TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Article 5 - Coordination

L'article L.3213-7 du code de la santé publique prévoit que lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un non lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement en application de l'article 122-1 du code pénal nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, elles avisent immédiatement le préfet.

Le présent article tend à supprimer la référence au non lieu, à la relaxe et à l'acquittement afin de substituer à ces termes, par coordination avec les dispositions du titre précédent, la décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le jugement ou l'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Il prévoit aussi l'application de ce dispositif d'alerte lorsque la personne a fait l'objet d'un classement sans suite. En effet, l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental peut aussi être constatée par le procureur de la République.

La commission vous propose d'adopter l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. L. 3711-1 à L. 3711-3 et art. L. 3711-4-1 du code de la santé publique) - Modifications relatives à la mise en oeuvre de l'injonction de soins

Cet article comporte différentes modifications des dispositions du code de la santé publique relatives à la mise en oeuvre de l'injonction de soins par le médecin traitant ou par le médecin coordinateur.

* Modifications concernant le médecin coordonnateur

En vertu de l'article L. 3711-1 du code de la santé publique, lorsqu'une injonction de soins a été décidée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines doit désigner un médecin coordonnateur sur une liste départementale de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République. Ce médecin coordonnateur assure quatre fonctions :

- il invite le condamné à choisir son médecin traitant ;

- il conseille le médecin traitant si celui-ci lui en fait la demande ;

- il transmet au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins ;

- il informe, en liaison avec le médecin traitant, le condamné dont le suivi socio-judiciaire est arrivé à son terme, de la possibilité de poursuivre son traitement.

Les modifications proposées par le 1° du présent article sont de trois sortes.

- D'abord, dans la mesure où la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a rendu possible l'injonction de soins dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (article 132-45-1 du code pénal), de la surveillance judiciaire (article 723-30 du code de procédure pénale) et, enfin, de la libération conditionnelle (article 731-1 du code de procédure pénale), le texte proposé procède aux coordinations nécessaires afin que ces dispositifs soient également visés par l'article L. 3711-1 du code de la santé publique qui ne mentionne actuellement que le suivi socio-judiciaire.

- Ensuite, le projet de loi initial proposait de réserver la fonction de médecin coordonnateur aux seuls psychiatres alors que dans sa rédaction actuelle, l'article L. 3711-1 l'ouvre aussi aux médecins qui ont suivi une formation appropriée.

Actuellement, selon la direction générale de la santé, parmi les quelque cent cinquante médecins coordonnateurs, neuf ne seraient pas psychiatres. L'Assemblée nationale a estimé qu'il était opportun de permettre à ces derniers de poursuivre leur activité.

Elle a donc, à l'initiative de sa commission des lois, proposé de maintenir l'accès à la fonction de médecins coordonnateurs aux médecins ayant suivi une formation appropriée dès lors que ces derniers justifient d'une ancienneté d'au moins deux ans -condition que les neuf médecins coordonnateurs non psychiatres remplissent de fait.

Votre commission estime cependant paradoxal, compte tenu des difficultés de recruter des médecins coordonateurs, de se passer, à terme, d'autres sources de recrutement dès lors qu'existent les garanties d'une formation appropriée, elle propose donc par un amendement de revenir sur ce point au droit en vigueur.

- Ensuite serait ajoutée une nouvelle mission à celles déjà assignées au médecin coordonnateur ; celui-ci coopèrerait à la réalisation d'évaluations périodiques du dispositif de l'injonction de soins ainsi qu'à des actions de formation et d'études.

Selon la direction générale de la santé, ces évaluations et formations pourraient être conduites dans le cadre des centres de ressources interrégionaux pour la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles, au nombre de six actuellement 81 ( * ) .

Le médecin coordonnateur apparaît comme l'interface entre l'autorité judiciaire et le médecin traitant. Ainsi, aux termes de l'article L. 3711-2 du code de la santé publique, les pièces du dossier -et notamment les expertises médicales réalisées pendant l'enquête ou l'instruction- communiqués à la demande du médecin traitant par l'intermédiaire du médecin coordonnateur. Dans le même esprit, le 2° du présent article propose, sans que soit opposable le secret médical, que les praticiens chargés de dispenser des soins en milieu pénitentiaire communiquent les informations qu'ils détiennent sur le condamné au médecin coordonnateur afin qu'il les transmette au médecin traitant.

Ce dispositif paraît utile : il permet d'encourager les échanges entre médecins et de donner une information plus complète au médecin traitant afin de mieux adapter le suivi médical au profil du patient, dans l'intérêt de celui-ci. En outre, il ne blesse nullement les principes de déontologie puisque les informations sont partagées entre les médecins et eux seuls.

* Modifications concernant le médecin traitant

Les modifications apportées par cet article touchent, d'une part, les conditions dans lesquelles des traitements limitant la libido peuvent être prescrits, d'autre part, la faculté de recourir à un psychologue comme médecin traitant.

En premier lieu, en vertu de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique, le médecin traitant, lorsqu'il a été agréé à cette fin, peut prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido même si l'autorisation de mise sur le marché les concernant n'a pas été délivrée avec cette indication. Cette faculté avait été ouverte par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales à la suite d'un amendement adopté à l'initiative de notre collègue, M. François Zocchetto. En effet, les médicaments susceptibles de limiter la libido avaient alors, de par leur autorisation de mise sur le marché, un autre objet (le plus souvent la lutte contre le cancer de la prostate). Les médecins qui les prescrivaient n'étaient donc pas couverts par leur assurance ; de même ces médicaments n'étaient pas remboursés par la sécurité sociale ce qui freinait également leur mise en oeuvre.

Désormais, cependant, l'autorisation de mise sur le marché mentionne spécifiquement l'indication anti-libido.

Le projet de loi propose donc de ne plus exiger ni que ces médecins prescripteurs soient agréés, ni que les traitements figurent sur une liste fixée par arrêtée.

En second lieu, l'article L. 3711-4-1 du code de la santé publique, également introduit par la loi du 12 décembre 2005, ouvre la possibilité au médecin coordonnateur de proposer au condamné -si sa personnalité le justifie- soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un psychologue traitant « dont les conditions de diplôme et les missions » seraient précisés par décret.

La faculté de recourir à un psychologue à la place du médecin traitant constituait l'une des propositions de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale constituée en 2004 -dont le président et le rapporteur étaient respectivement MM. Pascal Clément et Gérard Léonard- consacrée au traitement de la récidive des infractions pénales. Le Sénat, à l'initiative de votre commission, avait complété le dispositif initial prévu par les députés en permettant également la désignation du psychologue en sus du médecin traitant. Il lui apparaissait en effet souhaitable de favoriser la constitution d'équipes pluridisciplinaires afin d'assurer la mise en oeuvre des soins.

Toutefois le décret d'application auquel renvoyait la loi n'a jamais été pris. La direction générale de la santé a mis en avant la difficulté de déterminer les formations qualifiant un psychologue pour la prise en charge d'un auteur d'infractions sexuelles.

Le projet de loi, tout en maintenant la faculté pour les psychologues de participer à la prise en charge des personnes soumises à une injonction de soins, interdit qu'ils puissent, seuls, la mettre en oeuvre.

Votre commission regrette, compte tenu de la pénurie de psychiatres, que la faculté donnée, de manière encadrée, aux psychologues d'intervenir seuls comme médecins traitants, soit supprimée. Elle se demande si tous les efforts ont été faits par le ministère de la santé pour déterminer les qualifications requises permettant à un psychologue de prendre en charge un auteur d'infraction sexuelle. Votre rapporteur a d'ailleurs pu constater qu'au Canada, par exemple, les personnes chargées de mettre en oeuvre les programmes destinés aux délinquants sexuels se recrutaient principalement parmi les psychologues. Il relève aussi que le champ d'application du suivi socio-judiciaire ayant été étendu, l'injonction de soins peut par exemple s'appliquer aux auteurs de violences au sein du couple qui peuvent tout à fait être suivis par des psychologues.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle, par un amendement , d'en rester, sur ce point, au droit en vigueur.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. L. 6112-1 du code de la santé publique) - Compétence du secteur public hospitalier dans les centres de sûreté

Cet article tend à préciser que le service public hospitalier assure dans des conditions fixées par voie réglementaire les examens de diagnostic et les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté comme il le fait, depuis la loi du 18 janvier 1994, pour les détenus en milieu pénitentiaire.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. L. 6141-5 du code de la santé publique) - Coordination - obligation pour le personnel médical de signaler un risque sérieux pour la sécurité

Cet article tend, d'une part, à procéder à une coordination et, d'autre part, à imposer au personnel soignant intervenant auprès des personnes incarcérées ou des personnes retenues de signaler les risques sérieux pour la sécurité des personnes, dont ils auraient connaissance.

* Coordination

Le 1° du présent article prévoit que de même que certains établissements publics de santé peuvent être spécialement destinés à l'accueil des personnes incarcérées, certains pourraient l'être également à l'accueil des personnes faisant l'objet d'une rétention de sûreté.

Sur la base de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique, l'établissement public de santé national de Fresnes accueille aujourd'hui des personnes incarcérées. Le ministère de la justice y affecte notamment des personnels de direction et de surveillance qui relèvent de l'administration pénitentiaire et demeurent soumis à leur statut particulier.

Les compétences qui reviennent habituellement au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ainsi qu'à cette agence régionale sont, pour ces établissements, exercées conjointement par le ministère de la justice et le ministère chargé de la santé.

* Obligation pour le personnel soignant de signaler un risque sérieux pour la sécurité des personnes

Le 2° propose de compléter l'article L. 6141-5 du code de la santé publique en obligeant les personnels soignant dans les établissements accueillant les personnes incarcérées -et, si le 1° du présent article était adopté, les personnes retenues- d'informer « dans les plus brefs délais » le directeur de l'établissement s'ils ont connaissance d'un risque sérieux pour la sécurité des personnes. Ils devraient alors transmettre, dans le respect du secret médical, les informations utiles à la mise en oeuvre des mesures de protection.

Une obligation similaire serait applicable aux personnels soignants intervenant au sein des établissements pénitentiaires.

Les nombreuses visites qu'il a conduites dans les établissements pénitentiaires ont convaincu votre rapporteur qu'un tel dispositif est indispensable . Sans doute, en fait, aujourd'hui, de nombreux médecins n'hésitent pas à signaler à l'administration pénitentiaire les risques éventuels liés à l'évolution de l'état de santé -psychiatrique, principalement- d'un détenu. Cependant, cette pratique n'est pas systématique et dépend pour une large part de la qualité des relations entre le personnel médical et l'administration pénitentiaire. Comme votre rapporteur en a eu le témoignage, certains médecins comprennent le secret médical comme une interdiction absolue de communiquer tout élément lié à la possible dangerosité d'une personne incarcérée. Or, une telle interprétation peut avoir les conséquences les plus graves 82 ( * ) .

La mesure proposée par le Gouvernement apparaît équilibrée. D'abord, elle respecte pleinement le secret médical. Le personnel soignant n'aurait en effet à divulguer aucun élément à caractère médical. Il serait seulement tenu de signaler un risque. Il impliquerait évidemment l'identification de la personne.

Les personnes dont la sécurité pourrait être menacée seraient l'intéressé lui-même (par exemple le risque suicidaire), le ou les codétenus, l'ensemble des personnels intervenant dans le cadre pénitentiaire (surveillant, travailleurs sociaux, enseignants).

Le risque pourrait être lié à une dangerosité psychiatrique ou au risque de transmission d'une maladie contagieuse. Dans ce cas, le médecin pourrait se borner à suggérer le placement de la personne en cellule individuelle.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 8 sans modification .

* 81 Ces centres, mis en place à la suite du plan « psychiatrie et santé mentale » ont pour but de diffuser les connaissances relatives à la prise en charge des auteurs de violences à caractère sexuel auprès de l'ensemble des professionnels ainsi que de susciter des vocations d'experts et de médecins coordonnateurs.

* 82 Comme le montre l'affaire de cannibalisme déplorée à la maison d'arrêt de Rouen.

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