B. LA DIRECTIVE S'ARTICULE AUTOUR DE TROIS AXES

1. De nouvelles exigences en matière de fonds propres pour les opérations de retitrisation

a) Des opérations particulièrement risquées

La titrisation consiste, sommairement, à transformer des crédits bancaires illiquides en titres financiers négociables . Pour effectuer l'opération de titrisation, il est nécessaire de créer un « véhicule ad hoc » (« special purpose vehicule » - SPV) qui sert de réceptacle aux actifs titrisés. Or, l'une des principales caractéristiques de ces véhicules réside dans le fait qu'ils sont généralement déconsolidants et n'apparaissent donc plus dans le bilan de la banque. Une analyse rapide peut ainsi laisser croire que la banque ne porte plus le risque du crédit qu'elle a initialement consenti.

La crise a démontré que les actifs titrisés exposaient les banques à des risques majeurs. Lors de la réintégration dans leurs bilans de ces actifs titrisés, les fameux « actifs toxiques », les banques ont enregistré des pertes massives imputées 9 ( * ) sur leurs fonds propres. La titrisation a ainsi conduit les banques à commettre de lourdes erreurs d'appréciation sur la portée réelle des risques auxquels elles étaient exposées.

Plus encore, lors des opérations de retitrisation , qui consistent à transformer un ensemble de crédits titrisés en de nouveaux actifs financiers, la traçabilité du risque apparaît de plus en plus lacunaire, pour devenir inexistante dans les montages complexes à plusieurs étages.

b) La Commission européenne veut dissuader le recours à ces opérations

La Commission veut limiter les possibilités des établissements de crédit et des entreprises d'investissement de s'engager dans des opérations de retitrisations particulièrement complexes et risquées.

Les positions de retitrisations seront par conséquent soumises à des exigences de fonds propres plus élevées que d'autres positions, notamment des positions de titrisation simple de notation équivalente.

Le dispositif prévu par la directive est particulièrement contraignant pour les banques. Il leur reviendra de prouver, au cas par cas pour chaque opération de retitrisation, qu'elles respectent toutes les diligences prévues par la réglementation , c'est-à-dire par la directive 2006/48/CE précitée.

Le régulateur, s'il n'est pas satisfait des explications apportées par la banque, pourra imposer une pondération du risque allant de 20 % à 1 250 % au titre du « pilier 2 » de Bâle II. Une pondération maximale aura pour conséquence quasi-automatique d'empêcher le recours à ce type d'opération.

Ce traitement des fonds propres s'appliquera aux nouvelles retitrisations émises après le 31 décembre 2010 et, après le 31 décembre 2014, aux positions de retitrisations existantes dont des expositions sous-jacentes sont remplacées ou complétées par de nouvelles expositions après cette date.

Le Comité européen des contrôleurs bancaires (CECB) 10 ( * ) aura pour mission d'établir des lignes directrices et des normes techniques en vue de l'application homogène et cohérente de cette réglementation sur tout le territoire européen. En particulier, il devra définir précisément les retitrisations de « grande complexité ». Le CECB devra également prendre en compte l'évolution des pratiques sur le marché.

2. De nouvelles exigences en matière de fonds propres pour le portefeuille de négociation

Le portefeuille de négociation trading book ») comprend « les positions qui ont été prises en vue d'être cédées à court terme et/ou dans l'intention de bénéficier de l'évolution favorable des cours à court terme ou de figer des bénéfices d'arbitrage » 11 ( * ) . A l'inverse, les positions détenues dans le portefeuille bancaire banking book ») ont vocation à être conservées par la banque et ne sont pas habituellement affectées par les marchés dans la mesure où elles valorisent ces actifs au coût historique amorti.

Jusqu'à présent, les banques calculaient leurs exigences de fonds propres pour risque de marché dans le portefeuille de négociation en utilisant leurs propres modèles pour estimer les pertes potentielles résultant d'évolutions futures défavorables au marché. Au cours de la période récente, il est apparu que les modèles internes sous-estimaient les pertes potentielles en situation de crise. Par conséquent, la directive prévoit de renforcer les exigences de fonds propres fondées sur des modèles internes , sur lesquelles s'appuie l'approche dite avancée du dispositif de « Bâle II » :

- il sera obligatoire d'estimer séparément les pertes potentielles au cours d'une période prolongée de circonstances défavorables, ce qui renforcera la résistance des modèles et en réduira la procyclicité potentielle ;

- les établissements seront tenus d'estimer non seulement les risques de pertes résultant du défaut sur les titres de créance dans le portefeuille de négociation, mais aussi les pertes potentielles résultant d'une détérioration de la qualité du crédit avant qu'il y ait défaut, approche dite des « pertes attendues », par opposition à l'approche des « pertes encourues » ;

- pour remédier à l'insuffisance supposée des modèles internes quant à leur capacité de tenir compte de manière adéquate du profil de risque spécifique des positions de titrisation, les établissements devront recourir à une approche plus sophistiquée, fondée sur une échelle de pondérations affectées aux positions de titrisation.

3. Le renforcement des exigences de publicité sur les risques de titrisation

Les établissements de crédit seront désormais obligés de fournir, dans une optique de transparence, des informations précises et complètes sur leur profil de risque.

La proposition de directive renforce par conséquent les exigences actuelles en matière de publicité en ce qui concerne les expositions de titrisation des établissements de crédit . En particulier, les exigences de publicité couvriront à l'avenir non seulement les risques des positions de titrisation dans le portefeuille hors négociation, mais aussi celles incluses dans le portefeuille de négociation.

* 9 Fin 2008, les pertes et provisions des banques étaient ainsi estimées à plus de 1 000 milliards de dollars.

* 10 Le CECB est un des trois comités sectoriels, dits de « niveau 3 », du processus Lamfalussy. Il est appelé à être remplacé par la future Autorité bancaire européenne.

* 11 Règlement n° 95-02 du 21 juillet 1995 relatif à la surveillance prudentielle des risques de marché, Comité consultatif de la législation et de la règlementation financières (CCLRF).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page