C. LA RÉFLEXION SUR UNE ÉVENTUELLE RÉFORME DU FCAATA SE POURSUIT

Le 24 avril 2008, Jean Le Garrec a remis à Xavier Bertrand le rapport qui lui avait été confié, en décembre 2007, sur la réforme du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

1. Les conclusions du rapport présenté par Jean Le Garrec

Ce rapport constate que le fonctionnement actuel du Fcaata, qui repose sur l'inscription d'établissements sur des listes, est source d'injustices : des salariés qui n'ont pas été directement au contact de l'amiante bénéficient de l'Acaata, parce que l'établissement pour lequel ils travaillent est inscrit sur les listes, alors que des salariés d'entreprises sous-traitantes ou d'intérim, qui ont parfois été davantage exposés, en sont écartés. Dans certains cas, peu nombreux mais bien établis, le Fcaata a de plus été détourné de sa finalité pour devenir un simple dispositif de préretraite.

Il préconise de conserver le système des listes jusqu'en 2010, afin que les dossiers en instance puissent être traités, puis de lui substituer un mécanisme nouveau, permettant à un collectif de travail ou à un salarié pris individuellement de bénéficier du Fcaata. Le champ des salariés bénéficiaires serait déterminé en se fondant sur une liste de métiers, elle-même établie grâce aux données épidémiologiques. Environ 35 000 personnes supplémentaires bénéficieraient du Fcaata si ce nouveau système était mis en place.

Les recommandations de ce rapport sont cohérentes avec celles formulées, en 2005, par la mission d'information sénatoriale sur les conséquences de l'exposition à l'amiante 3 ( * ) . Le Gouvernement a cependant choisi de ne pas engager la réforme du Fcaata dans le cadre du projet de loi de financement pour 2009.

Si l'idée de retenir une approche plus individuelle pour décider de l'accès au Fcaata est assez consensuelle, la mise en oeuvre de ces recommandations se heurte à des difficultés d'évaluation de leur coût : l'estimation du nombre de salariés potentiellement concernés est sujette à caution et le Gouvernement souhaite éviter que la réforme du fonds ne se traduise par une hausse mal maîtrisée de ses dépenses.

2. Les évolutions jurisprudentielles

De récentes décisions de justice constituent un autre motif d'incertitude concernant l'avenir du Fcaata. Dans un arrêt du 18 septembre 2008, la Cour d'appel de Paris, saisie d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Sens en octobre 2006, a condamné une entreprise à verser à ses anciens salariés titulaires de l'Acaata une indemnité correspondant à la différence entre l'allocation et le salaire moyen en vigueur dans l'entreprise, afin de compenser le préjudice économique résultant de la privation d'un déroulement de carrière normal.

La Cour a justifié cette décision en indiquant que les salariés avaient été contraints d'effectuer un « choix par défaut » : ils pouvaient soit continuer de travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite, avec le risque de vivre ensuite une retraite écourtée compte tenu de leur probabilité statistique de développer une maladie provoquée par l'amiante, soit partir en préretraite, mais au prix d'une diminution de leur revenu de 35 %.

Ce raisonnement apparaît contestable : le Fcaata a été créé précisément pour compenser le préjudice subi par les salariés exposés à l'amiante du fait de la réduction moyenne de leur espérance de vie. Il est donc singulier de considérer que le fait de bénéficier de l'allocation versée par le Fcaata serait encore constitutif d'un préjudice.

La Cour de cassation a été saisie de cette affaire et devrait rendre son verdict dans quelques mois. Votre commission souhaite attirer l'attention sur les difficultés qui résulteraient de la confirmation d'un tel jugement :

- pour les entreprises concernées, tout d'abord, puisqu'elles devraient s'acquitter d'environ 1 milliard d'euros d'indemnités si tous les titulaires de l'Acaata intentaient un recours, alors que ces entreprises, comme cela a été rappelé, sont souvent dans une situation financière fragile ;

- pour l'équilibre financier du Fcaata, ensuite, dans la mesure où tous les salariés éligibles à l'Acaata seraient incités à demander l'allocation puisqu'ils seraient assurés de ne plus subir aucune perte de revenu ;

- enfin, la confirmation de ce jugement remettrait en cause les réflexions en cours au sujet de la pénibilité : il serait difficile de faire financer par les employeurs des dispositifs de préretraite au profit des salariés ayant exercé des métiers pénibles si cela impliquait de maintenir 100 % du salaire perçu.

Une intervention du législateur serait naturellement toujours possible pour revenir sur une décision jurisprudentielle dont les conséquences auraient été mal évaluées.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose en matière d'indemnisation des victimes, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 3 Cf. « Le drame de l'amiante en France - Comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », rapport d'information n° 37 (2005-2006) fait par Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, rapporteurs, au nom de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

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