Rapport n° 90 (2009-2010) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 4 novembre 2009

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N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1976 , 1994 , 1995 et T.A. 358

Sénat :

82, 83 et 91 (2009-2010)


Les observations et recommandations de la commission des affaires sociales
pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles en 2010

Par la voix de son rapporteur, Gérard Dériot, la commission s'inquiète de l'évolution de la situation financière de la branche. Excédentaire en 2008, celle-ci affiche un déficit élevé en 2009 (650 millions d'euros) en raison du ralentissement des recettes et de l'augmentation des charges, spécialement au titre des versements à la branche maladie et au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata). En 2010 , ce déficit devrait s'accentuer en raison de l'augmentation plus rapide des dépenses que des recettes, pour s'établir à près de 800 millions.

Sur la réforme de la branche, la commission note avec satisfaction la fin de la transposition normative de l'accord conclu entre les partenaires sociaux le 12 mars 2007, au travers de la réforme de la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles proposée par l'article 42 du projet de loi de financement.

En conséquence, la commission approuve le principe de bonus-malus qui s'appliquera désormais à la fixation des cotisations des entreprises et dont on peut attendre des retombées positives en termes de prévention.

Sur les fonds de l'amiante, et comme elle l'avait signalé l'année dernière, la commission regrette la mutualisation du financement du Fcaata. La mesure qui impose la compensation intégrale des pertes de recettes du fonds par la branche AT-MP menace en effet de placer celle-ci en situation de déficit structurel.

Sur l'évolution des risques professionnels, la commission se félicite de la confirmation de la tendance à la réduction du nombre des accidents du travail. Elle s'inquiète en revanche de la persistance d'un haut niveau de maladies professionnelles, et notamment de l'acuité prise par les questions de santé liées au stress au travail. Elle signale, sur ce point, la création récente, en son sein, d'une mission d'information consacrée au problème du mal-être au travail.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'analyse du financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) doit, cette année plus encore qu'auparavant, être abordée dans une perspective plus large que la simple conjoncture. En effet, la branche, jusqu'à présent proche de l'équilibre et même excédentaire en 2008, semble devoir connaître des déficits croissants et plus que proportionnels à la baisse des recettes, tant pour l'année en cours que pour l'année prochaine. Par ailleurs, et peut-être surtout, une actualité tragique a souligné l'importance des troubles psychosociaux liés au travail et la difficulté pour les entreprises à y faire face 1 ( * ) .

La branche AT-MP semble toutefois bien équipée pour affronter ces difficultés. Elle bénéficie de deux avantages qui découlent de la loi du 9 avril 1898 : d'une part, un système de cotisation dynamique (76 % du financement de la branche sont assurés par les cotisations patronales) assis sur des principes acceptés par l'ensemble des partenaires sociaux ; d'autre part, une législation, tant communautaire que nationale, complète et particulièrement protectrice 2 ( * ) .

La volonté continue des pouvoirs publics, appuyée sur un financement efficace, a permis une baisse importante des accidents du travail. Leur nombre a ainsi baissé de 13,7 % entre 2000 et 2008. Cette moyenne cache pourtant d'importantes disparités entre secteurs d'activité, les métiers de l'industrie ayant davantage bénéficié de l'augmentation de la sécurité au travail que ceux des services, notamment le secteur du nettoyage. Par ailleurs, le nombre de maladies professionnelles reconnues a augmenté sur la période. La constance dans l'effort national en faveur de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles reste donc primordiale, de même que la poursuite de l'adaptation des normes aux nouvelles formes de risque, sous peine d'entraîner rapidement une dégradation des conditions de travail.

Malgré une baisse importante des recettes liée à la réduction de la masse salariale, le financement envisagé au titre de l'année prochaine permet la poursuite de ces objectifs. Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait envisagé pour 2010 un objectif de dépenses de 13,2 milliards d'euros, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche à 12,9 milliards d'euros pour tenir compte de l'impact économique de la crise financière. Si l'on tient compte des dépenses qui devraient être effectivement réalisées en 2009, de l'ordre de 12,6 milliards d'euros, la progression des dépenses entre 2009 et 2010 serait de l'ordre de 2,33 %.

Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2007

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009 (p)

2010 (p)

Objectif de dépenses

11,4

11,8

13

12,9

Dépenses réalisées

12

12,1

12,6

Ecart

0,6

0,3

-0,4

(p) : prévision

Les dépenses de la branche AT-MP relèvent à plus de 81 % du régime général, soit 11,4 milliards d'euros en 2010.

La branche AT-MP du régime général, en déficit de 2004 à 2007, était redevenue bénéficiaire en 2008 (ce qui ne s'était plus produit depuis 2001) en enregistrant un solde excédentaire de 241 millions d'euros. Mais, sous les effets conjugués de charges particulièrement dynamiques et d'un contexte économique très défavorable, le solde redeviendrait nettement déficitaire en 2009, à hauteur de 649 millions. La prévision pour 2010 fait état d'une aggravation du déficit de près de 140 millions, le solde négatif s'établissant donc à 787 millions.

Résultats nets de la branche depuis 2004

En droits constatés et en millions d'euros

Cnam AT-MP

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Résultat

- 184

- 438

- 59

- 455

+ 241

- 649

- 787

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

Ces déficits résultent, pour partie, de l'augmentation des transferts incombant à la branche, et plus particulièrement le versement à l'assurance maladie et au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) de sommes beaucoup plus importantes depuis 2009. Néanmoins, les projections pour 2009, selon lesquelles les recettes ne représenteraient que 94,2 % des dépenses, et pour 2010, où ce pourcentage s'établirait à 93 %, laissent penser que la branche est engagée dans une tendance déficitaire.

I. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE SELON LES TYPES DE SINISTRES

Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité. L'objectif premier des pouvoirs publics est bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2008, un peu plus de 1,3 million de sinistres ont été reconnus pour le seul régime général de sécurité sociale, et les deux tiers d'entre eux ont donné lieu à un arrêt de travail. La fréquence des accidents est en baisse continue depuis 2001, passant de 42,8 à 38 accidents déclarés en 2009 pour mille salariés. L'évolution du nombre de maladies professionnelles est, en revanche, défavorablement orientée ; toutefois, ceci traduit, au moins pour une part, une amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.

A. UNE TENDANCE À LA DIMINUTION DE LA FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (85 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (10 %) et les maladies professionnelles (5 %) 3 ( * ) .

1. Des accidents du travail moins nombreux

Le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des six dernières années, baissant en moyenne de 2,5 % par an. Il avait semblé, ces deux dernières années, se stabiliser, mais est reparti à la baisse en 2008 marquant un nouveau recul de 2 %.

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

1 185 291

1 152 865

1 139 063

1 144 404

1 145 018

1 122 349

* données estimées Source : Cnam, statistiques trimestrielles juin 2009

2. Des accidents du travail globalement moins graves

Pour ce qui concerne le régime général, après une orientation à la hausse sur les années 2005 à 2007, le nombre d'accidents de travail avec arrêt s'inscrit à la baisse en 2008. Cette année enregistre en effet à la fois une diminution de 2,2 % du nombre d'accidents du travail avec arrêt par rapport à 2007 et une augmentation de l'activité salariée, avec une hausse des effectifs de 1,3 % : il en résulte une diminution de l'indice de fréquence, qui atteint un niveau inédit de trente-huit accidents avec arrêt pour mille salariés en 2008.

Après plusieurs années d'augmentation, le nombre de nouvelles incapacités permanentes recule aussi depuis 2006, avec une diminution de 5,1 % en 2008 par rapport à l'année précédente. De même, le nombre de décès est en baisse après une augmentation en 2006 et 2007, avec une diminution de 8,5 % en 2008 par rapport à l'année précédente.

Evolution de la gravité des accidents de travail pour les années 2004 à 2008

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre d'accidents avec arrêt

692 004

699 217

700 772

720 150

703 976

- 4,1%

1,0%

0,2%

2,8%

-2,2%

Nombre d'accidents avec incapacité permanente

51 771

51 938

46 596

46 426

44 037

6,1%

0,3%

- 10,3%

- 0,4%

- 5,1%

Nombre de décès

626

474

537

622

569

- 5,3%

- 24,3%

13,3%

15,8%

- 8,5%

Indice de fréquence

39,5

39,1

39,4

39,4

38,0

- 3,5%

- 1,0%

0,7%

0,1%

- 3,5%

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Les différentes activités professionnelles sont à l'origine d'accidents variables en nombre et en gravité.

Au cours des trois dernières années, les accidents de plain-pied, les chutes de hauteur et les accidents liés à la manutention manuelle sont à l'origine de plus de 70 % des accidents du travail avec arrêt. La manutention manuelle est la principale source d'accident : elle provoque plus d'un tiers des accidents du travail avec arrêt (34,2 % en 2008) ; au sein des nouvelles incapacités permanentes, elle reste au premier plan, avec une proportion de 31,7 % de l'ensemble des nouvelles incapacités permanentes en 2008.

Les accidents de travail routiers demeurent toujours la principale cause de décès et leur part relative au sein des accidents mortels est en augmentation depuis 2007 (23,2 % des décès en 2008 et en 2007, contre 21,6 % en 2006).

Le secteur du bâtiment - travaux publics (BTP) est celui qui enregistre encore en 2008 le plus d'incapacités permanentes et de décès ; cependant, l'orientation de leur nombre est en recul, avec une diminution des incapacités permanentes de 6,3 % et des décès de 15,8 % (155 décès en 2008, contre 184 en 2007).

Ainsi, dans la plupart des secteurs, le nombre et la gravité des accidents du travail sont orientés à la baisse.

B. UNE AUGMENTATION CONTINUE DES ACCIDENTS DE TRAJET

En revanche, les accidents du trajet, c'est-à-dire les accidents survenus sur le trajet séparant la résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ou le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas, continuent d'augmenter, contrairement à la tendance que l'on croyait pouvoir observer l'an dernier. Après avoir notablement diminué en 2003 et 2004, le nombre d'accidents de trajet avec arrêt est en effet en augmentation pour les années 2005 à 2008, avec en 2008 une hausse de 2,8 % par rapport à 2007.

Toutefois, le nombre d'incapacités permanentes consécutives aux accidents de trajet est orienté à la baisse depuis 2005 et enregistre en 2008 une diminution de 7,2 % par rapport à l'année précédente. Après une augmentation en 2007, les accidents mortels sont à nouveau en régression en 2008 (- 4,9 % par rapport à 2007).

Evolution du nombre et de la gravité des accidents de trajet
pour les années 2004 à 2008

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre d'accidents avec arrêt

78 280

82 965

83 022

85 442

87 855

- 5,5 %

6,0 %

0,1 %

2,9 %

2,8 %

Nombre d'accidents avec incapacité permanente

10 089

9 593

8 856

8 646

8 022

2,9 %

- 4,9 %

- 7,7 %

- 2,4 %

- 7,2 %

Nombre de décès

486

440

384

407

387

- 4,3 %

- 9,5 %

- 12,7 %

6,0 %

- 4,9 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Le secteur des services II est encore en 2008 celui qui enregistre le plus grand nombre d'accidents de trajet avec arrêt (21 210 accidents), de nouvelles incapacités permanentes et de décès.

Ainsi, si la gravité globale des accidents du trajet semble en diminution, la progression du nombre de ces accidents reste préoccupante, particulièrement dans le secteur des services.

C. UNE AUGMENTATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES DIFFICILE À INTERPRÉTER

De même, contrairement à ce que l'on pouvait espérer au regard des chiffres disponibles l'an dernier, le nombre de maladies professionnelles (MP) reste en augmentation en 2008, avec une hausse maintenue de 3,6 % par rapport à 2007. Ces données restent néanmoins difficiles à interpréter.

1. Une hausse régulière des maladies professionnelles

Non seulement les maladies professionnelles dans leur ensemble progressent, mais les nouvelles incapacités permanentes liées aux maladies professionnelles sont également en augmentation en 2008, avec une hausse de 2,2 % par rapport à l'année précédente. Après avoir beaucoup augmenté en 2004, le nombre de décès a diminué pendant les années 2005 à 2007, mais remonte à nouveau en 2008 (+ 1,2 % par rapport à 2007).

Evolution du nombre de maladies professionnelles pour les années 2004 à 2008

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de MP réglées

36 871

41 347

42 306

43 832

45 411

6,4 %

12,1 %

2,3 %

3,6 %

3,6 %

Nombre de MP
avec incapacité permanente

19 155

21 507

22 763

22 625

23 134

21,9 %

12,3 %

5,8 %

- 0,6 %

2,2 %

Nombre de décès

581

493

467

420

425

19,8 %

- 15,1 %

- 5,3 %

- 10,1 %

1,2 %

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Les secteurs d'activité les plus pathogènes sont ceux des industries du bois, ameublement, papier-carton, pour lesquels on a dénombré l'an passé 5,4 maladies professionnelles supplémentaires reconnues pour mille salariés, devant ceux des industries chimiques et du BTP (3,8 pour mille). Ces chiffres restent quasiment constants par rapport aux années précédentes.

L'augmentation du nombre de maladies professionnelles résulte, pour partie, de l'élargissement du champ des maladies professionnelles reconnues et d'une meilleure information des médecins et des salariés. Mais elle s'explique aussi par le développement de plusieurs pathologies, qui ne sont pas sans conséquence sur le plan sanitaire.

2. Les principales pathologies d'origine professionnelle

Trois grands types d'affections concentrent l'essentiel des cas de maladies professionnelles reconnues :

les affections périarticulaires : causées par certains gestes ou postures de travail, elles représentent 74 % des maladies professionnelles entraînant un arrêt de travail reconnues en 2008, avec une part représentative au sein des maladies professionnelles croissante d'année en année ;

les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante constituent 12 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2008 ;

les affections chroniques du rachis lombaire , enfin, occupent toujours une part importante, mais décroissante, des maladies professionnelles (6 % en 2008).

Les autres pathologies les plus fréquentes sont les allergies, les surdités, les affections respiratoires...

La répartition est un peu différente si l'on considère les maladies professionnelles qui occasionnent une incapacité permanente . En effet certaines pathologies, en raison de leur gravité, s'accompagnent plus fréquemment que d'autres d'une incapacité permanente. C'est notamment le cas des maladies de l'amiante : l'an passé, 92 % des maladies de l'amiante ayant donné lieu à un arrêt de travail se sont accompagnés de la reconnaissance d'une incapacité permanente, contre 51 % en moyenne pour l'ensemble des maladies professionnelles, de sorte que les seules maladies dues à l'amiante représentent 22% des maladies avec incapacité permanente. A contrario , les maladies périarticulaires , moins graves, ne représentent que 59 % du total des maladies professionnelles avec incapacité permanente.

3. Des données à interpréter avec précaution

Certains accidents et maladies professionnelles ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de la Cnam parce qu'ils n'ont pas été déclarés ou reconnus comme tels. Les dépenses qu'ils occasionnent sont alors prises en charge par la branche maladie. Depuis 1997, la branche AT-MP effectue chaque année un reversement à la branche maladie pour compenser ces sommes indûment mises à sa charge . Une commission, présidée actuellement par Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes, se réunit régulièrement pour évaluer les montants financiers en jeu. Elle a remis son dernier rapport en juillet 2008.

a) Le phénomène de sous-déclaration

Les accidents du travail doivent être déclarés par l'employeur à la caisse de sécurité sociale compétente tandis que les maladies professionnelles doivent être déclarées par la victime. Plusieurs facteurs concourent à une sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Selon le rapport Diricq, la réticence de certains employeurs à déclarer les accidents du travail peut s'expliquer par leur souci d'éviter une hausse de leurs cotisations AT-MP. Le taux de cotisations est en effet plus élevé lorsque le nombre de sinistres constatés dans l'entreprise s'accroît. Plus généralement, la volonté de certaines entreprises d'apparaître exemplaires aux yeux de leurs salariés ou de leurs clients pourrait, paradoxalement, conduire à la dissimulation d'accidents mineurs.

La sous-déclaration des maladies professionnelles résulte, pour une large part, du manque d'information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu'elles manipulent ni leurs droits au regard de la sécurité sociale. Un salarié peut également s'abstenir de déclarer une maladie professionnelle par crainte de perdre son emploi. Le caractère forfaitaire de la réparation offerte par la branche AT-MP peut enfin conduire certaines victimes à estimer qu'il est préférable, sur le plan financier, d'emprunter une autre voie d'indemnisation, par exemple en cas d'accident de la route.

Par ailleurs, les médecins de ville comme les praticiens hospitaliers ont rarement le réflexe de s'interroger sur l'éventuelle origine professionnelle d'une pathologie, surtout si celle-ci est multifactorielle, c'est-à-dire susceptible de résulter à la fois de facteurs professionnels et personnels.

b) La sous-reconnaissance des maladies professionnelles

Une maladie est reconnue d'origine professionnelle :

- si elle figure dans un tableau, fixé par décret en Conseil d'Etat, qui recense les maladies présumées être d'origine professionnelle ;

- ou si le salarié est reconnu atteint d'une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), dont l'avis s'impose à la caisse de sécurité sociale.

Cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. Des pathologies émergentes ou mal connues peuvent ne pas figurer sur les tableaux de maladies professionnelles.

Un autre problème, de nature scientifique cette fois, tient à la difficulté à déterminer parfois la cause exacte d'une affection. La ligne de partage entre les maladies professionnelles et les autres peut être délicate à déterminer, ce qui explique que les taux de reconnaissance puissent différer de façon significative d'une CPAM à une autre.

c) Evaluation du phénomène

La sous-déclaration des accidents du travail semble relativement limitée, tout au moins pour les accidents ayant occasionné un arrêt de travail. Le rapport Diricq estime le taux de sous-déclaration aux alentours de 5 %, ce qui correspondrait à 38 000 accidents avec arrêt. Cette estimation est opérée en comparant les statistiques de la Cnam aux informations recueillies par la Dares 4 ( * ) grâce à ses enquêtes auprès des salariés et des entreprises.

La sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles seraient de plus grande ampleur. Il convient cependant d'être prudent en la matière puisqu'elles sont appréciées à l'aide d'études épidémiologiques relatives au nombre de sinistres d'origine professionnelle, qui ne sont pas exhaustives et reposent sur des méthodologies et des hypothèses complexes.

Pour évaluer le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance, la commission Diricq a d'abord estimé le nombre de sinistres non pris en compte dans les statistiques de la Cnam et l'a rapporté au coût moyen attaché à ces accidents et maladies. Compte tenu des incertitudes qui viennent d'être indiquées, la commission a abouti à une fourchette assez large, comprise entre 564,7 millions et 1,015 milliard d'euros .

Le précédent exercice d'évaluation, réalisé en 2005, avait conclu à une fourchette comprise entre 356 et 749 millions. L'écart par rapport à l'évaluation réalisée cette année tient à trois causes principales :

- un effet de champ, la commission Diricq s'étant attachée en 2008 à évaluer les coûts liés à des pathologies non prises en compte antérieurement, comme les dermatoses et les broncho-pneumopathies ;

- l'augmentation du coût du traitement des pathologies ;

- l'augmentation des effectifs salariés.

La commission formule de nombreuses propositions destinées à réduire la sous-déclaration et la sous-reconnaissance. Elle insiste notamment sur l'amélioration de l'information et de la formation des salariés et des élus du personnel, notamment les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi que les professionnels de santé. Il faut veiller aussi à une actualisation régulière des tableaux de maladies professionnelles et à une diminution des disparités observées dans les décisions des différentes CPAM et CRRMP. Chaque caisse devrait également mettre en place une procédure d'aide à la déclaration des maladies et d'accompagnement des victimes.


L'accord national interprofessionnel sur le stress au travail

Les effets du stress au travail sur la santé des salariés sont particulièrement difficiles à prendre en compte. Le rapport Diricq souligne pourtant que « depuis une quinzaine d'années, le stress professionnel apparaît comme l'un des risques majeurs auxquels les salariés ainsi que les entreprises sont confrontés. Il est favorisé par les évolutions récentes du monde du travail (flexibilité, intensification de la charge de travail, flux tendu, optimisation en gestion, etc.) » . Il ajoute que le stress peut avoir un lien avec « l'apparition de problèmes de santé mineurs ou de maladies beaucoup plus graves (dépression, troubles musculo-squelettiques, pathologies cardiaques) » .

Les partenaires sociaux ont conclu le 2 juillet 2008 un accord sur le stress au travail, qui transpose un accord européen du 8 octobre 2004 sur le même sujet. Cet accord, qui contient peu de dispositions précises, dresse la liste des facteurs qui permettent d'identifier un problème de stress au travail, rappelle les responsabilités des employeurs et des salariés et donne des pistes d'action destinées à éliminer ou à réduire le stress au travail (amélioration de l'organisation et des conditions de travail, information et formation des salariés et du personnel d'encadrement notamment.

II. LE RISQUE D'UN DÉFICIT STRUCTUREL ?

Après un exercice 2008 légèrement excédentaire, les circonstances économiques ainsi que de nouvelles charges ont grevé lourdement les comptes de la branche pour l'exercice 2009. Le retour attendu de la croissance ne sera malheureusement pas suffisant pour compenser l'augmentation continue des charges : l'exercice 2010 devrait voir le déficit s'accentuer, les recettes ne représentant plus que 93 % des dépenses. Le risque de l'émergence d'un déficit structurel ne peut donc pas être écarté.

A. DES RECETTES MARQUÉES PAR LA DIMINUTION DE LA MASSE SALARIALE

1. Les recettes de la branche

Les recettes de la branche AT-MP se composaient en 2008 de 76 % de cotisations patronales nettes, de 0,4 % de cotisations prises en charge par l'Etat, de 19 % de recettes fiscales affectées et de 4,5 % de produits divers (recours contre tiers, produits financiers, produits de gestion courante...). Les cotisations patronales globales (c'est-à-dire les cotisations patronales nettes augmentées des exonérations compensées par l'Etat ou par le panier de recettes fiscales) représentent en définitive plus de 95 % des recettes de la branche .

Le taux de cotisation AT-MP, fixé à 2,285 % depuis 2006, devrait rester inchangé l'an prochain. Il s'agit là d'un taux moyen, le taux effectivement appliqué à chaque entreprise variant en fonction du nombre de sinistres qui lui sont imputables au cours des trois dernières années, selon des modalités qui varient avec la taille de l'entreprise.


La détermination du taux de cotisation d'une entreprise


• Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur ;

- un souci de prévention , le montant de la cotisation étant fixé selon le risque survenu dans chaque entreprise ;

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurantielle du système de sécurité sociale.


• Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise et les salaires. Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de dix salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de deux cents salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).


• Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement. A défaut, ils sont déterminés par arrêté interministériel.

Puis les caisses régionales d'assurance maladie déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission. Elles disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes, pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

Produits de la branche AT-MP (Cnam)

2006

2007

%

2008

%

2009

%

2010*

%

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

9 654,3

10 210,7

5,8

10 753,6

5,3

10 485,6

-2,5

10 598,1

1,1

Cotisations patronales nettes

7 412,0

7 678,4

3,6

8 220,6

7,1

8 009,3

-2,6

8 056,4

0,6

Cotisations patronales

7 518,6

7 781,5

3,5

8 358,9

7,4

8 180,1

-2,1

8 204,7

0,3

Cotisations nettes de provisions
(créances sur cotisation)

- 12,5

- 12,0

- 3,8

13,9

-

0,2

-98,4

- 38,5

-

Pertes sur créances irrécouvrables
(sur cotisations)

- 94,1

- 91,0

- 3,3

- 152,2

67,3

- 171,0

12,3

- 109,8

-35,8

Cotisations prises en charge par l'Etat

258,7

287,9

11,3

40,3

- 86,0

38,2

- 5,3

40,0

4,8

Impôts et taxes affectés

1 620,0

1 828,6

12,9

2 022,6

10,6

1 995,0

- 1,4

2 058,3

3,2

Transferts entre organismes de sécurité sociale

2,9

4,9

65,6

15,8

-

5,8

-63,1

6,1

5,1

Divers produits techniques

360,6

410,9

13,9

454,3

10,6

437,2

- 3,8

437,2

0,0

Recours contre tiers

330,6

380,5

15,1

416,4

9,4

400

- 3,9

400,0

0,0

Produits financiers

2,3

0,6

-75,5

0,7

22,2

0,0

- 97,5

0,0

0,0

Autres divers produits techniques

27,7

29,8

7,8

37,2

24,7

37,2

0,0

37,2

0,0

PRODUITS DE GESTION COURANTE

13,6

16,3

19,9

16,3

0,5

16,3

0,0

16,3

0,0

TOTAL DES PRODUITS

9 667,9

10 277,0

5,8

10 769,9

5,3

10 501,9

- 2,5

10 614,4

1,1

* prévisions Source : direction de la sécurité sociale

2. L'impact contrasté des évolutions des différents produits

En 2008 , les recettes de la branche, reproduisant la hausse des cotisations patronales globales, avaient progressé de 5,3 % pour s'établir à près de 10,8 milliards d'euros.

En 2009 , du fait d'un contexte économique très défavorable, les recettes de la branche seraient significativement dégradées. Le produit de cotisations, en baisse de 2,1 %, reculerait à un rythme voisin de celui de la masse salariale (- 2 % par rapport à 2008). Par ailleurs, un moindre rendement des recours contre tiers contribuerait au recul des produits de la Cnam AT-MP. Au total, les recettes s'élèveraient à 10,5 milliards d'euros, en baisse de 2,5 % par rapport à 2008.

En 2010 , l'impact négatif du recul de la masse salariale de 0,4 % sur le produit de cotisations serait atténué par un ralentissement des exonérations générales. Le produit de cotisations progresserait de 0,3 %. Compte tenu de la croissance des impôts et taxes affectés (3,2 %), les produits de gestion technique augmenteraient de 1,1 % par rapport à 2009. L'ensemble des recettes de la Cnam AT-MP progresseraient au même rythme et s'élèveraient cette année à 10,6 milliards d'euros.

Les paramètres de l'évolution des recettes de la Cnam AT-MP

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

2010 (p)

Masse salariale du secteur privé

+3,4 %

+4,3 %

+4,8 %

+4,5 %

-2,0 %

-0 ,4%

- effectifs du secteur privé

+0,6 %

+1,2 %

+1,6 %

+0,9 %

-2,7 %

-2,3%

- salaire moyen du secteur privé

+2,8 %

+3,1 %

+3,2 %

+3,6 %

+0,7 %

+1,9%

Taux net de cotisations employeurs

2,185 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

2,285 %

(p) prévisions Source : direction de la sécurité sociale

B. UNE AUGMENTATION PLUS FAIBLE DES CHARGES EN 2010

1. La structure des charges de la branche

En 2008, les dépenses de prestations représentent un peu plus de 71 % des charges de la Cnam AT-MP. Le solde est constitué à près de 21 % par des transferts techniques vers d'autres régimes et fonds (mines, salariés agricoles, Cnam maladie, Fcaata, Fiva, caisse nationale de solidarité pour l'autonomie...) et des charges de gestion courante et de diverses charges techniques, ces dernières comprenant la provision passée au titre des déficits du Fcaata. Cette répartition est stable d'année en année.

Les prestations versées par la Cnam au titre des accidents du travail, des accidents du trajet et des maladies professionnelles progressent continuellement et atteignent 7,2 milliards d'euros en 2008, dont 6,2 milliards hors soins :

- les prestations pour incapacité permanente représentent 54 % du total ; parmi celles-ci, 97 % sont versées sous forme de rente : il s'agit des indemnités accordées quand l'incapacité est supérieure à 10 % ;

- les indemnités pour incapacité temporaire représentent les 46 % restants ; plus des deux tiers de ces prestations (2,28 milliards en 2008) recouvrent les indemnités journalières versées par la Cnam lorsque les arrêts de travail sont imputables à des AT-MP, le reste représentant les dépenses de soins qui leur sont consécutives.

2. Une augmentation moins rapide des charges

En 2007, la croissance des charges de la branche avait été particulièrement soutenue, à hauteur de 9,4 % pour atteindre 10,8 milliards d'euros. En 2008, elles ont diminué de 1,4 % pour s'élever à 10,5 milliards.

Cette contraction s'explique pour l'essentiel par :

- le net recul des dépenses hospitalières de la branche ;

- la fixation de la provision des besoins de financement du Fcaata à 23 millions en 2008 contre 150 millions inscrits en 2007 ;

- la baisse de 121 millions de la compensation versée au régime des mines ;

- une moindre progression des autres charges en 2008 qu'en 2007.

En 2009, les charges de la branche retrouveraient une forte croissance (5,9 %) largement imputable à l'augmentation de 300 millions d'euros du transfert à la Cnam au titre de la sous-déclaration des AT-MP dont la hausse pèserait pour près de trois points dans la croissance totale des charges. Dans une moindre mesure, cette hausse résulterait de l'augmentation de 30 millions de la dotation de la branche au Fcaata et celle des prestations légales à hauteur de 3,6 %.

En 2010 , l'ensemble des charges devraient progresser moins vite (2,2 %, après 5,9 % en 2009). Les dépenses de prestations conserveraient une dynamique proche de celle de 2009. Elles croîtraient de 3,4 % en 2010. En revanche, le ralentissement des charges proviendrait pour l'essentiel du maintien à leur niveau de 2009 des transferts à la Cnam au titre de la sous-déclaration et aux fonds amiante.

Les charges de la Cnam AT-MP
(présentation PLFSS 2010)

(en millions d'euros)

2006

2007

%

2008

%

2009

%

2010*

%

CHARGES DE GESTION TECHNIQUE

8 930,9

9 874,9

10,6

9 723,9

- 1,5

10 327,8

6,2

10 558,8

2,2

Prestations

6 955,1

7 464,4

7,3

7 494,4

0,4

7 787,8

3,9

8 036,7

3,2

Prestations légales

6 744,0

7 244,0

7,4

7 260,8

0,2

7 518,3

3,5

7 775,1

3,4

Prestations extralégales

4,8

4 9

1,5

3,8

- 21,3

3,8

- 1,8

3,9

3,5

Autres prestations

189,7

182,8

- 3,6

208,5

14,0

238,9

14,6

232,0

- 2,9

Dotations nettes aux provisions (pour prestations)

4,7

18,9

-

10,8

- 42,6

16,4

51,8

15,2

- 7,5

Pertes sur créances irrécouvrables (pour prestations)

11,9

13,8

15,4

10,4

- 24,1

10,4

0,0

10,4

0,0

Transferts entre organismes de sécurité sociale

897,0

1 068,6

19,1

962,0

- 10,0

1 268,4

31,9

1 244,2

- 1,9

Compensations

567,0

658,5

16,1

551,7

- 16,2

558,2

1,2

533,9

- 4,3

Compensation avec le régime des Mines

460,3

545,2

18,4

436,1

- 20,0

443,7

1,7

419,4

- 5,5

Compensation avec le régime des salariés agricoles

106,6

113,3

6,2

115,6

2,0

114,5

- 1,0

114,5

0,0

Transferts divers et autres

330,0

410,1

24,3

410,3

0,1

710,3

73,1

710,3

0,0

Reversement à la Cnam maladie

330,0

410,0

24,2

410,0

0,0

710,0

73,2

710,0

0,0

Autres transferts techniques

1 063,4

1 164,5

9,5

1211,7

4,0

1 237,8

2,2

1 234,4

- 0,3

Contribution au Fcaata

700,0

800,0

14,3

850,0

6,3

880,0

3,5

880,0

0,0

Contribution au Fiva

315,0

315,0

0,0

315,0

0,0

315,0

0,0

315,0

0,0

Contribution au Fcat

45,2

44,0

- 2,8

38,3

- 12,8

34,5

- 10,0

31,1

- 10,0

Contribution au FMES-FMCP

2,4

2,6

7,4

2,2

- 13,7

2,2

0,0

2,2

0,0

Charges diverses

15,5

177,5

-

55,8

- 68,6

33,7

- 39,6

43,5

29,1

Provision du déficit de trésorerie Fcaata

0,0

150,5

-

23,2

- 84,6

7,0

- 69,8

0,0

-

CHARGES DE GESTION COURANTE

795,7

807,0

1,4

805,5

- 0,2

823,2

2,2

842,9

2,4

Transferts FNGA

39,0

39,7

38,7

44,8

46,7

TOTAL DES CHARGES

9 726,6

10 682,0

9,8

10 529,4

- 1,4

11 150,9

5,9

11 401,7

2,2

* prévisions Source : direction de la sécurité sociale

3. Des dépenses de transfert toujours élevées

On l'a vu, une part importante des charges de la branche AT-MP est constituée de dépenses de transfert vers d'autres régimes de sécurité sociale, vers la branche maladie du régime général ou vers différents fonds, notamment ceux dédiés aux victimes de l'amiante. Après avoir augmenté de plus de 13 % en 2007 puis un peu diminué en 2008 (- 2,7 %), ces charges devraient à nouveau augmenter fortement en 2009, de 15,3 % par an, avant de se stabiliser, voire de connaître, en 2010, un léger recul de 1,1 %.

La charge des transferts reste donc globalement croissante sur la période : entre 2004 et 2010, leur poids relatif, rapporté aux cotisations patronales nettes, passerait de 23 % à 31 %.

Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Mines

448,6

483,5

460,3

545,2

436,1

443,7

419,4

MSA

111,3

110,2

106,6

113,3

115,6

114,5

114,5

Branche maladie

330,0

330,0

330,0

410,0

410,0

710,0

710,0

Fcat

58,2

54,5

45,2

44,0

38,3

34,5

31,1

Fcaata

500,0

600,0

700,0

800,0

850,0

880,0

880,0

Fiva

100,0

200,0

315,0

315,0

315,0

315,0

315,0

Total des principaux transferts

1 548,1

1 778,2

1 957,1

2 227,5

2165,0

2497,7

2470,0

Source : Cnam

a) Le transfert à la branche maladie

La branche AT-MP du régime général assure des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Le montant du transfert au régime agricole est assez stable ces dernières années et la compensation au régime des mines devrait le devenir après une évolution plus heurtée.

Elle effectue, de plus, un reversement à la branche maladie du même régime pour compenser la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des AT-MP. En 2007 et 2008, son montant est resté inchangé, à 410 millions d'euros, ce qui le situait dans le bas de la fourchette préconisée par le rapport d'évaluation réalisé en 2005.

Pour 2010, comme pour 2009, le Gouvernement propose de le fixer à 710 millions d'euros . Cette augmentation significative est justifiée par la réévaluation à laquelle a procédé la commission Diricq du coût de la sous-déclaration et la sous-reconnaissance. Les actions tendant à réduire ce phénomène doivent être développées, la situation actuelle n'étant pas financièrement satisfaisante.

b) La contribution aux fonds de l'amiante

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés ayant été exposés à l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP du régime général en est le principal financeur. En 2008, les dotations totales de la branche aux deux fonds ont atteint 1,165 milliard d'euros ; en 2009 et en 2010, il est prévu qu'elles soient de 1,195 milliard (880 millions pour le Fcaata, 315 millions pour le Fiva).

La part des charges liées à l'amiante rapportée aux dépenses totales de la branche AT-MP, pour le régime général, est passée de 12 % en 2001 (1 milliard sur 8,4 milliards de charges) à un peu plus de 18 % en 2008 (2 milliards rapportés à 11,1 milliards de charges), soit une progression de 50 %.

Cette évolution s'explique principalement par la croissance des dotations au Fcaata, qui ont été multipliées par plus de 4 entre 2001 (200 millions) et 2008 (850 millions) en raison de la montée en charge du dispositif.

Vers la stabilisation des dépenses du Fcaata

Depuis 2003, les charges de ce régime sont supérieures aux produits. En 2008, si les charges (+ 1 %) sont en moindre progression que les produits (+ 6 %), leur montant reste supérieur et entraîne un résultat négatif de plus de 12 millions d'euros.

Les capitaux propres sont négatifs depuis 2005 et en diminution continue. Le déficit annuel et cumulé continue de se creuser. Le fonds présente désormais plus de 270 millions d'euros non financés.

Résultats financiers du Fcaata

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

Résultat net

- 33

- 122

- 92

- 118

- 55

-12

-1

Réserve cumulée

128

6

- 86

- 204

- 260

- 272

-273

(p) prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2008

Néanmoins, on observe une réduction régulière du niveau de déficit annuel : celui-ci ne serait plus, pour 2009, que de 1 million d'euros. Cette évolution s'explique par le fait qu'entre 2004 et 2008, du fait de l'accroissement régulier des sorties car les bénéficiaires arrivent à l'âge de la retraite, l'écart s'est creusé entre les nouveaux entrants, qui ont augmenté de 76 %, et les allocataires déjà pris en charge qui n'ont augmenté que de 21 %. Entre 2007 et 2008, on constate près de sept mille sorties, et le nombre d'allocations en cours est en légère baisse car les nouvelles entrées n'ont été que d'environ six mille.

Nombre d'allocataires du Fcaata

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

Entrées

18 032

26 039

33 361

40 397

46 731

52 722

58 659

nc

Sorties

1 351

3 201

6 163

9 029

13 672

18 813

25 436

nc

Nombre d'allocataires

16 681

22 838

27 198

31 368

33 059

33 909

33 233

32 300

(p) prévisions Sources : rapports d'activité du Fcaata jusqu'en 2008 ; projections commission
des comptes de la sécurité sociale de septembre 2009 pour 2009

Dépenses du Fcaata

(en millions d'euros)

2004

2005

%

2006

%

2007

%

2008

%

2009 (p)

%

Charges

650

787

21,3

872

10,5

918

5,3

931

1,4

932

0,2

(p) prévisions Source : rapport annuel du Fcaata, exercice 2008

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général, dont la contribution a progressé de 30 millions d'euros en 2009 et devrait rester stable en 2010. S'y ajoutent le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac et, de 2005 à 2009, le produit de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, ces deux recettes rapportant 30 millions chacune.

Financement du Fcaata

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

Contributions de la branche AT-MP du régime général

500

600

700

800

850

880

Contribution des entreprises

-

68

21

30

34

-

Droits sur les tabacs

28

29

29

29

30

30

Total

528

764

852

885

916

910

(p) prévisions Source :Rapport annuel du Fcaata 2008

Une augmentation continue des charges du Fiva

La situation financière du Fiva reste plus saine que celle du Fcaata, dans la mesure où les dotations qu'il a obtenues ont excédé ses dépenses jusqu'en 2004, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves qui s'élèveront à environ 169 millions d'euros en 2009.

Situation financière du Fiva

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009*

CHARGES

462

432

392

356

424

550

Indemnisations (dont provisions)

457

426

386

350

416

532

Autres charges

5

6

6

6

8

12

PRODUITS

102

347

402

399

419

417

Contributions de la Cnam AT-MP

100

200

315

315

315

315

Contributions de l'Etat

52

48

50

47

47

Autres produits (dont reprise sur provisions)

2

95

40

39

57

54

Résultat net

- 360

- 85

10

45

- 6

- 133

Résultat net cumulé

337

251

261

306

302

169

* budget prévisionnel Source : Fiva 8 e rapport d'activité au Parlement et au Gouvernement

Cependant, cette situation favorable se détériore progressivement. En effet, les dépenses d'indemnisation du fonds en 2008 ont augmenté de 7,5 % par rapport à 2007, alors même que, selon le rapport d'activité du Fiva pour l'année 2008, le nombre de demandes d'indemnisation a marqué une chute brutale (- 39,1 %) pour s'établir à 15 542 l'an passé. Il s'agit là du niveau le plus bas atteint depuis la création du fonds en 2003.

Cette divergence entre le nombre d'indemnisations et les charges du Fiva n'est qu'apparemment paradoxale. Elle s'explique principalement par la part croissante des maladies malignes dans les demandes d'indemnisation : en 2008, elles représentaient plus des deux tiers des indemnisations versées, dont 44 % au titre des maladies broncho-pulmonaires. Il est en effet possible que les mesures ayant conduit à une augmentation exceptionnelle du nombre de dossiers déposés en 2007 (+ 33,2 % par rapport à 2006) produisent leur impact financier en 2008.

L'évolution de l'équilibre du Fiva reste donc difficile à prévoir à moyen terme.

C. UNE BRANCHE EN DÉFICIT TENDANCIEL

Les nouvelles dépenses mises à la charge de la branche en 2009, alliées aux difficultés de la conjoncture économique, ont eu pour effet d'absorber entièrement l'excédent qu'elle avait réussi à dégager en 2008, de la rendre déficitaire en 2009 et d'accroître encore ce déficit en 2010 si l'on en juge par les tableaux d'équilibre présentés par le projet de loi de financement.

1. Le régime général

Le tableau ci-dessous retrace, pour les années 2004 à 2009, le montant des résultats nets de la branche AT-MP de la Cnam, en droits constatés.

Solde net de la branche AT-MP

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

2010 (p)

Résultat net

- 0,2

- 0,4

- 0,1

- 0,5

+ 0,2

- 0,6

- 0,8

(p) prévision s Source : article 45 du PLFSS pour 2010

Contrairement à ce que les chiffres présentés l'an dernier laissaient envisager, le déficit de la branche devrait donc être significatif en 2009 et s'alourdir encore en 2010.

2. Les régimes de base

Compte tenu du poids de la branche AT-MP du régime général dans l'ensemble des régimes de base, son résultat influe fortement sur la situation financière de l'ensemble des branches.

Le résultat net global des régimes de base de la branche autres que le régime général est positif, à hauteur de 9 millions d'euros en 2008. Les prévisions pour 2009 et 2010 tablent respectivement sur un solde excédentaire de 114 et 69 millions d'euros. Ces résultats s'expliquent notamment par les excédents dégagés par le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl).

Le tableau suivant présente les résultats nets des différents fonds et régimes de base de la branche AT-MP :

Situation financière des branches AT-MP des régimes de base

(en millions d'euros)

RÉSULTAT NET

Cnam AT-MP

Salariés agricoles

Exploitants agricoles

Fcata

Ensemble des régimes agricoles (RA)

Fonctionnaires

Fatiacl

CANSSM

EDF-GDF (Base)

SNCF

RATP

Enim

Banque de France

Petits régimes spéciaux

Ensemble des régimes spéciaux (RS)

Fcat

Autres régimes de base (ARB)

RA + RS + ARB

Tous régimes de base

2005

- 438

2

- 8

0

- 6

0

57

8

0

0

0

0

0

0

65

0

0

59

- 379

2006

- 59

- 27

- 32

0

- 59

0

61

- 16

0

0

0

0

0

1

45

0

0

- 13

- 72

2007

- 455

- 12

- 54

1

- 66

0

69

91

0

0

0

8

0

0

169

1

1

104

- 351

2008

241

- 2

- 25

1

- 26

0

77

- 52

0

0

0

6

0

2

34

1

1

9

249

2009

- 649

- 7

28

0

20

0

80

11

0

0

0

0

0

2

94

0

0

114

- 535

2010*

- 787

- 12

- 2

0

- 13

0

85

- 4

0

0

0

0

0

2

83

0

0

69

-718

Enim : établissement national des invalides de la marine Source : direction de la sécurité sociale

Fcat : fonds commun des accidents du travail

Fcata : fonds commun des accidents du travail agricole

Fatiacl : fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales

CANSSM : caisse nationale de sécurité sociale pour les mines

III. ADAPTER LA BRANCHE AUX RISQUES ÉMERGENTS

Au-delà des problèmes conjoncturels de financement, c'est à l'évolution des conditions de travail et donc des risques que la branche AT-MP doit s'adapter. La convention d'objectifs et de moyens signée l'an dernier doit permettre de renforcer la politique menée en matière de prévention, mais il est aussi essentiel, pour que la branche puisse remplir ses missions, de clarifier la nature des indemnisations versées et de mettre en oeuvre des réformes pour garantir la santé des salariés.

A. LA NOUVELLE CONVENTION D'OBJECTIFS ET DE GESTION

La convention d'objectifs et de gestion (Cog) de la branche AT-MP pour la période 2009-2012 a été signée le 29 décembre 2008 par l'Etat, la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et la Cnam, à laquelle ladite commission est rattachée. Cette convention, plus restreinte que celle élaborée pour la période 2004-2006 et prolongée pour les exercices 2007 et 2008, prend partiellement en compte les critiques portées contre celle-ci. Elle devrait surtout permettre une meilleure prévention des risques psychosociaux.

1. Des objectifs plus réalistes et inscrits dans la durée

Comme le soulignait votre rapporteur l'année dernière la mise en oeuvre de la précédente Cog a produit des résultats mitigés en matière de prévention, ce défaut étant attribuable à la définition d'objectifs trop ambitieux, et donc irréalistes. En conséquence, la convention actuelle se montre plus pragmatique, ce qui devrait se traduire par une plus grande efficacité tant en matière de prévention que de réparation.


Liste des programmes d'action de la Cog 2009-2012

Programme 1 : Mise en oeuvre et pilotage des programmes de prévention du réseau centrés sur des cibles et des risques prioritaires

Programme 2 : Développement des partenariats Cram/CGSS et services de santé au travail

Programme 3 : Mise en oeuvre d'un projet national formation en prévention des risques professionnels

Programme 4 : Renforcement des incitations financières a la prévention

Programme 5 : Expérimentations relatives à la mise en oeuvre d'un dispositif de traçabilité des expositions professionnelles

Programme 6 : Prévention de la désinsertion professionnelle

Programme 7 : Homogénéisation des pratiques des caisses dans le domaine de la réparation

Programme 8 : Offre de services individualisés aux victimes

Programme 9 : Rénovation du dispositif de réparation de l'incapacité permanente

Programme 10 : Optimisation de la gestion de la tarification

Programme 11 : Simplification des règles de tarification

Programme 12 : Prévention et répression des fraudes aux AT-MP

Programme 13 : Développement de nouveaux téléservices

Programme 14 : Refonte de l'information en ligne de la branche

Programme 15 : Développement des actions de communication

Programme 16 : Développement et diffusion des études statistiques

Programme 17 : Convergence avec le dispositif européen de statistiques

Programme 18 : Modernisation des systèmes de gestion

Sur le plan de la prévention, les critiques relevant une coordination insuffisante entre l'Etat et la Cnam ont été prises en compte. Un plan national d'actions coordonnées a ainsi été élaboré pour être déployé dans toutes les régions. Il se concentre sur les quatre risques considérés comme prioritaires que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers d'origine professionnelle, le risque routier et les risques psychosociaux, et sur les trois activités à forte sinistralité que sont le BTP, la grande distribution et l'intérim. Des plans d'action régionaux déclinant ces objectifs ont été élaborés au premier semestre 2009 en collaboration avec les instances paritaires régionales.

Est par ailleurs engagée une redynamisation des comités techniques régionaux chargés d'assister les caisses régionales, notamment au travers des études statistiques nécessaires pour déterminer les mesures à prendre ainsi que leur impact : 1,5 million d'euros leur seront alloués chaque année pendant la période couverte par la Cog.

Sur le plan de la réparation, la Cog poursuit l'objectif de lutte contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail. Une nouvelle impulsion a ainsi été donnée à la mise en place de cellules de coordination locales. Celles-ci avaient été créées en 2007, mais leur développement sur le territoire s'était avéré très lent : seules cinq régions en disposaient en 2008. Des cellules devraient être créées dans huit régions supplémentaires d'ici à la fin de l'année, l'objectif étant que chaque région dispose d'une cellule d'ici à 2010.

Le traitement homogène des dossiers sur l'ensemble du territoire est également un objectif de la Cog. Il répond à des critiques répétées, émanant notamment de la Cour des comptes, sur les écarts en termes de reconnaissance des pathologies comme étant d'origine professionnelle. A cette fin, des instructions ont été adressées aux directeurs des organismes locaux et des indicateurs de suivi mis en place. Ce point est d'une particulière importance au regard de la sous-déclaration des sinistres et sera particulièrement suivi par votre commission.

2. La prise en compte des risques psychosociaux

Les risques psychosociaux constituent l'une des priorités de la Cog. L'actualité récente a encore démontré, si besoin en était, l'urgence de mesures de prévention en ce domaine. Le stress au travail a été accentué par la mutation de l'économie de l'industrie vers les services et par l'émergence d'une gestion des ressources humaines fondée sur la réalisation d'objectifs quantifiés et individualisés. C'est donc un phénomène relativement récent. Il avait néanmoins été identifié très tôt, dès le début des années soixante-dix 5 ( * ) .

Le retard pris est d'autant plus dramatique que la loi impose déjà la prise en compte du stress. L'évaluation des risques professionnels qui incombe à l'employeur comporte ainsi celle des risques pour la santé mentale. Surtout, le code du travail met sur le même plan la santé mentale et physique lorsqu'il définit les attributions du CHSCT (article L. 4612-1) ou les obligations en matière de prévention et d'évaluation (article L. 4121-1). Votre commission regrette donc qu'un plan ait été nécessaire, et souligne l'urgente nécessité d'un engagement des entreprises dans les mécanismes de prévention voulus par le législateur et renforcés par la Cog 2009-2012.

B. CLARIFIER LA NATURE DES INDEMNISATIONS VERSÉES

La nature des indemnités versées par la branche doit également être clarifiée afin de remédier aux divergences jurisprudentielles et de permettre le meilleur niveau d'indemnisation.

1. Faut-il fiscaliser les indemnités journalières ?

L'idée de soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités journalières perçues au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle repose sur une analogie que l'on peut qualifier de trompeuse car le régime applicable aux indemnités servies par l'assurance maladie ne peut être de la même nature que celui applicable aux sommes versées par la branche AT-MP.

L'assurance maladie indemnise un risque social, sans faute imputable, et a pour but de maintenir un niveau de revenu jusqu'à la guérison et le retour à un emploi rémunéré. La branche AT-MP a été créée pour rembourser un préjudice dont la responsabilité est présumée imputable à l'employeur. C'est la garantie d'une indemnisation sans recours à une procédure contentieuse qui justifie son caractère forfaitaire. Dès lors, en cas de faute inexcusable de l'employeur ou de responsabilité d'un tiers, leur responsabilité civile peut être recherchée pour obtenir une réparation intégrale.

Or, l'article 885 K du code général des impôts dispose que : « La valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant. » . Il paraît donc contraire à la nature des indemnités versées au titre de la branche AT-MP qu'elles soient soumises à l'impôt sur le revenu, à l'inverse des autres prestations de sécurité sociale. Adopter une autre solution reviendrait à créer une inégalité entre personnes victimes d'un même préjudice, par exemple lors d'un trajet, selon qu'il s'agira d'un accident du travail ou non. Amoindrir les indemnités servies au titre de la branche AT-MP aboutira donc nécessairement à augmenter le recours au contentieux, ce qui est contraire à l'intérêt tant des employeurs que des victimes, et donc à l'objectif fondamental poursuivi par la loi de 1898. Les mesures destinées à permettre l'équilibre des finances publiques, pourtant essentielles, doivent donc faire l'objet d'une analyse précise et nuancée.

2. Comment mettre fin à une divergence jurisprudentielle ?

Une divergence de jurisprudence entre le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation est par ailleurs apparue à la suite des arrêts pris par cette dernière en mai et juin 2009 dans des litiges où un tiers était responsable, en totalité ou partiellement, du dommage survenu à l'occasion du travail.

Conformément à la loi du 9 avril 1898, la présomption de responsabilité de l'employeur entraîne l'indemnisation de la victime par la branche AT-MP. Toutefois, la victime peut se retourner contre le tiers responsable pour obtenir la réparation intégrale, et non plus forfaitaire, du préjudice qu'elle a subi. La caisse exerce alors un recours dit subrogatoire qui lui permet d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a versées ainsi que du capital constitué pour la rente. Ces recours subrogatoires constituent une recette d'environ 400 millions d'euros chaque année pour la caisse.

La divergence de position entre les deux juridictions porte sur l'assiette du recours subrogatoire de la caisse , c'est-à-dire sur la partie de l'indemnité due par le tiers sur laquelle elle peut faire valoir son droit à remboursement. Cette divergence pose à la fois un problème pratique et une question de principe. Concrètement, il s'agit de savoir quelle doit être la répartition, entre la caisse et la victime, des indemnités obtenues après recours contentieux contre un tiers responsable. Cette divergence de jurisprudence pose la question fondamentale de savoir ce qu'indemnise la branche AT-MP ?

Le législateur a déjà donné des éléments de réponse en prévoyant à l'article 25, paragraphe III, de la loi de finances pour 2007 que :

« Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

« Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

« Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. »

Il en découle que les indemnités versées par la caisse doivent d'abord indemniser le préjudice dit patrimonial ou professionnel , c'est-à-dire la perte de revenus causée par l'accident ou la maladie. La Cour de Cassation, dans plusieurs avis contentieux du 29 octobre 2007, et le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 5 mars 2008 6 ( * ) , excluaient donc logiquement l'indemnisation du « déficit fonctionnel permanent », qui constitue un préjudice personnel, des sommes susceptibles d'être récupérées par les caisses, sauf pour elles à apporter la preuve des sommes versées. Comme l'indiquait le commissaire du gouvernement dans ses conclusions 7 ( * ) : « Pour les victimes, un tel système est aussi plus juste, dès lors que les sommes accordées au titre du préjudice personnel sont protégées, sanctuarisées en quelque sorte, sauf preuve du contraire » .

Or, plusieurs arrêts de la chambre criminelle 8 ( * ) et de la deuxième chambre civile 9 ( * ) de la Cour de Cassation ont récemment remis en cause cette analyse commune en affirmant que les caisses peuvent récupérer les sommes allouées au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent . On peut légitimement qualifier cette position nouvelle de particulièrement créative, pour ne pas dire contraire à la loi, car il en ressort que la preuve des sommes versées au titre du préjudice personnel est présumée en l'absence de préjudice professionnel . Cette opinion semble fondée sur des considérations pratiques. Elle a pour but d'assurer le remboursement aux caisses des sommes qu'elles ont engagées, y compris le capital constitué pour la rente, et non les seules sommes déjà versées. En effet, il paraît contraire à la justice qu'une victime puisse percevoir deux fois l'indemnisation d'un même préjudice, au travers de la rente servie par la caisse et au titre de l'indemnisation fixée par le juge. Si les caisses indemnisent le préjudice personnel, il faut donc qu'elles puissent récupérer les sommes en cause auprès du tiers responsable. L'enjeu financier est, on le comprend, particulièrement important. Mais ces considérations posent un problème de principe.

En effet, on peut se demander si les caisses sont fondées à indemniser le préjudice personnel de la victime, comme elles affirment l'être, et si oui sur quel fondement. Le risque est de voir une indemnisation du préjudice personnel différente selon les espèces et que le degré d'indemnisation du préjudice personnel varie selon des critères mal définis.

A l'inverse, si l'indemnisation forfaitaire ne compense qu'une partie du préjudice, on voit mal pourquoi la victime serait privée d'un recours pour la totalité de son préjudice même dans les cas où l'employeur est seul responsable. Si la caisse ne rembourse pas le préjudice personnel, celui-ci risque de ne pas être remboursé, ce qui semblerait pouvoir ouvrir une nouvelle voie contentieuse, remettant en cause l'équilibre trouvé en 1898. La question de ce que doivent indemniser les caisses, posée depuis près de vingt-ans 10 ( * ) , reste donc à trancher. On peut espérer que le programme 9 de la nouvelle Cog qui est destiné à la rénovation du dispositif de réparation de l'incapacité permanente permettra de clarifier la position de la branche sur ce sujet.

Le caractère complexe de ces questions empêche de proposer des solutions simples et rapides. Votre commission souhaite donc engager une réflexion sur ce thème afin de clarifier le régime juridique des indemnisations et donc leur nature.

C. DES RÉFORMES À CONDUIRE

L'avenir de la branche AT-MP ne peut se concevoir isolément de deux réformes importantes : la première, axée sur les mentalités et la cohérence globale des actions menées pour la santé au travail, est déjà en oeuvre au travers du plan santé au travail. L'autre, plus pratique, concerne la médecine du travail, et reste à définir.

1. Le plan « santé au travail »

Le plan « santé au travail » 2005-2009 a fait l'objet d'un bilan à mi-parcours dont les résultats ont été rendus en janvier 2009. Ce décalage temporel est en lui-même la manifestation de l'une des difficultés de mise en oeuvre de ce plan : l'absence d'indicateurs de performance. Néanmoins, plusieurs points forts ont pu être soulignés.

Tout d'abord, la santé au travail fait désormais l'objet d'une politique publique suivie, et pas seulement d'une attention ponctuelle. En effet, la santé des travailleurs est une part intégrante de la santé publique ; elle ne doit pas être considérée comme un simple aspect de la santé environnementale. Il en résulte deux conséquences :

- d'une part, les mesures à prendre en matière de santé ne peuvent relever de la seule négociation entre partenaires sociaux, mais justifient l'intervention des pouvoirs publics, au-delà des remèdes à apporter à des situations de crise, comme celle de l'amiante ;

- d'autre part, les mesures concernant la santé au travail doivent être spécifiques, comme le sont les risques. En effet, le risque environnemental est en général incertain, et c'est le principe de précaution qui est mis en oeuvre. Au contraire, les risques encourus par les travailleurs dans les différentes activités sont en général connus ; c'est l'ampleur des dispositifs de prévention à engager qui est l'objet de débat : ils peuvent aller de la simple obligation pour le travailleur de prendre des précautions personnelles, à l'incitation, voire l'obligation pour l'employeur, d'arrêter des dispositions générales.

Ceci ne remet pas en cause l'importance du travail conduit par l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), qui permet de mieux connaître les risques existants et émergents. Le manque de données scientifiques précises sur les risques a longtemps été dénoncé comme une limite à la mise en oeuvre pratique des mesures de prévention. Il faudra donc veiller à ce que la fusion de l'Afsset avec l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ne se fasse pas au détriment de sa mission spécifique concernant le travail 11 ( * ) .

Au-delà de l'identification des risques, c'est l'effectivité des mesures prises dans les entreprises qui doit être renforcée. En matière de santé au travail, l'enjeu principal est ainsi de s'assurer que les mesures de prévention déjà préconisées seront mises en place dans toutes les entreprises. Le premier plan « santé au travail » a marqué sur ce point deux avancées importantes :

- la modernisation de l'inspection du travail : cent soixante postes d'inspecteurs seront créés en 2010, portant le nombre total de créations de postes depuis 2004 à sept cents, conformément aux objectifs du plan. L'effectivité des mesures adoptées en matière de sécurité des travailleurs devrait s'en trouver renforcée : le nombre d'injonctions adressées aux entreprises, environ neuf cent cinquante par an, est à l'évidence inférieur à la réalité des infractions, et cette lacune est directement liée au manque de moyens humains de l'inspection du travail ;

- le renforcement de l'inspection : celle-ci s'appuie sur la création d'équipes pluridisciplinaires de support au niveau régional, qui permettent aux inspecteurs de bénéficier, notamment, de l'expertise d'ingénieurs et de médecins pour leurs contrôles. Le niveau d'expertise, et donc la reconnaissance, de l'inspection du travail s'en trouveront renforcés.

Le second « plan santé au travail », pour la période 2010 à 2014, est en cours d'élaboration. Il devrait répondre aux critiques adressées au premier plan et s'orienter vers la recherche d'une effectivité plus importante. Il se concentrera sur les risques à moyen terme pour la santé des travailleurs, notamment les cancers, les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux. Un carnet de santé du travailleur sera créé pour permettre un suivi individualisé. Par ailleurs, des indicateurs chiffrés de suivi seront mis en place.

Plusieurs problèmes demeurent néanmoins. Ce second plan, comme son prédécesseur, est essentiellement un instrument de coordination avec les autres instruments de politique publique que sont le plan cancer et le plan santé environnement. Il se propose donc d'agir à moyens constants, ce qui impose de définir des priorités strictes, et amène à négliger certains points importants comme l'hygiène au travail. Si les mesures de prévention de la pandémie grippale H1N1 ont incontestablement un effet sur les habitudes en ce domaine au sein des entreprises, ce sujet, pourtant fondamental, reste trop peu pris en compte.

2. La réforme de la médecine du travail

L'efficacité des mesures de prévention dépend également des moyens dont dispose la médecine du travail. Les effets de la baisse de la démographie médicale se font particulièrement sentir dans les difficultés de recrutement, spécialement pour le secteur public qui n'est pas en mesure de proposer des salaires attractifs. Le rôle des médecins du travail est pourtant appelé à se développer, étant donné notamment le lien établi entre la reprise d'activité après une longue période d'arrêt et les risques psychosociaux.

Parallèlement, la coopération entre médecins généralistes, médecins conseils des caisses et médecins du travail doit être renforcée. Le carnet de santé du travailleur qui devrait être prévu par le second plan « santé au travail » ne saurait être qu'un premier pas en ce sens. Votre commission souhaite que le Parlement puisse être saisi de cette question essentielle pour la sécurité des travailleurs. En effet, il appartient désormais aux pouvoirs publics de se saisir de cette question, la négociation entre partenaires sociaux sur la médecine du travail s'étant achevée le 11 septembre 2009 après sept séances de négociation qui n'ont pas permis d'aboutir à un accord aucune organisation syndicale n'ayant accepté de s'engager.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 .

* 1 Sur ce point, la commission des affaires sociales a constitué, le 28 octobre 2009, une mission d'information de six mois sur le mal-être au travail.

* 2 Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail transposée par loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail.

* 3 Statistiques juin 2009.

* 4 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques auprès du ministère du travail.

* 5 Le modèle théorique permettant de comprendre les effets du stress au travail a été présenté dans un article de A. R. Kagan et L. Levi en 1971.

* 6 N° 272447, concl. Thiellay.

* 7 AJDA 2008, p. 941.

* 8 n° 08-82.666, 08-86.050 et 08-86.465.

* 9 n° 08-17.581 et 07-21.768.

* 10 Rapport de MM. Dorion et Lenoir, La modernisation de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, Igas 1991.

* 11 Cette fusion a été décidée par l'article 115 de la loi HPST.

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