II. EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE DE LA PROPOSITION DE LOI

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La proposition de loi, examinée par votre commission comporte un article unique proposant de compléter les dispositions de l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales qui est relatif à la tarification des services d'eau.

Il est ainsi proposé d'autoriser les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement de participer au financement des aides accordées aux personnes éprouvant des difficultés particulières pour disposer de la fourniture d'eau , en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence.

Des conditions sont toutefois posées à la création d'un tel mécanisme de financement : celui-ci ne peut se faire que sur une base volontaire et dans la limite de 1 % des recettes réelles de fonctionnement qui sont affectées aux budgets des services d'eau et sur le territoire qu'ils desservent.

Le dispositif prévoit également que les communes ou leurs groupements puissent attribuer ces aides par l'intermédiaire des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale .

Enfin, il est prévu que le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement soit informé par la commune ou le groupement, et le cas échéant par l'établissement public, des aides attribuées par ces derniers et de leurs bénéficiaires.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission est convaincue qu'une action est nécessaire en matière de tarification sociale de l'eau . En dépit d'un débat possible sur les différentes options à privilégier en la matière, il existe un véritable consensus politique sur la nécessité d'aider les foyers qui en ont le plus besoin à payer leurs factures d'eau. Concrètement, il s'agit de mettre en oeuvre « l'accès à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » en application de l'article L.210-1 du code de l'environnement.

Le constat selon lequel, aujourd'hui, les sommes alloués au volet « Eau » des Fonds de solidarité logement (FSL) ne permettent pas de répondre aux objectifs dévolus en aidant les personnes qui connaissent des difficultés financière est également largement partagé.

Si les moyens actuellement ouverts aux services publics de l'eau et de l'assainissement par le législateur pour développer une action sociale sur la facture d'eau peuvent être opportunément complétés, il n'en demeure pas moins que ceux-ci doivent s'articuler avec le dispositif existant qui relève de la pleine et entière responsabilité du département , sans exclure bien sûr l'intervention des échelons communal et intercommunal.

1. Inscrire le mécanisme d'aide dans le cadre des dispositifs existants

Un des objectifs de la présente proposition de loi serait ainsi de sécuriser juridiquement l'attribution par les services d'eau et d'assainissement de subventions à des organismes chargés de l'aide sociale, celles-ci n'entrant pas dans leur périmètre d'intervention. Cette ambition mérite d'être saluée. Toutefois, votre commission considère que ce dispositif, tel qu'il est envisagé ne pourra pas être mis en place partout . En effet, si le mécanisme fonctionnerait bien en Île-de-France, ce ne serait pas le cas pour toutes les petites communales rurales qui ne disposent pas de CCAS et qui seraient donc difficilement équipées pour gérer ce dispositif.

En outre, le dispositif de la présente proposition de loi peut aboutir à créer un nouveau circuit de financement, allant du service d'eau au CCAS, sans relation avec le dispositif du FSL, alors même que l'aide aux personnes en situation d'impayés relève des attributions de celui-ci. Or, il importe selon votre commission :

- d'une part, de mettre en place des dispositifs lisibles s'appuyant sur les structures existantes afin de veiller à maîtriser les coûts de gestion . A cet égard, il convient de privilégier la logique du « guichet unique » pour les plus démunis qui ne peuvent plus payer leurs factures d'eau. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il faille s'adresser à des niveaux de collectivités différents selon la nature de la facture (eau, électricité, téléphone) pour laquelle ils sollicitent une aide ;

- d'autre part, de mettre en oeuvre une solidarité entre les communes qui ne sont pas toutes dans les mêmes situations en termes de pauvreté, une péréquation à l'échelle du département étant, à ce titre, préconisée.

- enfin, de faire référence au FSL conformément à l'esprit du projet de loi de réforme des collectivités territoriales , en soulignant le rôle de « chef de file » du département dans ce domaine de l'aide sociale. Le dispositif proposé prévoit ainsi un système de conventionnement entre le gestionnaire du FSL et les services d'eau.

2. Inclure les immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés

Il convient ensuite de répondre à l'une des imperfections du système actuel s'agissant des publics visés puisque le volet « eau » du FSL ne participe pas au paiement des factures d'eau pour les personnes en immeubles collectifs d'habitation . Et ce, au motif que celles-ci ne reçoivent pas de facture de la part d'un distributeur 24 ( * ) d'eau puisqu'elles ne sont pas personnellement abonnées.

Le dispositif proposé par votre rapporteur, complète donc la présente proposition de loi en permettant désormais aux services d'eau d'appuyer l'action du FSL en définissant par convention un mode de calcul 25 ( * ) de la contribution aux charges d'eau en logement collectif d'habitation.

3. Diminuer le taux de contribution proposé

Par ailleurs, le taux de 1 %, proposé par le dispositif de la proposition de loi, apparaît élevé par rapport aux abandons de créance pour les seuls abonnés directs en situation d'impayés compte tenu de difficultés financières (que l'on peut estimer à 0,1 - 0,2 %). Ce taux correspond en fait à l'ensemble des abandons de créance (cessation d'activité, règlement judiciaire, départ sans adresse, etc.). Votre rapporteur estime donc qu'il convient d'éviter qu'un prélèvement sur la facture des abonnés domestiques couvre les montants d'abandons de créance réalisés pour l'ensemble de ces motifs.

C'est pourquoi, un plafond de 0,5 % apparait plus pertinent et lèverait toute ambiguïté sur le domaine couvert . Cette diminution du plafond financier est d'autant plus fondée que le dispositif « préventif » d'aide au paiement des factures devrait, s'il est mis en place, réduire le nombre de personnes en situation d'impayés.

4. Étendre le dispositif proposé aux régies et aux délégataires

L'application du dispositif proposé aux régies dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière doit également être prévue . Or, la présente proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, laisse un vide juridique concernant les situations où le service de distribution d'eau potable ou d'assainissement est confié à un opérateur externe par rapport à la collectivité, que cet opérateur soit public ou privé.

En effet, une régie dotée de la personnalité morale n'est ni une commune, ni un établissement public de coopération intercommunale, ni un syndicat mixte. Elle ne pourra donc pas financer l'aide aux personnes et familles démunies si cela n'est pas expressément prévu par la loi.

De même, certaines collectivités délégantes souhaitent inscrire, dans le contrat de délégation, une participation du délégataire au financement des aides nécessaires pour garantir l'accès à l'eau pour tous. Toutefois, au vu du droit actuel, la légalité d'une telle pratique contractuelle pourrait être contestée puisqu'en vertu de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales : « les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par lesquelles le délégataire prend à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation ».

Votre commission souhaite donc desserrer cette contrainte, ou du moins permettre également aux opérateurs, sur une base volontaire, de participer au financement des aides . En terme de coûts de gestion, l'intérêt de ce dispositif est de supprimer les frais de gestion liés aux procédures d'abandon de créance, tant pour les délégataires que pour les régies.

La question du maintien de la contribution des délégataires sous forme d'abandon de créance pourra être posée. Au plan national, ils se sont engagés par la convention « solidarité-eau » signée en 2000 avec l'État 26 ( * ) , l'AMF et la FNCCR 27 ( * ) , à pouvoir procéder à ces abandons de créance à hauteur de trois millions d'euros par an, la contribution maximum de chaque délégataire étant calculée sur la base de 0,2049 euro par abonné et par an.

Il pourrait par exemple être proposé aux délégataires d'adopter un dispositif analogue à celui retenu par EDF qui procède chaque année à un versement au FSL réparti entre les départements. Ainsi EDF a contribué au FSL à hauteur de 22 millions d'euros en 2009. Toutefois, la mise en oeuvre d'une « contribution au service public de l'eau », par analogie à ce qui est mis en oeuvre pour l'électricité, impose une disposition législative en matière fiscale et votre commission est d'avis de poursuivre la concertation entre les acteurs de l'eau avant d'envisager la mise en place de ce type de mesures.

5. Donner au maire des moyens d'information et d'intervention

Par ailleurs, la proposition de loi examinée entendait « replacer le maire au coeur du dispositif d'aide ». Si, sur les recommandations de votre rapporteur, votre commission a voulu renforcer davantage les mécanismes existants au niveau départemental, elle reconnaît néanmoins le rôle déterminant du maire, dont la connaissance du terrain et des familles démunies ne peut être contestée. C'est pourquoi, elle a souhaité que le gestionnaire du FSL informe 28 ( * ) le maire de toute demande reçue et sollicite son avis avant de procéder à l'attribution des aides.

En outre, et sans préjudice de cette disposition, le maire pourra également saisir le gestionnaire du fonds pour instruction d'une demande d'aide spécifique .

Toutefois afin d'éviter les difficultés dramatiques pour les administrés qui pourraient résulter d'un retard de prise en charge du FSL lié au défaut d'avis du maire, votre commission a prévu que sans réponse du maire dans un délai d'un mois, cet avis soit réputé favorable . Il faut en effet éviter de paralyser le dispositif d'aide en direction des publics en difficulté par une trop grande complexité dans les mécanismes d'attribution 29 ( * ) .

6. Application différenciée pour l'Outre-mer

Enfin, votre commission a, pour des raisons de compétence s'agissant de certaines collectivités, prévu que le dispositif créé par l'article L. 2224-12-3-1 ne s'applique pas respectivement :

- à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon : la non application de cet article s'expliquant par le fait que la loi du 31 mai 1990 ne s'applique pas à ces collectivités ;

- et à Saint-Barthélemy : la non application à Saint-Barthélemy résulte de la compétence de cette collectivité en matière de logement 30 ( * ) .

A l'issue de la réunion du 2 février 2010 et, sur le fondement des observations formulées par votre rapporteur, votre commission a adopté à l'unanimité la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

* 24 C'est le syndic ou le gestionnaire de l'immeuble qui reçoit la facture et en affecte le montant dans les charges de la copropriété ou dans les charges locatives de chaque appartement au prorata des consommations d'eau (ou des surfaces en l'absence de comptage).

* 25 Par exemple en arrêtant le montant de la contribution du service sur la base du nombre de personnes concernées par l'aide et d'une consommation forfaitaire par personne.

* 26 Avec le ministère chargé de la solidarité.

* 27 Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.

* 28 L'article 2 du décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau prévoit déjà une information par le fournisseur du centre communal d'action sociale ou à défaut du maire.

* 29 Eu égard aux milliers de demandes qui sont traitées dans certains départements, l'obligation de saisine des services sociaux communaux ne doit pas rendre le dispositif beaucoup moins réactif et impropres à répondre à la demande de l'usager dans des délais raisonnables.

* 30 C'est aussi le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon.

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