ANNEXE I - COMPTE RENDU DES AUDITIONS

Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi - (Mercredi 9 septembre 2009)

Réunie le mercredi 9 septembre 2009 , sous la présidence de M. Jean-Paul Emorine, président , puis de M. Gérard César, vice-président , la commission a entendu M. Christian Estrosi , ministre auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé de l'industrie , sur le projet de loi n° 599 (2008-2009 ) relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales .

Après une introduction de M. Jean-Paul Emorine, président , M. Daniel Raoul a formulé le souhait que le délai limite pour les amendements portant sur les titres II et III du projet de loi portant engagement national pour l'environnement soit reporté au début de la semaine du 21 septembre, afin de mieux prendre en compte l'interruption des travaux du Sénat pendant la période estivale. M. Jean-Paul Emorine, président , a pris acte de cette demande.

M. Christian Estrosi, ministre, a précisé en préambule que le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales résultait d'une demande de La Poste elle-même.

S'agissant du contenu du texte, il a d'abord rappelé, d'une part, que la troisième directive postale, adoptée en février 2008, fixait l'échéance de l'ouverture totale à la concurrence du secteur postal au 1 er janvier 2011 et, d'autre part, que La Poste connaissait une forte diminution de son activité de transport de courrier en raison de l'essor d'Internet. Le Gouvernement a confié pour cette raison à M. François Ailleret la mission de réfléchir, au sein d'une commission composée de manière pluraliste, aux moyens d'assurer l'avenir de La Poste. Ses conclusions ont été les suivantes :

- La Poste a besoin de 2,7 milliards d'euros pour faire face dans les années à venir à l'ouverture à la concurrence du secteur et aux évolutions de son métier « courrier » ;

- l'entreprise ne pouvant accroître son endettement, qui atteint déjà six milliards d'euros, ni demander aux seules finances de l'Etat de lui fournir les ressources nécessaires, l'option la plus appropriée et souhaitée par l'entreprise elle-même est celle d'une augmentation de capital, souscrite à la fois par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et par l'Etat ;

- or, les textes applicables interdisent à la CDC de souscrire à une augmentation de capital d'un établissement public. Il est donc nécessaire de modifier le statut de La Poste pour lui permettre de réaliser celle-ci.

M. Christian Estrosi, ministre , a souligné avec force que le projet de loi a été élaboré dans l'unique objectif de permettre à La Poste de bénéficier d'une plus grande liberté de manoeuvre, tout en préservant les grands équilibres qui font son identité. Il a notamment indiqué que seraient désormais inscrites dans un article unique ses quatre missions de service public : le service universel du courrier, le transport de la presse, la présence postale territoriale et l'accessibilité bancaire. Les droits et statuts des postiers, salariés comme fonctionnaires, seront conservés à l'identique.

Il a également exposé que la seconde partie du projet de loi assurait la transposition en droit interne de la troisième directive postale de février 2008 et affirmait l'ouverture totale à la concurrence au 1 er janvier 2011. Le texte désigne La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans et précise les pouvoirs attribués à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Evoquant les pistes d'évolution envisageables, M. Christian Estrosi, ministre , a expliqué qu'il souhaitait aborder le débat parlementaire de la manière la plus consensuelle possible, saluant la connaissance du sujet par les sénateurs et notamment par le rapporteur du projet de loi. Il a appelé les membres de la Haute Assemblée à identifier les sujets qui permettront de clarifier la rédaction du texte, notamment sur les points suivants :

- s'agissant de la détention du capital, le Gouvernement s'engage à ce que le capital de La Poste reste détenu à 100 % par des personnes publiques, la rédaction du texte pouvant être clarifiée sur ce point ;

- la mission d'aménagement du territoire de La Poste sera préservée par le maintien de 17 095 points de contact sur le territoire, nombre qui pourrait même être inscrit dans la loi, ainsi que par l'attribution à cette mission d'un financement approprié ;

- la retraite complémentaire des salariés de La Poste fait l'objet d'une réflexion du Gouvernement tendant à mettre en place un dispositif permettant de maintenir l'affiliation des salariés actuels de La Poste à l'Ircantec, sujet soulevant des questions très techniques.

En conclusion, M. Christian Estrosi, ministre , a insisté à nouveau sur son souhait de mener avec le Parlement un débat riche et ouvert afin de garantir l'avenir de La Poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur , a souligné l'importance du texte en termes d'aménagement du territoire et pour l'avenir d'une grande entreprise publique. Des interrogations persistent sur le maintien de la présence postale dans les territoires, l'ouverture à la concurrence offrant toutefois des opportunités qui doivent être prises en compte. Il est essentiel que le projet de loi apporte des garanties sur les quatre métiers fondamentaux de La Poste, notamment à travers le fonds de péréquation. A propos des craintes soulevées par le changement de statut, la situation ne peut être assimilée à certains changements antérieurs de statut d'entreprises publiques, la demande émanant cette fois du président de La Poste lui-même, dans le but de donner à l'entreprise les moyens de recevoir le capital supplémentaire dont elle a besoin. Il est donc tout à fait faux d'évoquer un risque de privatisation de l'entreprise.

M. Michel Teston a exprimé la position du groupe socialiste. S'agissant du statut de La Poste, l'article 2 du projet de loi consacre ses quatre missions de service public, mais l'article premier lui donne le statut de société anonyme, alors même que les directives communautaires ne l'imposent pas. En outre, le manque de fonds propres pouvait être imputé à l'Etat, qui n'a pas compensé à un niveau approprié le maintien des points de présence de La Poste ainsi que ses missions de transport de la presse. Il est tout à fait nécessaire de maintenir l'égalité d'accès aux services postaux, l'implantation des bureaux de poste sur le territoire et le prix unique du timbre. L'article premier indiquant que le capital de l'entreprise serait détenu par l'Etat ou par d'autres personnes morales appartenant au secteur public, on peut craindre un désengagement de l'Etat et une clarification sur le caractère public des personnes morales concernées s'impose. Le groupe socialiste est en conséquence opposé à l'adoption du titre premier du projet de loi.

Abordant la seconde partie du texte, M. Michel Teston a estimé que certains pays européens auraient été prêts à envisager un maintien du secteur réservé, faisant observer que les États-Unis d'Amérique conservent un monopole légal sur les courriers de faible volume. On peut s'interroger sur les modalités de financement du service universel, alors même que le fonds de compensation du service universel de téléphonie fait l'objet de critiques de la part des opérateurs. Le groupe socialiste s'oppose également à l'adoption du titre II.

M. Martial Bourquin a considéré que le service public postal ne fonctionnait pas actuellement de manière satisfaisante, en raison notamment de la suppression de bureaux de poste dans certains départements. Il a souhaité savoir en quoi consistaient exactement les 17 095 points de contact de La Poste dans les territoires, s'inquiétant du départ des services publics dans certaines zones rurales. S'agissant de l'ouverture du capital, il a craint que l'Etat se sépare d'une partie de son patrimoine lorsqu'il aura besoin de ressources.

M. Daniel Dubois a mis en regard, d'une part, l'évolution des métiers de La Poste qui justifie son changement de statut, d'autre part, sa mission d'aménagement du territoire, considérant que ces deux exigences pouvaient être conciliées : le changement de statut peut en effet donner à l'entreprise les moyens de continuer à mettre en oeuvre un service de proximité. Il pourrait néanmoins être trop contraignant d'inscrire dans la loi le nombre de 17 095 points de contact.

M. Bruno Retailleau a fait valoir que les principes d'égalité d'accès et d'égalité territoriale faisaient de La Poste un service public emblématique. La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a créé un fonds de compensation du service universel, ainsi qu'un fonds alimenté par la taxe professionnelle pour assurer la présence postale sur le territoire, ce qui pose la question de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle, actuellement en cours d'élaboration, sur le financement des missions de La Poste.

Notant que le caractère hautement emblématique du projet de loi s'accompagnait de réactions vives, M. Dominique Braye a incité le ministre à ne pas satisfaire de revendications purement politiques qui préjudicieraient finalement à La Poste.

Précisant que le président de La Poste, et non le groupe en tant que tel, souhaitait la création d'une société anonyme, Mme Marie-France Beaufils a fait remarquer que l'Etat n'avait pas assumé ses responsabilités financières à son égard. Observant toutefois que le groupe continuait à réaliser d'importants bénéfices, elle a stigmatisé la gestion des entreprises publiques qui, telles les sociétés d'autoroutes, avaient abandonné leur statut public. La possible prise de participation dans le capital de La Poste d'entreprises à capitaux non majoritairement publics suscite des interrogations. Il convient de préserver la très grande diversité des points de contact et de ne pas oublier l'importance de la présence postale pour l'aménagement du territoire et la prise en compte des populations fragiles. Enfin, elle s'est interrogée sur les conséquences d'un accroissement des exigences de rentabilité pesant sur La Poste du fait de son exposition prochaine à la concurrence.

Estimant le changement de statut de La Poste nécessaire à sa modernisation, M. Jackie Pierre a souhaité que le projet de loi aille au-delà de la garantie du maintien général des 17 095 points de contact, en assurant leur pérennisation en zone rurale.

Jugeant le sujet éminemment politique et reconnaissant que La Poste devait évoluer, M. Jean-Jacques Mirassou a relevé la discordance entre le discours du président de l'entreprise, globalement rassurant sur le maintien de ses quatre missions de service public, et la réalité des fermetures de bureaux de poste en zone rurale et de leur gel en zone périurbaine. Rappelant que les discours rassurants concernant certains services publics - justice, administration fiscale, gendarmerie - n'avaient pas empêché la fermeture de nombre d'établissements, il a qualifié La Poste de « joyau » indispensable à l'aménagement du territoire et au lien social.

M. Marc Daunis a qualifié d'idéologique la réponse donnée par le texte de loi à des questions posées depuis longtemps déjà. Il a estimé qu'il était possible de satisfaire au besoin de fonds propres de La Poste par d'autres voies que celle d'un changement de statut, et que l'exposition croissante du groupe à la concurrence risquait d'induire un délaissement des marchés les moins rentables. Il conviendrait en tout état de cause de garantir pour l'avenir la non-cession du groupe à des personnes privées.

Evoquant l'importance de La Poste dans son département, notamment auprès des personnes les plus âgées, M. Jean Boyer s'est enquis du maintien du service postal dans les zones rurales et a estimé nécessaire de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les journaux imprimés dans les départements devront transiter par les pôles régionaux, ce qui occasionne des surcoûts. Enfin, il a souligné le lien étroit établi entre le réseau postal et les communes.

Estimant que la France n'avait plus les moyens de conserver des structures inappropriées, M. Michel Bécot a souligné combien le métier des postiers avait changé, ce qui exige en conséquence d'adapter leur outil de travail, en s'abstenant de figer dans la loi le nombre de points de contact postaux.

Notant la contradiction entre l'engagement du ministre de maintenir la présence postale et la fermeture de points de contacts, M. Yannick Botrel a rappelé que la finalité d'un service public n'était pas la rentabilité.

Plutôt que de critiquer le texte, M. Daniel Dubois a appelé à identifier les problèmes et à chercher les moyens de les régler en vue de moderniser le service public postal.

M. Gérard César, président , s'est félicité de l'ouverture du ministre à l'égard de tous les amendements susceptibles d'améliorer le texte.

Remarquant, de façon générale, que l'ensemble des commissaires étaient, comme lui, élus de régions rurales et attachés, à ce titre, à la défense du service postal, dont il a souligné l'extrême richesse pour la France, M. Christian Estrosi, ministre , a apporté les éléments de précision suivants :

- la garantie du maintien du statut public de La Poste, sur laquelle travaillent les services du ministère, peut faire l'objet d'un amendement approprié. Ce dernier pourrait, par exemple, garantir que seule la CDC, et non la CDC en lien avec des partenaires privés, est autorisée à entrer au sein du capital du groupe ;

- la préservation du nombre de points de contact, comme le demande d'ailleurs le président de La Poste, prendra en compte la dimension rurale. A cet égard, la réduction des services publics en milieu rural n'est pas une fatalité, dès lors qu'il existe un volontarisme politique marqué au niveau local ;

- le maintien du fonds de péréquation est acquis, la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales qui l'a créé n'étant pas remise en cause par le projet de loi ;

- le maintien du produit de l'abattement de taxe professionnelle est garanti ;

- la troisième directive postale européenne est neutre sur la question du statut des établissements postaux, mais le renforcement de la concurrence implique la réalisation d'investissements nouveaux par La Poste, ce qui nécessite un changement de statut afin que la CDC soit en mesure de procéder à des apports de capitaux. La première directive postale, qui engage la suppression progressive du monopole des opérateurs postaux nationaux, a été validée en 1997 par un gouvernement relevant de l'opposition actuelle ;

- le prix unique du timbre sera maintenu ;

- l'exemple des États-Unis d'Amérique est mal choisi dans la mesure où le maintien d'une situation de monopole pour l'opérateur public national va de pair avec de larges déficits pour ce dernier ;

- les choix de dématérialisation des procédures administratives opérés par les élus ne sont pas sans conséquences sur l'activité « courrier » de La Poste. Il convient à présent de les prendre en compte, ainsi que, plus généralement, ceux de l'ensemble des citoyens, qui utilisent de plus en plus Internet, en veillant à être ferme sur les principes, mais souple sur les modalités ;

- l'Etat assume aujourd'hui sa responsabilité d'actionnaire en participant à l'injection de 2,7 milliards d'euros de capitaux dans un groupe qui ne sera pas détenu par des actionnaires privés ;

- la délivrance du courrier à « J + 1 » sera maintenue, un amendement le garantissant étant envisageable ;

- s'il est délicat de prédire qui sera titulaire du service universel dans une quinzaine d'années, le projet de loi permet d'ores et déjà de s'assurer qu'il sera pris en charge par La Poste jusqu'à ce terme.

Groupe La Poste - (Mercredi 7 octobre 2009)

Réunie le mercredi 7 octobre 2009 , sous la présidence de M. Jean-Paul Emorine, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Bailly , président du groupe La Poste .

M. Jean-Paul Bailly , président du groupe La Poste , a annoncé qu'il s'exprimait, en tant que dirigeant d'une entreprise publique, avec pour seul objectif de créer les meilleures conditions possibles pour en assurer l'avenir et le développement. Rappelant que le projet de loi comporte deux grands titres distincts, l'un relatif au changement de statut de La Poste et à ses missions de service public, l'autre à la transposition de la troisième directive postale, il a souligné que, bien que le premier retienne toute l'attention, le second, qui traite du système de régulation, est tout aussi essentiel pour les équilibres économiques de La Poste.

Il a fait observer que La Poste s'est déjà beaucoup transformée au cours des dernières années, en engageant une modernisation complète de son outil de gestion du courrier et en introduisant de nouvelles technologies, indispensables pour pouvoir offrir aux entreprises des services nouveaux. En revanche, les systèmes d'information ne sont plus à niveau, et des investissements importants seront nécessaires, dans le multicanal notamment. L'évolution du réseau s'est faite dans le sens d'une légère augmentation, jusqu'à atteindre aujourd'hui 17 100 bureaux, parmi lesquels 6 200 sont actuellement mutualisés, dont un tiers avec des commerces et le reste avec des communes. La modernisation a porté sur 3 000 bureaux depuis 2005, l'objectif étant de rénover l'ensemble des bureaux d'ici à 2015. Le rythme de renouvellement serait ainsi d'une rénovation tous les douze ou quinze ans en moyenne, ce qui est le minimum pour un service public de qualité.

M. Jean-Paul Bailly s'est félicité du succès que constitue la création de la Banque postale. Celle-ci, grâce à une gestion raisonnable, a surmonté la crise bancaire pour se positionner comme une banque de confiance et de référence, qui compte près de dix millions de clients actifs et continue de gagner des parts de marché. Elle disposera en 2010 d'une gamme de produits complète, y compris les crédits à la consommation et l'assurance IARD (incendie, accidents et risques divers).

Evoquant l'activité des colis express, il a indiqué que La Poste est le deuxième opérateur en Europe et qu'elle gagne des parts de marché. Ce marché, qui mettait traditionnellement surtout en relation des entreprises, évolue vers davantage de distribution directe au consommateur final. Des investissements lourds sont nécessaires pour accompagner cette évolution et consolider la position de La Poste en Europe.

M. Jean-Paul Bailly a observé que le modèle postal s'est inversé en moins d'une décennie. En 2000, La Poste était juste à l'équilibre, avec une rente de monopole sur le courrier et un déficit sur les colis express et les services financiers. En 2007, meilleure année avant le début de la crise actuelle, La Poste a dégagé plus d'un milliard d'euros de résultat d'exploitation, avec une capacité d'autofinancement suffisante. Tous les métiers contribuaient au résultat d'exploitation à proportion de leur chiffre d'affaires. Aujourd'hui, la donne est en train de changer, en raison de la crise et de l'accélération du phénomène Internet et, demain, de l'ouverture des marchés. Alors que le volume du courrier a diminué environ de 1 % par an entre 2002 et 2007, cette baisse a été de 3 % en 2008 et est tendanciellement de 6 % en 2009. Dans ce contexte, les innovations et les développements sont absolument vitaux. Les nouveaux services réclament des investissements substantiels, sur un marché qui va devenir totalement européen.

M. Jean-Paul Bailly a souligné que, sans ces évolutions, La Poste ne serait pas en mesure de préserver un résultat positif encore significatif pour 2009. Il a estimé essentielle l'unité du groupe et s'est déclaré défavorable, à titre personnel, à l'ouverture du capital de ses filiales, qui ne permet pas une remontée des fonds ainsi collectés vers l'établissement principal. Il a considéré que La Poste avait besoin d'un portefeuille d'activités équilibré, et constaté que les opérateurs ayant fait le choix de la mono-activité se trouvaient aujourd'hui en difficulté.

Rappelant que le rapport de M. François Ailleret sur le développement de La Poste avait estimé le besoin d'investissement de celle-ci à 2,7 milliards d'euros, M. Jean-Paul Bailly a exclu aussi bien le recours à l'endettement, dans la mesure où la dette du groupe est déjà deux fois supérieure à ses fonds propres, que l'ouverture du capital de ses filiales, qui comporterait un risque d'éclatement du groupe. Il a observé que l'Etat ne pouvait pas non plus apporter un tel montant à un établissement public en situation de concurrence, sans enfreindre la législation communautaire sur les aides publiques. A l'inverse, l'évolution vers un statut de société anonyme permet une recapitalisation par l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) justifiée par la perspective d'un retour sur investissement, et c'est à cette condition seulement que La Poste pourra obtenir les 2,7 milliards d'euros nécessaires à son développement. Le projet de loi précise bien que le capital de la nouvelle société anonyme La Poste sera à 100 % public, et sa qualité de service public national au sens de la Constitution implique qu'elle demeure sous le contrôle de l'Etat.

Evoquant les solutions de type relais postal ou agence postale communale, M. Jean-Paul Bailly a affirmé que cette mutualisation des moyens, qui concerne environ 6 200 points de présence, n'entraîne pas une dégradation du service public mais constitue, au contraire, une solution d'avenir. En outre, le changement de statut de La Poste ne remettra pas en cause les agences postales communales, et sera tout à fait neutre juridiquement.

Evoquant les questions de personnel, il a indiqué que les syndicats s'interrogeaient sur le maintien de l'affiliation des salariés de La Poste à l'Ircantec. Ce point n'est pas évoqué dans le projet de loi initial, mais une disposition législative pourrait être nécessaire pour confirmer cette affiliation, qui est utile à la fois pour les salariés et pour l'équilibre du régime. Les institutions représentatives du personnel, telles qu'elles résultent de la loi de 2005, donnent satisfaction, et aucune évolution n'est envisagée pour l'instant en ce qui les concerne. Enfin, une convention collective est en cours de négociation, qui, si un accord est trouvé avec les partenaires sociaux, nécessitera une dérogation par voie législative pour préciser que le principe de l'activité principale s'applique aux salariés et non à l'entreprise.

M. Jean-Paul Bailly , abordant la transposition de la troisième directive qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux, a estimé que la loi du 20 mai 2005 était parvenue à un équilibre satisfaisant. Il a mis en garde contre les effets de la crise et de la diminution continue des volumes de courrier, alimentant la problématique du financement du service universel. Il s'est inquiété du fait que le texte du projet de loi semble imposer au régulateur une obligation de résultat pour assurer une concurrence effective, et a contesté l'extension du contrôle exercé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) à des services se situant en dehors du champ du service universel, tels que les colis en nombre. Il a également attiré l'attention sur les conséquences économiques de l'exonération de TVA et de paiement de la taxe sur les salaires.

En conclusion, M. Jean-Paul Bailly a appelé les sénateurs à être attentifs au volet du projet de loi relatif à la transposition de cette directive, et a souligné que la régulation ne pouvait s'exercer de manière identique dans des secteurs porteurs comme l'énergie ou les télécommunications, et dans un secteur en décroissance comme les services postaux.

M. Michel Teston a déclaré partager le constat qu'il faut maintenir l'unité du groupe La Poste et renforcer ses fonds propres, mais a estimé en revanche :

- qu'il n'y a pas d'obligation juridique à changer le statut de l'entreprise pour se conformer aux exigences de la législation-cadre européenne ;

- qu'il existe une ambiguïté dans la disposition du projet de loi, selon laquelle le capital de La Poste est détenu par l'Etat ou d'autres personnes morales de droit public, dans la mesure où cela n'offre pas de garantie claire que l'Etat ou la CDC maintiendront leur participation dans le capital à l'avenir ;

- que rien n'interdit à l'Etat d'apporter au groupe La Poste une aide financière pour l'aider à remplir deux des quatre missions de service public qui lui sont assignées, à savoir la présence postale sur l'ensemble du territoire, ainsi que le transport et la distribution de la presse.

Dans ces conditions, la solution la plus satisfaisante paraît être le maintien du statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC), statut compatible avec l'ouverture à la concurrence du secteur postal en 2011.

M. Michel Teston a ensuite fait part de ses inquiétudes sur les deux points suivants :

- l'incidence du changement de statut sur le cadre contractuel entre La Poste et les collectivités territoriales : alors que, actuellement, les agences postales font l'objet de conventions négociées, sans mise en concurrence, entre La Poste et les collectivités, il se pourrait qu'à l'avenir La Poste soit contrainte, pour l'exécution des missions de service public, de lancer des appels d'offre, ce qui ne garantit pas le maintien du partenariat avec les collectivités ;

- le volet régulation du projet de loi : avec la suppression du secteur réservé, le financement du service postal universel va reposer sur un mécanisme de fonds de compensation, dont l'exemple du secteur de la téléphonie fixe, depuis 1996, révèle les limites ; par ailleurs, il faut s'interroger sur les modalités de cette compensation, qui peut être assise sur le chiffre d'affaires des concurrents ou bien sur leur volume d'activité ; enfin, s'agissant de l'autorité régulatrice, il faut se demander s'il est opportun de lui conférer des pouvoirs allant au-delà de ce que prévoit la loi du 20 mai 2005.

M. Martial Bourquin , après avoir souligné que les résultats d'un sondage récent et de la votation organisée la semaine précédente montraient l'attachement des Français au service public postal, a souhaité attirer l'attention sur plusieurs points :

- les expériences de mise en concurrence des services postaux menées dans certains pays, notamment en Belgique ou au Japon, se heurtent à des difficultés importantes, ce qui doit inciter à la prudence ;

- la restructuration de La Poste ne se fait pas toujours dans d'excellentes conditions sur le terrain : il semble y avoir, sur certains territoires, notamment dans le Doubs où le préfet a été contraint d'intervenir, une stratégie managériale poussant à la transformation des bureaux de poste en points de contact partenaires ;

- une campagne massive de communication aurait dû souligner que la Banque postale, à la différence des autres établissements bancaires, n'a pas été affectée par les problèmes liés aux actifs toxiques ;

- l'avenir de La Poste doit être pensé également du point de vue de l'aménagement du territoire.

M. Alain Fouché a souhaité savoir quelles étaient les garanties apportées en vue du maintien durable des quelque 17 000 points de contact répartis sur le territoire français.

M. Jean-Claude Danglot s'est interrogé sur le financement du maillage postal du territoire, dans la perspective prochaine de la réforme de la taxe professionnelle et du mécanisme d'exonération dont bénéficie La Poste, et le risque, sous la pression de la concurrence et des exigences de rentabilité, de voir l'entreprise se désengager de missions de service public dont elle assume actuellement une partie du coût.

Mme Jacqueline Panis a évoqué les difficultés rencontrées par une personne disposant d'une procuration pour retirer des fonds dans une agence postale communale, et s'est interrogée sur les perspectives d'équipement en voitures électriques de l'entreprise.

Mme Mireille Schurch a, pour sa part, demandé des éclaircissements sur :

- le coût de la présence postale territoriale, ce coût devant être correctement estimé dans la perspective d'un juste financement du fonds de péréquation ;

- la définition des points de contact, dont le niveau de service varie selon la nature ;

- le taux de remplacement des personnels partant à la retraite, qui pourrait être de 25 % seulement ;

- les retours d'expériences étrangers susceptibles de montrer que la transformation des services publics postaux en sociétés anonymes ne se traduit pas systématiquement par une dégradation de la qualité du service, un renchérissement des tarifs ou un abandon de certains territoires ;

- les perspectives de développement du rail comme moyen de transport du courrier.

Mme Bariza Khiari , après avoir regretté que les textes permettant la mise en oeuvre du référendum d'initiative populaire prévu par la Constitution n'aient pas encore été adoptés, s'est interrogée sur le rôle social de la banque postale en matière d'accès des ménages modestes au crédit à la consommation, dans un contexte de montée du surendettement et de développement du crédit revolving .

En réponse aux différents intervenants, M. Jean Paul Bailly a apporté les précisions suivantes :

- le changement de statut de La Poste n'est pas une nécessité juridique mais technique : c'est le seul moyen d'obtenir une telle augmentation de capital dans des conditions acceptables par la Commission européenne ;

- le cas échéant, il faut trouver une rédaction de l'article premier du projet de loi qui corresponde clairement à la volonté d'avoir un capital à 100 % public ;

- s'agissant de la mission de service public d'aménagement du territoire, il faut un dispositif juridique qui énonce explicitement le principe d'un financement équilibré du fonds de péréquation, et un dispositif d'expertise indépendante qui permette de mesurer si, dans les faits, les conditions de ce financement équilibré sont réunies ;

- concernant l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur le financement de la présence territoriale, les estimations réalisées montrent que le montant de l'exonération sous le régime de la nouvelle taxe devrait passer de 135 à 155 millions d'euros ; toutefois le surcoût de cette présence territoriale, en dépit des efforts de maîtrise déjà réalisés, devrait se situer autour de 250 millions d'euros à l'horizon 2011 ;

- la mission de distribution de la presse pèse actuellement fortement sur le compte d'exploitation de La Poste. Un protocole d'accord entre les parties prenantes prévoit cependant la disparition de ce surcoût à l'horizon 2015, moyennant des gains de productivité, un effort sur les tarifs et le maintien d'une subvention de l'Etat ;

- s'agissant des modalités du financement de la compensation et dans la mesure où les concurrents risquent de se spécialiser dans des services low cost , La Poste est favorable à un mécanisme mettant à contribution les acteurs du marché sur la base de leur volume d'activité plutôt que sur celle de leur chiffre d'affaires ;

- la modernisation de La Poste, et plus spécifiquement la transformation des bureaux de poste, ont été menées dans le dialogue avec les élus locaux, même si des maladresses sont toujours possibles. Il est vrai, néanmoins, que des progrès sont sans doute encore à réaliser dans la « gouvernance » des réductions d'horaires d'ouverture des bureaux ;

- des actions de communication ont bien été menées sur les résultats de la banque postale dans le contexte de la crise financière, même s'il a paru souhaitable de ne pas leur donner trop d'ampleur. Au demeurant, l'afflux de clients montre que ces derniers ont clairement conscience des bonnes performances de la banque et de sa gestion avisée ;

- le maintien de la présence territoriale au niveau de chaque département est régi par un accord tripartite. L'introduction d'une disposition législative relative au maintien des 17 000 points de présence est toutefois envisageable, à condition que cela n'ôte pas à l'entreprise toute flexibilité dans leur gestion ;

- la présence, au sein des 17 000 points de contact, de 6 000 conseillers financiers correspond à un point d'équilibre entre des considérations commerciales, d'une part, et les impératifs tenant aux missions d'aménagement du territoire et d'accessibilité aux services bancaires, d'autre part ;

- une réponse technique sera apportée ultérieurement à la question du retrait bancaire par procuration ;

- l'entreprise La Poste n'a pas d'objectifs formalisés s'agissant du taux de remplacement des départs en retraite, qui est actuellement de 50 %. Il n'est pas exclu cependant que ce taux diminue à l'avenir, avec la réduction du volume de courrier, mais cela relève d'une approche pragmatique. Par ailleurs, la baisse du nombre de postes s'accompagne d'un effort pour élever les qualifications et résorber les temps partiels subis et les contrats à durée déterminée (CDD) ;

- parmi les exemples étrangers de changements de statut réussis, on peut citer plusieurs Etats d'Europe centrale ou du nord, notamment la Suède, qui est souvent présentée, à tort, comme un contre-exemple ;

- en matière de politique de développement durable, La Poste a lancé un appel d'offre pour un transport par train sur les trajets Paris-Bordeaux et Lille-Marseille. Par ailleurs, La Poste se situe en pointe pour l'utilisation des véhicules électriques, puisqu'elle s'est engagée à s'équiper à hauteur de 25 % de son parc, soit 10 000 unités, dans les années qui viennent ;

- concernant la question du surendettement, la Banque postale n'a pas voulu inclure dans sa gamme une offre de crédit revolving ;

- le changement de statut de La Poste ne devrait pas avoir d'influence sur les partenariats avec les collectivités territoriales. Le dispositif de l'article 2 de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales continue à s'appliquer. L'Autorité de la concurrence doit néanmoins rendre prochainement un avis sur le projet de loi.

Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire - (Mercredi 14 octobre 2009)

Réunie le mercredi 14 octobre 2009 , sous la présidence de M. Jean-Paul Emorine, président , la commission a procédé à l'audition de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire , sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire , a souhaité faire trois remarques préliminaires :

- son ministère est directement intéressé par les articles 2, 3 et 4 du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, à savoir ceux qui concernent les missions de service public de l'entreprise et, en particulier, la mission d'aménagement du territoire  et le service universel postal ;

- La Poste a développé un dispositif exemplaire pour s'acquitter de ses missions de services public, dispositif caractérisé par un maillage serré du territoire (à travers plus de 17 000 points de présence postale), un financement de ce dispositif appuyé sur un fonds de péréquation et une association forte des élus à l'organisation des missions de service public, notamment via les commissions départementales de la présence postale territoriale ;

- ce dispositif, qui a fait la preuve de son efficacité, doit être préservé et servir de modèle pour tous les grands opérateurs qui ont signé la charte des services publics.

M. Pierre Hérisson , rapporteur , a précisé trois points :

- un important travail de consultation a été réalisé pour la préparation de l'examen de ce projet de loi, les auditions étant ouvertes à tous les membres du groupe d'études « postes et communications électroniques » ;

- ce texte, notamment à travers les dispositions relatives au changement de statut de l'entreprise, a été élaboré pour répondre aux demandes du président de La Poste, qui considère que cette évolution est le seul moyen pour l'entreprise d'accéder aux fonds nécessaires à sa modernisation ;

- chacun doit garder à l'esprit que l'enjeu de ce texte est de donner les moyens à La Poste de s'adapter à un contexte économique en mutation, marqué par une ouverture à la concurrence et un recul de l'activité « courrier », et qu'une adaptation réussie conditionne la pérennisation des missions de service public remplies par l'entreprise.

M. Michel Teston a soulevé trois questions concernant :

- les garanties sur la pérennité du maillage territorial et des règles d'accessibilité qui, aux termes de l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée en 2005, interdisent, sauf circonstances exceptionnelles, que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste ;

- les garanties quant au maintien du cadre contractuel entre La Poste et les collectivités territoriales, la crainte étant qu'à l'avenir La Poste soit contrainte, pour l'exécution des missions de service public, de lancer des appels d'offre, ce qui mettrait en cause le maintien de ce partenariat avec les collectivités ;

- les moyens du financement des missions de service public, avec deux interrogations portant : d'une part, sur le dispositif assurant le financement de la présence postale après la suppression de la taxe professionnelle, dans la mesure où, actuellement, le financement de cette mission repose sur une exonération partielle de La Poste à cet impôt, et, d'autre part, sur le maintien de la subvention accordée par l'Etat pour prendre en charge la mission de transport et de diffusion de la presse.

M. Hervé Maurey a fait part des trois préoccupations suivantes :

- le groupe Union centriste ne considère pas que le changement de statut constitue en soi un problème, mais est soucieux en revanche que les moyens de la pérennisation des missions de service public de La Poste soient garantis ;

- au-delà du projet de loi relatif à La Poste, la question se pose de l'extension du modèle postal, dont le ministre a rappelé les mérites, à d'autres services publics, par exemple dans le domaine de la santé ;

- face aux difficultés rencontrées lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi sur le développement du numérique, une relance de l'action du Gouvernement en faveur du développement numérique devrait être envisagée.

M. Daniel Dubois s'est félicité que s'engagent des assises de la ruralité sur la question des services publics, et a déploré que certains opposent la modernisation de La Poste au maintien des missions de service public, dans la mesure où la modernisation de l'entreprise et l'évolution de ses métiers sont la condition de la pérennisation du service public.

M. Rémy Pointereau a fait valoir que les agences postales communales constituent un excellent moyen d'assurer le maintien du service public en milieux rural, et qu'il est important de rassurer les élus sur le maintien de ce système dans la durée, via, en particulier, des baux à long terme. Par ailleurs, le bilan des zones de revitalisation rurales fait apparaître des difficultés dans l'extension du dispositif à de nombreuses communes, difficultés dont l'origine semble venir d'une interprétation restrictive de l'administration fiscale faisant obstacle à l'installation ; enfin, la politique des pôles d'excellence rurale répond aux attentes et aux espoirs de nombreux territoires, mais il faut désormais des précisions sur le calendrier et les conditions de financement des opérations.

M. Martial Bourquin a souligné qu'il n'y a pas d'opposition entre ceux qui voudraient moderniser La Poste et ceux qui ne le voudraient pas, mais que les divergences portent sur les modalités et le contexte de cette modernisation ; le groupe socialiste estime qu'il est possible de faire évoluer La Poste dans le cadre du statut d'établissement public industriel et commercial, et qu'un changement de statut constitue le premier pas vers la privatisation de l'entreprise, comme le laisse craindre le précédent d'EDF-GDF. Il est symboliquement important d'avoir créé un ministère de la ruralité et de l'aménagement du territoire, mais la réalité vécue par les territoires est celle de la fermeture de nombreux services publics -gendarmerie, Office national des forêts ou écoles- de sorte qu'on peut se demander si la politique d'aménagement du territoire ne s'apparente pas plutôt à une politique de « déménagement » des territoires.

M. Alain Fouché a souhaité savoir quelles étaient les garanties apportées au maintien des 17 000 points de présence postale et quelles seraient les modalités d'organisation et le champ couvert par les assises du service public de la ruralité.

M. Philippe Leroy , après avoir exprimé ses interrogations sur l'efficacité des commissions départementales de la présence postale territoriale dans leur forme actuelle, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de renforcer leur rôle et leur poids en tant qu'interlocuteur de La Poste, par exemple en précisant par une charte la nature de leurs relations avec La Poste.

M. Didier Guillaume a dénoncé le comportement des élus de la majorité, qui votent au parlement des dispositions tendant à affaiblir les services publics dans les territoires et qui, dans leur circonscription, se mobilisent pour défendre les services publics quand ces derniers sont menacés. Il a évoqué la véritable souffrance de ceux qui subissent la réalité de la vie des territoires ruraux, et dont les médias, focalisés sur les difficultés des quartiers sensibles, ne se font pas suffisamment l'écho.

S'agissant du maintien de la présence postale à travers des points de contact, il a observé que ceci se traduisait parfois par une dégradation de la qualité du service public rendu ; il faut être vigilant sur le maintien du nombre de points de présence, mais aussi veiller à la qualité du service offert.

M. Jean-Jacques Mirassou , après s'être demandé s'il fallait considérer la multiplication des agences postales communales comme un moyen terme acceptable ou comme un pis-aller, a interrogé le ministre pour savoir si la diminution du volume de courrier distribué ne risquait pas, à terme, de faire disparaître la principale justification du maintien de la présence postale, à savoir la distribution du courrier.

M. Bruno Retailleau a appelé ses collègues sénateurs à ne pas se cantonner dans un registre incantatoire et politique, mais à améliorer le projet de loi par des amendements très concrets. Il a regretté que les députés aient mal accueilli la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, et demandé au ministre de soutenir ce texte. Il a approuvé l'idée de définir un socle des services publics pour l'espace rural.

M. Charles Revet a constaté qu'il y avait un accord général sur l'objectif de maintenir les services publics, mais non sur les moyens d'y parvenir. Il a souligné que ceux-ci doivent savoir se réorganiser en profondeur et cité en exemple l'agence postale communale créée depuis quinze ans dans sa commune, qui fonctionne bien, au bénéfice mutuel de la municipalité et de La Poste.

M. Jackie Pierre a également souligné que la création en 2002 d'un point postal dans sa commune de 700 habitants s'était traduite par un service meilleur qu'auparavant, grâce à une plus grande amplitude des horaires d'ouverture. Il a considéré que la garantie du maintien du nombre des points de contacts postaux n'est pas suffisante, car elle peut se traduire par une création de points en zone urbaine et une diminution en zone rurale.

M. Francis Grignon , considérant la baisse continue du volume de courrier, s'est inquiété des conséquences pour les emplois au sein de La Poste.

M. Gérard César s'est félicité du succès de la création d'une agence postale dans sa commune, qui autorise des retraits d'argent et permet une plus grande amplitude des horaires d'ouverture, et du partenariat établi entre l'association départementale des maires et La Poste.

Mme Esther Sittler a indiqué qu'aucun des 800 habitants de sa commune rurale ne s'est jamais plaint de l'absence d'un bureau de poste.

Mme Bariza Khiari a relevé que l'article 3 du projet de loi supprime la participation de La Poste aux instances chargées de l'aménagement du territoire, et estimé qu'il s'agit là d'une conséquence immédiate de son changement de statut.

M. Yannick Botrel , citant le précédent des perceptions, s'est interrogé sur la sincérité des discours rassurants sur le maintien de la présence des services postaux. Il a observé des réductions dans les horaires d'ouverture des bureaux de poste, voire des fermetures totales certains jours d'été.

M. Jean Boyer a estimé que La Poste, sous son nouveau statut de société anonyme, doit se transformer de service public en service au public. Il s'est déclaré dubitatif quant à la pérennité de certaines agences postales, qui n'accueillent plus que trois ou quatre usagers par jour. Constatant que La Poste a trouvé des partenaires incontournables dans les communes, il a souhaité savoir s'il est envisagé d'ouvrir plus largement ce partenariat.

M. Gérard Cornu a souhaité que La Poste fasse preuve de davantage de souplesse car il n'a pas été possible de créer une agence postale communale dans sa commune de 830 habitants, et La Poste a même refusé de laisser les courriers recommandés en dépôt à la mairie.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire , s'est félicité de l'attachement des élus nationaux, des maires et des Français à La Poste. Le projet de loi ne change rien aux missions de service universel de celle-ci et La Poste participera aux assises de la ruralité, qui permettront d'entendre très largement les acteurs de terrain, avant de définir une politique et un socle des services publics. Il est envisageable que la garantie du maintien du maillage actuel du territoire par 17 100 points de contacts postaux coïncide avec la durée d'attribution du service universel à La Poste, soit quinze ans. Le financement de la présence postale va être bouleversé par la réforme des taxes locales, mais s'en trouvera globalement accru.

En ce qui concerne la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, le ministre a indiqué qu'elle n'était plus inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais qu'une autre date pourrait être envisagée au mois de novembre. Il a estimé ce texte tout à fait nécessaire pour créer un fonds de financement des infrastructures numériques.

Par ailleurs, un bilan des zones de revitalisation rurale sera établi d'ici la fin du mois d'octobre, et il pourra alors en débattre avec la commission. En ce qui concerne les pôles d'excellence rurale, le Premier ministre a décidé de poursuivre le dispositif et les premiers appels à projets vont être lancés pour déboucher début 2010. Une deuxième tranche est prévue pour la fin du premier semestre 2010.

S'agissant du fonctionnement de La Poste, le ministre a considéré que les conseils départementaux de présence postale fonctionnaient bien si les élus qui y participent se mobilisent et il a rappelé le principe de mutabilité du service public, défini depuis longtemps par la jurisprudence administrative. Il a considéré que cette capacité d'adaptation constitue l'objet même du projet de loi. En réponse à M. Gérard Cornu, il a admis la nécessité d'une certaine souplesse, mais fait valoir que le code des postes interdit strictement le dépôt des lettres recommandées auprès d'un tiers.

Il a enfin précisé que l'article 3 du projet de loi supprime le dernier alinéa de l'article 6 de la loi postale du 2 juillet 1990, mais sans remettre en cause la participation de La Poste aux instances chargées de l'aménagement du territoire.

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