une forte augmentation des dépenses d'indemnités journalières et de la prise en charge par la branche des déficits accumulés par le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata).

L'assainissement de la situation financière de la branche est maintenant annoncé pour 2008. Elle devrait dégager l'an prochain un excédent de 273 millions d'euros . Cette amélioration résulterait, en grande partie, de l'augmentation de ses recettes : la suppression de la plupart des exonérations de cotisations AT-MP devrait lui rapporter 180 millions d'euros. Elle repose par ailleurs sur une hypothèse de stabilisation des dépenses.


• Sur la réforme de la branche

Le projet de loi de financement n'intègre pas, à ce stade, la mise en oeuvre des deux accords conclus par les partenaires sociaux pour la réforme de la branche, à savoir l'accord de février 2006 sur la gouvernance et celui de mars 2007 sur la prévention , la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles : les mesures relatives à la gouvernance, qui n'entrent d'ailleurs pas dans le champ des lois de financement, devront être adoptées dans une loi ordinaire et le Gouvernement souhaite poursuivre la réflexion et la concertation sur le second accord, dont les conditions d'application sont encore incertaines . La commission partage le souci du Gouvernement et estime qu'une transposition immédiate de ces accords n'est pas indiquée.


Sur les fonds de l'amiante

La commission, par la voix de son rapporteur Gérard Dériot, regrette que leur financement repose encore, pour l'essentiel, sur la branche AT-MP et que la contribution de l'Etat ne soit pas à la hauteur de ses responsabilités. Elle renouvelle son souhait que l'Etat assume au moins 30 % du financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) , conformément à la recommandation de la mission d'information sénatoriale sur les conséquences de la contamination par l'amiante conduite en 2005.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 11,8 milliards d'euros, en progression de 3,5 % par rapport à l'objectif fixé en 2007. Si l'on tient compte des dépenses qui devraient être effectivement réalisées cette année, la progression devrait être limitée à 1,75 %.

Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2005

(en milliards d'euros)

2005

2006

2007 (p)

2008 (p)

Objectif de dépenses

10,7

11,1

11,4

11,8

Dépenses réalisées

10,8

11,3

11,6

Ecart

0,1

0,2

0,2

(p) : prévision

Les dépenses de la branche AT-MP, qui représentent seulement 3 % des dépenses des régimes de base de la sécurité sociale, relèvent à 80 % du régime général. En 2008, le montant prévisionnel des dépenses de la branche AT-MP de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) serait de l'ordre de 10,5 milliards d'euros.

L'an dernier, les prévisions de recettes et de dépenses permettaient d'envisager un retour à l'équilibre de la branche en 2007. Cependant, les hypothèses sur lesquelles étaient fondées ces prévisions se sont révélées partiellement erronées, de sorte que le solde de la branche devrait rester négatif cette année, avec un déficit estimé à un peu plus de 360 millions d'euros.

Le retour à l'équilibre est maintenant annoncé pour 2008 . La branche serait même excédentaire de 273 millions d'euros l'an prochain. Il faut toutefois espérer que cette prévision d'un assainissement financier rapide ne sera pas à nouveau déçue.

Le retour à l'équilibre résulterait, d'une part, d'une stabilisation des dépenses de la branche, en dépit d'une augmentation de 50 millions d'euros du versement au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), d'autre part, d'une augmentation de ses recettes. L'adoption de l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui propose la suppression de certaines exonérations de cotisations AT-MP, devrait en effet produire 180 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Les partenaires sociaux ont achevé en mars 2007 leurs négociations en vue de la réforme de la branche. Elles ont abouti à la conclusion de deux accords, le premier relatif à la gouvernance, le second à la prévention, la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ne prévoit cependant pas de transcrire dans la loi le contenu de ces accords. La réforme de la gouvernance n'entre pas dans le champ des lois de financement et le Gouvernement a souhaité poursuivre la concertation sur les autres thèmes.

I. LES STATISTIQUES RELATIVES AUX RISQUES PROFESSIONNELS CONFIRMENT LES TENDANCES PASSÉES

Au-delà des considérations financières, les accidents du travail et les maladies professionnelles recouvrent une réalité sociale et humaine qui n'est pas anecdotique. En 2006, ce sont près de 1,3 million de sinistres - accidents du travail, de trajet et maladies professionnelles confondus - qui ont été recensés.

Les statistiques les plus récentes semblent confirmer les tendances passées. Les données pour 2006 demeurent cependant provisoires et leur interprétation reste délicate en raison des incertitudes qui affectent encore notre connaissance des risques professionnels.

A. DES ACCIDENTS DU TRAVAIL MOINS NOMBREUX

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (87 % du total).

1. La diminution du nombre global d'accidents du travail

Leur nombre régresse depuis les années soixante-dix, avec une accélération dans la période récente : entre 2000 et 2006, le nombre d'accidents du travail a en effet baissé de plus de 16 %, soit une diminution moyenne de 2,4 % par an.

En sus des accidents de travail stricto sensu , la branche AT-MP indemnise les accidents de trajet, c'est-à-dire les accidents survenus sur le trajet séparant la résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ou le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas. Les accidents de trajet représentent environ 9 % du nombre total de sinistres. Après une évolution favorable entre 2002 et 2004, les statistiques révèlent un regrettable retournement de tendance ces deux dernières années.

Evolution du nombre et de la fréquence des accidents du travail et des accidents de trajet reconnus depuis 2003

2003

2004

2005

2006*

Nombre d'accidents du travail

1 185 291

1 152 865

1 137 058

1 135 532

Nombre d'accidents de trajet

113 918

112 366

117 977

116 247

Indice de fréquence (1)

66,0

64,5

62,4

62,6

(1) L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents du travail reconnus par milliers de salariés

* Données estimées Source : Cnam

Les principales causes d'accidents du travail sont :

- la manipulation d'objet, qui a occasionné plus du tiers des accidents du travail en 2006 et donné lieu à une incapacité permanente dans 31 % des cas ;

- les accidents de plain-pied, c'est-à-dire les chutes à hauteur d'homme 1 ( * ) , responsables de près du quart des accidents de travail avec arrêt ;

- les chutes de hauteur, fréquentes surtout dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).

2. Le degré de gravité des accidents du travail

Les accidents du travail ne présentent pas tous le même degré de gravité : si 60 % d'entre eux s'accompagnent d'un arrêt de travail, seuls les plus graves occasionnent une incapacité permanente, dont le taux, évalué par la caisse primaire d'assurance maladie, détermine le montant de la rente perçue par la victime.

Jusqu'en 2004, le nombre d'accidents entraînant une incapacité permanente a eu tendance à augmenter, en dépit de la baisse globale du nombre d'accidents du travail, ce qui a provoqué une augmentation de l'indice de gravité des accidents du travail 2 ( * ) .

Depuis deux ans, en revanche, on observe une légère diminution du nombre d'accidents avec incapacité permanente. Sans doute s'explique-t-elle, pour partie, par la mise en oeuvre du plan « Santé au travail » lancé par le Gouvernement en février 2005. Il convient cependant d'attendre que cette tendance se confirme avant d'en tirer des conclusions définitives.

Evolution de la gravité des accidents du travail depuis 2002

2002

2003

2004

2005

2006

Accidents avec arrêt

759 980

721 227

692 004

699 217

700 772

Accidents avec incapacité permanente

47 009

48 774

51 771

51 938

46 596

Accidents mortels

686

661

626

474

537

Indice de fréquence des accidents avec arrêt 3 ( * )

43,0

40,9

39,5

39,1

39,4

Indice de gravité des accidents du travail

16,0

18,2

19,5

19,3

17,7

Source : Cnam

La fréquence des accidents du travail, et notamment des accidents graves, varie sensiblement d'un secteur d'activité à l'autre.

Les secteurs où la fréquence des accidents du travail est la plus élevée sont le BTP, le secteur des services, commerces et industries de l'alimentation et celui du bois-ameublement, papier-carton et textiles. Comme le montre l'indicateur n° 1.2 du programme de qualité et d'efficience, la fréquence des accidents du travail dans ces trois secteurs est supérieure des deux tiers à la moyenne nationale, sans que cet écart se réduise depuis 2000.

A l'opposé, les secteurs de la banque et de l'assurance, de l'administration et du commerce non alimentaire sont ceux où le risque d'accident est le plus faible.


La nomenclature des secteurs d'activité au sens des accidents du travail
et des maladies professionnelles

Les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles distinguent neuf grandes branches d'activités (ou comités techniques nationaux - CTN) :

- industries de la métallurgie ;

- industries du bâtiment et travaux publics (BTP) ;

- industries du transport, eau, gaz, électricité (EGE), livre et communication ;

- services et commerces de l'alimentation ;

- industries de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie ;

- industries du bois, de l'ameublement, du papier carton, des textiles, du vêtement, des cuirs et peaux et des pierres et terres à feu ;

- commerce non alimentaire ;

- activités de services I (banques, assurances, administrations,...) ;

- activités de services II et travail temporaire (santé...).

Il apparaît également que la fréquence des accidents de travail avec arrêt est beaucoup plus élevée pour les salariés de moins de trente ans que pour les salariés plus âgés. Le manque d'expérience au poste de travail est donc un incontestable facteur de risque. Les salariés de cette classe d'âge concentrent plus de 36 % des accidents avec arrêt survenus en 2006, ainsi que 43 % des accidents de trajet.

L'enquête Sumer réalisée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) révèle en outre que les efforts physiques et le bruit augmentent le risque d'accident, tout comme un rythme de travail intense, des horaires imprévisibles, un manque de soutien du collectif de travail ou des tensions avec le public 4 ( * ) .

Si l'on examine enfin les accidents ayant entraîné le décès de la victime, on observe que les accidents de la route demeurent la principale cause de décès, bien que leur part dans le total des accidents mortels soit en diminution (de 29,3 % en 2003 à 22 % en 2006). Le secteur du BTP a enregistré une forte augmentation du nombre de décès en 2006 (158 au lieu de 105 en 2005), qui intervient cependant après trois années consécutives de baisse (191 décès étaient recensés en 2003).

B. LA HAUSSE DU NOMBRE DE CAS DE MALADIES PROFESSIONNELLES SE POURSUIT

Les statistiques pour l'année 2006 suggèrent que l'augmentation du nombre de maladies professionnelles, qui a été particulièrement forte depuis 2000 se poursuivrait, mais à un rythme plus faible.

1. Une progression à un rythme ralenti ?

Le nombre de maladies professionnelles reconnues a augmenté de plus de 50 % sur la période 2000-2006, ce qui correspond à un taux d'augmentation annuel moyen de 7,6 %.

Evolution du nombre de cas de maladies professionnelles depuis 2002

2003

2004

2005

2006*

Nombre de maladies professionnelles constatées et reconnues (statistiques trimestrielles juin 2007)

44 653

48 130

52 811

46 205

Nombre de maladies professionnelles réglées (statistiques technologiques)

34 642

36 871

41 347

42 306

Nombre de maladies professionnelles avec incapacité permanente

15 713

19 155

21 505

22 763

* données partielles et provisoires Source : Cnam

Les données disponibles pour l'année 2006 ne permettent pas d'anticiper une prochaine décrue du nombre de maladies professionnelles. Toutefois, les statistiques technologiques de la Cnam indiquent qu'une stabilisation s'amorcerait peut-être. Elles font en effet apparaître une augmentation beaucoup plus faible entre 2005 et 2006 (959) qu'entre 2004 et 2005 (4 476). Cette inflexion devra cependant encore être confirmée par les statistiques trimestrielles de la Cnam.


Les statistiques de la Cnam relatives aux maladies professionnelles

La Cnam élabore deux séries statistiques relatives aux maladies professionnelles :

- les statistiques technologiques, qui comptabilisent les maladies professionnelles en fonction de la date de premier règlement (d'une prestation en espèces par exemple) ;

- les statistiques trimestrielles, qui dénombrent les maladies professionnelles en fonction de leur date de survenance ; dans la mesure où la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles est souvent longue, un certain délai s'écoule avant que ces statistiques ne soient arrêtées définitivement.

Les secteurs d'activité les plus pathogènes en 2006 sont ceux des industries du bois, ameublement, papier-carton..., pour lesquels on a dénombré l'an passé quatre maladies professionnelles supplémentaires reconnues pour mille salariés, devant ceux des industries chimiques et du BTP (trois pour mille).

L'augmentation du nombre de maladies professionnelles résulte, pour partie, de l'élargissement du champ des maladies professionnelles reconnues et d'une meilleure information des médecins et des salariés. Mais elle s'explique aussi par le développement de plusieurs pathologies, qui ne sont pas sans conséquence sur le plan sanitaire.

2. Les principales pathologies d'origine professionnelle

Trois grands types d'affections concentrent l'essentiel des cas de maladies professionnelles reconnues :


• les affections périarticulaires : causées par certains gestes ou postures de travail, elles représentent 69,4 % des maladies professionnelles reconnues en 2006 ;


• les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante (tableau 30 et 30 bis des maladies professionnelles) constituent 13,9 % des maladies professionnelles reconnues en 2006 ;


• les affections chroniques du rachis lombaire , enfin, occupent toujours une part importante, mais décroissante, des maladies professionnelles : 5,9 % en 2004, 5,5 % en 2005 et 5,3 %.

Les autres pathologies les plus fréquentes sont les allergies, les surdités, les affections respiratoires...

La répartition est un peu différente si l'on considère les maladies professionnelles qui occasionnent une incapacité permanente .

Comme le rappelle l'indicateur n° 7 du programme de qualité et d'efficience, certaines pathologies, en raison de leur gravité, s'accompagnent plus fréquemment que d'autres d'une incapacité permanente. C'est notamment le cas des maladies de l'amiante : l'an passé, 92 % des maladies de l'amiante ayant donné lieu à un arrêt de travail se sont accompagnées de la reconnaissance d'une incapacité permanente, contre 46,5 % en moyenne pour l'ensemble des maladies professionnelles. A contrario , les maladies périarticulaires, moins graves, ne représentent que 50 % du total des maladies professionnelles avec incapacité permanente.

3. Des données à interpréter avec précaution

Ces données issues des statistiques de la Cnam correspondent au nombre de malades indemnisés au titre d'une maladie professionnelle.

Or, comme l'a montré le rapport réalisé en 2005 par la commission présidée par Noël Diricq, un nombre important de maladies professionnelles ne sont pas reconnues comme telles et ne sont donc pas recensées. La prise en charge des malades repose alors sur l'assurance maladie. Pour compenser cette charge indue, la branche AT-MP effectue chaque année un reversement à l'assurance maladie.

II. LA BRANCHE DEVRAIT RENOUER AVEC LES EXCÉDENTS EN 2008

Après s'être rapprochée de l'équilibre en 2006, la branche AT-MP devrait être à nouveau nettement déficitaire en 2007. Un excédent est cependant attendu l'an prochain, sous l'effet, notamment, d'une hausse des recettes de la branche.

A. LA SUPPRESSION D'EXONÉRATIONS DE COTISATIONS ACCROÎTRAIT SES RECETTES

Les recettes de la Cnam AT-MP se composent, en 2006, de 76 % de cotisations patronales, de 3 % de cotisations prises en charge par l'Etat, de 16 % de recettes fiscales affectées et de 5 % de produits divers (recours contre tiers, produits financiers, produits de gestion courante...). Les cotisations patronales globales, c'est-à-dire les cotisations patronales nettes augmentées des remboursements d'exonérations de cotisations par l'Etat et des recettes du panier fiscal, représentent près de 95 % des recettes de la branche.

Rappelons que depuis la promulgation de la loi de finances pour 2006, le manque à gagner résultant, pour la sécurité sociale, de l'allégement général de cotisations sociales (allégement « Fillon ») est compensé par l'affectation d'un panier de recettes fiscales. D'autres exonérations de cotisations demeurent compensées par une dotation budgétaire de l'Etat et celles entrées en vigueur avant 1994 ne donnent pas lieu à compensation.

1. La croissance des recettes

Après avoir fortement progressé en 2006 (9,1 %), sous l'effet de la hausse du taux de cotisations AT-MP, les recettes de la branche devraient connaître une progression plus modérée cette année (3,7 %). En 2008, elles devraient à nouveau augmenter à un rythme soutenu (6,3 %) pour s'établir à près de 10,8 milliards d'euros.

Produits de la branche AT-MP (Cnam)

(en millions d'euros)

2005

2006

%

2007

%

2008

%

PRODUITS

8 991,5

9 809,3

9,1

10 174,6

3,7

10 812,8

6,3

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

8 982,2

9 795,8

9,1

10 160,7

3,7

10 798,6

6,3

Cotisations patronales nettes

6 969,1

7 412,0

6,4

7 554,3

1,9

8 376,0

10,9

Cotisations prises en charge par l'Etat

1 477,5

258,7

- 82,5

314,5

21,6

36,9

- 88,3

Impôts et taxes affectés

157,8

1 620,0

++

1 808,4

11,6

1 945,6

7,6

Transferts entre organismes de sécurité sociale

0,9

54,9

++

61,7

12,2

66,3

7,6

Remboursement des dépenses médicosociales par la CNSA

0,0

54,0

-

60,7

12,5

65,4

7,7

Autres transferts

0,9

0,9

6,6

0,9

0,0

0,9

0,0

Divers produits techniques

376,9

450,1

19,4

421,8

- 6,3

373,8

- 11,4

Recours contre tiers

245,0

330,6

- 4,2

314,1

- 5,0

314,1

0,0

Produits financiers

11,4

2,3

- 79,8

0,0

- 99,2

0,0

0,0

Autres divers produits techniques

20,5

117,2

++

107,7

- 8,1

59,7

- 44,6

PRODUITS DE GESTION COURANTE

9,3

13,6

46,4

13,9

2,4

14,2

1,8

Source : Direction de la sécurité sociale

En 2007, les cotisations patronales augmenteraient au rythme modéré de 1,9 %, nettement inférieur à la progression de la masse salariale, en raison du fort dynamisme des exonérations générales de cotisations sociales (+ 12 %). Les cotisations prises en charge par l'Etat et les recettes fiscales affectées croîtraient respectivement de 21,6 % et de 11,6 %. Par ailleurs, à la suite d'une modification du mécanisme de récupération des créances auprès des assureurs, le rendement des recours contre tiers est prévu en baisse de 5 %.

Les paramètres de l'évolution des recettes de la Cnam AT-MP

2004

2005

2006

2007

2008

Masse salariale du secteur privé

2,8 %

3,4 %

4,3 %

4,8 %

4,80 %

- effectifs du secteur privé

0,3 %

0,6 %

0,9 %

1,5 %

1,45 %

- salaire moyen du secteur privé

2,5 %

2,8 %

3,4 %

3,3 %

3,35 %

Taux net de cotisations employeurs

2,185 %

2,185 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

Source : Direction de la sécurité sociale

En 2008, les cotisations patronales augmenteraient de 10,9 %. Cette accélération ne résulterait pas d'un plus grand dynamisme de la masse salariale, l'hypothèse de croissance retenue pour 2008 étant identique à celle de 2007 (4,8 %), mais de l'adoption de la mesure proposée à l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui prévoit d'exclure les cotisations AT-MP du champ des exonérations de cotisations sociales.

2. La suppression des exonérations de cotisations AT-MP

Le taux de cotisation AT-MP, fixé à 2,285 % depuis 2006, devrait rester inchangé l'an prochain. Il s'agit là d'un taux moyen, le taux effectivement appliqué à chaque entreprise variant en fonction du nombre de sinistres qui lui sont imputables au cours des trois dernières années, selon des modalités qui varient avec la taille de l'entreprise. Les modalités de calcul du taux de cotisation applicable à chaque entreprise sont détaillées dans l'encadré ci-dessous.


La détermination du taux de cotisation d'une entreprise


• Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur ;

- un souci de prévention , le montant de la cotisation étant fixé selon le risque survenu dans chaque entreprise ;

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurantielle du système de sécurité sociale.


• Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise et les salaires. Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de dix salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de deux cents salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).


• Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement. A défaut, ils sont déterminés par arrêté interministériel.

Puis les caisses régionales d'assurance maladie déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission. Elles disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes, pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

Jusqu'à présent, les nombreux dispositifs d'exonération de cotisations sociales en vigueur se sont appliqués sans restriction aux cotisations AT-MP. Or, le Gouvernement souligne aujourd'hui que la politique d'exonération de cotisations, qui vise à encourager l'embauche de salariés peu qualifiés, entre en contradiction avec la logique d'incitation à la prévention qui préside au calcul du taux de cotisation.

C'est pourquoi il propose de mettre fin à l'exonération de cotisations AT-MP pour tous les dispositifs d'exonération totale de cotisations actuellement en vigueur . Les dispositifs concernés sont énumérés dans l'annexe 5 du projet de loi de financement (fiche n°56). Il s'agit de :

- l'exonération applicable dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), dans les zones de revitalisation urbaine (ZRU) et dans les zones franches urbaines (ZFU) ;

- l'aide aux chômeurs repreneurs ou créateurs d'entreprise (Accre) ;

- l'exonération pour les services à la personne ;

- l'exonération dont bénéficient les structures d'aide sociale ;

- l'exonération applicable dans les départements d'outre mer (Dom) ;

- l'exonération pour l'embauche de salariés en CDI par un groupement d'employeurs agricoles ;

- l'exonération en cas de transformation d'un CDD en CDI par un employeur agricole ;

- l'exonération applicable au titre du contrat d'avenir et du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), y compris dans les Dom ;

- l'aide aux jeunes entreprises innovantes ;

- l'exonération pour les bassins d'emploi à redynamiser.

Rappelons que l'article 143 de la loi de finances pour 2007 a déjà fait disparaître l'exonération de cotisations AT-MP pour les contrats d'apprentissage.

Il convient de préciser qu'elle est sans incidence sur l'allégement général de cotisations, l'allègement « Fillon », qui est calculé de manière forfaitaire.

Son coût pour les entreprises est estimé autour de 320 millions d'euros. Elle ne devrait cependant rapporter qu'environ 180 millions d'euros de recettes supplémentaires à la branche AT-MP, dans la mesure où l'Etat cessera de lui verser les dotations budgétaires correspondant à la compensation de certaines exonérations. Le surcroît de recettes s'explique donc par la non-compensation d'une partie des exonérations qu'il est proposé de supprimer.

B. LES DÉPENSES SERAIENT STABILISÉES

Les charges de la branche AT-MP du régime général se composent d'environ 70 % de dépenses de prestations (légales, extralégales et autres, augmentées des dotations nettes aux provisions pour prestations et des pertes sur créances irrécouvrables sur prestations) et de 21 % de charges de transfert vers d'autres régimes et fonds : régime des mines, régime des salariés agricoles, fonds commun des accidents du travail non agricoles (Fcat), branche maladie du régime général, Fiva, Fcaata, etc. Le solde est constitué de charges de gestion courante et de diverses charges techniques.

Après avoir progressé de 4,6 % en 2006, les dépenses devraient accélérer en 2007 (6,8 %) pour s'établir à 10,5 milliards d'euros. Elles se stabiliseraient l'année prochaine à ce même montant.

Les charges de la Cnam AT-MP

(en droits constatés et en millions d'euros)

2005

2006

%

2007

%

2008

%

9 429,7

9 868,1

4,6

10 540,9

6,8

10 540

0,0

Source : Direction de la sécurité sociale

1. L'évolution des dépenses de prestations

En 2006 , les dépenses de prestation ont connu une croissance modérée de 1,5 %, cohérente avec la hausse de 2 % des prestations légales, qui représentent un peu plus des deux tiers du total.

Les dépenses de prestations devraient progresser plus fortement en 2007 , puisqu'une hausse de 4,1 % est attendue. Les prestations pour incapacité temporaire augmenteraient rapidement (5,8 %), sous l'effet principalement d'une accélération des dépenses d'indemnités journalières (6,1 %). Les prestations pour incapacité permanente progresseraient de 3 %.

Les raisons de cette accélération des dépenses sont encore difficiles à élucider. Il semble que les dépenses de prestations, après avoir crû à un rythme modéré pendant quelques années, retrouvent aujourd'hui un rythme de progression plus conforme à leur tendance habituelle. Peut-être la réforme de l'assurance maladie de 2004 a-t-elle eu un effet psychologique favorable sur les comportements mais qui s'estomperait aujourd'hui ? Il est possible également que le départ en retraite anticipé de salariés ayant commencé à travailler très jeunes, rendu possible après la réforme de 2003, ait eu pour effet de limiter, ces dernières années, le nombre d'arrêts de travail, mais que cet effet s'épuise actuellement.

En 2008 , une augmentation de 4,3 % des prestations pour incapacité temporaire est attendue. Pour les incapacités permanentes, la revalorisation des rentes de certains ayants droits, prévue à l'article 55 du projet de loi de financement, entraînerait une dépense supplémentaire estimée à dix millions d'euros.

2. Une nouvelle augmentation des dépenses de transfert

Entre 2002 et 2006, les dépenses de transfert à la charge de la branche AT-MP du régime général ont crû de 41 %. Ces dépenses devraient encore progresser d'environ 10 % en 2007. En 2008, les transferts devraient en revanche se stabiliser , voire amorcer une légère décrue, la hausse de 50 millions du versement au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) étant en grande partie compensée par la diminution du versement au régime des mines.

Les dépenses de transfert devraient représenter cette année vingt-deux points de cotisations, contre 20,8 en 2006, mais seulement vingt et un points en 2008.

Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Mines

464,9

448,6

483,5

460,3

488,1

442,1

MSA

108,8

111,3

110,2

106,6

99,9

97,5

Branche maladie

330,0

330,0

330,0

330,0

410,0

410,0

Fcat

64,4

58,2

54,5

45,2

39,8

34,9

Fcaata

450,0

500,0

600,0

700,0

800,0

850,0

Fiva

190,0

100,0

200,0

315,0

315,0

315,0

Total des principaux transferts

1 608,1

1 548,1

1 778,2

1 957,1

2 152,8

2 149,5

Source : Cnam

a) Une diminution des transferts vers les organismes de sécurité sociale est attendue en 2008

La branche AT-MP du régime général assure des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Stabilisées depuis quelques années, ces dépenses connaîtraient une diminution en 2008, en raison principalement d'une réduction de 46 millions d'euros du versement au régime des mines. Si elles pèsent sur les comptes du régime général, elles ne se traduisent pas, en revanche, par une dégradation du solde net de la branche AT-MP de l'ensemble des régimes de base.

La situation est tout autre pour ce qui concerne le transfert de la branche AT-MP du régime général vers la branche maladie du même régime. Ce transfert vise à compenser les charges supportées de manière indue par l'assurance maladie, en raison des phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

De 2003 à 2006, son montant a été fixé à 330 millions d'euros . Il a été porté l'an passé à 410 millions d'euros et il est proposé de reconduire ce même montant en 2008 . Il se situe dans le bas de la fourchette préconisée par la commission Diricq, qui a évalué le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance pour l'assurance maladie entre 356 et 749 millions d'euros .

b) La dégradation de la situation financière des « fonds de l'amiante »

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le Fcaata, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés victimes de l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP du régime général en est le principal financeur. En 2006, les dotations totales de la branche au Fiva et au Fcaata ont atteint 1,015 milliard d'euros ; elles s'élèveraient à 1,115 milliard en 2007 et à 1,165 milliard l'an prochain. Votre commission regrette que la contribution de l'Etat au financement de ces fonds ne soit pas à la hauteur de ses responsabilités dans le drame de l'amiante, à la fois comme employeur et comme garant de la santé publique, et rappelle son souhait qu'elle soit portée progressivement à 30 % des recettes de ces fonds.


• La dégradation préoccupante de la situation financière du Fcaata

Dans son rapport annuel pour 2006, le conseil de surveillance du Fcaata, présidé par Marianne Lévy-Rozenwald, souligne que les charges du fonds sont, depuis 2003, supérieures chaque année à ses recettes. Il estime que cet écart récurrent constitue une « situation extrêmement préoccupante ».

Cet écart ne résulte pas tant de la progression rapide des dépenses du Fcaata que de l'insuffisance de ses dotations. La croissance de ses charges a en effet tendance à décélérer ces dernières années, en raison d'une moindre progression des entrées dans le dispositif et d'un plus grand nombre de sorties, pour cause de départ en retraite essentiellement.

Evolution du nombre d'allocataires du Fcaata

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Entrées

9 697

18 032

25 717

33 361

40 397

46 731

Sorties

545

1 351

3 201

5 962

9 029

13 672

Nombre d'allocataires

9 152

16 681

22 516

27 409

31 368

33 059

Sources : rapports d'activité du Fcaata

Les dépenses de prestations du Fcaata ne devraient progresser que de 5 % en 2007, ce qui suggère que sa montée en charge est en passe de s'achever. Les prévisions, qui demeurent fragiles, établies pour 2008 par la commission des comptes de la sécurité sociale, indiquent qu'une décrue pourrait s'amorcer l'an prochain.

Evolution des dépenses du Fcaata de 2002 à 2007

(en millions d'euros)

2003

2004

%

2005

%

2006

%

2007*

%

2008*

%

Charges

515,7

650

28

787

21

872

11

915

5

874

- 4

* prévisions Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général, dont la contribution progresse encore de 50 millions d'euros en 2008 (soit une hausse de 6,25 %). S'y ajoutent le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac et, depuis 2005, le produit de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, ces deux recettes rapportant 30 millions d'euros chacune.

Ressources du Fcaata

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

Contributions de la branche AT-MP du régime général

450

500

600

700

800

850

Contribution des entreprises

-

-

68

21

30

28

Droits sur les tabacs

32

28

29

29

29

28

Total

482

528

764

852

885

906

* prévisions Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le montant des recettes produites par la contribution à la charge des entreprises devrait rester modeste en 2007 et 2008. A l'initiative de votre commission, le plafond de cette contribution a pourtant été relevé, l'an passé, de 2 à 4 millions d'euros . Il apparaît cependant que son recouvrement est source de nombreux contentieux , souvent gagnés par les entreprises, qui ont pour effet de minorer ou de différer les versements.

Le Fcaata a d'abord pallié l'insuffisance de ses recettes en puisant dans les réserves qu'il avait constituées dans les premières années suivant sa création, au moment où les dotations qu'il percevait excédaient largement le montant de ses dépenses. Depuis 2005 cependant, les réserves sont épuisées et le Fcaata accumule les déficits.

Evolution des résultats financiers du Fcaata

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Résultat net

10

- 33

- 122

- 90

- 119

- 54

32

Réserve cumulée

161

128

6

- 84

- 203

- 256

- 224

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le paiement de l'allocation de cessation anticipée d'activité (Accata) ne pouvant être interrompu, la branche AT-MP de la Cnam a avancé les sommes nécessaires lorsque les ressources financières du Fcaata ont été épuisées. En 2006, la Cnam a inscrit dans ses comptes une créance de près de 90 millions d'euros sur le Fcaata , estimant que ces avances lui seraient remboursées. Dans son rapport de certification des comptes de juin 2007, la Cour des comptes a cependant condamné cette pratique : rappelant que le Fcaata n'avait pas la personnalité juridique et que l'engagement de l'Etat à son égard était limité aux ressources fiscales qu'il lui affecte, elle a estimé qu'il n'était pas possible de considérer que la Cnam détenait une créance sur le fonds.

Tirant les conséquences des observations de la Cour, la Cnam a inscrit dans ses charges pour 2007 une somme de 169 millions d'euros, correspondant aux déficits cumulés du Fcaata en 2006 et 2007. Cette mesure a contribué à dégrader le solde de la branche en 2007.

Des mesures correctrices s'imposent donc pour redresser les comptes du Fcaata. Le Gouvernement projette d'instituer très prochainement un groupe de travail , composé de représentants de l'Etat, des partenaires sociaux, d'associations et de parlementaires, afin d'élaborer des propositions de réforme. A ce groupe incombera la tâche délicate d'améliorer l'équité du fonds - pour éviter que des salariés exposés à l'amiante en soient exclus - tout en s'efforçant de mieux maîtriser ses dépenses.


• La situation financière du Fiva

La situation financière du Fiva est moins difficile dans la mesure où les dotations qu'il a obtenues ont excédé ses dépenses jusqu'en 2004, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves qui ne sont pas encore épuisées. En 2008, le Fiva devrait encore pouvoir financer 190 millions d'euros de dépenses grâce à ses réserves.

Evolution des ressources et des dépenses du Fiva

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007*

CHARGES

176

462

432

392

521

Indemnisations

171

377

400

364

469

Provisions

80

27

23

45

Autres charges

5

5

5

5

7

PRODUITS

335

102

347

402

426

Contributions de la Cnam AT-MP

294

100

200

315

315

Contributions de l'Etat

40

52

47

48

Reprise sur provisions

75

27

50

Autres produits

1

2

20,4

13

13

Résultat net

158,9

- 360

- 85

10

- 95

Résultat net cumulé

697

337

252

262

167

* budget prévisionnel Source : rapport annuel du Fiva

Le Fiva est confronté, depuis le début de l'année 2007, à une progression rapide du nombre de demandes d'indemnisation. Sur les neuf premiers mois de 2007, le nombre de demandes (20 745) est ainsi supérieur de près de 40 % à celui observé sur la même période de 2006 (14 841).

Les dépenses n'augmentent cependant pas dans les mêmes proportions : d'une part, parce que les demandes sont désormais liées, très majoritairement, à des pathologies bénignes, pour lesquelles les montants d'indemnisation sont plus faibles ; d'autre part, parce que les enfants et petits-enfants de victimes, qui perçoivent des indemnités moins élevées que les veuves, représentent une part croissante des ayants droits.

Le Fiva constate également une baisse du taux d'acceptation de ses offres par les demandeurs. Même s'il demeure élevé, ce taux est passé de 97 % en 2005 à 93 % en 2006. En cas de refus, il revient à la cour d'appel de fixer le montant de l'indemnisation. Or, certaines cours, celle de Paris par exemple, ont tendance à accorder systématiquement des indemnisations supérieures à celles du Fiva, ce qui incite les victimes de l'amiante à se tourner vers les tribunaux.

C. LA BRANCHE DÉGAGERAIT DES EXCÉDENTS EN 2008

Après les résultats décevants de 2007, la branche AT-MP du régime général devrait retrouver un solde excédentaire l'année prochaine.

1. Le régime général

Le tableau ci-dessous retrace, pour les années 2003 à 2008, le montant des résultats nets de la branche AT-MP de la Cnam, en droits constatés.

Solde net de la branche AT-MP (en droits constatés)

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

Résultat net

- 476

- 184

- 438

- 59

-366

273

*prévisions Source : Direction de la sécurité sociale

Comme cela a été indiqué, le déficit prévu en 2007 résulte, pour une large part, de la décision de provisionner les avances faites au Fcaata. En 2008, le retour à un solde légèrement excédentaire du Fcaata permettrait une reprise sur provision de 32 millions d'euros.

Le résultat présenté pour 2008 diffère de celui figurant dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2007 (63 millions d'euros), qui n'intègre pas l'effet des mesures prévues dans le projet de loi de financement. Leur adoption devrait accroître les recettes de la branche de 220 millions et ses charges de 10 millions d'euros.

2. Les régimes de base

Compte tenu du poids de la branche AT-MP du régime général dans l'ensemble des régimes de base, son résultat influe fortement sur la situation financière de l'ensemble des branches.

Déficitaire depuis 2003, le résultat net global des régimes de base de la branche autres que le régime général devrait renouer avec les excédents en 2007 (48 millions) et 2008 (46 millions). Ces résultats s'expliquent notamment par les excédents dégagés par le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl).

Le tableau suivant présente les résultats nets des différents fonds et régimes de base de la branche AT-MP :

Situation financière des branches AT-MP des régimes de base

(en millions d'euros)

RÉSULTAT NET

Cnam AT-MP

Salariés agricoles

Exploitants agricoles

Fcata

Ensemble des régimes agricoles (RA)

Fonctionnaires

Fatiacl

CANSSM

EDF-GDF (Base)

SNCF

RATP

Enim

Banque de France

Petits régimes spéciaux

Ensemble des régimes spéciaux (RS)

Fcat

Autres régimes de base (ARB)

RA + RS + ARB

- 27 -

Tous régimes de base

2003

- 476

37

57

0

94

0

55

- 8

0

0

0

0

1

2

49

1

1

144

- 331

2004

- 184

13

24

1

38

0

55

- 26

0

0

0

0

0

2

30

1

1

69

- 115

2005

- 438

2

- 8

0

- 6

0

57

8

0

0

0

0

0

0

64

0

0

59

- 379

2006

- 59

- 27

- 32

0

- 59

0

61

- 16

0

0

0

0

0

1

45

0

0

- 13

- 72

2007

- 366

- 43

- 24

0

- 66

0

66

48

0

0

0

0

0

1

114

0

0

48

- 319

2008

273

- 26

4

0

- 23

0

75

- 7

0

0

0

0

0

1

69

0

0

46

319

Enim : Etablissement national des invalides de la marine Source : Direction de la sécurité sociale

Fcat : Fonds commun des accidents du travail

Fcata : Fonds commun des accidents du travail agricole

Fatiacl : Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales

CANSSM : Caisse nationale de sécurité sociale pour les mines

III. LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS DEMEURE UNE PRIORITÉ POUR LES POUVOIRS PUBLICS

Le précédent gouvernement avait déjà affirmé sa volonté de faire de la lutte contre les risques professionnels une priorité de son action en lançant, en février 2005, le plan « Santé au travail », qui couvre la période 2005-2009. Le nouveau ministre en charge du travail, Xavier Bertrand, qui en poursuit la mise en oeuvre, a pris de nouvelles initiatives, matérialisées par la tenue, le 4 octobre dernier, d'une conférence sur les conditions de travail, animée par notre collègue Gérard Larcher.

L'année 2007 a également été marquée par la conclusion d'un accord des partenaires sociaux sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels. Il vient compléter l'accord conclu en 2006 sur la gouvernance de la branche AT-MP.

A. LA MISE EN oeUVRE DU PLAN « SANTÉ AU TRAVAIL » SE POURSUIT

Les pouvoirs publics, qui disposent désormais de capacités d'expertise renforcées en matière de risques professionnels, développent leurs moyens de contrôles.

1. L'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail est opérationnelle

Le plan « Santé au travail » a prévu de transformer l'agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) en agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Après une phase de transition, cette nouvelle agence est opérationnelle et commence à rendre publics ses premiers travaux. Elle dispose d'un conseil scientifique depuis novembre 2006 et son conseil d'administration a été renouvelé en février 2007.


Les missions de l'Afsset

Devenue un acteur de la politique de santé au travail, l'Afsset mène des activités d'expertise et d'évaluation des risques sanitaires en milieu de travail. Elle organise un réseau scientifique et coordonne les travaux menés dans ce domaine.

Elle apporte un appui scientifique et technique aux pouvoirs publics. Au cours de l'année écoulée, ses actions ont notamment porté sur :

- l'expertise préalable à l'élaboration de valeurs limites d'exposition professionnelle, destinées à mieux protéger les salariés ;

- la substitution de produits cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) par des produits moins dangereux.

Dans le cadre de l'application du règlement Reach sur l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, l'Afsset est appelée à jouer un rôle central dans le dispositif national d'évaluation des risques.


Les moyens de l'agence

Le ministère du travail a versé en 2007 un peu plus de dix millions d'euros à l'Afsset. Le plan « Santé au travail » prévoit que l'agence disposera à terme d'une cinquantaine de chercheurs dans le champ de la santé au travail. Il est prévu, en conséquence, de recruter chaque année une dizaine de scientifiques spécialisés sur ces questions, dont des experts en toxicologie et en épidémiologie.


• L'avis sur les fibres minérales artificielles (FMA)

En réponse à une saisine ministérielle, l'Afsset a rendu, en avril 2007, un avis sur les fibres minérales artificielles , dont font partie les fibres céramiques réfractaires (FCR).

Elle préconise notamment d'améliorer la traçabilité de l'exposition à ces substances , en rendant obligatoire le signalement de la présence des FMA cancérigènes dans tous les articles qui en contiennent. Les personnels qui manipulent ces articles devraient être informés de la présence de ces fibres, de même que les médecins du travail chargés de suivre ces salariés. L'Afsset propose également de rendre contraignante pour les industriels la valeur limite d'exposition aux FCR, qui n'a aujourd'hui qu'une valeur indicative.

Le Gouvernement a ensuite demandé à l'Afsset de procéder à une évaluation des risques associés aux fibres courtes (dont la longueur est inférieure à cinq microns) et notamment aux fibres fines d'amiante (longueur inférieure à 0,2 micron), qui ne sont pas prises en compte dans la règlementation actuelle sur l'amiante.

2. Le renforcement des moyens de l'inspection du travail

Pour mieux faire respecter la réglementation relative à la santé et à la sécurité au travail, un renforcement des moyens de l'inspection du travail est indispensable.

Pour ce faire, le Gouvernement a lancé un plan de développement et de modernisation de l'inspection du travail, qui s'est traduit par 180 recrutements en 2007 et 170 autres programmés en 2008.

Afin d'améliorer l'efficacité des contrôles, l'inspection du travail se dote, en outre, d'équipes pluridisciplinaires, qui permettent aux inspecteurs et aux contrôleurs du travail de bénéficier des compétences pointues qui sont souvent utiles pour affiner les contrôles en matière de santé et de sécurité au travail.

B. LA CONCLUSION DE LA NÉGOCIATION DES PARTENAIRES SOCIAUX SUR LA RÉFORME DE LA BRANCHE

En 2004, le Parlement a souhaité inciter les partenaires sociaux à négocier une réforme de la branche AT-MP. L'article 54 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie dispose en effet que « les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national sont invitées, dans un délai d'un an après la publication de la présente loi, à soumettre au Gouvernement et au Parlement des propositions de réforme de la gouvernance de la branche accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que, le cas échéant, d'évolution des conditions de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ».

Le délai d'un an prévu dans la loi n'a pas été respecté puisque les négociations entre les partenaires sociaux ont été ouvertes seulement en décembre 2005. Elles ont abouti à la signature de deux accords.

1. L'accord sur la gouvernance de la branche

Le premier, signé le 28 février 2006 par trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC, FO), porte sur la gouvernance de la branche.

Les partenaires sociaux se sont prononcés en faveur du maintien d'un strict paritarisme - provoquant la déception des associations de victimes qui auraient souhaité être représentées au sein de la commission des AT-MP de la Cnam - et ont officialisé la pratique consistant à confier la présidence de la commission à un représentant des employeurs, ces derniers assumant la totalité du financement de la branche.

L'accord précise également les compétences de la commission, qui aura notamment pour attribution de désigner le directeur des risques professionnels de la Cnam . Il institue des commissions régionales AT-MP, strictement paritaires, chargées d'améliorer la coordination entre la direction des risques professionnels et les caisses régionales et locales (Cram et CPAM).

Le Gouvernement avait d'abord envisagé de faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 un article transcrivant dans la loi les conclusions de cet accord. Cette option a cependant été abandonnée, le Conseil d'Etat ayant fait valoir que ces dispositions sont sans incidence sur l'équilibre financier de la branche et n'entrent donc pas dans le champ des lois de financement.

La transcription législative de l'accord suppose donc l'adoption d'une loi ordinaire. Les organisations signataires souhaitent qu'elle intervienne dans un délai raisonnable.

2. L'accord sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels

Le second accord, conclu le 12 mars 2007 par les mêmes organisations, traite de la prévention, de la tarification et de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il tend à apporter quelques aménagements aux règles en vigueur, sans en bouleverser l'architecture d'ensemble.


• En matière de prévention , l'accord insiste sur les actions à mener dans les PME et les TPE (très petites entreprises). Il propose de mieux informer les chefs d'entreprise sur la prévention des risques professionnels, d'impliquer davantage les services de santé au travail, de renforcer la place des partenaires sociaux dans la mise en oeuvre des plans régionaux concernant la santé au travail et de développer le rôle des observatoires régionaux de santé au travail (ORST). Pour améliorer la traçabilité des expositions professionnelles, il prévoit de réaliser une étude de faisabilité sur la possibilité d'inscrire dans le dossier médical personnel des fiches d'exposition professionnelle. Les salariés employés par des particuliers bénéficieraient, à titre expérimental, d'un suivi médical adapté.


• En matière de tarification , les partenaires sociaux ont retenu deux mesures significatives :

- ils proposent d'abaisser le seuil d'application de la tarification individuelle : elle concernerait les entreprises qui emploient plus de 150 salariés , alors que le seuil est aujourd'hui fixé à 200 salariés;

- une cotisation supplémentaire serait versée par les entreprises en cas de risque exceptionnel ou répété, révélé par une infraction constatée aux règles de santé et de sécurité au travail.

L'accord précise cependant que « les orientations envisagées doivent faire l'objet, au préalable, de simulations pour veiller à leur faisabilité technique, à leur impact sur les cotisations accidents du travail et maladies professionnelles ainsi qu'aux effets prévisibles sur l'amélioration de la prévention des risques professionnels ».


• En matière de réparation , enfin, l'accord maintient le principe d'une réparation forfaitaire, qui serait néanmoins améliorée et individualisée .

L'appréciation de l'incapacité permanente serait davantage individualisée en prenant en compte l'ensemble des séquelles d'ordre physique (y compris la douleur) et psychique susceptibles d'affecter la capacité de travail de la victime.

La rente serait également majorée en cas d'intervention d'une tierce personne et une meilleure prise en charge des frais paramédicaux (appareillages dentaires, optiques, auditifs...) serait assurée. L'accord envisage aussi, sous réserve d'une étude de faisabilité, la création d'une allocation temporaire de réinsertion professionnelle , d'une durée de trente jours, versée aux salariés qui ne perçoivent plus d'indemnités journalières de sécurité sociale ni de salaire dans l'attente d'une décision de l'employeur.

Ces mesures financières sont toutefois conditionnées, selon les termes de l'accord, « à la capacité de la branche de les financer, notamment en réexaminant le champ de certains transferts financiers qui lui sont imposés, sans remettre en cause les fonds destinés à l'amélioration de la prévention des risques professionnels ».

*

Bien que la représentante du Medef ait qualifié, lors de son audition par votre rapporteur, cet accord de « paquet de mesures ambitieux et cohérent », le compromis négocié par les partenaires sociaux se présente surtout comme un ensemble d'améliorations ponctuelles, qui laisse d'importantes questions en suspens.

Ainsi, il ne prévoit pas de véritable réforme de la tarification, dont la direction des risques professionnels de la Cnam souligne pourtant la complexité et la grande inertie. Il semble que les désaccords entre fédérations patronales, qui ont des intérêts divergents en fonction de leur secteur d'activité, expliquent pour partie la modestie des propositions formulées.

Il subordonne ensuite la mise en oeuvre concrète d'une grande partie de ses recommandations à une étude de faisabilité - suggérant ainsi que la durée de la négociation (seize mois) a été trop brève pour que les études techniques nécessaires soient réalisées - ce qui introduit un nouvel élément d'incertitude.

Les propositions formulées en matière de réparation sont, de plus, subordonnées à « la capacité de la branche de les financer ». Cette formulation sibylline suscite les craintes de certaines associations de victimes, telles que l'association des accidentés de la vie (FNATH), qui l'interprètent comme une indication de la volonté des partenaires sociaux d'améliorer la réparation à budget constant, ce qui supposerait de réduire, en contrepartie, d'autres dépenses , par exemple celles du Fcaata.

En raison de ces incertitudes, le Gouvernement a souhaité poursuivre la concertation sur ces questions. Pour relancer la réflexion sur la santé et la sécurité au travail, il a réuni, dès le mois de septembre, deux groupes de travail qui ont préparé la conférence sur les conditions de travail qui s'est tenue le 4 octobre dernier.

C. LA NOUVELLE IMPULSION DE L'ACTION GOUVERNEMENTALE

Le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, Xavier Bertrand, a souhaité, dès sa prise de fonction, donner une impulsion nouvelle aux politiques de santé et de sécurité au travail.

La conférence nationale sur les conditions de travail , dont le rapporteur était l'ancien ministre délégué au travail, à l'emploi et à l'insertion professionnelle des jeunes, Gérard Larcher, a permis d'associer les partenaires sociaux à cette démarche 5 ( * ) .

1. Renforcer la prévention

Pour renforcer la prévention, le ministre a annoncé une série de mesures qui devraient bénéficier d'abord aux salariés les plus vulnérables :

- les partenaires sociaux ont été invités à négocier sur deux thèmes : la durée du mandat et la formation des élus du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les conditions de travail dans les petites entreprises ;

- afin de mieux protéger les salariés des entreprises sous-traitantes , les branches professionnelles ont été invitées, en s'inspirant de l'exemple de la chimie, à définir des référentiels qualitatifs, que le donneur d'ordre pourrait imposer, via son cahier des charges, à l'entreprise sous-traitante ;

- la Cnam s'est engagée à simplifier les contrats de prévention , qui permettent à une entreprise de définir avec la Cram les mesures de nature à améliorer la santé et la sécurité au travail ; trop complexes, ces contrats ne sont en pratique jamais signés avec les très petites entreprises (TPE) ;

- le fonds pour l'amélioration des conditions de travail (Fact) va voir ses crédits passer à 4 millions en 2008 (contre 1,7 million de crédits consommés en 2007), ce qui lui permettra de financer des équipements et du matériel et non plus seulement des études et des documents d'évaluation ;

- enfin, au premier trimestre 2008, un portail internet rassemblera toutes les informations relatives à la santé et à la sécurité au travail.

2. Mieux prendre en compte certains risques spécifiques

Plusieurs actions concernent des risques spécifiques :


Les risques liés aux substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR)

Des actions de sensibilisation et des contrôles renforcés sont prévus pour réduire les risques liés aux CMR ; le ministère a en particulier annoncé la signature d'une convention avec trois branches professionnelles (chimie, métallurgie et peinture et encre) pour améliorer la prévention de ces risques.

La commission AT-MP de la Cnam a par ailleurs été chargée de conduire une réflexion sur la traçabilité des expositions professionnelles ; elle devrait faire connaître ses conclusions dans un délai de six mois.


Les troubles musculo-squelettiques (TMS)

Une campagne d'information sera lancée en janvier 2008, pour une durée de trois ans. Elle viendra relayer celle lancée en 2007, sur le même sujet, par l'agence européenne de santé et de sécurité au travail.


Les troubles psychosociaux

Les drames survenus récemment au technocentre de Renault à Guyancourt ont souligné le développement préoccupant de ces risques, qui sont aujourd'hui insuffisamment pris en compte.

Le ministre a donc demandé aux partenaires sociaux d'engager des négociations pour transposer en droit français les accords conclus au niveau européen en matière de harcèlement et de violence au travail et en matière de stress .

En outre, un groupe de travail est chargé de définir, d'ici la mi-janvier, des indicateurs fiables du stress, qui seront ensuite validés par les partenaires sociaux.


Les accords signés au niveau européen


• Signé par les partenaires sociaux européens le 26 avril 2007, l'accord-cadre sur le harcèlement et la violence au travail vise à mieux prévenir, identifier et gérer ces problèmes.

Il prévoit que les employeurs devront déclarer clairement que le harcèlement et la violence sur le lieu de travail ne sont pas tolérés et spécifier la procédure à suivre en cas de problème : il incombe à l'employeur de déterminer et mettre en oeuvre les mesures appropriées, en lien avec les travailleurs et leurs représentants. Il prévoit enfin la prise en compte des actes de violence commis par des tiers.


• Le 8 octobre 2004, les partenaires sociaux européens ont conclu un accord sur le stress au travail .

Il vise à attirer l'attention des employeurs et des salariés sur le phénomène du stress et à les aider à le gérer. Il incombe à l'employeur de veiller à réduire ou éliminer le stress dès lors qu'il est identifié dans l'entreprise. Les moyens qui peuvent être mobilisés pour lutter contre le stress sont à rechercher dans les techniques de management et de communication interne, de formation et d'information des salariés.

Les partenaires sociaux européens ont prévu que ces accords seront mis en oeuvre dans les Etats membres dans un délai de trois ans après leur conclusion. Leur caractère souvent très général rend cependant délicat l'exercice de transposition.

3. Renforcer la coordination des acteurs

Une meilleure coordination des acteurs de la prévention des risques professionnels est enfin prévue.


• Le conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP) doit être réformé dès le premier trimestre 2008 pour devenir le conseil d'orientation sur les conditions de travail . Ses missions actuelles seront élargies, il présentera des indicateurs sur les risques professionnels et assurera la continuité des actions menées au niveau national.


• Une réflexion sera menée sur une coordination régionale des structures existantes : elles pourraient être réunies régulièrement pour adapter aux spécificités régionales les politiques touchant aux conditions de travail.


• La modernisation des services de santé au travail doit également être relancée, après la remise, à la fin du mois de novembre, d'un rapport d'audit sur la délégation de tâches entre médecins et infirmiers du travail. La médecine du travail et la médecine de ville doivent être décloisonnées par une meilleure formation des médecins généralistes à la santé au travail.

Une nouvelle conférence se réunira au premier trimestre 2008 pour examiner l'état d'avancement des travaux.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M. André Hoguet pour la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Dr Bernard Salengro , secrétaire national « santé au travail », de la confédération française de l'encadrement (CFE-CGC)

MM. Henri Forest , secrétaire confédéral, Philippe Cuignet et Philippe Le Clezio, de la confédération française démocratique du travail (CFDT)

M. Jean-François Naton pour la confédération générale du travail (CGT)

M. Jean-Marc Bilquez , secrétaire confédéral de force ouvrière (FO)

Mme Véronique Cazals , directrice de la commission « protection sociale » du mouvement des entreprises de France (Medef)

Mme Dany Bourdeau , membre du comité directeur de l'union professionnelle artisanale (UPA)

M. Jean-François Veysset, vice-président , et Dr Pierre Thillaud, pour la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

M. Stéphane Seiller , directeur des risques professionnels de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam)

Mme Marianne Levy-Rosenwald , présidente du conseil de surveillance du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata)

MM. Roger Beauvois , président, Eric Pardineille , directeur, du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva)

MM. Arnaud de Broca , secrétaire général, et Karim Felissi , conseiller, de l'association des accidentés de la vie (Fnath)

* 1 L'institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit les accidents de plain-pied comme les accidents déclenchés par la perturbation de l'équilibre corporel de la victime à l'occasion d'un travail qui n'est pas exécuté en hauteur.

* 2 L'indice de gravité des accidents du travail se définit comme la somme des taux d'incapacité permanente rapportée au nombre d'heures travaillées (en millions).

* 3 L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents reconnus par milliers de salariés.

* 4 Cf. « Accidents et conditions de travail », Premières informations et premières synthèses n° 31.2, août 2007.

* 5 La conférence n'a laissé aucun interlocuteur de côté. Elle a rassemblé les représentants de cinq organisations syndicales, six organisations patronales, six directions d'administration centrale et huit organismes nationaux intervenant dans le champ de la prévention des risques professionnels.

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