IV. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA NOUVELLE CONVENTION FISCALE

La convention s'inspire en grande partie du modèle de convention de l'OCDE, sous réserve d'adaptations, correspondant soit à la spécificité des relations franco-britanniques, soit à la politique conventionnelle de la France.

A. UN CADRE CONVENTIONNEL ACTUALISÉ

La nouvelle convention, complétée d'un protocole, tend à préciser ou compléter le champ d'application des relations conventionnelles de 1968 . Ainsi, le point 2 du protocole de la convention précise expressément que ni les Iles anglo-normandes, ni l'Ile de Man, ni Gibraltar, ni les bases militaires britanniques à Chypre, ni aucun pays ou territoire britannique d'outre-mer ne font partie du territoire britannique au sens de la convention. Cette exclusion n'était qu'implicite dans la convention de 1968.

Le champ des impôts visés à l'article 2 par la nouvelle convention est également actualisé.

Pour tenir compte de l'évolution de la doctrine française en faveur d'une pleine reconnaissance de la transparence des sociétés de personnes étrangères, une nouvelle clause relative aux sociétés de personnes, tant translucides que transparentes, inspirée de celle conclue avec le Japon, figure à l'article 4 de la convention.

Elle prévoit que les sociétés de personnes françaises translucides sont résidentes conventionnelles, aussi longtemps que le droit français n'a pas repris le concept de transparence.

Le bénéfice des avantages conventionnels n'est accordé aux associés de sociétés de personnes transparentes que sous réserve de conditions reprises de l'instruction administrative 4 H-5-07 du 29 mars 2007 relative aux sociétés de personnes étrangères. Ainsi, la France peut exiger, lorsque la société de personnes est située dans un Etat tiers, que cet Etat tiers ait conclu avec elle un accord comportant une clause d'échange de renseignement visant à lutter contre l'évasion fiscale.

Afin d'éviter les conflits de qualification, la clause suit les recommandations du rapport de l'OCDE sur les sociétés de personnes transparentes en prévoyant que, lorsque la convention s'applique, la qualification donnée par l'Etat de résidence des associés s'impose.

L'article 3 définit les termes généraux nécessaires à l'interprétation de la convention tandis que les articles 4 et 5 développent respectivement les notions de résidence et d'établissement stable.

L'article 6 prévoit, conformément au modèle de conventions de l'OCDE, l'imposition des revenus des biens immobiliers au lieu de situation des biens.

L'imposition des bénéfices des entreprises à l'article 7 décalque la règle définie par le modèle OCDE alors que l'article 9 précise les règles applicables à la détermination du bénéfice imposable des concessionnaires du tunnel sous la Manche en reprenant les stipulations qui avaient été introduites dans la convention de 1968, par l'avenant du 15 octobre 1987. L'article 8 prévoit le principe de l'imposition exclusive des bénéfices du transport international dans l'Etat de résidence de l'exploitant de l'entreprise.

S'agissant des dividendes dont le régime est fixé à l'article 11 , ils sont imposables à la résidence. Ils peuvent toutefois être imposés par l'Etat de la source à un taux n'excédant pas 15 % de leur montant brut, sauf lorsque la société bénéficiaire détient, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital de la société distributrice. Dans ce dernier cas, la retenue à la source est supprimée.

Il convient de souligner que les stipulations figurant à l'article « dividendes » de la convention de 1968, relatives au transfert de l'avoir fiscal aux résidents britanniques et aux fonds de pension britanniques, sont supprimées. Ces stipulations étaient d'ores et déjà caduques depuis la suppression de l'avoir fiscal.

Une clause spécifique vise les structures d'investissement immobilier. Elle reprend le consensus obtenu au sein d'un groupe de travail de l'OCDE associant administrations et fédérations d'entreprises, auquel la France et la Grande-Bretagne ont largement contribué. Ainsi, les « distributions opérées au profit d'un actionnaire non-résident par un organisme de placement à partir de revenus ou gains immobiliers exonérés sont soumises à une retenue à la source au taux conventionnel de 15 % lorsque cet actionnaire détient moins de 10 % du capital, et au taux de droit interne si sa participation dépasse 10 % du capital. L'Etat de résidence de l'actionnaire accorde un crédit d'impôt égal à la retenue, dans la limite de son impôt national . »

En outre, le point 6 du Protocole précise l'application de l'article 11 dans l'hypothèse où un Etat contractant applique à l'établissement stable d'une entité établie dans l'autre Etat contractant son dispositif de droit interne relatif aux fonds immobiliers cotés. Ainsi, aucune disposition de la convention ne peut limiter le droit du premier Etat contractant d'imposer, conformément à sa législation interne, les revenus immobiliers réputés distribués par cet établissement stable 5 ( * ) .

Les intérêts et les redevances sont imposables exclusivement à la résidence selon les articles 12 et 13 , conformément aux stipulations de la convention de 1968.

Il convient de souligner que le point 7 du protocole prévoit que les gérants d'OPCVM des Etats contractants peuvent déposer des demandes en vue d'obtenir les avantages conventionnels en matière de dividendes, intérêts et redevances.

L'article 14 a pour objet le régime applicable aux gains en capital. Toutes les plus-values immobilières seront désormais imposables dans l'Etat de situation des immeubles, alors que, sous l'empire de la convention de 1968, la France ne pouvait pas imposer les plus-values réalisées sur des cessions d'immeubles situés en France par des entreprises britanniques ne disposant pas d'établissement stable en France, en vertu de la jurisprudence Hallminster du Conseil d'Etat en date du 25 février 2004. Cette jurisprudence, en contradiction avec les principes habituels et l'interprétation britannique, était devenue une source d'évasion fiscale.

Les articles 15 et 16 visent, respectivement, l'imposition des salaires et des rémunérations des administrateurs de sociétés. L'article 17 traite, quant à lui, de la situation des artistes en reprenant les stipulations habituelles des conventions conclues par la France.

Aux termes de l'article 18 , les pensions privées ne sont imposables qu'à la résidence, conformément aux règles d'imposition en vigueur.

En revanche, l'article 19 stipule que les rémunérations et pensions publiques sont généralement imposables par l'Etat qui les verse, sauf pour les activités d'entreprise. Le régime fiscal des membres des missions diplomatiques et des postes consulaires, conforme au modèle de convention OCDE, est prévu à l' article 28 .

Les articles 20 et 21 exonèrent, respectivement, sous certaines conditions, les sommes perçues par les professeurs et les étudiants. L'article 22 reprend les stipulations relatives aux activités en mer de la convention de 1968.

L'article 23 relatif à l'imposition des autres revenus, à l'exception des revenus de « trusts », réserve le droit exclusif d'imposer à l'Etat de la résidence.

L'article 24 traite de l'élimination de la double imposition. La clause est conforme à la pratique française . Elle combine deux méthodes d'élimination de la double imposition :

- S'agissant des revenus des sociétés , la convention maintient le principe de l'exonération en France des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Royaume-Uni, dans la mesure où ils sont exemptés d'impôt sur les sociétés en application de la législation française. La clause française d'élimination des doubles impositions vise à préserver la possibilité d'une évolution vers une territorialité élargie de l'impôt sur les sociétés. En effet, elle prévoit que la France peut, nonobstant les autres stipulations de la convention, imposer les revenus dont l'imposition est attribuée au Royaume-Uni, même en cas d'imposition exclusive dans cet Etat, dès lors que ces revenus ne sont pas exonérés d'impôt sur les sociétés en vertu du droit interne français ;

- dans les autres cas , la double imposition des revenus provenant du Royaume-Uni et perçus par des personnes résidentes de France est éliminée par l'imputation, sur l'impôt français, d'un crédit d'impôt dont le montant dépend du type de revenu considéré (crédit égal au montant de l'impôt français ou au montant de l'impôt britannique suivant la nature du revenu).

L'élimination de la double imposition, du côté britannique , est effectuée par la méthode de l'imputation sur l'impôt britannique d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français.

L'article 25 est relatif à la non discrimination.

L'article 26, relatif à la procédure amiable , offre la possibilité pour les contribuables de recourir à une procédure d'arbitrage lorsque les autorités compétentes des deux Etats ne sont pas parvenues à un accord deux ans après l'ouverture d'une procédure amiable.

Introduite en juillet 2008 au modèle de convention fiscale de l'OCDE, cette clause est d'application plus large que la convention européenne d'arbitrage car elle vise tous les cas de doubles impositions de fait et non uniquement ceux qui résultent de prix de transfert. Elle a été adaptée pour permettre l'articulation entre la procédure d'arbitrage conventionnelle et la procédure prévue par la convention européenne d'arbitrage. Ainsi, les deux procédures sont ouvertes aux usagers, en écartant toutefois le risque de décisions arbitrales concurrentes.

Des dispositifs anti-abus sécurisent l'application de la convention.

Chacun des articles relatifs aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus comporte un dispositif anti-abus prévoyant le refus du bénéfice de l'article si le principal objectif, ou l'un des principaux objectifs, du bénéficiaire des revenus a été d'obtenir indûment les avantages conventionnels.

En outre, l'article 29 tend à éviter les doubles exonérations. En effet, afin de tenir compte de l'existence du dispositif britannique de « remittance basis » en vertu duquel certains résidents britanniques ne sont imposés que sur leurs revenus perçus ou transférés au Royaume-Uni, certaines exonérations ou réductions d'impôt à la source prévues par la convention ne s'appliqueront qu'à hauteur des revenus effectivement imposés dans l'Etat de résidence.

Enfin, chaque Etat peut imposer les plus-values réalisées par un ancien résident dans un délai de six ans suivant son départ, conformément au système d'« exit tax » britannique. Si l'absence d'un tel dispositif en droit interne prive cette clause d'intérêt pour la France, son caractère bilatéral préserve néanmoins l'avenir.

L'article 27 traite des échanges de renseignements tandis que l'article 30 subordonne l'application des avantages conventionnels à la présentation de justificatifs.

B. UNE RÉVISION NÉCESSAIRE ET CONFORME AUX INTÉRÊTS DE LA FRANCE

Votre rapporteur a tout d'abord procédé à une comparaison des dispositions de l'accord conclu avec celles de conventions fiscales similaires . Il a noté que si les conventions franco-espagnole et franco-italienne prévoient une retenue à la source de 10 % sur les intérêts et de 5 % sur les redevances, la convention franco-britannique prévoit une imposition exclusive à la résidence de ces types de revenus, conformément à la politique conventionnelle française actuelle.

Contrairement à la convention franco-espagnole, la convention franco-britannique ne prévoit pas l'imposition à la source des gains tirés de la cession d'une participation substantielle d'une société. Une telle clause ne paraît plus nécessaire compte tenu de l'évolution de la fiscalité française des plus-values.

Votre rapporteur se félicite de l'insertion des clauses anti-abus spécifiques. Ainsi, les avantages conventionnels relatifs aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus ne seront pas accordés lorsque le principal objectif, ou l'un des principaux objectifs, du bénéficiaire des revenus a été de les obtenir indûment.

* 5 Application en France, de la retenue à la source prévue par l'article 115 quinquies du code général des impôts.

Page mise à jour le

Partager cette page